SEANCE DU 9 NOVEMBRE 2000


M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Ma question, relative à la sécurité alimentaire, s'adresse à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.
L'inquiétude et l'émotion grandissent dans la population. La crise de la « vache folle » préoccupe les consommateurs, mais également les producteurs, à l'heure où les cours s'effondrent, et l'ensemble de la filière agro-alimentaire.
Ces inquiétudes sont légitimes. La sécurité alimentaire constitue en effet un droit fondamental dont les pouvoirs publics sont les garants.
Toutefois, il est nécessaire de savoir raison garder et de ne pas céder à la campagne d'affolement de nature politicienne (Exclamations sur les travées du RPR.) à laquelle nous assistons et qui me semble quelquefois bien éloignée de la sécurité alimentaire et, disons-le, indécente.
Il convient d'examiner chaque proposition dans un débat citoyen en s'appuyant sur les recommandations scientifiques et en respectant rigoureusement les principes de précaution et de transparence.
Souvenons-nous que ce sont des modifications dans les méthodes de fabrication des farines animales, mises en oeuvre en Grande-Bretagne pour des raisons de rentabilité financière au début des années quatre-vingt, qui ont conduit au recyclage de l'agent pathogène ainsi qu'à sa dissémination massive dans le cheptel bovin de ce pays.
Aujourd'hui, malgré une réglementation rigoureuse, tout indique que des fraudes ont eu lieu à plusieurs niveaux.
Les autorités françaises ne doivent faire preuve d'aucune complaisance à l'égard des fraudeurs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, assiste-t-on à une augmentation des risques ces dernières semaines, une augmentation telle qu'elle justifierait le climat d'angoisse d'aujourd'hui ?
Faut-il généraliser les tests de dépistage à l'ensemble des bovins abattus en France ? Cette disposition ne risque-t-elle pas de n'assurer qu'une fausse sécurité compte tenu du peu d'éléments dont disposent aujourd'hui les scientifiques sur la durée d'incubation de la maladie ?
S'agissant de l'interdiction totale des farines animales, il convient dès à présent de considérer les risques que comportent le stockage et l'incinération des carcasses, le stockage et la destruction des farines.
Il est également nécessaire de s'interroger sur le remplacmeent de ces farines par des protéines végétales. En effet, depuis 1992 et les accords de Blair House, signés par l'Europe sous la pression des Etats-Unis, la France, comme les autres pays membres, s'autolimitent dans la production de protéines végétales et sont obligés de s'approvisionner en soja américain, c'est-à-dire, en majeure partie, en plantes génétiquement modifiées. La mise en oeuvre hâtive de telles dispositions risque de ne pas être entièrement satisfaisante et, en fait, de déplacer le danger.
Quelles consignes les services ministériels ont-ils l'intention de donner à tous ceux qui sont en charge de la restauration, notamment de la restauration scolaire ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'attends vos réponses avec intérêt. Il s'agit en effet d'un grand problème national concernant les consommateurs et les éleveurs, qui, dans leur grande majorité, sont honnêtes et se trouvent aujourd'hui dans la tourmente, comme les acteurs de toute la filière agroalimentaire, notamment ses salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. J'ai apprécié le ton de votre question, madame le sénateur, (Ah ! sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste) dans la mesure où il traduit un certain recul par rapport à l'événement. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées). Allant au-delà de l'irrationnel et de la psychose, vous essayez de sérier les problèmes.
Ces problèmes sont de deux ordres : d'ordre alimentaire et de santé humaine, et d'ordre économique ; ces derniers sont induits, mais ils ne sont pas moindres.
Je rappelle, après que M. le Premier ministre l'a affirmé, que, pour le Gouvernement, la santé humaine et la sécurité alimentaire n'ont pas de prix. Elles ont un coût, mais elles n'ont pas de prix, et le Gouvernement est prêt à assumer toutes ses responsabilités pour qu'elles soient assurées.
A votre première question, madame la sénatrice - y a-t-il un risque aujourd'hui ? - la réponse est non.
Tous les experts - et j'étais ce matin même en réunion avec Mme Brugère-Picoux, ma collègue vétérinaire, qui est une spécialiste en la matière - s'accordent pour affirmer que la phase de contamination est derrière nous...
M. Serge Vinçon. Oh, ça !
M. Jean-Pierre Raffarin. Prudence !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. ... et que jamais la viande n'a été aussi sûre qu'aujourd'hui.
Chacun s'accorde par ailleurs à dire que le muscle ne présente aucune toxicité et que les principes de précaution énoncés par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, en matière de découpe sont aujourd'hui rigoureusement suivis.
M. Jean-Pierre Raffarin. Prudence !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. En deuxième lieu, s'agissant des farines, j'estime qu'on ne peut pas vouloir une chose et ne pas en assumer les conséquences !
M. Alain Gournac. Il faut les donner aux poissons !
M. Daniel Goulet. Et à la volaille !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Je ne voudrais pas, madame la sénatrice, que, dans la précipitation, pour des raisons démagogiques (Oh ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendant,...)
M. Joseph Ostermann. C'est inacceptable !
M. Daniel Goulet. A qui la faute !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. ... on fasse courir à la population un risque direct en essayant d'éviter un risque indirect.
En un mot, le stockage sans solution immédiate quant au traitement des farines risquerait aujourd'hui de polluer l'atmosphère, les nappes d'eau, et ferait courir un danger primaire à la population.
En troisième lieu, je tiens à souligner que le Gouvernement n'est pas opposé à la généralisation des tests, et il entend employer tous les types de tests.
Nous allons dès maintenant effectuer ces tests de façon aléatoire sur la population menacée et sur la population présumée saine. Puis nous les généraliserons. Nous effectuerons cette année 48 000 tests.
Madame Terrade, la France a fait preuve en la matière de la plus grande vigilance. Elle est la première à détecter la maladie. C'est vrai qu'elle trouve, mais c'est parce qu'elle cherche. Notre vigilance sera sans faille.
Enfin, madame la sénatrice, vous m'avez interrogé sur les cantines scolaires. Je vous informe à cet égard que je vais à nouveau me rendre ce soir, avec M. le ministre de l'éducation nationale, à une réunion sur ce thème.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Je signale que certains représentants de parents d'élèves demandent aujourd'hui que l'on ne retire pas la viande des cantines. Nous allons nous expliquer sur ce point et je vous assure que nous prendrons toutes les garanties nécessaires. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, et sur certaines travées du RDSE.)

TRAVAUX DE L'AUTOROUTE A 41