SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2000


M. le président. « Art. 18. - Il est créé, à compter du 1er janvier 2001, au sein du Fonds national d'action sanitaire et sociale de la Caisse nationale des allocations familiales, un fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil de la petite enfance.
« Ce fonds a pour objet d'apporter aux collectivités locales et aux associations gestionnaires des aides à la création d'équipements ou services d'accueil de la petite enfance, notamment pour la création de crèches innovantes et de structures multi-accueil.
« La recette de ce fonds est constituée par l'excédent de l'exercice 1999 de la branche famille, affecté à un compte de réserve spécifique à hauteur de 1,5 milliard de francs.
« Pour chaque exercice, les dépenses correspondantes sont inscrites et individualisées en dépenses exceptionnelles au sein du Fonds national d'action sanitaire et sociale de la Caisse nationale des allocations familiales.
« Ces dépenses sont équilibrées en fin d'exercice par une affectation des réserves à due concurrence.
« Ce fonds prend fin à la consommation complète des crédits inscrits au compte de réserve spécifique. »
Sur l'article, la parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Au même titre que le renforcement de l'aide pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée et le cumul de l'allocation parentale d'éducation avec la reprise d'une activité professionnelle, l'article 18 va dans le sens d'une réconciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle.
Il répond à une attente forte des familles. En effet, l'organisation du travail s'est modifiée et les couples ont de plus en plus de difficultés à trouver des gardes appropriées au rythme de leur vie professionnelle. Ces difficultés sont d'autant plus importantes que l'offre des équipements d'accueil reste très insuffisante.
Rappelons néanmoins qu'un grand pas a déjà été fait dans le sens d'une forte amélioration du nombre de places d'accueil et du développement de projets innovants à la suite de la publication du décret du 9 août 2000, attendu de longue date par les acteurs du secteur de la petite enfance.
Le fonds, doté de 1,5 milliard de francs, ainsi que cela a été annoncé lors de la dernière conférence de la famille, a donc pour objet d'apporter aux collectivités locales et aux associations gestionnaires des aides à la création d'équipements ou de services d'accueil de la petite enfance.
La recette de ce fonds est constituée par l'excédent de l'exercice de 1999 de la branche famille, ce qui signifie que cet excédent est restitué à la branche famille. Ainsi, plus de 30 000 enfants supplémentaires pourront être accueillis dans les structures d'accueil rénovées ou créées grâce à ce fonds.
M. le président. Par amendement n° 16, MM. Lorrain et Descours au nom de la commission des affaires sociales, proposent de rédiger ainsi cet article :
« I. - Après l'article L. 223-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. 223-1-1. - Les excédents de la branche famille sont affectés à un compte de réserve spécifique.
« L'utilisation des excédents est décidée dans les conditions prévues par les lois de financement de la sécurité sociale, après avis du conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales. »
« II. - En application du I ci-dessus, au titre des excédents 1999, le Fonds national d'action sanitaire et sociale de la Caisse nationale des allocations familiales est doté d'une somme de 1,5 milliard de francs pour apporter des aides à la création d'équipements ou services d'accueil de la petite enfance aux collectivités locales et aux associations gestionnaires. »
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Il est bien normal de vouloir affirmer sa politique. Mais il convient tout de même de remettre l'église au milieu du village : ce qui nous est annoncé est logique mais pas révolutionnaire.
Deux préoccupations constantes expliquent que, au-delà de l'objectif consensuel que constitue l'augmentation du nombre de places de crèche, la commission propose de modifier considérablement la rédaction de cet article.
En premier lieu, cet article crée un fond supplémentaire, alors que la commission est très réservée sur la multiplication de fonds sociaux, qui « parcellise » le financement de la protection sociale.
En second lieu, il touche au sujet hautement sensible de l'affectation des excédents de la branche famille.
Le présent article crée donc un fonds supplémentaire, alors que la CNAF dispose dejà du Fonds national d'action sociale, dont les prévisions de dépenses s'élèvent pour 2000 à 14,6 milliards de francs. Il s'agit principalement de dépenses d'intervention, correspondant à des aides attribuées directement aux familles, à des services et équipements sociaux ou à des actions conduites par les associations, les collectivités locales ou les caisses elles-mêmes.
Dès lors, je ne vois pas l'utilité de créer un fonds supplémentaire : il suffit de doter le FNAS de la même somme, soit 1,5 milliard de francs, en en précisant l'affectation. L'Etat, qui dispose du pouvoir de tutelle sur la CNAF, le conseil de surveillance, que préside par ailleurs notre collègue Claude Huriet, et le Parlement pourront contrôler l'utilisation conforme de ce crédit par rapport aux objectifs assignés par la loi.
La seconde préocupation de la commission est de veiller à la séparation comptable des branches. Or cet article touche - et c'est la première fois dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale - à l'affectation passée des excédents de la branche famille.
Le Gouvernement présente volontiers cette mesure comme une « mesure nouvelle », bénéficiant aux familles. Or il ne fait que redonner pour partie aux familles le fruit d'un excédent entre les prélèvements affectés à la branche, alimentés par les entreprises et par les Français, et les dépenses raisonnables de cette branche. Mais c'est là un choix que nous soutenons.
Dans le cas précis, la « loi famille » avait prévu un accroissement de l'enveloppe des prestations de service de 3 milliards de francs sur la période 1995-1999. Au total, seulement 2,13 milliards de francs ont été dépensés. Il reste donc un solde de 870 millions de francs environ.
Il n'existe pas de disposition générale, dans le code de la sécurité sociale, relative à l'affectation des excédents de la branche famille. En conséquence, il nous paraît important de « sanctuariser » ces excédents en créant un compte de réserve spécifique au sein de la CNAF. Ce principe général trouve sa place dans le code de la sécurité sociale.
L'affectation de ces excédents sera décidée, au cas par cas, par le législateur, dans le cadre des lois de financement. Afin d'associer les partenaires sociaux à des décisions importantes, le conseil d'administration de la CNAF sera consulté.
En application de ce dispositif général, je vous propose d'affecter au FNAS, au titre des excédents de la branche famille, 1,5 milliard de francs, afin de financer des dépenses d'investissement des crèches. Sur le fond, le résultat sera identique à l'effet recherché par le Gouvernement, c'est-à-dire la création de 40 000 places de crèche.
Cela étant, il faut avoir l'honnêteté de dire que les collectivités locales, notamment les conseil généraux, mais aussi les particuliers, en tant que clients, participent à la mise en place des crèches.
J'ajoute que se pose également le problème de la prise en charge des frais de fonctionnement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je ne suis pas, monsieur le rapporteur, favorable à cet amendement parce que, si ce dispositif a été créé, au fond, c'est pour aller vite. Le Gouvernement fait confiance aux services de la CNAF et aux CAF qui se sont mobilisées pour l'engagement de ce fonds.
Le FNAS est essentiellement un fonds de fonctionnement. Or il s'agit de mettre en place un dispositif exceptionnel pour l'investissement.
Enfin, vous venez de dire que le Parlement délibérerait sur le nouveau fonds que vous proposez. Mais, monsieur le rapporteur, où sommes-nous donc ? Le Sénat est précisément en train de délibérer sur l'utilisation des excédents de la branche famille !
Nous avons donc à la fois un dispositif démocratique, efficace et rapide. Le Gouvernement s'oppose par conséquent à votre amendement.
Mais permettez-moi, monsieur le rapporteur, de vous faire un petit cadeau... (Mme le ministre délégué remet une plaquette à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur.)
Plusieurs sénateurs sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. Et nous ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Sans vouloir être malicieux, je dirai simplement que la sanctuarisation du fonds de réserve répond à notre volonté de ne pas le voir ponctionné et ainsi utilisé à des fins pour lesquelles il n'aurait pas été créé.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Nous avons déjà vingt et un fonds de réserve !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est un compte de réserve, pas un fonds !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16.
M. Guy Fischer. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement nous paraît pour le moins surprenant.
Le texte de l'article 18 est suffisamment explicite puisqu'il crée un fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil de la petite enfance et affecte à ce fonds l'excédent de la branche famille, soit 1,5 milliard de francs. Nous nous sommes réjouis de cette mesure, même si, comme vous venez de le rappeler, madame le ministre, elle ne porte que sur l'investissement, laissant ainsi - mais c'est un autre problème que nous ne traiterons pas là - le coût de fonctionnement, très important, même s'il y a un engagement de la CNAF à la charge des collectivités locales. J'avais attiré l'attention sur ce problème dans mon intervention générale.
Les besoins en structures d'accueil destinées à la petite enfance sont criants, singulièrement dans les zones urbaines. Nous savons que ces équipements sont des facteurs de socialisation très importants. Compte tenu, notamment, de la croissance du nombre des familles monoparentales, ils sont absolument nécessaires.
C'est pourquoi nous ne comprenons pas que nos collègues de la commission des affaires sociales veuillent transformer un texte clair et présentant des avancées notables en le rédigeant de telle manière que la destination des excédents de la branche famille devient plus aléatoire. Nous connaissons, bien sûr, le peu de cas que font parfois nos collègues des structures collectives. Il est en effet bien clair que certains préfèrent, et de loin, le système des emplois familiaux à domicile, qui peut présenter un double avantage pour les ménages aisés.
Un débat a eu lieu voilà deux ans à cet égard et il a donné lieu à de vives polémiques entre nous. Mais M. Vasselle a reconnu que nous avions contribué à résoudre le problème.
Bien évidemment, nous ne vous suivrons pas dans votre démarche, surtout que, soit dit en passant, les structures collectives sont nettement moins coûteuses pour le contribuable que le système de garde individualisée, qui profite, le plus souvent, à une certaine catégorie de la population.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je me demande à quoi sert le vote du Parlement !
Je le redirai à propos de l'ONDAM. Je ne vois pas pourquoi on vote ce fonds puisque, déjà, tout est décidé ! Mme le ministre vient de nous remettre solennellement une plaquette sur laquelle est apposé le timbre du ministère délégué à la famille et à l'enfance, alors que nous n'avons pas encore voté !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Le logo de la CNAF !
M. Charles Descours, rapporteur. Je savais que vous alliez me faire cette réponse ! Mais comme il y a le timbre de votre ministère, qui est, me semble-t-il, l'organisme de tutelle de la CNAF, c'est vous qui êtes responsable !
Dès lors, mes chers collègues, est-il vraiment nécessaire que nous votions, puisque, avant même que le Parlement se soit prononcé, le ministère a déjà imprimé les plaquettes ?
On peut y lire, notamment, qu'une subvention de 40 000 francs à 70 000 francs sera versée par place créée. Tout est prévu, même le coût des structures d'accueil... les décrets qui ne sont pas pris... Bravo, vous tirez plus vite que votre ombre ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 18 est ainsi rédigé.

Section 2

Branche vieillesse

Article 19 A