SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2000


M. le président. « Art. 7. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
« I. - Le I de l'article 235 ter ZA est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le taux de la contribution mentionnée à l'alinéa précédent est réduit à 6 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée en 2001 et à 3 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée à compter du 1er janvier 2002. »
« II. - Le premier alinéa du III de l'article 1668 B est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle est ramenée à 6 % de ce montant pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée en 2001 et à 3 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée à compter du 1er janvier 2002. »
« III. - 1. Le b du 1 de l'article 145 est ainsi modifié :
« a) Au premier alinéa ;
« - les mots : "lorsque le prix de revient de la participation détenue dans la société émettrice est inférieur à 150 millions de francs" sont supprimés ;
« - le taux : "10 %" est remplacé par le taux : "5 %" ;
« - les mots : "ce prix de revient et ce pourcentage s'apprécient" sont remplacés par les mots : "ce pourcentage s'apprécie" ;
« b) Au deuxième alinéa, le taux : "10 %" est remplacé par le taux : "5 %" ;
« 2. Au troisième alinéa du a ter du I de l'article 219, après les mots : "des titres ouvrant droit au régime des sociétés mères", sont insérés les mots : "ou, lorsque leur prix de revient est au moins égal à 150 millions de francs, qui remplissent les conditions ouvrant droit à ce régime autres que la détention de 5 % au moins du capital de la société émettrice, ". »
« IV. - Le II de l'article 158 bis est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le taux du crédit d'impôt prévu au premier alinéa est fixé à 25 % pour les crédits d'impôt utilisés en 2001 et à 15 % pour les crédits d'impôt utilisés à compter du 1er janvier 2002. La majoration mentionnée au deuxième alinéa est portée à 50 % pour les crédits d'impôt utilisés en 2001 et à 70 % pour les crédits d'impôt utilisés à compter du 1er janvier 2002. »
« V. - 1. a) La dernière phrase du premier alinéa du 1 de l'article 39 A est ainsi rédigée :
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de l'amortissement dégressif. » ;
« b) Après le premier alinéa du 1 de l'article 39 A, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les taux d'amortissement dégressif sont obtenus en multipliant les taux d'amortissement linéaire par un coefficient fixé à :
« 1,25 lorsque la durée normale d'utilisation est de trois ou quatre ans ;
« 1,75 lorsque cette durée normale est de cinq ou six ans ;
« 2,25 lorsque cette durée normale est supérieure à six ans. »
« 2. Ces dispositions s'appliquent aux biens acquis ou fabriqués à compter du 1er janvier 2001. »
Sur l'article, la parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. Laurent Fabius nous annonçait le plan d'allégement fiscal le plus ample des cinquante dernières années. Or, comme pour les ménages, les mesures fiscales proposées en direction des entreprises correspondent, pour une large part, à un trompe-l'oeil.
En effet, d'un côté, en diminuant le taux de la contribution additionnelle de l'impôt sur les sociétés, le Gouvernement réduit la contribution à acquitter par les sociétés pour 2001. Mais, de l'autre côté, il leur fait supporter une augmentation de leur contribution en aménageant le régime des sociétés mères et filiales, en abaissant tant le taux de l'avoir fiscal pour les personnes morales que le taux de l'amortissement dégressif.
En d'autres termes, l'aménagement de l'impôt sur les sociétés proposé par ce projet de loi représenterait, pour les entreprises, au mieux un allégement de 360 millions de francs en 2001.
Et c'est sans compter les nouveaux prélèvements opérés sur les entreprises par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. En effet, pour financer le passage aux 35 heures, 3,8 milliards seront prélevés en 2001 sur les entreprises au titre de la contribution sociale sur les bénéfices.
Quel contraste par rapport au plan de réduction d'impôt adopté par le parlement allemand ! Pendant que les entreprises françaises seront soumises à un taux marginal effectif de l'impôt sur les sociétés à hauteur de 36,66 %, les entreprises allemandes seront soumises à un taux effectif de l'impôt sur les sociétés de 26,37 %, soit dix points d'écart.
Quel contraste par rapport à la progression du produit net de l'impôt sur les sociétés ! Gardons en mémoire que ce produit s'élevait à 229,7 milliards de francs en 1999, à 253 milliards de francs en 2000 et qu'il est évalué à 279 milliards de francs pour 2001. Ainsi, en 2001, le Gouvernement fait un cadeau de 360 millions de francs aux entreprises, mais, dans le même temps, le budget de l'Etat va percevoir 26 milliards de francs de plus au titre de l'impôt sur les sociétés.
Si l'on veut ramener les prélèvements fiscaux à un niveau plus raisonnable et ne pas décourager l'initiative, il faudra que la réforme de la fiscalité des entreprises soit beaucoup plus ambitieuse. N'oublions pas que la compétitivité des entreprises conditionne le développement économique de nos territoires. Et, sur ce point, il est essentiel, à mes yeux, de tenir compte de la concurrence fiscale intra et extra-européenne. En effet, la globalisation des marchés met les Etats en concurrence et remet en cause les principes fiscaux traditionnels. Or, sans une réforme en profondeur de notre législation fiscale, notre territoire national devient moins attractif pour les entreprises. Le poids de la fiscalité et des charges sociales incite souvent les entreprises à s'expatrier plutôt qu'à faire perdurer leur développement sur le territoire national. Cette situation est regrettable alors que notre pays est une plate-forme entrepreneuriale efficace permettant de dégager une valeur ajoutée par personne qui est la meilleure du monde après les Etats-Unis.
Pour toutes ces raisons, je ne peux soutenir les aménagements de l'impôt sur les sociétés proposés par le Gouvernement. Comme pour les mesures en faveur des ménages, ce projet de loi de finances est une occasion ratée, alors que la conjoncture n'a jamais été aussi favorable, de modifier profondément et durablement la fiscalité française sur les entreprises pour la rendre plus incitative, moins confiscatoire et plus juste. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je suis saisi de dix amendements, qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-82, M. du Luart et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent de rédiger ainsi l'article 7 :
« I. - Le deuxième alinéa du I de l'article 219 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Le taux normal de l'impôt est fixé à 30 %.
« II. - L'article 235 ter ZA du même code est supprimé.
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I et du II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-159, MM. Ostermann, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Joyandet, Trégouët, Cornu, Martin, Vasselle, Murat, Rispat, Neuwirth, Darcos,Fournier, de Broissia, Lanier et Mme Olin proposent de rédiger ainsi l'article 7 :
« I. - L'article 235 ter ZA du code général des impôts est abrogé.
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus, compléter, in fine , cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la suppression de la contribution des sociétés est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-119, Mme Beaudeau, MM. Foucaud, Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, au début du texte présenté par le I de l'article 7 pour compléter le I de l'article 235 ter ZA du code général des impôts, d'ajouter les mots : « Pour les personnes morales ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions de francs. »
Par amendement n° I-20, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose :
A. - Après les mots : « à 3 % pour les exercices clos ou la période d'imposition », de rédiger comme suit la fin du second alinéa du I de l'article 7 : « arrêtée en 2002. Pour les exercices clos ou les périodes d'imposition arrêtées à compter du 1er janvier 2003, la contribution est supprimée. »
B. - Après les mots : « à 3 % pour les exercices clos ou la période d'imposition », de rédiger comme suit la fin du second alinéa du II de l'article 7 : « arrêtée en 2002. Pour les exercices clos ou les périodes d'imposition arrêtées à compter du 1er janvier 2003, la contribution est supprimée. »
C. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions des A et B ci-dessus, de compléter, in fine, l'article 7 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la suppression de la contribution additionnelle d'impôt sur les sociétés est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-21, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de supprimer le III de l'article 7.
L'amendement n° I-160, présenté par MM. Ostermann, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Gaillard, Joyandet, Trégouët, Cornu, Martin, Vasselle, Murat, Rispat, Darcos, Fournier, Leclerc, Marest, Schosteck, de Broissia, Lanier et Mme Olin, est ainsi rédigé :
« I. - Supprimer le III de l'article 7.
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-22, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de supprimer le IV de l'article 7.
L'amendement n° I-161, présenté par MM. Ostermann, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Gaillard, Joyandet, Trégouët, Cornu, Martin, Vasselle, Murat, Rispat, Darcos, Fournier, Leclerc, Marest, Schosteck, de Broissia, Lanier et Mme Olin, est ainsi rédigé :
« I. - Supprimer le IV de l'article 7.
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-23, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de supprimer le V de l'article 7.
L'amendement n° I-162, présenté par MM. Ostermann, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Gaillard, Joyandet, Trégouët, Cornu, Martin, Vasselle, Murat, Rispat, Neuwirth, Darcos, Fournier, Leclerc, Marest, Schosteck, de Broissia, Lanier et Mme Olin, est ainsi rédigé :
« I. - Supprimer le V de l'article 7.
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Clouet, pour défendre l'amendement n° I-82.
M. Jean Clouet. De nombreux pays européens ont récemment entrepris une profonde réforme de la fiscalité des entreprises ; c'est notamment le cas de l'Allemagne.
La diminution de l'impôt sur les sociétés inscrite dans le projet de loi de finances pour 2001 ne permettra pas à la France de rattraper son retard vis-à-vis de ses concurrents directs, bien au contraire.
L'objet du présent amendement est donc de ramener, dès 2001, le taux de l'impôt sur les sociétés à 30 % et de supprimer la surtaxe de 10 %.
M. le président. La parole est à M. Murat, pour défendre l'amendement n° I-159.
M. Bernard Murat. Cet amendement a pour objet de supprimer la surtaxe qui a été instituée par la loi de finances rectificative pour 1995 à titre temporaire afin de permettre à la France d'être éligible à l'euro.
La France étant éligible à l'euro et la situation des finances s'étant améliorée du fait de la conjoncture, il est normal de supprimer cette surtaxe dès l'an prochain, et non pas seulement en 2003, comme le prévoit le Gouvernement.
Par ailleurs, je constate que l'allégement proposé cette année est infime par rapport aux alourdissements prévus dans le projet de loi de finances comme dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. En d'autres termes, alors que les entreprises installées outre-Rhin bénéficieront d'une véritable réforme fiscale et d'une diminution conséquente de la pression fiscale, les entreprises installées en France bénéficieront de « mesurettes » et d'un statu quo pour leur imposition.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour présenter l'amendement n° I-119.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement tend à une légère réécriture du premier alinéa de l'article 7 du projet de loi.
Il s'agit, en effet, de partir du constat de l'économie générale de l'impôt sur les sociétés.
Cet impôt, parfaitement nécessaire et dont le rendement s'est très sensiblement accru dans la dernière période - on approcherait les 260 milliards de francs de rendement net en 2001 -, continue de souffrir d'un certain nombre de dispositions dérogatoires, dont la moindre n'est pas l'existence du régime d'intégration des sociétés mères et des sociétés filiales, régime consolidé des groupes qui capitalise une grande part de la dépense fiscale correctrice.
Or on observe aujourd'hui que, au-delà des dispositions qui ont pu être prises ces dernières années et qui nous sont encore proposées, le problème de l'inégalité de traitement entre entreprises assujetties n'est toujours pas résolu.
La surtaxe de l'impôt sur les sociétés jusqu'à sa disparition cette année offrait au demeurant l'avantage de recentrer le principal de l'effort fiscal demandé aux entreprises sur les plus grandes d'entre elles.
Cela se faisait de manière différente de la surtaxe Juppé dont il est ici question, puisqu'il s'agit, si l'on adopte cet article tel qu'il est actuellement rédigé, de mettre en déclin cette mesure de réduction des déficits publics prise en 1995.
La persistance d'un certain niveau de déficit public pourrait d'ailleurs, à elle seule, justifier de rapporter la mesure proposée par l'article 7, alors même que se maintient, par exemple, une part de la majoration de la TVA mise en oeuvre à l'époque.
Mais il nous semble ensuite que l'équilibre auquel était parvenu l'article du projet de loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier, présenté par le Gouvernement nouvellement élu à l'été 1997, créant la surtaxe doit être de nouveau invoqué pour le présent article 7.
C'est donc dans cette logique que l'amendement n° I-119 vous propose, mes chers collègues, de ne pas appliquer la mesure de réduction de la surtaxe Juppé aux entreprises dont le chiffre d'affaires excède 50 millions de francs, ou bien plutôt d'en réserver le bénéfice aux autres, les plus nombreuses, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions de francs.
L'ensemble du dispositif réduirait donc une partie de la discrimination dont souffrent encore les PME à l'égard des grands groupes quand il s'agit de s'acquitter de l'impôt sur les sociétés, discrimination qui, chacun le sait, se retrouve également dans le vie quotidienne de l'entrprise, notamment dans le domaine de l'accès au crédit.
Tel est l'objet de l'amendement n° I-119.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter les amendements n°s I-20 et I-21.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il convient de rappeler que, lors de la présentation du projet de loi de finances à la presse, le Gouvernement a annoncé que la contribution sur l'impôt sur les sociétés dite, si je ne me trompe, « surtaxe Jospin », serait annulée à partir de 2003. Or nous sommes assez étonnés de constater que cet engagement n'est pas traduit dans le projet de loi de finances.
Le Gouvernement, pour une fois vertueux, a certes affirmé qu'il ne voulait pas engager la majorité éventuellement différente qui sortirait des urnes des élections législatives de 2002. Mais cette vertu digne d'éloges ne conduit pas le même Gouvernement à faire preuve de beaucoup de réserves lorqu'il annonce un plan triennal d'embauche de fonctionnaires, ou leste les finances publiques de 100 milliards de francs ou de 110 milliards de francs de dépenses nouvelles pérennes pour financer les 35 heures, ou se contente de stabiliser le déficit de l'Etat alors que la conjoncture est au plus haut. Par conséquent, madame le secrétaire, nous voudrions que vous inscriviez dans la loi vos bonnes intentions, s'agissant de la suppression de cette contribution sur l'impôt sur les sociétés. C'est pourquoi l'amendement n° I-20 vise à mettre vos dires en accord avec votre texte.
J'en viens à l'amendement n° I-21, qui est important.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je comprends !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis heureux de constater que Mme Beaudeau m'approuve ! (Sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Oui, c'est très important !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Alors, écoutez bien ! Il s'agit là du régime des sociétés mères et filiales.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et allez donc !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et allez donc, on jette le bébé avec l'eau du bain !
Je ferai quelques remarques sur le dispositif proposé par le Gouvernement.
Tout d'abord, ce dispositif est rétroactif, puisqu'il modifie le taux d'imposition de dividendes déjà distribués. Il est donc inacceptable de ce seul point de vue. Vous vous souvenez, mes chers collègues, des initiatives de la commission des finances pour limiter la rétroactivité fiscale. Nous sommes là dans un cas de figure totalement critiquable, puisque, alors que des entreprises ont pris des décisions de distribution de dividendes dans le cadre d'un régime fiscal, les conditions dans lesquelles elles avaient décidé ces distributions se trouvent modifiées rétroactivement.
Par ailleurs, ce dispositif méconnaît complètement les conditions économiques actuelles, notamment en Europe. Ce dispositif que vous nous proposez, madame le secrétaire d'Etat, va handicaper les entreprises françaises dans les restructurations à l'échelle européenne, va pénaliser un certain nombre de grandes entreprises, notamment les investisseurs institutionnels dans le secteur des banques et des assurances. De même, vont être pénalisées les caisses de retraite et de prévoyance, les fondations et associations d'utilité publique et les sociétés de personnes, dans certains cas de figure.
Au demeurant, le régime des sociétés mères et des filiales s'inscrivait jusqu'ici dans un cadre cohérent par rapport à nos principaux partenaires en Europe, et sa suppression va vraiment à contre-courant de l'évolution de la fiscalité en Europe.
Je rappellerai que les dividendes sont désormais entièrement exonérés en Allemagne, quels que soient le pourcentage ou la durée de détention. Nous avons eu déjà l'occasion d'évoquer le plan de baisse d'impôt allemand : celui-ci s'assigne un objectif essentiel, qui est la compétitivité des entreprises allemandes.
Par rapport à cela, madame le secrétaire d'Etat, avec des dispositions comme celles-ci, vous allez alimenter des montages visant à éviter les effets pervers de la fiscalité française, et vous travaillez clairement contre la compétitivité de nos entreprises.
M. le président. La parole est à M. Murat, pour défendre l'amendement n° I-160.
M. Bernard Murat. Le III de l'article 7 propose un resserrement des conditions permettant de bénéficier du régime des sociétés mères et filiales.
Lorsque la participation détenue par une société mère représente au moins 10 % du capital d'une filiale ou lorsque son prix de revient est au moins égal à 150 millions de francs, il peut y avoir déduction du bénéfice net total des produits nets de cette participation perçus au cours de l'exercice par la société mère.
Le Gouvernement propose de baisser le seuil proportionnel de 10 % à 5 % et de supprimer le seuil de 150 millions de francs.
Ce paragraphe prévoit, par ailleurs, la neutralisation de la réforme du régime des sociétés mères et filiales sur le régime de taxation des plus et moins-values à long terme pour les assujettis à l'impôt sur les sociétés.
Cet amendement tend donc à supprimer ces deux aménagements du régime des sociétés mères et filiales qui auront à eux seuls pour effet de faire peser une charge non négligeable sur les sociétés, soit 4,2 milliards de francs pour 2001, alors que les recettes perçues au titre de l'impôt sur les sociétés sont nettement supérieures aux prévisions.
Cela étant, dans la mesure où cet amendement est à peu près identique à l'amendement n° I-21 de la commission des finances, je le retire dès à présent, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-160 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-22.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'avoir fiscal n'est aucunement un cadeau fiscal. Comme l'a dit très justement notre collègue M. Chérioux, ce dispositif ne vise aucunement à annuler une imposition, mais simplement à éviter une double imposition.
Nous proposons, mes chers collègues, de supprimer le IV de l'article 7. En effet, réduire le taux de l'avoir fiscal, c'est aggraver la double imposition qui pèse sur les dividendes distribués par les sociétés et accroître une distorsion économique injustifiable.
C'est aussi freiner le développement de la place de Paris et, en particulier, comme je l'indiquais au sujet de la mesure précédente, pénaliser sans fondement un certain nombre d'investisseurs à long terme, parmi lesquels figurent les fondations.
Nous sommes conscients, madame le secrétaire d'Etat, qu'il est utile de réfléchir à l'adaptation des mécanismes de l'avoir fiscal afin de réduire les distorsions résultant des cas de double imposition.
La mesure que vous préconisez à l'article 7 ne s'inscrit nullement dans cette perspective, bien au contraire. En effet, votre dispositif est, pour l'essentiel, une mesure de rendement destinée à financer la baisse du taux de la contribution relative à l'impôt sur les sociétés.
De plus, il s'agit de nouveau d'une mesure rétroactive, puisque le taux de l'avoir fiscal est réduit pour des dividendes distribués au cours de l'exercice 2000.
Cette mesure n'est absolument pas acceptable, et elle amplifiera les effets pervers de la réforme du régime des sociétés mères et filiales, que nous avons déjà contestée.
Il convient d'indiquer, mes chers collègues, que, en application de la réforme du régime des sociétés mères et filiales et compte tenu de la réduction de l'avoir fiscal, le rendement effectif net des participations susceptibles d'être détenues par les sociétés visées par ces deux types de mesures pourrait être réduit de 18 % en 2001 et de 23 % en 2002.
Pendant ce temps-là, bien entendu, le régime fiscal des obligations n'aura pas été modifié. C'est donc une distorsion au détriment des placements en actions et en faveur des placements obligataires, impliquant moins ou peu de risques, ce qui va manifestement à l'encontre des objectifs que vous affichez par ailleurs en matière d'incitation à la souscription d'actions, madame le secrétaire d'Etat.
Pour l'ensemble de ces raisons, il convient absolument, mes chers collègues, de supprimer le IV de l'article 7.
M. le président. La parole est à M. Murat, pour défendre l'amendement n° I-161.
M. Bernard Murat. Le Gouvernement veut réduire le taux de l'avoir fiscal à 25 % pour les crédits d'impôt utilisés en 2001 et à 15 % pour les crédits d'impôt utilisés à compter du 1er janvier 2002. Il s'agit d'un gain de 3,8 milliards de francs pour le budget de l'Etat, à l'heure où les recettes de l'impôt sur les sociétés sont au plus haut.
L'amendement n° I-161 tend à supprimer cette réduction de l'avoir fiscal des sociétés. Rappelons que l'avoir fiscal a été institué pour éviter la double imposition des bénéfices distribués qui ont déjà été soumis à l'impôt sur les sociétés !
Par ailleurs, ce dispositif démontre une nouvelle fois que, si le Gouvernement prévoit de réduire sur trois ans la contribution supplémentaire d'impôt sur les sociétés de 10 %, il prévoit, dans le même temps, une augmentation considérable des prélèvements sur les entreprises.
Cependant, je retire cet amendement, comme j'ai retiré le précédent, au profit de l'amendement de mon ami Philippe Marini.
M. le président. L'amendement n° I-161 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur général pour défendre l'amendement n° I-23.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous poursuivons dans le sens de l'« allégement » de l'article 7, puisqu'il vous est proposé ici d'en supprimer le V, pour des raisons qui nous semblent évidentes.
Le Gouvernement nous propose la baisse du taux de l'amortissement dégressif. Mais, par ailleurs et simultanément, chacun s'accorde sur le constat d'une insuffisance de l'offre, chacun observe que, dans notre pays, le taux d'utilisation des capacités de production atteint un record historique, chacun constate que les goulets d'étranglement se multiplient dans le secteur productif et que les délais de livraison s'allongent. Il faudrait donc être d'autant plus favorable à l'investissement !
Or l'effet de cette mesure est exactement inverse. Selon les calculs de votre propre direction de la législation fiscale, madame le secrétaire d'Etat, la baisse des coefficients d'amortissement dégressif équivaut à renchérir de 1,24 % le coût à un an des investissements éligibles à ce régime. Il en résulte donc une pénalisation des entreprises, c'est-à-dire un effet contraire à ce qu'impliquerait une bonne prise en considération de la conjoncture économique actuelle.
Pour l'ensemble de ces raisons, madame le secrétaire d'Etat, il est manifestement indispensable de supprimer le paragraphe V de l'article 7.
M. le président. La parole est à M. Murat, pour défendre l'amendement n° I-162.
M. Bernard Murat. Je retire également cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-162 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-82, I-159 et I-119 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nos collègues ont tout à fait raison de mettre l'accent sur les grandes différences qui existent entre le plan de baisse fiscale allemand et le plan de baisse fiscale français.
Malheureusement pour les entreprises françaises, celles-ci ne vont pas être bénéficiaires du plan de baisse fiscale de M. Fabius. Certes, au sein de quelques niches, des effets favorables pourront être ressentis, mais, globalement, si l'on fait la somme algébrique des plus et des moins, la catégorie des entreprises sera frappée par une taxation plus lourde qu'avant la réforme. Nos collègues ont donc eu raison de poser ce problème et de vouloir assigner un taux plus bas à l'impôt sur les sociétés.
Cela dit, dans le cadre des équilibres généraux du projet de loi de finances pour 2001, cette mesure serait difficile à financer. Il aurait fallu, pour aller dans ce sens, avoir la possibilité de réécrire tout le volet « ressources » et une bonne partie du volet « dépenses » du projet de loi de finances, car l'impact de cet amendement est de 40 milliards de francs.
Je pense donc que, après avoir utilement rappelé quels étaient leurs préoccupations et leurs objectifs, nos collègues pourraient retirer leur amendement.
M. le président. Monsieur Clouet, l'amendement n° I-82 est-il maintenu ?
M. Jean Clouet. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-82 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° I-159 s'inscrit clairement dans la démarche de la commission des finances. Ses auteurs soulignent encore une fois le contraste saisissant qui existe entre la réforme fiscale « à la Fabius » et la réforme fiscale « à la Eichel ».
Certes, nous voudrions bien que ce qui est possible au-delà du Rhin le soit en deçà. Mais ce serait, bien sûr, au prix d'un effort de maîtrise des dépenses publiques que notre actuel gouvernement ne veut certainement pas assumer.
Dans ces conditions, là aussi, mes chers collègues, après avoir manifesté votre souci de voir vraiment émerger un plan d'allégement de la fiscalité des entreprises digne de ce nom, je pense qu'il serait préférable, compte tenu de son impact mécanique d'une douzaine de milliards de francs, que vous retiriez votre amendement.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Murat ?
M. Bernard Murat. Il est retiré, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-159 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Enfin, la commission des finances est franchement défavorable à l'amendement n° I-119.
M. Paul Loridant. C'est un scoop !
M. Philippe Marini, rapporteur général. M. Loridant me paraît surpris !
M. Paul Loridant. Absolument !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-119 et I-20 à I-23 ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Les amendements I-82 et I-159 ont l'un et l'autre pour objet de supprimer immédiatement non la surtaxe Jospin, comme M. le rapporteur général a semblé l'indiquer en faisant un lapsus qu'il a certainement regretté depuis, mais la surtaxe Juppé.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On a de plus en plus de peine à les distinguer, aujourd'hui !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Cette surtaxe, instituée en 1995, était pérenne, contrairement à celle qui a effectivement été instituée à titre temporaire en 1997 par l'actuel gouvernement. En effet, cette dernière, qui ne pesait pas sur les petites et moyennes entreprises, disparaîtra en 2000, comme le Gouvernement s'y était engagé.
Si l'on voulait supprimer la contribution Juppé à partir de 2001, coûterait beaucoup d'argent. Le Gouvernement ne regrette toutefois pas l'emploi de cet argent, puisqu'il prévoit de réduire progressivement cette contribution, avant son extinction en 2003.
Mais, là aussi - autre considération de méthode - l'actuel gouvernement ne propose pas de légiférer au-delà de la durée de vie normale de cette législature. Ainsi, monsieur le rapporteur général, à vous qui nous reprochez de ne pas inscrire dès maintenant dans la loi la suppression de cette contribution en 2003, je réponds qu'il y a à cela une raison très simple : bien que nous envisagions de la supprimer en 2003, nous légiférons dans la limite de nos capacités constitutionnelles.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela ne vous empêche pas d'engager des dépenses pour l'éternité !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Nous engageons cependant la réduction de ce taux puisque, de 10 %, cette contribution « exceptionnelle » mais durable sera ramenée à 6 % en 2001 et à 3 % à compter de 2002.
Effectivement, le cumul de la suppression de la surtaxe Juppé et de la réduction du taux de l'impôt sur les sociétés à 30 % dès 2001 aurait un coût tout à fait prohibitif puisque, comme l'a indiqué M. le rapporteur général, il serait de 40 milliards de francs.
L'amendement n° I-119, défendu par Mme Beaudeau, réserve le bénéfice de la suppression progressive de la contribution de 10 %, dite contribution Juppé, aux seules petites entreprises. Cet objectif me paraît assez largement satisfait par les dispositions que nous venons d'examiner à l'article 6 du présent projet de loi, lequel institue un avantage spécifique pour les petites et moyennes entreprises qui disposeront, pour leurs 250 000 premiers francs de bénéfice, d'un taux ramené à 25 % en 2001, puis à 15 % en 2002.
L'amendement n° I-20 vise à modifier le régime mère-fille.
La suppression du seuil de 150 millions de francs proposée par le Gouvernement à l'article 7 est tout à fait d'actualité, puisque ce seuil ne caractérise plus en rien une prise de participation stratégique.
Par ailleurs, il me paraît tout aussi justifié d'assouplir les conditions d'accès au régime tel que le prévoit le dispositif prévu dans l'article.
Le dispositif du régime mère-fille me paraît équilibré. Il a sa place dans un plan d'ensemble dont les entreprises ne seraient pas fâchées de ressentir l'effet positif.
Le Gouvernement n'est donc pas favorable à l'amendement n° I-22.
J'en profite d'ailleurs pour ajouter que le Gouvernement, en même temps qu'il réduit le taux de l'avoir fiscal, a l'intention de revoir le mécanisme du précompte, qui est devenu très complexe et qui est ressenti comme onéreux par de plus en plus d'entreprises, et que, si nous ne modifions pas le régime de l'avoir fiscal, nous ne pourrons pas revoir le mécanisme du précompte.
Enfin, je dirai que le dispositif prévu par le Gouvernement en matière de fiscalité sur les entreprises et d'impôt sur les sociétés peut tout à fait se comparer avec le dispositif allemand. Nous n'avons pas à avoir honte de la comparaison, bien au contraire.
Je rappelle que le volet « entreprises » de la réforme allemande est tout d'abord gagé par un durcissement très substantiel des règles d'amortissement,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est ce que vous faites aussi !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. ... qui doit procurer un gain net pour le budget de 72 milliards de francs.
Par ailleurs, il convient d'observer que la première phase du plan allemand, celle qui concerne les années 1999 à 2001, accroît de manière substantielle la pression fiscale sur les entreprises qui sont assujetties à l'impôt sur les sociétés et que seule la seconde phase, celle qui couvre la période 2002-2005, procure un allégement significatif.
Si l'on fait masse de ces deux phases du plan allemand et que l'on compare ce dernier au plan triennal qui est proposé dans ce projet de loi de finances pour 2001, qui devrait se poursuivre en 2002 et qui pourra, je l'espère, s'achever en 2003, on s'aperçoit qu'en Allemagne l'allégement net en faveur des entreprises représente 15 milliards de francs, à comparer aux 20 milliards de francs du plan français sur une période plus courte.
Si l'on inclut l'impact de la réforme sur la taxe professionnelle, c'est-à-dire la suppression de la part salaire, ce sont alors 36 milliards de francs d'allégements nets qui auront été consentis aux entreprises.
Autrement dit, très honnêtement, nous pouvons supporter la comparaison avec l'Allemagne en matière d'allégements fiscaux.
M. Bernard Murat. Vos propos sont tout à fait inexacts !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je pourrais pousser la comparaison plus loin et intégrer les allégements sociaux. On atteindrait alors 81 milliards de francs d'allégements nets, fiscaux et sociaux, entre 1999 et 2003.
Je vous invite à vous reporter au rapport économique, social et financier qui a été annexé au projet de loi de finances et qui présente et explicite tous ces chiffres. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Paul Loridant applaudit également.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame le secrétaire d'Etat, vous nous fournissez les chiffres de votre comptabilité, qui sont certainement tout à fait justes. Mais les entreprises ont d'autres chiffres : ceux des impôts qu'elles paient ! Et elles n'apprécient pas du tout la réalité comme vous.
Vous avez évoqué la réforme de la taxe professionnelle. Nous nous en étions expliqué l'année dernière. Cette mesure, voulue comme favorable, s'est en fait accompagnée d'un certain nombre d'autres dispositions qui en ont contrarié l'effet, au point que nombre d'entreprises - vérifiez-le, mes chers collègues, dans vos communes ! - peuvent voir leur taxe professionnelle demeurer en l'état, voire augmenter, alors qu'on leur avait promis l'inverse.
M. Bernard Murat. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Par ailleurs, la grande différence entre le plan français et le plan allemand - je ne conteste pas les effets de volume, ni les éléments de comparaison des situations préexistantes que vous avez évoquées - c'est qu'ici on fait un pas en avant, un pas en arrière, un pas en avant, un pas en arrière, et qu'on mélange tous les éléments, de telle sorte que vous pouvez faire des effets d'annonce, mais, au niveau des agents économiques, les choses sont extrêmement confuses et l'impact concret est peu caractéristique et peu en mesure de faire évoluer les comportements.
Vous supprimez le régime mère-fille, vous pénalisez les participations financières détenues par un groupe dans l'autre, etc. Pendant ce temps, l'Allemagne les exonère complètement. Sur ce point, madame le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez pas me contredire. Outre-Rhin, pour favoriser la respiration de l'économie allemande, pour permettre le redéploiement des activités, les cessions de participations financières détenues par des grands groupes industriels ou financiers se font désormais en franchise complète d'impôts, alors que, chez nous on fait exactement le contraire. Nous rétablissons des limitations, des contraintes administratives quand elles sont supprimées de l'autre côté du Rhin.
Il y a donc, d'un côté, une réforme claire et simple, avec des objectifs tout aussi clairs et simples, et, de l'autre, beaucoup de complexité administrative, un code général des impôts qui continue à prospérer, des contrôles à n'en plus finir, tout cela ne faisant pas une réforme qui va dans le sens du dynamisme de l'économie.
Enfin, lorsque vous parlez des allégements d'impôt pour les entreprises en Allemagne, vous n'y incorporez sans doute pas une partie des mesures concernant l'impôt sur le revenu qui profitent aux entreprises unipersonnelles, extrêmement nombreuses dans ce pays, et qui vont se trouver très directement et massivement bénéficiaires de la baisse de l'ensemble des taux, en particulier du taux marginal de l'impôt sur les sociétés.
Certes, les chiffres que vous nous indiquez sont tirés de documents officiels, que vous présentez, bien évidemment, sous leur meilleur jour. On peut comprendre qu'en raison de leur origine ces chiffres officiels soient faits pour conduire à l'éloge de la politique du Gouvernement. Il en a d'ailleurs toujours été ainsi. On présente plutôt une bouteille à moitié pleine qu'à moitié vide.
Mais, si l'on essaie de faire preuve de bon sens et si l'on regarde l'articulation de chaque plan de réforme, il n'est pas possible de se satisfaire, du moins en ce qui concerne les entreprises, de celui qui a été annoncé cet été et que vous voulez nous faire approuver.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-119.
M. Bernard Angels. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, afin de gagner du temps, je m'exprimerai, en une seule fois, contre l'ensemble des amendements de la commission qui sont encore en discussion.
Le Gouvernement a choisi un rythme de suppression de la surtaxe créée par le gouvernement Juppé en 1995 conforme à la progressivité du plan d'allégement d'impôt, qui touche, bien sûr, nous l'avons vu, l'impôt sur le revenu mais aussi l'impôt sur les sociétés et qui s'inscrit dans une action générale résolument tournée vers l'activité productive et la création d'emplois. C'est un plan global, et il faut le prendre ainsi.
Il est normal et cohérent que, par respect pour le Parlement, le Gouvernement n'engage pas l'avenir plus qu'il ne peut le faire, qu'il veuille laisser à la législature qui commencera en 2002 le soin de poursuivre le travail.
Aussi suis-je très surpris des jugements portés par certains ; mieux vaut laisser les choses se faire progressivement plutôt que vouloir, d'un seul coup, décider pour d'autres.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous n'avez pas les mêmes scrupules pour les dépenses !
M. Bernard Angels. De plus, j'ai remarqué, à la lecture des amendements et à l'audition des interventions, que les auteurs des amendements n'étaient pas d'accord entre eux. Certains voulaient supprimer cette surtaxe Juppé dès 2001 ; d'autres voulaient la supprimer progressivement pour qu'elle s'éteigne en 2003.
Je note que la suppression complète de la surtaxe coûterait, si je ne me trompe, environ 20 milliards de francs à l'Etat et que cela irait, monsieur le rapporteur général, à l'encontre des sages objectifs de réduction du déficit budgétaire qui guident la politique actuelle du Gouvernement, comme le guident dans le même temps les objectifs d'efficacité économique et de justice sociale.
S'agissant de la proposition qui vise à favoriser encore plus les grands groupes financiers et industriels, je rappelle que ces derniers bénéficient déjà d'un régime favorable dans leurs relations entre sociétés mères et filiales et qu'ils n'ont pas besoin encore de notre attention pour diminuer leur contribution au titre de l'impôt sur les sociétés.
Enfin, notre groupe refuse, bien entendu, les propositions visant à revenir sur la diminution du taux de l'avoir fiscal ou sur les coefficients d'amortissement dégressif, qui vont tous dans le même sens. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'ensemble des amendements déposés sur l'article 7 - si j'ai bien compris, hors le nôtre, il n'en reste que quatre, qui émanent tous de la commission des finances - portent clairement la marque des choix fiscaux qui animent la conception assez originale de la majorité sénatoriale quand il s'agit de mettre en oeuvre un plan de réduction des impôts.
Tout se passe comme si notre système fiscal était équilibré, comme si l'impôt sur le revenu touchait de manière équitable l'ensemble des revenus des ménages, comme si l'impôt sur les sociétés était aussi difficile à supporter pour les PME que pour les grands groupes, comme si la TVA n'était pas le premier des impôts de l'Etat et la fiscalité indirecte, dans son ensemble, l'élément principal d'alimentation des recettes fiscales de l'Etat !
Sommes-nous réellement, aujourd'hui, dans une sorte de paradis retrouvé, où la fiscalité, dans son application constitutionnelle essentielle - à chacun de contribuer à la charge publique à proportion de ses facultés - serait enfin admise et acceptée comme découlant de l'ordre naturel des choses ? A l'évidence, ce n'est pas encore le cas.
De plus, on voit bien que certains éléments de notre fiscalité ont, aux yeux de M. le rapporteur général, plus d'importance que d'autres.
Il s'agit, entre autres, de restaurer l'allégement maximal de l'impôt sur le revenu pour les ménages les plus aisés, par le biais du barème comme par celui de l'application du quotient familial.
Il s'agit encore de réduire l'impôt de solidarité sur la fortune par tous les moyens possibles : plafonnement, assiette réduite ou tout autre dispositif adapté.
Mais, avec les amendements portant suppression des paragraphes III, IV et V de l'article 7,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il reste le I et le II !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Certes !
Avec ces amendements, dis-je, M. le rapporteur général s'attaque maintenant à l'impôt sur les sociétés.
L'économie générale de cet impôt a profondément évolué ces dernières années - baisse de l'avoir fiscal, modalités de prise en compte des résultats consolidés - et connaît, avec cet article 7, une nouvelle évolution qui peut se résumer assez rapidement par un allégement de la cotisation de chaque entreprise, singulièrement des PME, balancé par un durcissement de la prise en compte des résultats de certains groupes ou de certains secteurs d'activité spécifiques.
Votre motivation, monsieur le rapporteur général, si je vous ai bien compris, tient au constat que vous faites que la réforme de l'impôt sur les sociétés se ferait en quelque sorte à produit constant et qu'elle se contenterait d'être un simple transfert de charges fiscales entre assujettis.
Nous, nous ne sommes pas choqués par le fait que les grands groupes, notamment ceux qui fondent l'essentiel de leur rentabilité sur l'exploitation de leur portefeuille de titres - je note, au passage, qu'ils sont bien défendus dans cette assemblée ! - et la remontée des dividendes participent un peu plus que les petites et moyennes entreprises au rendement de l'impôt sur les sociétés.
Nous sommes donc défavorables aux amendements présentés par la commission des finances sur cet article 7.
Permettez-moi tout de même de faire état de l'une des données du problème. Les dispositions contenues dans les paragraphes que propose de supprimer la commission équivalent en recettes à quelques 8 milliards de francs. Il convient de rapprocher cette somme du produit attendu de l'impôt sur les sociétés, qui s'élève, lui, à près de 280 milliards de francs.
En clair, monsieur le rapporteur général, vous rechignez à modifier la répartition de 3 % du produit attendu de l'impôt sur les sociétés, alors même que cette modification est nécessaire sur le strict plan de l'équité fiscale entre les entreprises assujetties.
Nous constatons que, pour la plus grande partie des entreprises assujetties, cet article 7 n'apportera pas d'autre changement que la réduction de la surtaxe Juppé, donc de la charge fiscale. Alors, pourquoi avez-vous tant d'attentions pour les autres ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne veux pas prolonger les débats, mais Mme Beaudeau vient de me poser une question, et il serait discourtois que je ne lui réponde pas.
Madame Beaudeau, vous le savez très bien, les entreprises françaises ne vivent pas en vase clos, derrière des frontières qui les protégeraient ; la compétitivité des entreprises est fondamentale pour la commission. Je répète ce mot sans cesse, parce que je voudrais que, au moins d'un certain côté de notre hémicycle, il puisse, avec d'autres mots, être considéré comme une référence sérieuse.
La nécessité d'être compétitif, c'est un concept très concret pour toutes nos entreprises et pour les personnes qui y travaillent. Vous êtes tous bien placés pour comprendre ce que cela veut dire, lorsqu'une entreprise ferme parce qu'elle n'est pas compétitive !
Il est trop facile de défiler derrière des banderoles sans se soucier de la nature réelle des difficultés et des raisons pour lesquelles telle entreprise n'est pas compétitive. Mais peut-être, madame Beaudeau, souhaitez-vous avoir de plus en plus d'occasions de défiler avec des banderoles pour peut-être revaloriser votre position relative au sein de la majorité plurielle ; c'est peut-être votre objectif...
En ce qui la concerne, la commission des finances ne peut pas entrer dans ce jeu de surenchère ; elle est obligée de constater que les Allemands sont plus sensibles à leur compétitivité que nous ne le sommes, nous, Français. Quand nous disons cela, nous n'émettons pas un jugement défavorable vis-à-vis de nos amis allemands. Bien au contraire, nous estimons que nous devons faire en sorte que l'Union de l'Europe soit un succès et qu'elle ne sera un succès pour nous, de notre point de vue comme de celui de nos électrices et de nos électeurs, que si nous savons être au moins aussi compétitifs que les Allemands.
C'est aussi simple que cela et, madame Beaudeau, ne vous étonnez pas, ou plus exactement ne feignez pas de vous étonner des amendements de la commission. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-119, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
M. Bernard Angels. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-20, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-21, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-22, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-23.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. J'entendais expliquer mon vote sur l'ensemble de l'article 7, mais je le ferai dès maintenant sur l'amendement n° I-23 parce qu'il me semble sans doute l'un des plus pertinents de ceux qui sont présentés par la commission.
Avec l'article 7, nous nous intéressons au rendement de l'impôt sur les sociétés qui, globalement, de loi de finances initiale en loi de finances initiale, augmente en brut - excusez du peu ! - de 60 milliards de francs. Je sais bien que ce chiffre doit être relativisé du fait des dégrèvements et compte tenu de l'estimation révisée à quelque 26 milliards de francs. C'est tout de même une somme fondamentale pour l'équilibre du budget et pour le développement de l'économie de notre pays.
Mme le secrétaire d'Etat a très bien expliqué in petto tout à l'heure que, au fond, en échange des 8 milliards de francs de réduction de la surtaxe de 10 %, on alourdissait de 4,8 milliards de francs le régime d'imposition mère-fille, et on reprenait également, au titre de l'avoir fiscal, environ 3 milliards de francs. On équilibrait, c'était une nouvelle répartition, mais on ne changeait rien sur le fond.
Cependant, je pense que la mesure relative à la réduction des taux de l'amortissement dégressif, qui n'a aucun impact budgétaire cette année, est la plus lourde de conséquences. Comme vous le disiez, madame le secrétaire d'Etat, il faut toujours consulter le rapport économique et financier. Je l'ai consulté avec attention à la page 137 - M. le rapporteur général y faisait d'ailleurs allusion tout à l'heure - s'agissant de l'évolution du taux d'utilisation des capacités dans notre pays. On voit très bien que nous avons abouti, en 1988, à un taux d'utilisation des capacités de production qui est le maximum de ceux que l'on a enregistrés depuis 1980, à l'exception de 1990, où le taux était le même.
A la page suivante, on constate que l'explication de cela est très simple : notre pays a très peu investi au cours de la période 1990-1997. L'encéphalogramme était plat.
Le problème économique qui se pose à notre pays est donc de parvenir à continuer à investir. Je dirai aussi que c'est le problème économique qui se pose à votre majorité, madame le secrétaire d'Etat, car la seule possibilité de réussir le passage aux 35 heures c'est de trouver des investissements en capitaux qui permettent d'accroître la productivité. Sinon, si l'on travaille moins et si l'accroissement du capital est insuffisant, vous ne parviendrez bien entendu pas à atteindre votre objectif. Or, à quoi aboutira la réduction de l'amortissement dégressif ? A réduire l'incitation à investir !
Pour ma part, j'estime - je suis peut-être le seul à penser cela - que le meilleur système en matière d'amortissement était celui que connaissaient les Britanniques voilà quelques années, avant l'arrivée au pouvoir de Mme Thatcher : celui de l'amortissement libre.
L'entreprise doit être libre d'amortir quand elle le peut. Je vous assure qu'il n'y a pas de meilleure incitation à l'investissement. Ce n'était d'ailleurs pas par hasard que les durées d'utilisation des machines n'étaient pas réglementées, laissant à la pratique le soin d'en décider.
J'estime qu'en matière d'amortissement la liberté doit être la plus grande possible. Or vous faites le contraire et vous allez « brimer », si je puis m'exprimer ainsi, parce qu'il faut récupérer de l'argent, l'amortissement dégressif et donc réduire l'incitation à investir.
Je suis assez inquiet de vous avoir entendue dire, madame le secrétaire d'Etat, que vous estimiez que l'année prochaine grâce aux investissements, la capacité d'utilisation de nos équipements allait à nouveau diminuer, et par là même les tensions. Je crains, en effet, que ce ne soit l'inverse qui se produise avec la politique que vous menez et c'est pourquoi je voterai allègrement en faveur de l'amendement de la commission. (Appaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-23, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 7.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. A proprement parler, l'examen des dispositions initiales de cet article 7 et des amendements qui tendaient à en modifier la rédaction et le sens nous amène à nous demander s'il n'aurait pas mieux valu, dès le départ, pour nous épargner un débat trop long, de procéder purement et simplement à la suppression de l'article.
La réalité du terrain est difficile à admettre. Malgré la réduction du nombre des chômeurs, ce qui laisserait penser que les coûts salariaux sont en hausse du fait des créations d'emplois, malgré la réduction négociée du temps de travail, qui coûterait si cher, les profits des entreprises françaises semblent ne s'être jamais aussi bien portés.
Si l'on a constaté à la fin du mois de septembre dernier une hausse de 17 % du produit de l'impôt sur les sociétés, c'est bel et bien parce qu'il y a des profits, parce que les déficits antérieurs ne peuvent plus être autant imputés que par le passé, parce que la santé financière des entreprises - en tout cas de celles qui sont assujetties à l'impôt sur les sociétés - est florissante. Evidemment, pour le discours ambiant dans notre vénérable institution, le Sénat, cela fait un peu désordre.
Mais que voulez-vous, même l'intéressant rapport de notre collègue Bourdin, portant sur les prévisions macro-économiques sur le moyen terme, envisage un redressement du taux de marge des entreprises par rapport à la moyenne, pourtant déjà très favorable, observée dans la période 1996-1999. Vous ne pouvez le nier.
La meilleure preuve de l'amélioration de la situation financière des entreprises ne nous est-elle pas fournie par l'élévation constante de la distribution des dividendes qui ont franchi la barre symbolique des 500 milliards de francs depuis 1998 et continuent de battre, année après année, des records ?
Que dire encore de la capitalisation boursière, sinon que les revenus financiers sont, depuis plusieurs années, la composante la plus dynamique de progression du revenu des ménages comme des entreprises ?
Dois-je enfin souligner que, malgré la hausse de son rendement, l'impôt sur les sociétés ne varie guère en termes de poids relatif rapporté au PIB et ne constitue donc pas une charge insupportable pour les entreprises, d'autant que cela va de pair avec l'allégement sensible du poids de la taxe professionnelle ?
Vous l'aurez donc compris, nous appelons à voter contre l'article 7, modifié par le Sénat.
Monsieur le rapporteur général, quant à ma présence dans les défilés, derrière des banderoles, vous ne pourrez pas m'empêchez de trouver injuste que des entreprises licencient, restructurent, aillent jusqu'à disparaître, délocalisant leur activité, alors que non seulement elles réalisent des bénéfices considérables mais qu'elles profitent en plus depuis un assez grand nombre d'années, d'aides financières de toutes natures. Je trouve immoral que l'argent public serve finalement à ces entreprises pour licencier, fermer et délocaliser.
M. Bernard Murat. C'est un autre débat !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

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