SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2000


M. le président. « Art. 22. - I. - Le compte d'affectation spéciale n° 902-26 "Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables", ouvert par l'article 47 de la loi de finances pour 1995 (n° 94-1162 du 29 décembre 1994), est clos à la date du 31 décembre 2000.
« II. - Les opérations en compte au titre de ce fonds sont reprises au sein du budget général, sur lequel sont reportés les crédits disponibles à la clôture des comptes.
« III. - L'article 47 de la loi de finances pour 1995 précitée et le I de l'article 37 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire sont abrogés.
« IV. - A la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 4 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, les mots : "Fonds d'intervention pour les transports terrestres et les voies navigables" sont remplacés par les mots : "budget de l'Etat".
« V. - Un rapport relatif au bilan du développement de la politique intermodale de transports et au financement des infrastructures de transport sera transmis au Parlement avant le 30 juin 2002. »
Par amendement n° I-49, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un point de principe : le Sénat ne peut souscrire à la suppression du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN. Ce fonds avait été créé, on s'en souvient, en vertu de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, à l'époque présentée par Charles Pasqua.
Le Gouvernement souhaite supprimer ce fonds parce que, ayant négligé l'investissement en infrastructures publiques depuis plusieurs années, le fonds se serait doté d'une trésorerie dormante de plus de 4 milliards de francs.
Si tel est le cas, madame le secrétaire d'Etat, c'est assurément parce qu'il existe un projet d'investissement géré en autorisations de programme et en crédits de paiement, projet dont la marche technique est sans doute un peu plus longue que ce qui était prévu ; la trésorerie correspond donc à des crédits de paiement qui devront être mis au service des différents échéanciers de réalisation.
Le Gouvernement procède à une rebudgétisation. Il affecte au budget général des taxes dynamiques - la taxe sur les ouvrages hydroélectriques concédés, la taxe sur les concessionnaires d'autoroute - et ne donne aucune garantie sur la progression des dépenses à venir d'infrastructures dans le cadre du budget général.
Dès lors, le Parlement se retrouve complètement évincé d'un dispositif qu'il avait contribué à construire et qui garantissait l'affectation de deux recettes spécifiques au progrès des investissements dans le domaine des transports terrestres et des voies navigables.
La commission des finances ne peut, quant à elle, accepter que soit ainsi symbolisé le renoncement des pouvoirs publics à mener une politique d'investissement conforme aux besoins. Elle ne peut qu'insister sur les préoccupations de ses membres, en rappelant que le budget des investissements civils pour 2001 est en baisse et, en tout cas, ne permet pas, loin de là, d'honorer les besoins les plus manifestes de nos territoires,...
M. Paul Masson. Ni les contrats de plan !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... de même que les contrats de plan Etat-région récemment signés, cher collègue Masson, se situent dans un contexte pour le moins flou, dans lequel la portée de la parole de l'Etat est souvent bien sujette à caution.
Mes chers collègues, je le répète, nous ne pouvons pas souscrire à cette rebudgétisation et à ce détournement, en quelque sorte, de taxes qui avaient été créées en 1995 dans une optique bien précise.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. La suppression du FITTVN, qui vous est proposée par l'article 22, complétée par la réorganisation de la présentation du budget des transports, permettra à mon collègue chargé des transports de disposer d'une globalisation des moyens d'engagement au titre des investissements ferroviaires, routiers, fluviaux et liés aux transports collectifs.
Cette suppression facilitera et rendra plus efficace la gestion de ces crédits en faveur d'une politique des transports intermodale.
Je souligne notamment que, contrairement à la situation actuelle des opérations financées par le FITTVN, le ministre chargé des transports bénéficiera de l'ensemble des crédits annuels dès le vote du projet de loi de finances, ce qui favorisera la gestion des opérations. En effet, comme vous le savez, lorsqu'on gère des crédits dans le cadre d'un compte d'affectation spéciale, la dépense est commandée par la disponibilité préalable de la ressource.
En outre, la globalisation de l'ensemble des moyens consacrés au développement des transports permettra une meilleure affectation des crédits en fonction de l'avancement réel des diverses opérations.
Des interrogations se sont fait jour, tout d'abord sur l'évolution des moyens de l'Etat accordés au secteur des transports. Le rapport de la commission des finances expose que les autorisations de programme affectées au transport ferroviaire et fluvial diminueraient de près de 15 %. Permettez-moi de préciser que ce calcul oublie 620 millions de francs destinés au transport combiné et que, par conséquent, ces autorisations de programme sont non pas en diminution de 14,9 % mais en progression de 7 %.
D'autres interrogations sont apparues quant au devenir du stock de trésorerie accumulé par le FITTVN. Ce stock sera intégralement versé en gestion au cours de l'année 2001 sur les chapitres du budget général du ministère des transports, ce qui est logique au regard du principe de transfert de ces opérations sur ce même budget.
Les excédents de l'année 2000, qui, par définition, ne sont pas encore connus, seront, selon le même principe, reversés au budget du ministère des transports de la même façon qu'ils auraient été disponibles si le fonds avait été maintenu.
Je pense donc avoir répondu aux principales interrogations de M. le rapporteur général. Aussi, je souhaite qu'il retire cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-49.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement, présenté par M. le rapporteur général, au nom de la commission des finances, vise à la suppression de l'article clôturant les opérations du compte d'affectation spéciale dénommé « Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables », créé par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dite loi « Pasqua ».
D'une certaine manière, l'article 22 procède donc à un retour des dépenses budgétaires dans le périmètre normal de la loi de finances, orientation dont nous ne pouvons a priori que nous féliciter.
Quant aux fonds et aux comptes d'affectation spéciale, on ne peut se plaindre amèrement de l'existence de certains fonds spéciaux, notamment en matière sociale, et se positionner en défenseur intransigeant d'autres fonds, pourtant dérogatoires aux règles d'universalité budgétaire.
En son temps, le groupe communiste républicain et citoyen s'était d'ailleurs élevé contre la création du compte d'affectation spéciale qui, dès sa première année d'existence, permettait de réduire les engagements budgétaires effectifs de l'Etat et de les noyer dans le solde des comptes spéciaux.
Le temps passant, la véritable question qui nous est aujourd'hui posée est celle de savoir si l'existence de ce fonds répond effectivement aux objectifs qui lui étaient assignés à l'origine, notamment celui de favoriser un développement équilibré des infrastructures de transport, dans un contexte de lisibilité suffisamment grande, lisibilité née de l'affectation des recettes et des dépenses du fonds.
Le rapport, toujours excellemment documenté, de M. le rapporteur général fait état de décalages entre la perception des recettes du fonds, au demeurant assez dynamiques, et l'utilisation effective de ces recettes.
Bon an mal an, c'est en effet une somme de un milliard de francs qui s'avère aujourd'hui inutilisée au titre de chacun des exercices budgétaires, ce qui conduit à la situation que nous connaissons : un solde du FITTVN dans lequel le reliquat non dépensé est plus important que les recettes annuelles et a fortiori que les dépenses.
Est-ce là la marque d'une absence de volonté politique en matière de développement des transports ? C'est ce que vous semblez avancer, monsieur le rapporteur général, alors que la question me paraît autrement plus complexe.
N'oublions jamais que le fonds concerné est un fonds d'investissement ; il est donc loin d'avoir la même forme d'intervention que d'autres comptes d'affectation spéciale qui procèdent plus de la prise en charge des dépenses de fonctionnement normalement imputables au budget général.
Or, qui dit investissement, dans le contexte actuel, dit naturellement financements croisés, sollicitation de partenaires différenciés, au-delà même d'une éventuelle remise en question de certains choix antérieurs d'aménagement : je pense, par exemple, au programme autoroutier.
Pour une part importante, ces investissements, compte tenu de la place de la France dans le paysage européen, ont d'ailleurs un caractère communautaire affirmé, et les engagements publics de notre pays ne peuvent aller de pair qu'avec des engagements structurels au moins équivalents au titre du budget de l'Union européenne.
Les reliquats du fonds d'investissements sont-ils, de ce point de vue, plus condamnables que les excédents budgétaires de l'Europe, excédents nés - vous le savez bien - de la sous-consommation au demeurant parfaitement scandaleuse des fonds structurels ?
Ce que nous devons admettre, avec la clôture du compte d'affectation spéciale, c'est qu'une page est tournée et qu'une nouvelle s'ouvre, à l'occasion de laquelle notre sagacité de parlementaire sera mise à l'épreuve : la consommation effective des crédits d'équipement du ministère des transports devra répondre aux exigences de développement durable que nous nous sommes imposées dans la politique d'aménagement du territoire.
Certaines opérations structurantes essentielles sont en cours : elles nécessitent non pas un débat sans objet sur la nature des fonds sollicités pour les financer mais un débat sur la pertinence des choix et l'apport de ces opérations, une fois réalisées, au développement équilibré de notre pays et de ses régions.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous ne voterons pas l'amendement de suppression n° I-49 de la commission des finances.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Je m'abstiendrai sur cet amendement non parce que je ne suis pas convaincu que, dans le cadre actuel, ce fonds doit être maintenu, mais tout simplement parce que je suis hostile, de façon générale, à l'existence des comptes d'affectation spéciale. Ces derniers doivent, à mon avis, du fait de la règle de l'universalité, être incorporés dans le budget général. Je plaiderai d'ailleurs, tout à l'heure, en faveur de la suppression du compte d'affectation spéciale sur les produits des UMTS. La logique veut donc que je m'abstienne sur l'amendement n° I-49.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'aimerais apporter une précision sur un aspect que les membres du comité de gestion du FITTVN connaissent bien : le solde disponible en trésorerie. On a dit qu'il s'élevait à quelque 4 milliards de francs ; c'est vrai. Mais pourquoi ?
Tout d'abord, il est une règle qui subordonne la disponibilité des autorisations de programme à l'existence de la totalité des crédits de paiement correspondants, c'est-à-dire au rattachement des recettes issues des deux taxes à due concurrence. Cette règle, qui n'est pas, à ma connaissance, issue de l'ordonnance organique, mais qui est une pratique administrative, conduit naturellement à gonfler l'excédent de trésorerie pour des raisons de prudence que l'on peut comprendre, mais que, en l'occurrence, on aurait pu adapter, me semble-t-il, si des instructions en ce sens avaient été données aux contrôleurs financiers du ministère de l'équipement.
Par ailleurs, s'il y a un tel décalage, c'est parce que les projets d'investissement n'ont pas pu être menés au rythme prévu par les services techniques dépensiers, qui sont, au demeurant, des services du ministère de l'équipement, pour l'essentiel. Et chacun sait que, en phase de lancement d'une opération, on constate souvent des retards qui se comblent ensuite.
Vous nous dites, madame le secrétaire d'Etat, que les crédits du FITTVN rendus disponibles en fin de gestion 2000 seront reportés sur le budget des transports. Très bien ! C'est, je dirai, la moindre des choses que des crédits qui devaient abonder des opérations d'infrastructures de transports terrestres ne soient pas récupérés par le budget général et restent à la disposition, en 2000, du ministère de l'équipement et des transports.
Cela dit, pour l'avenir, les deux taxes - 4,5 milliards de francs en 2002 - vont tomber dans le budget général, et les investissements dans les transports terrestres se trouveront ramenés au droit commun des opérations budgétaires.
C'est bien le manque d'ambition que nous critiquons et qui nous conduit en l'occurrence, en effet, cher collègue Fréville, à trouver que ce compte d'affectation spéciale est plus supportable que le FOREC.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-49, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 22 est supprimé.

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