SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2000


M. le président. « Art. 19. - L'article L. 351-11 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 351-11 . - Au titre de l'année 2001, le coefficient de revalorisation applicable au 1er janvier aux pensions de vieillesse déjà liquidées ainsi qu'aux cotisations et salaires servant de base à leur calcul est de 1,022. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 112, M. Joly propose, à la fin du second alinéa de cet article, de remplacer le coefficient : « 1,022 » par le coefficient : « 1,032 ».
Par amendement n° 90, MM. Fischer, Muzeau, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A. - A la fin du texte présenté par l'article 19 pour l'article L. 351-11 du code de la sécurité sociale, de remplacer le coefficient : « 1,022 » par le coefficient : « 1,03 » ;
B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, de compléter l'article 19 par un paragraphe ainsi rédigé.
« a) Les pertes de recettes résultant de la revalorisation des retraites et pensions sont compensées à due concurrence par le relèvement à 15 % du taux des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale.
« b) En conséquence, dans le I de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, les références : "L. 136-6, L. 136-7" sont supprimées » ;
C. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I - ».
La parole est à M. Joly, pour présenter l'amendement n° 112.
M. Bernard Joly. Cet amendement vise à majorer le coefficient de revalorisation afin de compenser, pour les ménages, l'évolution annuelle moyenne des prix à la consommation, évaluée à 1,2 %.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 90.
M. Guy Fischer. La Haute Assemblée poursuit ce soir un débat engagé depuis maintenant plusieurs mois.
Nous nous réjouissons des décisions qui ont été prises en faveur de l'évolution des pensions, notamment.
Notre amendement a pour objet de faire réagir et la Haute Assemblée et Mme le ministre en proposant une revalorisation des retraites et des pensions à hauteur de 3 %.
Cette mesure, que nous prônons à titre transitoire pour l'année 2001, vise à rattraper, en partie seulement, la perte de pouvoir d'achat des retraités, perte consacrée par l'indexation des retraites sur l'inflation depuis 1993.
Je me souviens d'avoir personnellement interrogé M. Cazette sur la perte de pouvoir d'achat : il l'estime à près de 10 %.
En attendant, comme nous la réclamons avec insistance depuis longtemps et comme nous allons d'ailleurs la réclamer de nouveau au cours du débat, nous souhaitons l'indexation des retraites et pensions sur les salaires, afin de faire profiter les retraités de la reprise économique et de renforcer la nécessaire solidarité entre les générations.
Dans le même temps, nous souhaiterions, madame la ministre, que vous nous précisiez comment nous pourrions faire bénéficier les retraités d'un gain de pouvoir d'achat. En effet, nous voudrions être sûrs que les effets des hausses, par exemple de 2,2 %, ne soient pas limités par des politiques fiscales, notamment au niveau des tranches d'imposition qui feraient que, finalement - je caricature certainement - ce que l'on donnerait de la main droite serait repris de la main gauche.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Celle qui reprend, c'est toujours la main gauche ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Les retraités sont très sensibles à la politique fiscale menée en leur faveur, notamment.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 112 et 90 ?
M. Charles Descours, rapporteur. Je félicite tout d'abord les auteurs de ces deux amendements, qui veillent à ce que les retraites ne prennent pas de retard s'agissant de leur pouvoir d'achat.
A propos de l'amendement de M. Joly, je rappelle ce que disait M. Vasselle dans son rapport initial sur les retraites : « La revalorisation de 2,2 % des pensions est sans nul doute économiquement possible aujourd'hui dans un contexte caractérisé par une croissance forte des recettes et un rapport démographique favorable. D'aucuns trouveront d'ailleurs cette revalorisation insuffisante ». MM. Joly et Fischer l'ont entendu.
M. Joly est de ceux qui, parce qu'ils ne peuvent s'appuyer sur aucune autre indication du Gouvernement, hormis ce nouveau contexte de forte croissance, sont favorables à une valorisation généreuse des retraites.
La commission, sous réserve de l'avis du Gouvernement, s'en remet à la sagesse du Sénat pour cet amendement, qui prévoit une forte revalorisation - de 3,2 % - des pensions de retraite. Cette sagesse est motivée par l'écart qui, sinon, se creuserait encore entre la revalorisation de la base mensuelle de calcul des allocations familiales et la revalorisation des retraites. Pour cette raison, nous nous contentons d'un avis de sagesse favorable.
Pour ce qui est de l'amendement présenté par M. Fischer, je ne doute pas que lui-même et les membres de son groupe sont très attentifs à l'évolution des pensions de retraite, comme il vient de le dire, et je ne doute pas non plus qu'il retirera l'amendement n° 90 au profit de l'amendement n° 112 de M. Joly, plus favorable que le sien.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je comprends tout à fait l'objet des amendements respectifs de MM. Joly et Fischer, qui est de revaloriser les pensions de retraite.
Je ferai remarquer que, sur les deux dernières années, les revalorisations ont été supérieures à ce qui aurait été nécessaire pour maintenir le pouvoir d'achat des retraités. De surcroît, un effort supplémentaire a été fait pour les retraités les plus modestes dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, puisque le Gouvernement prévoit de revaloriser les pensions de retraite de 2,2 % et d'exonérer de CRDS les retraités qui ne paient pas l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire, je le précise, la moitié des retraités.
C'est donc un effort important, qui se traduit par une revalorisation de 2,2 % plus 0,5 % pour les retraités les plus modestes, ce qui n'est pas négligeable.
Si bien que, sur la période 1998-2001, nous aurons eu un gain de pouvoir d'achat, si vous votez les mesures préconisées par le Gouvernement, de 1,3 % pour la moitié des retraités et de 1,8 % pour l'autre moitié.
Evidemment, on peut toujours souhaiter faire plus - encore une fois, l'objectif est louable - mais il me semble que l'équilibre financier des régimes de sécurité sociale, alors que le besoin de financement demeure important, ne permet pas d'aller au-delà de l'effort consenti.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 112.
M. Dominique Leclerc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Revaloriser les pensions, évidemment, c'est toujours bien, et peu importe les pourcentages.
Mais, madame le ministre, je tiens à attirer votre attention sur l'état d'esprit des pensionnés. Vous pourrez le comprendre, ils sont très déçus, d'autant qu'ils attendent depuis des mois, voire des années, la concrétisation de cette ambition que vous nous avez présentée lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole le minimum vieillesse à 75 % du SMIC pour le xxie siècle !
Il nous a été dit que c'était illusoire. Et de rétorquer à ces personnes que tout cela est consécutif à des choix faits par elles dans les années cinquante. C'est évidemment alimenter un peu plus le débat sur la revalorisation des retraites, qui suscite déjà de grandes tensions dans notre pays.
A ceux de mes collègues - je les écoute avec une particulière attention depuis quelques instants - qui nous invectivent sans cesse sur le thème « Mais qu'avez-vous fait en votre temps ? », je rappelle simplement l'ampleur des déficits auxquels nous avons dû faire face lorsqu'ils nous ont passé la main à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix.
Pour ma part, j'ai toujours compris que réformer, être généreux en période de crise n'était pas facile. Et aujourd'hui, avec la même arrogance, vous venez nous dire que la conjoncture actuelle, dont on peut se féliciter, n'est due qu'à votre mérite ! Croyez-moi, c'est le moment d'être audacieux et courageux !
M. Claude Domeizel. Ah ! si cela avait été le contraire !
M. Dominique Leclerc. Sincèrement, je vous ai écoutés avec beaucoup de correction, mais il y a des choses que l'on ne peut laisser passer.
Tout à l'heure, je vous faisais part de l'état d'esprit de tous les pensionnés. Vous savez aussi bien que moi qu'un nombre croissant de Français craignent pour l'avenir des retraites. Vous parlez de cette embellie qui ne serait due qu'à vos mérites, mais qu'attendez-vous pour agir ? En effet, nous connaissons tous l'ensemble des données : les données démographiques, les projections chiffrées, tous les besoins de financement.
Vous qui soutenez le Gouvernement, votre responsabilité est très grande, car vous devez préparer les Français à tous les efforts qu'ils devront réaliser demain, afin, précisément, que tous ces choix soient faits. Et cessez de nous répéter que tout va très bien ! Il ne suffit pas de commander de nouveaux rapports, de mettre en place nombre d'instruments statistiques, de demander des conseils et de réfléchir ! Il manque en effet un zéro pour que le fonds de réserve puisse un jour être efficace !
En d'autres termes, il est grand temps de prendre toutes les mesures qui s'imposent. Le rapporteur pour la branche vieillesse l'a très bien exposé dans son rapport. Tout est donc clair et sans équivoque. Nous devons faire face à une situation. Ne soutenez donc pas un gouvernement qui serait le fossoyeur d'un régime de retraite par répartition auquel nous tenons tous.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. On ne parle pas de cela !
M. Claude Domeizel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Je ne peux laisser passer l'intervention de M. Leclerc sans réagir.
Notre collègue évoque l'héritage qui avait été laissé. Mais je rappelle qu'en 1997 le déficit de la sécurité sociale s'élevait à 54 milliards de francs. Aujourd'hui, l'équilibre est retrouvé et même dépassé. (M. Nogrix s'exclame.)
Vous dites que rien n'est fait pour les retraites. Mais ce sont les gouvernements que vous avez soutenus qui n'ont rien fait pour les retraites !
Le fonds de réserve, même s'il n'a pas atteint l'objectif qui a été fixé, a au moins été créé. Voilà une disposition concrète ! Le Gouvernement a créé le fonds de réserve, et nous le soutenons.
Nous soutenons un gouvernement qui est favorable à la répartition. C'est la raison pour laquelle nous avons voté tout à l'heure l'abrogation de la loi Thomas, qui allait dans le sens contraire. Alors, ne dites pas que le Gouvernement ne fait rien, car c'est archi-faux ! C'est vous qui mettiez en place un système visant à affaiblir encore la répartition !
M. Dominique Leclerc. Vous vous enfoncez !
M. Claude Domeizel. On peut bien sûr demander 3 % ou 3,2 % - peu importe, le problème n'est pas là. Mais nous, nous considérons que la position du Gouvernement est raisonnable, et c'est la raison pour laquelle nous voterons contre l'amendement n° 112.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Le Gouvernement, à l'Assemblée nationale, a accepté un amendement proposant une exonération de CRDS en faveur des retraités non imposables. C'est la première fois que le Gouvernement s'engageait dans cette voie, et cela a d'ailleurs provoqué un débat.
Pour notre part, nous considérons cela comme un acte positif. Cette progression de 2,7 % pour les retraités les plus modestes, qui ne sont pas imposables, ne pose pas de problème, à notre avis. Nous demandons simplement à examiner de plus près les conséquences fiscales afin de nous assurer - mais vous l'avez affirmé, madame la ministre - qu'il existe réellement une progression de 1,3 % du pouvoir d'achat.
M. Leclerc a évoqué les retraités, et notamment les titulaires de pensions agricoles. Mais vous savez fort bien, monsieur Leclerc, que c'est ce gouvernement qui a fait le plus en matière de rattrapage des pensions agricoles. C'est certes insuffisant, et nous avons déposé des amendements, notamment l'année dernière, pour aller plus vite dans le cadre du BAPSA. Mais, rappelez-vous que des décisions regrettables ont été prises dans l'histoire des retraites : à un moment donné, la profession agricole a arrêté de payer une retraite complémentaire.
Des efforts sont accomplis maintenant, et nous avons d'ailleurs tous été sollicités, récemment, par des délégations des organisations agricoles souhaitant un rattrapage des petites retraites. Mais si l'on reprend les trois ou quatre précédents budgets, on constate que l'effort n'a certainement jamais été aussi important.
Quant à notre amendement n° 90, nous le retirons.
M. Charles Descours, rapporteur. Comme d'habitude !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Voilà ! On s'y attendait !
M. le président. L'amendement n° 90 est retiré.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 112, repoussé par le Gouvernement et sur lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. Charles Descours, rapporteur. J'observe que nos collègues communistes se sont abstenus !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 19, ainsi modifié.

(L'article 19 est adopté.)

Article additionnel après l'article 19