SEANCE DU 5 OCTOBRE 2000


M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, je souhaite vous interroger sur la politique du Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Des signes d'attente se multiplient. Ils viennent de salariés qui ont dû supporter des restrictions en raison de la crise ; nous devons donc les prendre en compte.
En 1997, le Gouvernement a fait des choix de politique économique et sociale qui visaient à répondre à une aspiration profonde et unanime de nos concitoyens : la lutte contre le chômage.
Des réformes de fond ont été engagées, notamment la réduction du temps de travail sans diminution de salaire ou la réforme des cotisations sociales.
Depuis trois ans, on constate la pertinence de ces choix. La croissance est au rendez-vous. Le pouvoir d'achat global s'est amélioré,...
M. Henri de Raincourt. Ah bon ? Cela ne se voit pas !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. ... sans comparaison avec les périodes précédentes.
Mais des inégalités demeurent. Nous savons qu'actuellement le retour à l'emploi n'est pas toujours synonyme d'une augmentation substantielle des revenus.
Mieux vaut accompagner le retour à l'emploi par une hausse significative du pouvoir d'achat que de pénaliser financièrement les demandeurs d'emploi qui ont des difficultés à trouver ou à retrouver du travail.
S'il y a des tensions sur le marché du travail, elles ne peuvent pas se résoudre au détriment des demandeurs d'emploi.
Dans un contexte de croissance et d'inflation plus fortes que prévu, les salariés, notamment lorsqu'ils ont été embauchés depuis peu, sont pénalisés par rapport à ceux qui tirent leurs rémunérations de la création de valeurs boursières.
Cela paraît d'autant plus injuste à ces salariés que c'est sur eux qu'ont pesé les sacrifices de la crise et qu'ils constatent souvent, mois après mois, une augmentation régulière des bénéfices de leur entreprise.
Monsieur le ministre, il nous faut accentuer notre effort pour améliorer de façon structurelle le pouvoir d'achat, y compris pour la fonction publique, avec un objectif de justice pour les plus modestes. Nous devons répondre aux attentes de nos concitoyens, dont beaucoup, en situation précaire, s'inquiètent d'une possible augmentation du coût de la vie, ainsi que nous le révèlent les derniers chiffres de l'INSEE.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame le sénateur, vous posez dans les bons termes le problème sérieux qu'il faut résoudre aujourd'hui et auquel chacun, dans son analyse, est confronté.
Il y a eu en 1997, lorsque le Premier ministre a constitué le Gouvernement, un choix de politique économique extrêmement clair : donner la priorité aux créations d'emplois. A partir de là, il y a eu une expansion de la masse salariale, vous l'avez rappelé à juste titre, madame, au cours des années précédentes. Ce sera encore vrai en 2000 et en 2001, où l'on atteindra un chiffre de l'ordre de 4 %, ce qui, historiquement, chacun le sait ici, est un chiffre considérable.
Pourquoi ? Parce que l'essentiel de ce pouvoir d'achat nouveau est allé aux créations d'emplois : 500 000 une année, 400 000 l'autre, ce qui est considérable. Au fond, c'est le pari que nous avions fait. En effet, ceux qui trouvent un emploi, heureusement, perçoivent davantage que lorsqu'ils étaient au chômage ou lorsqu'ils n'avaient rien du tout. C'était la priorité et, d'une certaine façon, le pari a réussi.
Du même coup, le pouvoir d'achat par tête, pour ceux qui étaient déjà en poste, augmente, certes - de 0,6 % en 2000, de 1,7 % en 2001 - mais moins que ce que beaucoup pourraient espérer au vu de la croissance. Aussi, un certain nombre de salariés - nous les connaissons tous - disent : il y a une croissance énorme, mais qu'y a-t-il pour nous ? C'est que l'essentiel de la progression du pouvoir d'achat est allé aux créations nouvelles d'emplois. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
A cela, il faut ajouter, pour être vraiment complet, qu'il y a eu, de nouveau par choix, une réduction de la durée du travail et que les accords de réduction de la durée du temps de travail se sont accompagnés - c'était le contrat - d'une modération salariale. Dès lors, la perception du pouvoir d'achat par tête doit tenir compte du fait qu'il correspond très souvent à trente-cinq heures et non plus à trente-neuf heures.
MM. Henri Weber et Paul Raoult. Eh oui !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Toujours est-il qu'il faut prendre en compte le pouvoir d'achat, tout en veillant aux équilibres économiques et financiers globaux. Et ce que je viens de dire milite encore plus fortement en faveur des dispositions qui vous seront proposées prochainement, notamment la baisse ou la suppression de la CSG, la baisse d'un certain nombre d'impôts, qui seront de nature à faire progresser le pouvoir d'achat.
Si donc il y a ce décalage que l'on peut percevoir, c'est à cause de la priorité qui a été donnée à l'emploi, de ce pari qui a réussi, et il faut maintenant que nous trouvions les actions d'accompagnement qui fassent percevoir à chacun qu'il a sa juste part du résultat obtenu par notre économie. (Vifs applaudissements sur les travées socialistes.)

MULTIPLICATION DES « INCIVILITÉS » ET DÉCLARATIONS
DES MINISTRES SUR LE PROCÈS BOVÉ