SEANCE DU 9 NOVEMBRE 2000


M. le président. La parole est à M. Vissac.
M. Guy Vissac. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre.
La gravité des développements récents de la crise liée à l'alimentation animale et à l'épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine montre aujourd'hui la difficulté de maîtriser certains risques de santé publique.
Il en résulte une forte et légitime inquiétude chez nos concitoyens. Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que leurs préoccupations ont suscité des décisions à l'échelon national, avec, notamment, la création de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et l'adoption, dès 1996, de mesures rigoureuses afin de lutter contre l'encéphalopathie spongiforme bovine et d'empêcher la consommation de produits contaminés.
Mais aujourd'hui, la situation impose des décisions urgentes et non d'interminables tergiversations. Ces décisions doivent impérativement contribuer à assurer la transparence et la précaution, deux principes indispensables à la protection de la santé de nos concitoyens.
Comme l'a souligné le Président de la République à de nombreuses reprises, notamment au cours de conseils des ministres - et non pas seulement lors de son dernier message télévisé, comme certains voudraient le laisser entendre insidieusement - l'impératif de santé publique est d'intérêt national.
Lui seul peut permettre de rétablir la confiance et préserver les intérêts économiques de nos éleveurs, qui, depuis des années, ont engagé un combat pour la qualité et qui sont aujourd'hui menacés par le doute qui s'est répandu dans l'esprit des consommateurs. Le cas décelé récemment dans mon canton, en Haute-Loire, me confirme l'inquiétante et profonde réalité de ce problème.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, dans cette affaire, l'attente semble toujours être le mot d'ordre du Gouvernement. Dans ce domaine, comme dans tant d'autres, votre méthode reprend l'adage d'Alphonse Allais : « Ne remets pas à demain ce que tu peux faire après-demain. »
Pire, des communiqués de presse déplacés, des déclarations intempestives, voudraient faire passer vos atermoiements pour de la prudence, et la lucidité du chef de l'Etat pour de l'alarmisme.
Si le respect du principe de précaution consiste en effet à s'interroger sur le niveau de risque que nous sommes prêts à accepter tout en laissant la recherche libre d'avancer, l'absence de certitude ne doit pas pour autant empêcher d'agir : précaution n'est pas immobilisme.
Mes questions sont très simples, monsieur le secrétaire d'Etat. J'espère que votre réponse le sera tout autant.
Entendez-vous, oui ou non, suspendre l'utilisation des farines animales dans tous les élevages, conformément au souhait du Président de la République ? Dans l'affirmative, qu'entendez-vous substituer à ces farines carnées ?
M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Vissac !
M. Guy Vissac. Allez-vous, dans l'improvisation qui est la vôtre, être contraint d'importer des substituts transgéniques ?
Face à la détresse de nos producteurs, entendez-vous mettre en place un véritable plan de sauvetage de l'élevage français ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Claude Estier. Y a qu'à... Faut qu'on... !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Monsieur le sénateur, de grâce, n'ajoutons pas de la confusion à la psychose (Murmures réprobateurs sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste) et de la démagogie à l'inquiétude ! (Vifs applaudissements sur les travées socialistes.) Ne jouez surtout pas ce jeu-là ! (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. le président. Laissez M. le secrétaire d'Etat répondre !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Vous avez cité abondamment le Président de la République. Moi, je connais l'usage parlementaire : je ne cite pas le Président de la République dans les assemblées !
M. Paul Raoult. Très bien !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Je veux simplement vous dire une chose : vous parlez d'immobilisme, de tergiversations... A ce sujet grave, le Gouvernement répond par une méthode, qui est la transparence, la loyauté, la franchise.
M. Robert Calmejane. Parlons-en !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'a rien à cacher ! (Applaudissements sur les travées socialistes.).
M. André Rouvière. Ça les ennuie !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Ne prononcez donc pas de tels mots, monsieur le sénateur. Ils dépassent sûrement, et de loin, votre pensée. De surcroît, dans un climat de psychose, ils n'arrangent les affaires de personne !
Vous ne sécurisez pas les consommateurs, ...
MM. Robert Calmejane et Alain Gournac. Vous non plus !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. ... vous ne rassurez pas l'opinion et, de surcroît, en en rajoutant, vous mettez à mal nos filières bovines ...
M. Charles de Cuttoli. Il faut les empêcher de mourir !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. ... et en particulier celle que vous défendez en Haute-Loire. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
Voilà la réalité des choses ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Le Gouvernement a trois principes, monsieur le sénateur.
Le Gouvernement a toujours agi et il continue d'agir en fonction des recommandations que lui font les scientifiques. Il l'a fait sur le choix des matériaux à risques ; il l'a fait sur le choix de la méthode à adopter et sur le contrôle des filières. Il le fait aujourd'hui en ce qui concerne le problème de la découpe, et notamment celle de la côte de boeuf. Bref, le Gouvernement prend des mesures !
Alors, de grâce, monsieur le sénateur ! Il ne faut pas vouloir une chose et refuser par ailleurs d'en assumer les conséquences. Décider unilatéralement qu'au jour « J » nous interdisons les farines animales sans connaître les risques indirects que cela peut avoir sur la population relève soit de l'inconscience, soit de la démagogie. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Le Gouvernement, en l'occurrence le Premier ministre, a déjà répondu à votre question.
Monsieur le sénateur, il n'est pas dans mon habitude de répondre sur ce ton...
M. Henri de Raincourt. Si !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. ... mais la façon dont vous avez posé votre question, taxant le Gouvernement d'immobilisme, disant qu'il gesticule et ne fait rien, était très provocatrice. Je vous réponds donc sur le même ton !
Vous savez très bien, comme moi, qu'aujourd'hui aucune donnée scientifique ne permet de dire que les farines animales, si les conditions de leur utilisation sont respectées, sont dangereuses pour qui que ce soit. (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Les services dont j'ai la charge aujourd'hui assurent un contrôle permanent sur ces farines.
M. Alain Gournac. Bref, tout va bien !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Quelle méthode le Gouvernement a-t-il choisi ?
En premier lieu, il saisit l'AFSSA, l'agence française de sécurité sanitaire des aliments, un organisme indépendant, et il se fonde sur un avis scientifique, qu'il a toujours suivi.
En second lieu, M. le Premier ministre a annoncé à l'Assemblée nationale mardi dernier que nous nous mettions en ordre de bataille pour pouvoir répondre à cette commande aussitôt que le premier avis sera donné ...
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis navré, mais il vous faut conclure.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. ... et que nous aurons trouvé le moyen de répondre au stockage des 700 000 tonnes de farine concernées. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

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