Séance du 22 juin 2000






CHASSE

Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n° 414, 1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la chasse. [Rapport n° 421 (1999-2000).]
Mes chers collègues, M. le président du Sénat a reçu de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Le jeudi 22 juin prochain se déroulera à Luxembourg le dernier conseil des ministres européens de l'environnement sous présidence portugaise qui marquera la transition avec la présidence française de l'Union européenne qui débute le 1er juillet prochain.
« Vous comprendrez, dans ces conditions, que ma présence y est indispensable afin d'augurer au mieux ces six mois de présidence française pendant lesquels de nombreux dossiers liés à l'environnement devront être débattus avec l'ensemble de nos partenaires européens.
« Cette obligation apparaît malheureusement incompatible avec les contraintes du calendrier parlementaire qui fixe l'examen en nouvelle lecture du projet de loi sur la chasse par votre assemblée ce même jour.
« Ce sera donc M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, qui sera chargé de défendre ce texte au nom du Gouvernement jeudi prochain.
« Je vous remercie par avance de votre compréhension et vous prie de croire, monsieur le président, à l'assurance de ma haute considération.

« Dominique Voynet. »

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à présenter les excuses de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, qui, ainsi que vous venez d'en être informés, est retenue toute la journée au conseil des ministres européens de l'environnement à Luxembourg et qui ne peut donc aujourd'hui défendre le projet de loi sur la chasse, comme elle l'avait fait jusqu'à présent. Il me revient la mission, au nom du Gouvernement, de la suppléer aujourd'hui.
Ce projet de loi était sorti très profondément remanié de vos premiers travaux. Il vous revient tout aussi transformé de la nouvelle lecture effectuée par l'Assemblée nationale.
Il semble bien que, lors des premiers débats, les intentions de l'Assemblée nationale et du Gouvernement n'aient pas été bien comprises.
Plutôt que de refaire l'exposé détaillé d'un projet de loi dont vous connaissez sans aucun doute fort bien tous les arcanes et les débats successifs, je voudrais simplement insister, pour introduire le débat général, sur les principaux enjeux de ce texte.
Le Gouvernement avait présenté en première lecture un projet qui avait l'ambition de répondre de façon globale aux questions auxquelles le monde de la chasse est confronté aujourd'hui. Ce projet représentait un compromis équilibré entre les préoccupations des chasseurs et celles du reste de la société.
La première lecture à l'Assemblée nationale avait préservé l'essentiel des éléments de cet équilibre subtil. Cet équilibre correspond à des objectifs que je vous invite, pour cette nouvelle lecture, à ne pas oublier.
Premièrement, la loi que nous devons bâtir doit constituer un compromis acceptable pour toute la société française. Il ne s'agit pas de consacrer par une loi la victoire d'un camp sur l'autre, car celle-ci ne serait qu'illusoire et très temporaire.
Les préoccupations des chasseurs comme celles des non-chasseurs doivent être prises en compte avec la même attention. Elles ne sont pas incompatibles, pour peu que l'on ait la volonté de parvenir à les articuler les unes aux autres de façon équilibrée et de résister aux démons de l'immobilisme et de clientélisme. Toute autre attitude risquerait fort d'exacerber, une fois de plus, des conflits par certains côtés artificiels et d'encourager des tendances au refus de la chasse par une partie grandissante de la société française. Ces tendances sont déjà à l'oeuvre, ne nous y trompons pas.
Deuxièmement, le texte doit être compatible avec le droit communautaire, faute de quoi, là aussi, nous ne pourrions pas croire très longtemps avoir apporté une solution durable aux problèmes qui sont en jeu.
S'il faut transposer la directive de 1979 dans notre droit interne et en respecter, enfin, les principes, c'est parce que ceux-ci non seulement sont de bon sens mais aussi ont reçu en vingt ans une confirmation tant scientique qu'opérationnelle. L'évolution des connaissances a montré qu'ils reposaient sur des réalités biologiques incontournables touchant à l'évolution des populations et des milieux. Leur mise en oeuvre dans pratiquement tous les pays européens a confirmé qu'ils ne mettaient pas en cause une chasse soucieuse du devenir des populations d'oiseaux dont le bon état de conservation est, à l'évidence, nécessaire à sa pérennité.
En adoptant la directive de 1979, les ministres et le Parlement d'alors avaient pris la mesure des dispositions indispensables à la gestion durable d'espèces qui constituent à la fois un patrimoine commun pour européens et le fonds du stock des espèces-gibier pour les chasseurs. Ce fut un acte de clairvoyance et d'anticipation, par certains côtés fondateur des politiques de protection de la nature et de l'environnement et, par d'autres, favorable à la permanence de la chasse.
Enfin, ce texte doit avoir pour ambition d'apporter une solution à l'ensemble des problèmes qui ont surgi de la confrontation entre l'évolution de la société et celle du monde de la chasse : aspiration au partage de l'espace et à un droit de non-chasse, montée des préoccupations environnementales et de sécurité...
Il faut apporter à ces problèmes une solution durable, réaliste et acceptée.
Vous aviez, en première lecture, profondément modifié le texte que l'Assemblée nationale avait élaboré.
Le Gouvernement ne peut pas vous cacher que le texte était alors très déséquilibré. Il faisait, par exemple, droit de façon exagérée aux exigences non pas de la majorité des chasseurs, mais d'une minorité d'entre eux qui considèrent que la satisfaction de leur passion, pour reprendre le mot fréquemment utilisé, l'emporte sur toute autre considération.
En choisissant de réintroduire dans la loi des dates de chasse au gibier d'eau et aux oiseaux migrateurs peu compatibles avec la directive de 1979, il devenait ouvertement contradictoire avec la réglementation communautaire. C'est sans doute pour cela que la commission mixte paritaire a échoué.
Lors de l'examen en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a donc rétabli un équilibre, à quelques nuances près, analogue à celui acquis initialement, en réaffirmant les principes qui avaient permis de l'obtenir.
Ces principes ont été dégagés à l'issue d'une concertation qui a associé, dans le courant de l'année 1999, tous les acteurs concernés par la chasse. Cette concertation fut d'une telle ampleur qu'on ne peut, d'un revers de manche, la passer par pertes et profits. Elle restera probablement dans les mémoires comme le premier débat de société portant sur la chasse.
Le Gouvernement se doit donc de vous rappeler ces principes.
Le premier d'entre eux, c'est que la loi relative à la chasse doit créer les conditions d'un accès partagé et paisible aux espaces naturels et ruraux, pour les chasseurs autant que pour les autres usagers de la nature.
Le Gouvernement ne méconnaît pas le débat qui se noue autour de la notion d'usage non appropriatif des espaces naturels. Le plaisir du paysage, celui de la promenade, de la marche ou de l'observation de la nature sont pourtant des usages de plus en plus répandus. Ils participent, par exemple, de plain-pied à cette multifonctionnalité que la loi d'orientation agricole a reconnu aux espaces ruraux. Et qu'ils puissent être pratiqués par tous est une contrepartie - à vrai dire bien peu coûteuse - de la solidarité nécessaire au maintien de la qualité des espaces ruraux, voire à une forme concrète de cohésion sociale et de responsabilité collective.
A ceux qui mettent en avant, pour s'opposer à cet objectif, le respect du droit de propriété, il faut rappeler qu'on ne peut pas à la fois invoquer le droit de propriété pour refuser toute limitation à l'exercice du droit de chasse et, simultanément, défendre la loi Verdeille et les associations communales de chasse agréées, les ACCA, qui constituent, elles aussi, une limitation au droit de propriété et au droit de chasse qui lui est attaché.
On ne peut, à la fois, être attaché, et ce à juste titre, à une chasse populaire et prôner une sorte de monopole d'usage pour les chasseurs sur des espèces ou des espaces dont les vocations ne se résument pas à être exclusivement des territoires de chasse ou un gibier.
Cela reviendrait en définitive à exclure d'autres plaisirs ou d'autres usages tout aussi populaires.
Sans méconnaître le droit de propriété, le Gouvernement souhaite donc, comme l'Assemblée nationale le propose, que les conditions de partage de l'espace traduisent l'évolution de notre société et les attentes des citoyens.
C'est de ce constat que découle l'instauration du jour sans chasse, que l'Assemblée nationale a confirmée.
C'est aussi de ce constat que résulte la redéfinition du rôle des fédérations de chasseurs, dont l'objet principal est la gestion d'une richesse collective, le patrimoine cynégétique, ou la transformation de l'Office nationale de la chasse en Office national de la chasse et de la faune sauvage et l'ouverture de son conseil d'administration, ou encore l'instauration du droit de non-chasse et l'inscription dans la loi d'un titre précisément consacré à la sécurité.
Ces dispositions, qui concrétisent la volonté de partage de l'accès aux espaces ruraux, ont une autre vertu : elles sont le gage de l'ouverture d'un dialogue entre les chasseurs et le reste de la société française.
Les débats qui ont précédé le travail parlementaire ont montré que la chasse doit impérativement trouver une nouvelle légitimité aux yeux de la société.
Pour que cette nouvelle légitimité soit durablement acquise, il faut que s'établissent et se poursuivent un dialogue et une réflexion collective entre les acteurs, quels qu'ils soient, qui interviennent à un titre ou à un autre dans les espaces ruraux. C'est à ce prix que sera enrayée la logique infernale des conflits qui ne profitent ni à la chasse, dont l'image se brouille, ni à la nature, dont la gestion échappe aux réalités écologiques, ni à la société, qui parfois entre en ébullition, sur ces sujets, pour des motifs somme toute mineurs.
Fonder les conditions d'un dialogue équilibré correspond bien aux attentes d'un bon nombre de protagonistes qui sont prêts à faire, tant du côté des associations de protection de la nature que du côté des chasseurs, quelques pas de plus les uns vers les autres.
Le deuxième grand objectif auquel le Gouvernement compte parvenir et souhaite vous voir adhérer, c'est celui de la modernisation de notre droit de chasse. Il faut le rendre compatible avec la réglementation européenne.
Vous savez tous de quoi il s'agit.
En premier lieu, ce qui est en cause, c'est la définition des périodes d'ouverture de la chasse au gibier d'eau. Si personne ne conteste plus que soient repris dans le texte les principes de la directive de 1979, il reste entre nous une divergence majeure.
L'Assemblée nationale, rejoignant en cela l'avis du Gouvernement considère que les périodes de chasse n'ont pas à figurer dans la loi elle-même. La loi doit, elle, s'en tenir à la définition des principes qui encadrent les dates d'ouverture et de fermeture.
Vous n'êtes pas, majoritairement, de cet avis. Vous êtes même tentés de faire figurer dans la loi des dispositions contraires à la directive. Nous nous devons de vous alerter des risques d'une pareille disposition. L'arrêt rendu récemment par le Conseil d'Etat devrait achever de convaincre ceux qui douteraient encore que pareille décision est vouée à l'échec.
Dans un souci de clarté et d'apaisement, le Gouvernement, en présentant un avant-projet de décret déjà beaucoup analysé, a, en revanche, démontré qu'il était possible d'envisager des dates d'ouverture et de fermeture différenciées, respectant les principes posés par la directive et adaptées aux évolutions fluctuantes de la démographie des différentes espèces ainsi qu'aux spécificités territoriales.
Je vous confirme que, s'il est bien prévu la possibilité d'un moratoire pour la chasse d'espèces qui seraient en mauvais état de conservation, des dérogations telles que celles qui sont désignées à l'article 9 de la directive de 1979 y sont aussi envisagées.
La souplesse d'une telle façon de faire correspond bien à la double nécessité de s'adapter à la réalité des faits, année après année, ensemble de milieux par ensemble de milieux, et de laisser une place aux concertations nécessaires entre chasseurs, scientifiques, protecteurs de la nature et de l'environnement pour définir le statut de conservation des espèces.
S'agissant de la chasse de nuit, l'Assemblée nationale, tout en récusant l'idée avancée par le Gouvernement d'une dépénalisation temporaire et expérimentale, a souhaité s'en tenir à une légalisation explicite dans vingt et un départements. Elle a eu la volonté de le faire sans céder à une inflation démagogique ni s'en tenir à une rigidité excessive. Le fait est qu'il s'agit d'une chasse traditionnelle qui ne se satisfait pas toujours du découpage départemental. L'Assemblée nationale a donc introduit une disposition autorisant la chasse de nuit dans des secteurs plus limités, en prenant comme référence le canton.
Il est du devoir du Gouvernement de vous rappeler qu'on ne saurait aller plus loin, en abandonnant, par exemple, le critère de la tradition et donc de l'ancienneté de la pratique, sans aggraver radicalement la fragilité du texte et l'éventualité de contentieux difficiles avec l'Union européenne.
Ici comme ailleurs, surenchère, rigidité et démagogie seront mauvaises conseillères, d'autant que les propositions de l'Assemblée nationale en matière de chasse à la passée, que vous avez confirmées, prêtent, elles aussi, le flanc à la critique.
S'agissant des adaptations qu'il convient d'apporter à la loi Verdeille après la décision de la Cour européenne des droits de l'homme, si chacun s'accorde maintenant à reconnaître le droit de non-chasse, le Gouvernement se doit de recommander d'éviter de multiplier les restrictions et les embûches.
Toute disposition qui en rendrait l'exercice difficile, voire impossible, viderait le symbole de son sens et choquerait non seulement le sentiment des opposants à la chasse mais aussi des convictions beaucoup plus partagées que l'opposition à la chasse et qui ont trait à l'équité et à la liberté.
Enfin, il fallait clarifier les rôles en matière d'organisation de la chasse dans le même esprit, pour favoriser tout à la fois la responsabilité et le dialogue.
A l'office le rôle de réaliser des études, de constituer l'expertise, de mettre à disposition un appui technique qui permettra de renforcer la préservation et le développement de l'ensemble de la faune sauvage. A lui de délivrer le permis de chasser. A lui enfin, et à lui seul, d'exercer la police de la chasse.
Aux fédérations départementales de travailler sur le terrain à la mise en valeur du patrimoine cynégétique et de proposer les schémas de gestion cynégétique. A elles aussi de financer et d'organiser l'indemnisation des dégâts de gibier.
Si l'Assemblée nationale n'a pas retenu votre proposition de mettre l'ensemble du dispositif sous la responsabilité des ministres chargés de la chasse, de l'agriculture et de la forêt...
M. Roland du Luart. Elle a eu bien tort !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. ... ou celle qui limitait le contrôle des fédérations, elle a confirmé la création de fédérations régionales des chasseurs, que vous aviez proposée.
M. Ladislas Poniatowski. C'est exact !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons déjà largement débattu de ce texte très attendu. Je ne crois pas nécessaire d'aller plus avant dans le détail du projet adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, le 13 juin dernier.
Pour conclure, je pense encore utile de vous rappeler quelques éléments du contexte qui inciteraient à ne pas en rester à une conception de la chasse frileusement repliée sur elle-même.
La société française, les modes de vie, les besoins de nos concitoyens ont, depuis quelques dizaines d'années, connu des transformations importantes. La conception que se font les chasseurs eux-mêmes de la chasse évolue.
Ma collègue Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, vous aurait probablement dit qu'il était aussi temps de faire évoluer simultanément le droit de la chasse et son organisation. Ne pas le faire serait prendre le risque de laisser grandir une distorsion entre la réalité des pratiques ou des attentes et les modalités de leur encadrement.
C'est tout à l'honneur du Parlement qu'il y prenne la part éminente qui lui revient et qu'il fixe les objectifs et les règles de cette mutation attendue tant par un grand nombre de chasseurs que par l'essentiel d'une société qui, pour majoritairement urbaine qu'elle soit maintenant, conserve des racines rurales et reste attentive au devenir des espaces naturels et ruraux, ainsi qu'aux activités qui s'y développent. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Mme le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Anne Heinis, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la chasse revient en nouvelle lecture au Sénat après l'échec de la commission mixte paritaire qui s'est réunie le lundi 29 mai dernier à l'Assemblée nationale.
Les sénateurs présents y ont participé avec la volonté de rechercher un accord sur les dispositions du projet de loi restant en discussion.
Après avoir souligné la convergence des points de vue qui s'était manifestée lors de l'examen du texte par le Sénat, votre rapporteur a relevé comme principaux points de désaccord entre l'Assemblée nationale et la majorité sénatoriale l'inscription ou non dans la loi des périodes de chasse aux oiseaux migrateurs, la liste des départements dans lesquels est autorisée la chasse de nuit, la composition du Conseil national de la chasse et le problème de l'assermentation des agents de développement cynégétique.
Force a été de constater que l'attitude de M. François Patriat, rapporteur du texte pour l'Assemblée nationale, était aux antipodes de notre volonté de compromis. Il a, en effet, recensé dans le texte pas moins de quinze « points durs » rendant, selon lui, d'emblée et a priori impossible un accord avec les sénateurs !
Le ton étant ainsi donné, et malgré les propositions des sénateurs et de plusieurs de nos collègues députés, la commission mixte paritaire a échoué sur la question de l'inscription ou non dans la loi de tout ou partie des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse.
Compte tenu de cet échec et de la position très intransigeante des membres de la majorité à l'Assemblée nationale, la solution que je vous propose est de reprendre, en règle générale, le texte tel qu'adopté par le Sénat en première lecture, pour réaffirmer les principes forts qui avaient structuré notre démarche.
Je m'arrêterai d'abord sur l'article 1er bis , introduit par l'Assemblée nationale en première lecture et destiné à mieux encadrer les réintroductions d'espèces prédatrices. Vous vous souvenez que le Sénat, suivant les recommandations de sa commission des affaires économiques, n'avait apporté aucune modification à ce dispositif.
Nous n'avons pas été peu surpris de constater que les députés de la majorité gouvernementale avaient adopté, sur proposition du Gouvernement, une nouvelle rédaction de cet article, alors même que l'article 108 du règlement de l'Assemblée nationale interdit de remettre en cause ou de modifier sauf pour coordination ou pour rectification matérielle des articles votés en termes identiques par les deux assemblées.
Je n'ignore pas que la question de la recevabilité en nouvelle lecture des amendements modifiant des articles adoptés conformes par les deux assemblées fait l'objet, de la part du Conseil constitutionnel, d'une jurisprudence complexe, d'autant plus difficile à interpréter que, pour cette haute juridiction, les règlements des assemblées, bien que déclarés conformes à la Constitution, ne font pas partie du « bloc de constitutionnalité ».
J'observe au demeurant qu'en acceptant la discussion d'un amendement remettant en cause, indépendamment de toute « coordination », un article adopté dans les mêmes termes par les députés et par les sénateurs, l'Assemblée nationale a délibérément méconnu sa propre loi.
M. Roland du Luart. C'est attristant !
Mme Anne Heinis, rapporteur. Notre commission ne peut se résoudre à cautionner une telle attitude. C'est pourquoi, estimant que l'article 1er bis n'était plus en discussion dès la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, elle vous demande de revenir à la rédaction adoptée conforme par les deux assemblées.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
Mme Anne Heinis, rapporteur. A l'article 3 ter , relatif aux schémas de gestion cynégétique, le texte de l'Assemblée nationale institue une véritable « usine à gaz » au niveau de la région, supprimant toute autonomie des responsables de terrain et ingérable pour tous. Comment ne pas penser ici, encore une fois, à Tocqueville et à sa vision prémonitoire d'un pouvoir administratif entendant régler dans les moindres détails l'existence des citoyens ? « Que ne peut-il leur ôter le trouble de penser et la peine de vivre ? », ironisait-il. Nous, nous souhaitons précisément responsabiliser les chasseurs et les fédérations.
En ce qui concerne les structures organisatrices de la chasse, il y a lieu de procéder au rétablissement du contrôle a posteriori sur les comptes des fédérations et des règles de vote en assemblée générale.
De même, il vous est proposé de rétablir les compétences des fédérations et des associations communales de chasse agréées, les ACCA, en matière de prévention et de lutte contre le braconnage. Quant aux agents cynégétiques, il faudra qu'ils soient commissionnés et assermentés.
En ce qui concerne le financement des fédérations de chasseurs, il convient de procéder au rétablissement des amendements prévoyant une répartition des redevances entre l'ONCFS - Office national de la chasse et de la faune sauvage - et les fédérations, de manière que celles-ci puissent assurer le financement des dégâts de gibier, à travers le fonds de péréquation et les comptes départementaux, et de rejeter en conséquence le dispositif adopté par l'Assemblée nationale qui veut que les fédérations financent l'indemnisation des dégâts de gibier par les seules cotisations.
D'une part, rien n'interdit qu'un organisme privé soit destinataire du produit d'un impôt pour financer les missions d'intérêt général auxquelles il participe, et l'indemnisation des dégâts de gibier, à coup sûr, en constitue une, car elle concerne aussi bien les chasseurs que les agriculteurs.
D'autre part, l'instauration d'un financement totalement privé fait, à l'évidence, peser un risque sur les conditions de fonctionnement du dispositif et remet en cause le rôle d'arbitre de l'ONCFS, ainsi que, à terme, le fonctionnement du fonds de péréquation.
M. Roland du Luart. On se demande à quoi il servirait alors !
Mme Anne Heinis, rapporteur. En ce qui concerne le temps de chasse, je vous proposerai le rétablissement de l'article 10 avec des dates d'ouverture et de fermeture échelonnées en fonction des espèces, ainsi que l'instauration de plans de gestion et de la clause de sauvegarde en cas de circonstances exceptionnelles.
Je rappelle tout de même que les dates que nous prévoyons à l'article 10 sont généralement plus sévères que celles qui sont inscrites dans la loi de 1998,...
M. Roland du Luart. Ce que les médias n'ont jamais dit !
Mme Anne Heinis, rapporteur. ... précisément pour les rendre conformes à l'esprit de la directive, qui, je le rappelle également, ne contient pas d'injonction particulière concernant les dates. Nous avons la liberté de faire ce que nous voulons, pourvu que soit respecté l'esprit de la directive.
Nous nous estimons d'autant plus fondés à proposer le rétablissement du texte du Sénat à l'article 10 que le contenu de la dernière version du projet de décret transmis la semaine dernière par le ministère chargé de l'environnement est encore plus restrictif. Sur la base des recommandations de M. Lefeuvre et des conclusions d'un conseil scientifique du 28 avril dernier, l'ouverture sur le domaine public maritime n'aurait lieu que le 10 août et, sur le reste du territoire, le 1er septembre, hormis dans les grandes zones de nidification, où la date d'ouverture serait reportée à l'ouverture générale.
Dans cette optique, les dates de fermeture s'échelonneraient jusqu'au 20 février, la plupart fermant au 31 janvier ou à la clôture générale.
Enfin, la chasse du pigeon ramier et des grives ne pourrait être autorisée jusqu'au 20 février que dans les seules conditions de l'article 9 de la directive relative aux dérogations, ce qui n'est pas acceptable.
A l'article 12, sur la chasse de nuit, nous préconisons, comme lors de la première lecture, d'arrêter la liste des départements où elle est autorisée à vingt-huit, et non pas à vingt et un, comme l'a décidé l'Assemblée nationale au mépris de toute équité : à situation égale, traitement égal.
Cependant, sur deux point précis, je vous proposerai de ne pas revenir strictement au texte du Sénat.
S'agissant du jour de non-chasse, la commission ne peut accepter qu'il soit fixé autoritairement et dans toute la France au mercredi. Il n'y a aucune raison, en cette matière comme dans bien d'autres, de ne pas tenir compte des données spécifiques à chaque département et de ne pas faire confiance à l'esprit de responsabilité des fédérations de chasseurs.
M. Roland du Luart. Très bien !
Mme Anne Heinis, rapporteur. D'ailleurs, soixante-dix d'entre elles ont d'ores et déjà pris d'elles-mêmes des décisions en la matière.
La commission vous invitera donc à prévoir, dans un article additionnel après l'article 10, que le préfet, sur proposition de la fédération départementale des chasseurs, suspend - et non plus « peut suspendre », comme l'avait primitivement décidé le Sénat - l'exercice de la chasse au gibier sédentaire un jour par semaine. C'est dans un esprit de conciliation et dans un souci de bonne communication que nous avons adopté cette nouvelle position, moins rigide que la première.
S'agissant de l'article 9 bis , relatif à la sécurité, afin de mieux faire comprendre l'importance que le Sénat attache à la définition de règles de sécurité pour les chasseurs comme pour les non-chasseurs - car notre position n'avait pas toujours été bien comprise -, la commission propose d'en compléter la rédaction.
Enfin, je vous indique que la commission vous propose d'adopter conforme l'article 20 bis , introduit par l'Assemblée nationale, qui permet aux agents cynégétiques des fédérations, au travers des conventions signées avec les propriétaires, d'avoir le statut de garde particulier agréé et assermenté.
En conclusion, je citerai pour mémoire les articles résultant d'amendements n'émanant pas de la commission mais adoptés par le Sénat, et qu'il vous sera demandé de rétablir.
Il s'agit : à l'article 8 A, de la validation du permis de chasser sur douze mois consécutifs ; à l'article 10 quater , de l'autorisation du tir au gibier d'eau sur les marais, fleuves et rivières, à une distance de 30 mètres de la nappe d'eau, ainsi que l'exige la sécurité des chasseurs eux-mêmes ; à l'article 12 bis , de la reconnaissance de la chasse au lévrier, dans le cadre d'un plan de gestion ; à l'article 18 bis , de la possibilité de saisie immédiate des armes, en cas de chasse sur les terrains non clos d'autrui ; enfin, à l'article 25, de la reconnaissance de l'exercice du droit de chasse dans les zones Natura 2000.
M. Jean-Louis Carrère. Bravo !
Mme Anne Heinis, rapporteur. Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les observations que je souhaitais formuler au début de cette nouvelle lecture du projet de loi relatif à la chasse. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du Rassemblement pour la République et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. M. le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de l'échec de la commission mixte paritaire du lundi 29 mai 2000, notre assemblée est saisie, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la chasse.
Avant d'en venir à l'essentiel, c'est-à-dire au cadre général de la chasse et de ses structures pour les années qui viennent, je souhaiterais dénoncer, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, l'attitude inqualifiable qui a été celle du Gouvernement, lors de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, sur l'article 1er bis , relatif à la capture des prédateurs.
En effet, alors que cette disposition, introduite par l'Assemblée nationale en première lecture, avait été adoptée conforme par le Sénat, le Gouvernement, sans le moindre scrupule vis-à-vis des prérogatives du Parlement, a déposé un amendement modifiant sur le fond le texte voté en termes identiques par nos deux assemblées.
Cet acte est contraire aux règlements des deux chambres de notre Parlement, comme vient de le rappeler à l'instant notre excellent rapporteur, Mme Heinis.
M. Jean-Louis Carrère. Comme pour le quinquennat sec !
M. Gérard César. Il est contraire, tout d'abord, à l'article 108 du règlement de l'Assemblée nationale, qui dispose : « La discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique. En conséquence, les articles votés par l'une ou par l'autre assemblée dans un texte identique ne peuvent faire l'objet d'amendements qui remettraient en cause soit directement, soit par des additions incompatibles, les dispositions adoptées. Il ne peut être fait exception aux règles ci-dessus édictées qu'en vue d'assurer la coordination des dispositions adoptées ou de procéder à une rectification matérielle. »
Il est également contraire à l'article 42, alinéas 11 et 11 bis , du règlement du Sénat, qui dispose : « Il ne sera reçu, au cours de la deuxième lecture ou des lectures ultérieures, aucun amendement ou article additionnel qui remettraient en cause, soit directement, soit par des additions qui seraient incompatibles, des articles ou des crédits budgétaires votés par l'une ou par l'autre assemblée dans un texte ou avec un montant identique. Il peut être fait exception aux règles édictées ci-dessus pour assurer la coordination des dispositions adoptées ou procéder à une rectification matérielle. »
Il est indéniable que l'amendement du Gouvernement, très loin d'avoir rectifié une erreur matérielle, a bien modifié le fond de la disposition votée en termes identiques par les deux assemblées.
Il est tout de même curieux qu'un ministre de la République n'ait pas pris un peu de son temps, ou de celui de ses collaborateurs, pour examiner ces points des règlements des assemblées avant de soumettre son projet de loi à l'examen de celles-ci !
Certes, il est déjà arrivé par le passé que des décisions du Conseil constitutionnel sur ce sujet s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, mais il reste inacceptable - et c'est là le fait le plus grave - que le Gouvernement fasse fi du rôle du Parlement et nie ainsi un des principes fondateurs de notre démocratie.
MM. Jacques Valade et Hilaire Flandre. Très bien !
M. Gérard César. J'en viens maintenant au projet de loi lui-même.
Je regrette tout d'abord, comme beaucoup de mes collègues, que la commission mixte paritaire n'ait pas permis d'ouvrir le dialogue entre la France rurale et la France urbaine. Son échec symbolise finalement trois années d'une politique d'aménagement et de développement du territoire menée depuis 1997 et qui s'inscrit dans une logique politique et institutionnelle tendant à une recentralisation des pouvoirs de l'Etat, à une urbanisation de nos agglomérations et à une défiance presque instinctive à l'égard du monde rural et de l'ensemble des acteurs qui le composent.
C'est donc bien le Gouvernement qui porte la responsabilité de cet échec en raison de l'intransigeance des parlementaires socialistes et communistes, qui obéissaient aux ordres du Premier ministre, plus soucieux de la cohésion de sa majorité plurielle à quelques mois d'échéances électorales que de la pérennité et du développement du monde rural.
Cet échec est d'autant plus regrettable que, sous l'impulsion de notre excellent rapporteur, le Sénat avait fixé avec ambition et réalisme le cadre général de la chasse et de ses structures pour les années à venir.
C'est ainsi que, s'agissant de la chasse et de son organisation, le Sénat avait notamment appliqué le principe « un chasseur, une voix » à l'élection des membres du conseil d'administration de chaque fédération départementale et ainsi offert la possibilité de fixer par décret un seuil de territoire de chasse à partir duquel le président d'une société de chasse, le président d'un groupement de chasse et le président d'une association de chasse agréée peuvent bénéficier d'une ou plusieurs voix supplémentaires.
Le Sénat avait également précisé que les fédérations départementales des chasseurs sont soumises, comme toute association du type loi de 1901, au contrôle a posteriori du préfet, et non à un contrôle a priori, qui apparaît comme une marque de défiance vis-à-vis des élus des fédérations.
S'agissant des associations communales et intercommunales de chasse agréées, le Sénat avait notamment maintenu le droit en vigueur selon lequel les augmentations de superficie minimale ne peuvent excéder le double, et non le triple, des minima arrêtés et fixé à un an, au lieu de six mois, le délai de préavis que les propriétaires désireux de se retirer d'une association de chasse agréée doivent respecter.
S'agissant du permis de chasser, le Sénat avait notamment donné compétence aux fédérations départementales des chasseurs pour sa validation et mis en place, pour son examen, un jury composé à parité des représentants des fédérations et de l'Office national de la chasse.
Le Sénat avait, en outre, supprimé la création d'un fichier national des permis et des autorisations de chasse.
S'agissant du temps de la chasse, le Sénat avait notamment fixé dans la loi les périodes d'ouverture et de fermeture et supprimé l'instauration du mercredi comme jour de non-chasse, tout en donnant la possibilité au ministre chargé de la chasse, en cas de circonstances exceptionnelles, de demander au préfet de modifier ces dates.
Le Sénat avait également légalisé la chasse de nuit au gibier d'eau, afin de compléter la liste des départements dans lesquels celle-ci peut être pratiquée, et pris en compte les hutteaux.
S'agissant de la gestion du gibier, le Sénat avait notamment prévu le report, par arrêtés des ministres chargés de la chasse et de l'agriculture, de la date de broyage de la jachère sur tous les terrains à usage agricole, afin de prévenir la destruction et, ainsi, de favoriser le repeuplement de toutes les espèces de gibiers.
Le Sénat avait également proposé l'indemnisation des seuls dégâts causés par les sangliers et le grand gibier aux récoltes procurant un revenu professionnel et exclu des cas de négligence en matière de protection.
S'agissant, enfin, des dispositions diverses, le Sénat avait notamment prévu que la désignation des zones de protection spéciale et des zones spéciales de conservation au titre du réseau Natura 2000 ne fasse pas d'obstacle à l'exercice du droit de chasse.
Toutefois, pour que s'établisse enfin dans le pays un climat serein et apaisé sur un problème qui suscite beaucoup de passions, le groupe du Rassemblement pour la République souhaitait faire de réelles concessions sur de nombreux litiges entre les deux assemblées.
Il était, notamment, disposé à rechercher des solutions acceptables par tous sur le jour de non-chasse, la chasse de nuit, les règles de sécurité - autour desquelles l'unanimité se serait faite aisément - la surveillance des territoires et des espaces naturels.
Forts de promesses de futurs décrets, les parlementaires socialistes, communistes et Verts, en ont décidé autrement, tout en mettant en relief les contradictions de la majorité plurielle du Premier ministre, Lionel Jospin, à travers chacune de leurs déclarations.
C'est ainsi que François Patriat, rapporteur socialiste pour l'Assemblée nationale, a estimé que « le vote maximaliste du Sénat sur le projet de loi ne plaidait pas en faveur d'une solution de compromis au sein de la commission mixte paritaire ». Il a affirmé en commission mixte paritaire que quinze « points durs » le séparaient du texte adopté par la Haute Assemblée. Il ajoutait, quelques jours plus tard, que « personne n'était complétement satisfait du compromis obtenu en première lecture à l'Assemblée nationale ».
M. Gérard Larcher. Il avait raison ! Bravo !
M. Gérard César. Jean-Louis Carrère, sénateur socialiste, a, quant à lui, considéré, à l'inverse, « qu'il était possible de débattre des articles restant en discussion ».
M. Jacques Valade. Il avait raison !
M. Gérard César. Gérard Le Cam, sénateur communiste, certainement du même avis, a rappelé l'état d'esprit dans lequel son groupe avait abordé le débat à l'Assemblée nationale, puis au Sénat et a souligné « les améliorations apportées au texte par la Haute Assemblée ».
M. Jacques Valade. Très bon esprit !
M. Gérard César. D'ailleurs, il faut souligner qu'au Sénat le groupe communiste a voté le texte de la majorité sénatoriale et que le groupe socialiste n'a pas participé au vote final.
M. Raymond Courrière. Ils ont voté en commission mixte paritaire !
M. Gérard César. François Liberti, député communiste, a rappelé que son groupe avait cherché à amender le projet de loi et a déclaré à ce propos que « l'absention finale du groupe communiste sur l'ensemble du texte, lors du vote solennel de l'Assemblée nationale, traduisait l'existence d'avancées mais que celles-ci étaient insuffisantes ».
Jacques Desallangre, député du groupe Radical, Citoyen et Vert, a souligné que « négocier en commission mixte paritaire était un devoir, car les différents acteurs du monde cynégétique attendent la poursuite du débat ».
En revanche, Noël Mamère, député Vert du même groupe politique que Jacques Dessallangre, a menacé de voter contre le texte si l'Assemblée nationale reprenait les dispositions adoptées au Sénat.
M. Jacques Valade. Ça se dégrade !
M. Gérard César. Christian Bataille, député socialiste a, quant à lui, déclaré qu'un accord « était difficile, voire impossible ».
Toutes ces déclarations de la majorité plurielle, aussi contradictoires qu'idéologiques, nous prouvent que le Gouvernement a refusé tout compromis et porte ainsi toute la responsabilité de l'échec de cette commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du RPR.) C'est peut-être la raison pour laquelle seize députés socialistes ont voté contre le projet de loi en nouvelle lecture.
M. Henri de Raincourt. Quatorze !
M. Philippe Madrelle. Et où étaient les députés de droite.
M. Gérard César. A la chasse... à l'étranger, bien sûr !
Le Gouvernement persiste donc à nier les valeurs et l'existence même du monde rural et laisse à ses acteurs le sentiment d'être incompris et délaissés.
En conséquence, parce que le groupe du Rassemblement pour la République croit qu'une gestion décentralisée peut être une gestion efficace et rigoureuse, que c'est au plus près du terrain que peut s'élaborer cette gestion équilibrée du patrimoine cynégétique qui doit être l'objectif sincère de toutes les parties en présence, il votera le texte que nous propose notre excellent rapporteur, Mme Heinis, c'est-à-dire la reprise du texte précédemment adopté par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Raymond Courrière. Bravo pour la conciliation ! Tout ce que voulait la droite, c'était une opération politique. Le RPR s'est démasqué !
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons donc pour le débat sur la chasse. Soyons francs, ce débat me laisse un goût de « buisson creux », comme on dirait en vénerie. Alors que, personnellement, j'ai souhaité l'aborder en conjuguant raison avec passion, en évitant d'un faire un enjeu électoraliste, j'ai bien l'impression que ce débat a été un peu pipé.
M. Raymond Courrière. Il faudrait vous entendre entre vous, alors !
M. Gérard Larcher. Mme Voynet a raté ce rendez-vous qui aurait pu être l'occasion d'une rencontre entre chasseurs et non-chasseurs, entre monde rural et monde urbain, autour de sujets aussi essentiels que la préservation de l'espace naturel et de sa faune, le partage d'usage de la nature, qui continue d'être dispersé entre plusieurs textes, soit récents, soit à venir. Je pense au futur projet de loi sur la forêt ; je pense aussi à la loi sur le sport, dans laquelle nous avons intégré la dimension d'ouverture du sport pour tous dans l'espace naturel ; je pense également au texte sur l'utilisation des véhicules tout terrain dans le milieu naturel... Le partage d'usage de la nature, c'est tout cela !
Or, dans ce débat, nous avons peu parlé des conséquences de la pression urbaine sur cet espace naturel, la faune et la flore.
Aujourd'hui, alors que l'adage veut que « à la Saint-Jean, les perdreaux sont volants » et que l'on sait qu'il y a un décalage de la naissance des jeunes perdreaux - ils vont éclore dans les jours qui viennent - a-t-on parlé du problème des chemins ruraux, de la gestion de ces chemins, ou du problème, dans le cadre des contrats territoriaux d'exploitation, de la mise en place d'une gestion de la faune naturelle et du gibier ? Nous en avons si peu parlé au cours de ce débat, préférant nous jeter à la tête des dates, des principes...
Comment ne pas dire que j'ai ressenti profondément la rigidité du ministre dans le débat, qui n'a pas contribué à apaiser d'autres rigidités qui étaient, elles, dans le camp adverse ?
Et pourtant, à un certain moment, ici, nous avons quitté nos clivages politiques, nous n'étions plus ni la majorité ni la minorité. Nous avons pensé que nous pouvions trouver un texte d'équilibre, que le débat en commission mixte paritaire aurait pu permettre d'atteindre.
Les « blaireaux » ne dorment pas autant que l'imagine M. Patriat - je le lui ai dit récemment, l'invitant à partager la passion de la vénerie souterraine avec des blaireaux. Certains blaireaux, oui, ont été qualifiés de « suppôts de l'extrême chasse », d'autres ont été accusés d'être des soutiens des lobbies.
Nous nous sommes alors sentis proches du « bécassier », qui attend le début de novembre avec frémissement. Nous nous sommes sentis proches du « petit huttier », qui attend, la nuit, l'hypothétique passage et à qui les statistiques - voyez comme les statistiques sont désincarnées ! - attribuent 0,40 prise par nuit en moyenne nationale, alors que la prise n'a aucune importance ! La passion de la hutte, de la tonne, du gabion, du hutteau... c'est autre chose ! C'est un mode de vie, c'est une culture !
Il n'est que de voir comment, dans les départements de la Somme ou du Pas-de-Calais - que j'ai découverts, car je n'étais pas de cette culture - comment, dans les cantons où, il y a quelques années encore, le chômage oscillait entre 20 et 25 %, ceux qui se rendaient à la tonne, à la hutte, au hutteau et qui l'entretenaient, évitaient d'une certaine façon les dérives que nous avons vues ailleurs, dans l'espace urbain. Cela fait aussi partie des réflexions sur la réalité de la culture de la chasse dans notre société.
Nous avons pensé - nous n'en avons pas encore parlé - au garde-chasse bénévole de la société communale qui, toute l'année, agraine, régule, et qui sait, lui, que quelques journées de chasse nécessitent 350 journées de préparation.
Nous avons été proches de celui qui vit sa tradition sans pour autant oublier - au moins était-ce mon cas - ces citadins qui ont besoin de nature, d'une nature authentique, qu'ils doivent mieux connaître pour mieux la respecter - et je reviens ainsi à mon observation précédente sur la plaine et les perdreaux.
Cet équilibre, je le répète, était à notre portée.
Mais, sincèrement, nous n'avons pas senti la volonté de Mme la ministre d'entrer vraiment dans le dialogue, au point même d'obliger, un soir de CMP, un certain nombre de nos collègues à sortir de ce dialogue. Pour de nouveau user du vocabulaire de la vénerie, j'ai eu le sentiment qu'il y avait en permanence des hourvaris de la part de Mme la ministre !
Mais, chers collègues qui n'avez pas pu nous suivre en commission mixte paritaire, au fond, je ne vous en tiens pas rigueur : les réalités de la majorité plurielle se sont imposées à vous ! Pourtant, n'était-ce pas l'occasion de s'en libérer ? (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Gérard César. On était pressé !
M. Gérard Larcher. Sans doute ce texte contient-il des avancées.
La chasse est légitimée et reconnue, car, paraît-il, elle en avait besoin. Il est vrai que le vieux texte de 1844 datait un peu !
La participation des fédérations de chasseurs aux missions essentielles est reconnue, notamment - c'est important pour l'ancien président de fédération que je suis - en ce qui concerne le schéma de gestion cynégétique, qui, si on lui en donne les moyens, sera un outil tout à fait essentiel d'aménagement et d'équilibre du territoire, sur le plan cynégétique comme sur celui de l'espace naturel.
M. Roland du Luart. Cela changera beaucoup de choses !
M. Gérard Larcher. La chasse de nuit est légalisée. Le droit de non-chasse est encadré, sans pour autant faire disparaître les apports extrêmement positifs de l'organisation territoriale de la chasse, notamment au sud de la Loire, dans le cadre des associations de chasse agréées. La loi Verdeille, ne l'oublions pas, a en effet été un acte extrêmement positif pour l'avenir de la chasse, on l'a trop peu dit au cours de ce débat.
Mais, alors que nous étions ouverts à un vrai consensus, nous avons senti chez Mme Voynet ce que j'ai baptisé le « front du refus », front du refus qui nous a conduits à des comptes d'apothicaire pour déterminer le nombre de départements autorisés - dix-huit ?... vingt et un ?... - au point que, nous, emportés dans la multiplication, nous étions passés à trente et un. Peut-être avions-nous été un peu rapides ! Il y en a vingt-huit, où gabion, hutte, hutteau et tonne sont un mode de chasse traditionnel reconnu et pratiqué. N'oublions pas l'Ille-et-Vilaine, les Côtes-d'Armor, le Finistère, la Vendée, la Haute-Garonne, les Hautes-Pyrénées et la Meuse. Il faut qu'à cet égard le Gouvernement s'engage.
Pour tout vous dire, j'ai eu l'impression que le combat de Mme Voynet visait en permanence à en donner le moins possible, alors que l'objectif aurait dû être le mieux gérer, le mieux chasser et, finalement, le mieux partager l'usage de la nature.
S'agissant des dates - je soutiens Mme le rapporteur à ce sujet et la remercie du travail qu'elle a accompli, en nous écoutant les uns et les autres dans notre diversité, et ce avec beaucoup de patience et de mesure - notre position n'est pas tellement contraire à la directive.
M. Gérard César. Non, en effet !
M. Gérard Larcher. D'autant que l'extension du PMA, le prélèvement maximum autorisé, donne finalement au préfet, notamment pour la clause de sauvegarde, adoptée au Sénat, toute latitude pour défendre la chasse et permet aussi de prendre en compte les variabilités des migrations liées aux conditions météorologiques. Au fond, si ce débat sur les dates est devenu aussi essentiel, c'est parce la confiance n'existe plus entre les chasseurs, le ministère de l'environnement et la très lointaine Commission européenne.
M. Henri de Raincourt. Hélas !
M. Roland du Luart. C'est le problème de fond !
M. Gérard Larcher. Je veux vous citer le paradoxe de l'oie.
Dans l'avant-projet de décret, il n'y a plus que l'oie sédentaire - variété inconnue, si ce n'est dans les cours de ferme (Sourires) - qui pourra être chassée demain. En effet, après le 31 janvier - sauf catastrophe météorologique ! - l'oie n'est pas encore passée sur son trajet de retour !
Le paradoxe de l'oie, c'est un peu le paradoxe de ce texte ! Voilà donc que nous en serions réduits, ce qui est contraire à notre éthique, à ne chasser l'oie que dans les cours de ferme, ou à inventer la nouvelle variété d'oie sédentaire... alors même que certains nous disent s'appuyer sur des rapports scientifiques ! Le paradoxe de l'oie doit être levé, car il est une tache sur ce texte.
Le rapporteur de l'Assemblée nationale, avec qui je me suis entretenu depuis dans le cadre de rapports confraternels, est bien convenu avec moi qu'il n'y avait pas encore d'oies-TGV, qui arriveraient plus tôt que les oies du siècle passé, et qu'il nous faut donc résoudre le paradoxe de l'oie. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur certaines travées socialistes.)
M. Ladislas Poniatowski. Il est en forme !
M. Roland du Luart. Même M. le ministre y prend goût !
M. Henri de Raincourt. Il aime l'oie !
M. Gérard Larcher. Les chasseurs ont le sentiment d'être les mal-aimés, de ne plus être considérés, d'être catalogués, en fait, hors la mode du temps.
Ils ne sont pas hors la mode du temps. Ils ne sont pas simplement un témoignage du passé. Ils sont une réalité qu'il faut prendre en compte.
Voilà pourquoi, comme nos collègues Charles de Courson et Henri Sicre à l'Assemblée nationale, je soutiendrai la proposition de notre rapporteur sur les dates.
M. Gérard César. Très bien !
M. Gérard Larcher. Je crois en effet qu'il n'y a pas d'autre solution. Si nous avions pu résoudre le paradoxe de l'oie, peut-être aurions-nous adopté une autre position, en tout cas en ce qui me concerne.
Cette nouvelle lecture du projet de loi doit être l'occasion de « viabiliser » ce texte final au travers d'un certain nombre d'amendements techniques, qu'il s'agisse des fédérations et des moyens qui leur sont alloués - et je partage ce qu'a dit Mme le rapporteur : nous avions un peu oublié les deux fédérations interdépartementales et j'essaie, avec mon groupe, de rattraper cet oubli peu compréhensible de ma part, car j'ai présidé l'une des deux fédérations interdépartementales ; je veux parler de la fédération de l'Essonne, des Yvelines et du Val-d'Oise, ainsi que de la fédération de Paris avec les départements de la petite couronne - qu'il s'agisse du tir par rapport à la nappe d'eau où, si nous continuons, nous devrons utiliser boussole, compas...
M. Philippe François. ... sextant...
M. Gérard Larcher. ... et je ne sais quel autre instrument... pour nous rendre sur les territoires, qu'il s'agisse encore d'un certain nombre d'autres points.
Monsieur le ministre, je vous poserai trois questions.
Tout d'abord, s'agissant du financement des compétences des fédérations, l'Assemblée nationale a conservé le caractère d'intérêt général aux dépenses d'indemnisation des dégâts de gibier, que les fédérations vont désormais assurer. Mais elle a entendu « privatiser » les recettes correspondantes puisque seules les cotisations des fédérations pourront financer ces indemnisations.
Ce dispostif ne fait-il pas peser un risque sur les conditions de fonctionnement des fédérations ? Ne remet-il pas en cause le rôle d'arbitre de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et, à terme, le principe même de fonds de péréquation ? Je souhaiterais avoir une réponse sur ce point, pour qu'elle figure clairement à nos débats.
M. Roland du Luart. C'est une réelle inquiétude !
M. Gérard Larcher. Ma deuxième question a rarement été soulevée : que recouvre exactement la nouvelle notion de grande zone de nidification dans laquelle la chasse ne serait ouverte qu'à compter de l'ouverture générale, voire du 1er octobre ? Ne risque-t-elle pas de donner naissance à des contentieux, car vous aurez ceux qui voient la nidification extensive et ceux qui voient la nidification ciblée ? Il nous faut sur ce point une réponse, monsieur le ministre, parce que celle-ci, portée à nos débats, évitera demain des décisions de justice erratiques, sources de nouveaux conflits.
M. Roland du Luart. Tout à fait !
M. Gérard Larcher. Sinon, le monde de la chasse ne sera pas apaisé sur ce sujet.
M. Roland du Luart. On compte sur vous, monsieur le ministre !
M. Gérard Larcher. En ce qui concerne la reconnaissance d'un jour de non-chasse, je soutiendrai sans réserve la proposition de Mme le rapporteur, y compris sur l'évolution du possumus. Le Sénat propose, en fait, de déconcentrer la procédure de fixation du jour de non-chasse à l'échelon départemental pour l'adapter aux circonstances locales.
M. Roland du Luart. C'est le bon sens !
M. Gérard Larcher. Il faut sortir des effets d'affichage.
Mais comment justifierons-nous - c'est ma troisième question - le fait que cette interdiction générale ne s'appliquera pas aux postes fixes pour la chasse aux colombidés du 1er octobre au 15 novembre ?
Voilà trois questions auxquelles beaucoup, à commencer par les agriculteurs, attendent des réponses.
Même si nous arrivons à faire évoluer les choses, même si, comme je l'espère, nos collègues de l'Assemblée nationale reprennent un certain nombre de nos travaux, je crains que le texte final ne soit difficile à appliquer car il ne sera pas reconnu par les chasseurs et sera considéré comme n'allant pas assez loin par ceux qui voulaient faire une mauvaise manière à la chasse. Pourtant, les chasseurs ne sont pas tous des partisans de l' « extrême chasse » ! Il faut faire attention aux mots, y compris entre nous, mes chers collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons.
M. Roland du Luart. Ô combien !
M. Gérard Larcher. Je crois que le Sénat a fait oeuvre de pragmatisme et de réalisme, raison pour laquelle je soutiendrai les propositions de notre rapporteur. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Roland du Luart. Cela prouve bien que, sur la chasse, un vétérinaire peut en valoir un autre ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est très désabusé que je viens pour la deuxième fois aborder avec vous ce débat sur la chasse.
Même si je note avec satisfaction, monsieur le ministre, une évolution dans l'approche du Gouvernement, à en juger par la présentation du texte que vous venez de faire au Sénat, même si je note également, madame le rapporteur, l'évolution que vous avez donnée à votre position par la présentation d'un certain nombre d'amendements en commission par rapport à l'analyse du Sénat en première lecture, je ne vous cache pas ma désillusion alors que nous abordons la discussion en nouvelle lecture de ce projet de loi, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, je crois très sincèrement que, contrairement aux propos qui ont été tenus par mon collègue Gérard César, tout n'a pas été fait pour que nous puissions parvenir à un accord en commission mixte paritaire, alors que cet accord paraissait possible.
M. Gérard César. Nous le pensions aussi !
M. Jean-Marc Pastor. Nous avions, les uns et les autres, eu l'occasion de l'évoquer, notamment en commission.
Les raisons de cet échec sont nombreuses.
Tout d'abord, évoquer la CMP, c'est évoquer le travail qui est réalisé en amont : en fonction des positions que l'on défend, on peut permettre qu'une porte s'entr'ouvre en CMP pour aboutir à un accord. Or je ne suis pas persuadé que la majorité du Sénat ait fait beaucoup pour entr'ouvrir cette porte.
Certaines des dispositions qui ont été adoptées par notre assemblée étaient parfois empreintes d'excès, voire d'une forme de démagogie, et elles allaient au-delà des intérêts des chasseurs et de la chasse, au risque de jeter le discrédit sur certaines propositions du Sénat. Je n'en veux pour preuve que la présentation d'un certain nombre d'amendements tendant à revenir sur diverses mesures à l'occasion de cette nouvelle lecture.
Je ne prendrai que quelques exemples pour illustrer mon propos.
Tout d'abord, pourquoi vouloir instaurer la double tutelle, alors que nous savons tous qu'il revient au Président de la République et au Premier ministre de définir le rôle de chacun des ministres en formant le Gouvernement ? Pourquoi persister, si ce n'est pour créer un trouble, à la fois inutile et illégal ?
Ensuite, pourquoi avoir refusé, en tout cas en première lecture, le jour de non-chasse alors que, globalement, le monde de la chasse s'était fait à cette idée ? Nous savons très bien que la plupart des fédérations de chasse vont même au-delà de cette exigence. (Exclamations sur les través du RPR.) Il s'agit d'une idée qui est entrée dans les moeurs ! Il était possible de trouver, à partir de cette approche, un lien entre le monde de la chasse et le monde de la non-chasse.
Par ailleurs, pourquoi persister à faire figurer dans la loi les dates d'ouverture de la chasse ? En maintenant cette position, vous faites courir le risque que la France, une fois de plus, ne soit sanctionnée sur le plan européen. Le groupe socialiste vous avait pourtant proposé, dans un amendement, une réécriture de l'article 10, qui reprenait les mêmes dates limites, mais en considérant ces dates comme des butoirs à ne pas dépasser : un décret permettait de se positionner à l'intérieur de ces butoirs, de façon que la loi française soit conforme à la réglementation européenne. Vous auriez ainsi évité ce que nous avons connu, y compris la semaine dernière, à savoir le report de décisions tendant à déclarer l'ouverture de la campagne de chasse immédiate.
Pourquoi camper sur ces positions alors que vous nous avez expliqué en commission mixte paritaire - je l'ai bien entendu ! - que vous étiez en mesure de revenir sur l'ensemble des décisions que vous aviez défendues dans cet hémicycle ?
Vous demandez le maintien, dans l'article 10, de la fixation des dates d'ouverture de chasse, alors que, nous le savons, ces dispositions sont incompatibles avec la réglementation européenne.
C'est vouloir créer un véritable problème au monde de la chasse ! Nous avons pu le constater avec les lois précédentes, à propos desquelles nous nous sommes heurtés à un refus de l'Europe.
Vous voulez faire bonne figure devant le monde de la chasse. N'est-ce pas là une sorte de stratégie politique visant à créer un trouble dans le pays tout en voulant apparaître comme étant les meilleurs défenseurs de la chasse ?
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. C'est cela !
M. Jean-Marc Pastor. Aujourd'hui, je m'interroge devant certains excès commis au cours de la première lecture. Notre groupe a voté bon nombre d'amendements, certes, mais il a refusé, en fin de parcours, de participer au vote et de tomber dans le piège de la démagogie.
M. Gérard César. Courage, fuyons !
M. Jean-Marc Pastor. Une autre attitude aurait permis, je le crois, de trouver un accord. Si vous n'aviez pas utilisé la procédure d'urgence, monsieur le ministre (Marques d'approbations sur les travées du RPR), et si la commission mixte paritaire était intervenue à la suite de la deuxième lecture - je dois reconnaître, en effet, au vu du débat préparatoire à la discussion d'aujourd'hui, que des évolutions sont apparues, que je tiens à saluer, tout comme je salue l'important travail accompli par Mme le rapporteur dans cette approche (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants)...
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est Mme le rapporteur que nous applaudissons.
M. Jean-Marc Pastor. ... peut-être alors un certain nombre de pas supplémentaires auraient-ils permis d'aboutir à un accord en commission mixte paritaire.
Je retiens bien sûr, madame le rapporteur, les évolutions positives que vous êtes à même de nous proposer en nouvelle lecture, notamment en ce qui concerne le jour de non-chasse qui me semble être un élément fondamental permettant de rapprocher les deux sociétés.
Plutôt que de s'entêter dans une oppostion stérile au Gouvernement, nous aurions pu certainement, dès la première lecture, faire de grandes avancées dans ce domaine, afin d'aboutir, comme nous l'avions souhaité les uns et les autres - je le crois très sincèrement - à un accord en commission mixte paritaire.
Mon groupe a voté de nombreux amendements, de la majorité sénatoriale, mais il a aussi proposé des amendements « médians », qui auraient pu constituer l'interface entre le monde de la chasse et le reste de la société. Nous sommes tous convaincus que la chasse - cela a été dit par l'un des précédents intervenants - est un élément essentiel pour l'équilibre de notre société, notamment du monde rural, qu'il faut protéger et maintenir.
Ni le Gouvernement, monsieur le ministre, ni l'Assemblée nationale n'ont souhaité soutenir cette voie médiane que nous tentions de tracer.
C'est le deuxième volet de ma désillusion que je veux rappeler à cette tribune.
Chacun s'est braqué, convaincu de détenir une vérité qu'il imposerait à l'autre. J'en suis personnellement profondément navré et attristé. Cette loi, qui devrait s'inscrire dans une législation sur la ruralité, qui s'ouvre à la société, risque d'être un exemple de plus de l'opposition lancinante d'un monde urbain face au monde rural. Je ne serais pas surpris, monsieur le ministre, que, dans quelques mois, ce soit un enjeu et un message politique qui déchirera notre société. (Marques d'approbation sur les travées du RPR.)
M. Louis Althapé. A qui la faute ?
M. Jean-Marc Pastor. Je suis prêt à prendre rendez-vous.
A l'égard du texte qui a été adopté par l'Assemblée nationale, notre groupe conservera, pour l'essentiel, le même comportement qu'en première lecture.
Logiques avec notre analyse, nous positionnons la chasse comme l'histoire d'une tranche de vie de beaucoup de nos concitoyens que nous voulons protéger...
M. Gérard Larcher. C'est vrai !
M. Jean-Marc Pastor. ... mais avec plus de transparence peut-être et avec le souci de l'intégrer à notre société.
Nous ne voulons pas marginaliser le monde de la chasse.
Soutenons, par exemple, un vrai contrôle des fédérations a posteriori , comme pour d'autres associations. Faisons en sorte que ce type d'associations ne soit pas mise à l'écart par rapport aux autres. Sinon, demain, nous aurons un groupe qui se positionnera contre nous ! Essayons d'éviter tout cela si nous voulons que la paix règne dans notre pays.
Je regrette que l'Assemblée nationale n'ait pas souhaité entendre les nombreuses sonnettes d'alarme que nous avons tirées dans cet hémicycle. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) Dites-moi, mes amis, vous qui applaudissez maintenant, où étaient les députés de droite lors de la nouvelle lecture de ce texte ? Je n'ai pas le souvenir de les avoir entendus soutenir avec force telle ou telle position.
M. Jean-Pierre Raffarin. Ils étaient désespérés ! (Sourires.)
M. Jean-Marc Pastor. Nous le sommes aussi, mais nous sommes présents !
M. Jean-Pierre Bel. Désertion !
M. Jean-Marc Pastor. Je déplore que notre amendement sur l'article 10 - je vais y revenir - n'ait pas été repris. Il pouvait faire le lien avec les directives européennes. Avec des périodes butoirs par espèce, il respectait les diversités biologiques et locales. Nous proposerons à nouveau cet amendement au cours de cette nouvelle lecture, et nous n'aurons de cesse d'en rappeler la teneur.
Vous le sentez dans mes propos, l'enthousiasme n'est pas de mise aujourd'hui. Dans ce débat, nous devrons puiser notre enthousiasme au plus profond de nous-mêmes, fidèles à nos valeurs d'écoute, d'éthique, de respect de l'autre. Les membres de mon groupe ne participeront pas, si les choses devaient se passer comme en première lecture, au sacrifice d'un texte qui aurait pu être un excellent consensus. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont. Le projet de loi que nous examinons a fait l'objet de débats passionnés en ce qui concerne tant le jour hebdomadaire de non-chasse que les problèmes de gibier d'eau ou les dates d'ouverture de chasse de jour ou de nuit.
La région Poitou-Charentes, que M. Raffarin et moi-même représentons dans cet hémicycle, est très concernée par nos débats. D'ailleurs, en première lecture, M. Raffarin a développé, avec conviction et passion, le principe auquel nous sommes très attachés, à savoir la subsidiarité. Nous sommes contre l'uniformisation réductrice.
Pourtant, en médiatisant toutes ces questions, et sûrement à juste titre, on est passé à côté d'un point qui nous paraît fondamental : l'utilisation des agents employés par les fédérations départementales de chasseurs.
Jusqu'à présent les gardes fédéraux constituaient une sorte de police de proximité d'une grande utilité pour les responsables d'associations de chasse. Mais ils ont été placés, à la demande du Gouvernement, sous l'autorité de l'Office national de la chasse, et ne sont donc plus sous l'autorité des fédérations de chasseurs. Ainsi, aux termes du projet de loi qui nous revient de l'Assemblée nationale, les agents de développement cynégétique qui ont du être engagés par les fédérations après le départ des gardes fédéraux ne figurent plus, monsieur le ministre, sur la liste des personnes dont les procès-verbaux font foi en matière de délits de chasse. Peu ou mal reconnus, ils n'ont plus aucun pouvoir pour intervenir dans ce domaine, et cela nous paraît profondément regrettable.
M. Roland du Luart. Effectivement, ce n'est pas normal !
M. Henri de Richemont. Les présidents d'association de chasse sont demandeurs d'une police de proximité qui puisse effectuer la vérification des permis de chasse, ou des droits de chasse et, surtout, régler sur le terrain les petits problèmes auxquels tout président de fédération, tout président d'association de chasseurs est confronté. Il est bien évident, monsieur le ministre, que celui-ci ne pourra pas faire appel à la gendarmerie à une époque où il est question de fermer les gendarmeries dans notre milieu rural pour les transférer dans les agglomérations ; les gendarmes ont d'autres occupations. Aujourd'hui, les gardes de l'ONC sont plus souvent des gardes de l'environnement que des gardes-chasse. Je ne pense donc pas qu'ils soient préoccupés par les petits problèmes que rencontrent les chasseurs et les présidents d'association de chasse.
Nous considérons que les fédérations départementales doivent pouvoir offrir à leurs associations l'aide d'une autorité reconnue, présente sur le terrain et dont l'action soit complémentaire de celle des gardes de l'ONC, avec possibilité de verbaliser et dont la seule existence représentera le plus souvent une dissuasion suffisante.
Monsieur le ministre, le Gouvernement, à juste titre, n'a pas touché aux prérogatives que détiennent les gardes particuliers qui sont employés par des personnes physiques ou par des associations sur des territoires où le droit de chasse leur appartient. Toutefois, leurs pouvoirs sont limités puisqu'ils ne peuvent intervenir que concernant les seuls préjudices subis par les détenteurs de droit de chasse qui les emploient. Ils ont tout de même la possibilité de dresser un procès-verbal qui fait foi.
En première lecture, l'Assemblée nationale a voté un amendement aux termes duquel les associations peuvent passer une convention avec la fédération pour mettre les agents de développement au service des associations de chasse. Cependant, monsieur le ministre, à quoi sert un garde, un agent, une police de proximité, s'il n'y a pas le pouvoir de verbaliser ? Cette possibilité de mettre ces agents au service des associations de chasse est vaine et sans intérêt si ces agents n'ont pas le pouvoir de verbaliser.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que les fédérations de chasseurs puissent recouvrer la possibilité, comme lorsque les gardes fédéraux étaient sous leur autorité, de bénéficier d'une police de proximité, qui pourra être mise au service des associations de chasseurs. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Bravo !
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je comprends parfaitement les raisons pour lesquelles Mme Voynet ne peut être présente aujourd'hui. Cependant, je le déplore, car le climat dans lequel ce débat s'est déroulé depuis un certain temps n'est pas apaisé et, je regrette d'avoir à dire, elle n'y est pas pour rien. Les explications vont donc perdre un peu de leur vigueur.
Nous arrivons au terme d'un débat qui a suscité de nombreux élans sur toutes les travées.
Je ne reviendrai pas en détail sur les mesures préconisées, sur le contenu et l'élaboration du projet de loi. Je tiens cependant, du fond du coeur, à saluer le travail tout à fait remarquable, patient et désintéressé, accompli par le rapporteur, notre collègue et amie Anne Heinis, qui n'a pas ménagé ses efforts - et cela a été reconnu - pour aboutir à un texte équilibré, « un bon texte pour la chasse », disait-elle, et c'était vrai.
MM. Gérard César et Gérard Larcher. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Nous avons assisté à un débat passionné. En soi, ce n'est pas un mal. Mais, dans le cas présent, la passion a parfois été arbitrairement inspirée afin de provoquer l'affrontement et la radicalisation des positions, dans le but d'imposer, au final, une solution qui avait été décidée d'avance.
M. Gérard César. Eh oui !
M. Henri de Raincourt. Je ne prendrai qu'un exemple : pourquoi plusieurs membres du Gouvernement se sont-ils livrés à des déclarations presque alarmantes sur les risques de sanctions financières qu'encourrait la France...
M. Gérard César. Exact !
M. Henri de Raincourt. ... si le texte voté n'était pas conforme au droit européen ?
M. Pierre Martin. Ce qui est faux !
M. Henri de Raincourt. Il ne me semble pas avoir entendu de tels propos, prononcés avec autant de vigueur, quand le Gouvernement a été améné à transposer avec beaucoup de retard d'autres directives européennes, comme celle sur l'électricité.
M. Gérard César. Eh oui !
M. Henri de Raincourt. Il y a donc bien deux poids deux mesures, et il faut reconnaître que l'impression de « tir à vue » sur la chasse que certains ont pu ressentir n'était pas sans fondement.
Les conditions du débat parlementaire sont symptomatiques de la méthode qui a été mise en oeuvre : on a voulu contraindre le Parlement. En l'occurrence, je ne pense pas seulement à la majorité sénatoriale - j'allais presque dire qu'elle est là pour ça - je pense aussi à la majorité qui soutient le Gouvernement et qui, au fil des débats, a été amenée à changer de position pour des raisons étrangères à la nature même du texte.
Ce projet de loi était nécessaire, mais il nous a été soumis tardivement. Je crois que la méthode qui avait été utilisée par Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement avait montré ses limites et que, après avoir perdu du temps, on a considéré qu'il fallait discuter en toute hâte dans le cadre d'une procédure d'urgence.
Les conditions de l'échec de la commission mixte paritaire confirment cette analyse. Mme le rapporteur l'a dit : en réalité, on peut penser qu'on ne voulait pas que le dialogue s'instaure entre l'Assemblée nationale et le Sénat parce qu'il risquait de déboucher sur un texte commun, ce dont on ne voulait à aucun prix, pour des raisons qui tiennent plus à l'équilibre de la majorité plurielle qu'au texte sur la chasse.
En fait, l'esprit de conciliation n'existait que chez les élus de l'opposition. Nos collègues sénateurs de gauche ont eux-mêmes été mis dans des situations qui n'étaient pas toujours très confortables puisqu'ils ont dû rejoindre la position de leurs homologues députés pour faire échouer la commission mixte paritaire. Je ne suis pas certain que sur la totalité des dispositions, tel était leur choix.
Cette volonté de ne pas aboutir à un compromis est d'autant plus claire que M. Patriat, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, a annoncé à la presse l'échec de la commission mixte paritaire alors même que les travaux de celle-ci n'étaient pas achevés et qu'aucun vote n'avait encore eu lieu.
Tout cela est, en réalité, navrant et misérable !
Je souhaite relever deux éléments regrettables qui ont émaillé les débats à l'Assemblée nationale.
D'abord, le Gouvernement est revenu sur les dispositions relatives à l'ours, alors qu'elles avaient été votées dans les mêmes termes par les deux assemblées. Ce que je critique, ce n'est pas le fond, c'est la forme. Il est peu commun que, dans un débat parlementaire, on revienne sur un texte voté en termes identiques par l'Assemblée nationale et par le Sénat. Il s'agit d'une pratique absolument contestable,...
M. James Bordas. Illégale !
M. Henri de Raincourt. ... voire illégale, en effet.
Ensuite, M. Patriat, que je connais bien puisque, comme moi, il est Bourguignon, a présenté les travaux du Sénat en des termes inacceptables. Connaissant François Patriat comme je le connais, cela me désole qu'il ait déclaré : « Je pense que le Sénat, en voulant faire plaisir à tous les chasseurs, y compris les plus extrêmes, et en cédant à toutes leurs revendications, a créé dans l'opinion française un phénomène de stupéfaction, » - cela reste à démontrer - « voire de rejet, en tout cas d'incrédulité. »
Mes chers collègues, la caricature, la dramatisation et la mise à l'index n'enrichissent jamais le débat démocratique. En revanche, chaque fois que l'on veut donner l'impression d'être en phase avec l'opinion et que l'on parle de modernité, tous les moyens sont bons afin de « mettre le Sénat en ligne de mire » et de le faire passer pour ce qu'il n'est pas, et les exemples sont légion.
Monsieur le ministre, je voudrais vous dire, mais je pense que vous le savez, que nous ne sommes pas des extrémistes, pour reprendre le terme que votre collègue Mme Voynet s'est permis d'utiliser pour qualifier le texte voté en première lecture au Sénat. En effet, elle avait déclaré que ce texte « allait au-delà des aspirations les plus folles des groupes les plus extrémistes ». Permettez-moi de dire que de tels propos de la part de quelqu'un qui exerce une très éminente fonction gouvernementale sont regrettables. Je plaiderai donc une fois encore, comme beaucoup ici, contre les intégrismes de tous bords, pour la liberté de tous les usagers de la nature, qu'ils soient chasseurs ou non.
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Il faudrait un jour convenir entre nous qu'il est mesquin et ridicule d'opposer d'une manière arbitraire les chasseurs et les protecteurs de la nature.
M. Gérard Larcher. C'est exact !
M. Henri de Raincourt. Ils appartiennent, pour la plupart d'entre eux à une même entité. Si on continue à les opposer, c'est probablement que cela doit arranger quelqu'un quelque part. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M. Fernand Demilly applaudit également.)
M. Pierre Martin. C'est vrai !

M. Henri de Raincourt. Mais ce n'est bon pour personne. En tout cas, ce n'est pas bon pour la cohésion de notre société.
La chasse, mes chers collègues, est une tradition ; elle fait partie de notre culture.
M. Jean-Pierre Raffarin. Républicaine !
M. Gérard Larcher. Effectivement !
M. Henri de Raincourt. En cela, elle est totalement légitime. La grande majorité des chasseurs, nous le savons bien, n'aspire qu'à une chose : pratiquer tranquillement ce loisir qui, hier - je me permets de le rappeler - était une nécessité vitale.
M. Jean-Pierre Raffarin. Exactement !
M. Henri de Raincourt. Cela serait-il interdit demain ? Ce serait tout de même curieux...
Dans ces conditions, la chasse ne peut en aucune manière être regardée comme représentant une menace pour l'environnement. Bien au contraire, elle s'y intègre pleinement, contribuant à l'équilibre des espaces naturels et ruraux et à la préservation des espèces.
C'est pourquoi il faut légitimer la chasse, lui reconnaître son rôle social et son poids économique. Nous n'aurons aucun mal à en convaincre nos compatriotes.
J'ai la conviction que les amendements qui vont nous être présentés par Mme le rapporteur et que nous voterons permettent de répondre aux attentes des chasseurs, dans le respect des autres usagers de la nature et pour une bonne gestion des territoires.
Notre voix n'a d'ailleurs pas été complètement étouffée.
D'une part, le droit d'opposition à la chasse n'est pas une nouveauté : nous le reconnaissions déjà en juin 1999, en adoptant la proposition de loi de notre excellent et éminent collègue Roland du Luart.
D'autre part, le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale s'est enrichi de plusieurs de nos suggestions, en ce qui concerne, par exemple, les fédérations régionales, le déplacement motorisé d'un poste de tir à l'autre, le calendrier de broyage de la jachère ou le transport du gibier.
Cependant, pour parvenir à un texte acceptable, nous souhaitons qu'au moins les mesures suivantes puissent être retenues.
Tout d'abord, je veux revenir sur l'inscription des dates de chasse dans la loi ; nous y tenons, non par extrémisme, non par plaisir, mais bien, comme l'a rappelé tout à l'heure avec pertinence et talent notre collègue Gérard Larcher, parce que la confiance est rompue entre les différents partenaires...
M. Roland du Luart. Tout à fait !
M. Henri de Raincourt. ... et que c'est le seul moyen que nous ayons trouvé pour que ces dates ne soient pas remises en question d'une manière insidieuse pour des raisons tenant plus au militantisme qu'à la prise en compte de la réalité naturelle.
Je sais bien que le Conseil d'Etat n'y est pas favorable. Mais c'est le Parlement, et non le Conseil d'Etat, qui fait la loi !
M. Gérard Larcher. Exactement !
M. Jean-Pierre Raffarin. Tout à fait !
M. Henri de Raincourt. Par ailleurs, on ne peut pas, quand cela arrange, en l'occurrence sur la chasse, s'inspirer des remarques du Conseil d'Etat. Et quand cela dérange, par exemple sur le projet de loi relatif au mode de scrutin des sénateurs, en faire fi ! En effet, le Conseil d'Etat était contre le texte relatif au mode de scrutin des sénateurs qui nous a été présenté par le Gouvernement. Mais ce dernier est passé outre. Et aujourd'hui, il se réfère sans cesse au Conseil d'Etat ! Il y aurait donc deux poids deux mesures. Restons par conséquent dans l'équilibre et dans la mesure.
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous êtes très convaincant !
M. Henri de Raincourt. J'en viens à la suppression de l'instauration généralisée du mercredi comme jour de non-chasse. Comme nous le répétons sans cesse, les chasseurs n'ont pas attendu ce texte pour l'instaurer ! Les jours sans chasse sont en effet pratiqués, sur l'initiative même des chasseurs, au plan départemental et, le plus souvent, à l'échelon des sociétés de chasse. Je préside une société communale de chasse qui a retenu comme unique jour de chasse le dimanche, point à la ligne. Et tout le monde est d'accord.
Alors, pourquoi ne pas laisser la liberté de fixer localement les jours de non-chasse en fonction des pratiques de terrain ? Ce n'est pas là une demande extraordinaire !
Enfin, nous souhaitons la garantie que la chasse de nuit continuera là où elle est traditionnelle, point qui a été évoqué par d'autres orateurs et sur lequel je n'insisterai donc pas.
Mes chers collègues, aujourd'hui, nous réitérons notre initiative, non par entêtement, mais pour faire évoluer le projet de loi qui nous revient de l'Assemblée nationale. Naturellement, cette dernière aura le dernier mot. Mais c'est elle, avec le Gouvernement, qui en assumera les conséquences politiques.
M. Gérard Larcher. Parfaitement !
M. Henri de Raincourt. Le débat n'est pas clos pour autant, car une question demeure : on fait souvent référence, à juste titre, à la directive européenne de 1979. Mais je rappellerai que, à cette date, l'Europe n'avait pas de compétence en matière environnementale.
M. Jean-Louis Carrère. Qu'ont fait Michel d'Ornano et Jean François-Poncet ?
M. Henri de Raincourt. Ils n'ont pas bien fait, et nous le constatons aujourd'hui !
Or, aujourd'hui, le paysage institutionnel de l'Union européenne a considérablement évolué, et le principe de subsidiarité est désormais inscrit dans les traités européens. Pourquoi, alors, ne pas chercher à l'appliquer au cas particulier de la chasse, domaine où les traditions locales comptent beaucoup et doivent être respectées ?
Je suis donc convaincu que, avec un texte raisonnable et équilibré, nous pourrons faire entendre la voix de la raison sur le plan non seulement français, mais aussi européen. C'est en pensant à cette perspective nécessaire que le groupe des Républicains et Indépendants votera bien évidemment les amendements présentés par Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Demilly.
M. Fernand Demilly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 23 mai dernier, j'étais intervenu une première fois pour souligner l'importance de la chasse dans le département que je représente en insistant sur les traditions séculaires et ancestrales et sur les cultures locales qui, à elles seules, suffisent à expliquer l'exaspération de nos chasseurs.
De nombreux collègues avaient, comme moi, fait part de leurs réticences à propos d'un texte qui, loin de prendre en compte ce respect des traditions, vise à gérer l'activité de la chasse dans l'ignorance des réalités locales. En fait, le Gouvernement s'entête à vouloir opposer ceux qu'il considère injustement comme les destructeurs de la nature aux diverses associations de protection de la nature.
C'est bien mal connaître le rôle des chasseurs, surtout celui des fédérations des chasseurs, dans la préservation de toutes les formes du patrimoine naturel.
Ce que nous attendons du présent projet de loi n'est pas le dénigrement systématique de telle ou telle pratique de la chasse par l'imposition de mesures inadaptées, telles que le jour de non-chasse ou les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse à certains types de gibier. Bien au contraire, nous attendons de ce texte la réaffirmation de la place éminente de la chasse dans la perspective de développement durable et d'aménagement du territoire et non, comme le soulignait le rapport Patriat, un statut et une image brouillés par les clivages idéologiques. Le milieu rural où s'exerce la chasse est celui des cultures, de l'élevage et de la forêt. De ces lieux, les chasseurs et les agriculteurs sont les premiers gestionnaires, ceux qui veillent à l'intégrité des biotopes et à la conservation de leur environnement.
Dans le temps qui m'est imparti, j'aimerais me prononcer sur deux points : le jour de non-chasse et les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d'eau.
En ce qui concerne le jour de non-chasse, je reste hostile à cette disposition qui, je le répète, est probablement inconstitutionnelle, car attentatoire au droit de propriété, et qui ne résoudra en rien les conflits entre ruraux et urbains. D'ailleurs, plus de 70 % des fédérations organisent déjà des jours de non-chasse, mais pour des raisons cynégétiques et en fonction des circonstances locales ; en fin de compte, l'octroi du mercredi comme jour de non-chasse reste peu judicieux quand on sait que les jeunes âgés de seize ans et accompagnés de chasseurs majeurs ont fait très largement le choix du mercredi pour chasser.
Instaurer un jour de non-chasse en milieu de semaine trouve sans aucun doute son origine parmi les idées fausses sur la chasse, utilisées par ses détracteurs, qui considèrent qu'un mercredi sans chasse est somme toute conforme à la vie moderne et à son corollaire, la sur-concentration urbaine et son éloignement des réalités rurales. Une fois encore, je suis intimement persuadé que c'est aux fédérations des chasseurs que doit revenir le soin de fixer le ou les jours de non-chasse et non au Gouvernement de proposer une mesure au caractère arbitraire.
En ce qui concerne les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d'eau, le texte que nous renvoie l'Assemblée nationale est un retour à la case départ. Loin d'avoir tenu compte des observations et des mesures proposées par le Sénat, l'Assemblée nationale a adopté un dispositif qui n'éliminera pas les risques de contentieux provoqués par la directive européenne du 2 avril 1979. C'est pourquoi je persiste à penser que seuls des plans de gestion permettraient efficacement d'intégrer l'ensemble du dispositif communautaire et d'instituer un équilibre entre la conservation des espèces, tout en prenant en compte les exigences écologiques, scientifiques, culturelles et économiques. Ces plans de gestion contribueraient à une application qui serait aussi souple que pragmatique dans la conservation des oiseaux migrateurs.
Malheureusement, en plus des caprices de la nature, qui font que les oiseaux migrateurs, en particulier le gibier d'eau, ne sont pas toujours présents dans les pays de transit aux mêmes périodes, les chasseurs auront à affronter les opposants à la chasse dans leur guérilla juridique menée devant les tribunaux administratifs.
Comme je l'avais déjà souligné, la chasse au gibier d'eau est, dans mon département, une chasse populaire, dure, voire dangereuse. Elle méritait mieux qu'un texte incomplet et empreint de défiance vis-à-vis de ceux qui la pratiquent depuis des générations.
Face à l'immense pollution causée épisodiquement sur nos côtes par les marées noires et aux difficultés rencontrées par l'Etat pour juguler ce phénomène de destruction massive du patrimoine aquatique et maritime, qui pourrait penser sérieusement que le chasseur est le plus grand ennemi de la nature ?
Notre objectif à tous est, finalement, que l'espace naturel soit suffisamment accueillant pour que puissent s'y développer toutes les espèces de gibiers ; bref, il est de faire en sorte que la chasse soit synonyme de ruralité vivante. Si l'on veut bien admettre que les membres de la Haute Assemblée, toutes sensibilités confondues, ne sont ni des démagogues aveugles, ni des extrémistes provocateurs, ni des intégristes intransigeants, mais plutôt les représentants des collectivités locales et des attentes de leurs populations, vous ferez en sorte aujourd'hui, monsieur le ministre, que le souci d'une chasse apaisée ne se conclue pas par une guerre ouverte et par une chasse divisée, inégalitaire, antidémocratique et sous-représentée. C'est avec une loi équilibrée, respectueuse des traditions que nous contribuerons effectivement à une chasse responsable et réellement apaisée, respectable et respectée.
C'est à cette fin que la commission des affaires économiques, animée du seul souci d'améliorer le texte, a déposé un certain nombre d'amendements, grâce notamment à l'excellent travail de notre rapporteur Mme Anne Heinis. Sachez que les membres du groupe du RDSE y seront particulièrement attentifs. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Permettez-moi avant tout de considérer que c'est tout de même un paradoxe, monsieur le ministre de la ville, que ce soit vous qui, au pied levé, remplaciez Mme Voynet pour défendre ce projet de loi au nom du Gouvernement.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Quoique !...
M. Ladislas Poniatowski. Je sais qu'à titre personnel vous êtes un pratiquant de certains plaisirs de la chasse, mais avouez quand même qu'il y a un vrai paradoxe : alors que l'on parle de ruralité, de défense de la nature, qui le Gouvernement nous envoie-t-il pour la dernière lecture du projet de loi relatif à la chasse ? Le ministre délégué à la ville ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Gérard Larcher. Son meilleur chasseur !
M. Jean-Pierre Raffarin. Cela n'est pas dénué de sens.
M. le président. Mon cher collègue, permettez-moi de vous rappeler que, au début de la présente séance, j'ai donné connaissance à la Haute Assemblée du courrier adressé par Mme Voynet à M. le président du Sénat et expliquant les raisons pour lesquelles elle était absente aujourd'hui.
M. Ladislas Poniatowski. J'admets tout à fait ces raisons, je ne les conteste pas, mais cela me faisait plaisir de relever ce paradoxe !
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est la vision urbaine de la question. C'est un symbole !
M. Ladislas Poniatowski. Mes chers collègues, à l'aube de la dernière étape de la discussion de ce projet de loi sur la chasse, mon propos sera bref et je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit à cette tribune en première lecture.
La chasse est une activité qui fait partie de notre culture. Elle contribue à la préservation des espèces et participe à une gestion moderne de notre environnement.
Il faut se garder, je le répète, d'opposer les chasseurs et les autres usagers de la nature. Ceux qui cultivent cette opposition commettent une grave erreur, ils exacerbent les passions alors qu'ils devraient rechercher la conciliation et s'efforcer d'instaurer la confiance.
A ce titre, je regrette vivement l'échec de la commission mixte paritaire.
M. Gérard Larcher. Nous aussi !
M. Gérard César. Tout le monde le regrette !
M. Ladislas Poniatowski. Nous nous y sommes rendus dans un esprit de conciliation...
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est exact !
M. Ladislas Poniatowski. ... et prêts à la négociation, comme c'est la loi du genre, dans la perspective d'aboutir à un texte équilibré. Or quel n'a pas été notre étonnement de voir M. Patriat, rapporteur pour l'Assemblée nationale, retenir d'emblée une liste de quinze points de divergence,...
M. Gérard César. C'est très dur !
M. Ladislas Poniatowski. ... inconciliables selon lui, alors que nous lui avons tout de suite dit que, sur ces quinze points, il en était quatorze au moins sur lesquels, si nous avions eu la volonté de le faire, nous aurions pu trouver un texte de conciliation. Quoi qu'il en soit, ces propos étaient excessifs : c'était, bien sûr, vouloir l'échec de la commission mixte paritaire, et nous avons été obligés d'en prendre acte.
Aujourd'hui, que constatons-nous avec le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale ?
D'abord, je note avec satisfaction que le texte élaboré par l'Assemblée nationale, s'est enrichi de plusieurs propositions sénatoriales : vous y avez, les uns et les autres, mes chers collègues, fait allusion.
Il en est ainsi de la possibilité de prévoir des délégations de vote aux assemblées générales des chasseurs, très importante dans les départements qui comptent un grand nombre de chasseurs,...
M. Gérard César. Comme en Gironde !
M. Ladislas Poniatowski. N'est-ce pas, monsieur César ? (Sourires)... ou encore de la mise en place - c'est un acte important - de fédérations régionales, du déplacement en véhicule d'un poste à l'autre, du transport du gibier, de la date du broyage de la jachère pour protéger les jeunes couvées.
Tous ces apports sont de bons éléments. Cependant, nos collègues députés ont voté des dispositions qui me paraissent excessives.
Premièrement, ils ont rétabli le contrôle a priori par le préfet des fédérations de chasse, qui deviennent ainsi les seules associations relevant de la loi de 1901 à être soumises à ce type de contrôle.
M. Gérard Larcher. A priori !
M. Ladislas Poniatowski. Oui, mon cher collègue, il s'agit d'un contrôle a priori , ce qui est scandaleux. C'est, en fait, une véritable mise sous tutelle des fédérations, qui sont toutes considérées avec suspicion. En outre, la formulation même de ce contrôle, dit « économique et financier », n'est pas très claire.
Deuxièmement, les députés ont refusé que les procès-verbaux soient transmis aux fédérations de chasse, comme c'est le cas pour les fédérations de pêche.
M. Roland du Luart. Il y a deux poids, deux mesures !
M. Ladislas Poniatowski. Il s'agit d'une discrimination désobligeante, car cette communication permettrait à tous de mieux lutter contre les contrevenants.
Troisièmement, les députés ont élaboré un schéma départemental très contraignant, alors que le principe même d'un tel schéma - nous avions été plusieurs à le noter en première lecture - est de proposer une appréciation globale de la gestion cynégétique. Que les députés aient, par exemple, inclus les lâchers de gibier risque de se révéler particulièrement compliqué pour les petites chasses communales. C'est une erreur !
Quatrièmement, je ne comprends pas pourquoi la délivrance pour douze mois consécutifs du permis de chasser a été supprimée. C'était une disposition pratique, dépourvue de tout caractère politique ou polémique. Au demeurant, les députés sont restés très vagues dans leurs explications.
En conséquence, il me paraît utile que nous puissions, comme le propose notre rapporteur, Mme Heinis, rétablir les principales dispositions adoptées par le Sénat en première lecture, notamment celles qu'elle a rappelées tout à l'heure, qu'il s'agisse de la double tutelle de l'organisation des structures de la chasse, de la fixation des dates d'ouverture et de fermeture dans la loi avec un calendrier échelonné par espèce et par département, ou du choix au niveau local d'un ou de plusieurs jours de non-chasse pour le gibier sédentaire, comme c'est déjà le cas dans soixante-dix départements.
Au sujet de la fixation dans la loi des dates d'ouverture et de fermeture, le texte qui nous est proposé par l'Assemblée nationale et, surtout, le projet de décret qu'a présenté Mme la ministre de l'environnement ne résolvent absolument pas le problème et, sachez-le bien, monsieur le ministre, ils constituent aux yeux des chasseurs, notamment des chasseurs d'oiseaux migrateurs, une véritable provocation. Je crains - je les avais condamnées - que les manifestations ne reprennent, peut-être même avec certains gestes de violence.
Parallèlement, avec certains de nos collègues, nous avons déposé des amendements complémentaires, reprenant ceux qui avaient été adoptés par le Sénat en première lecture mais que l'Assemblée nationale n'a pas conservés, pour des raisons plus ou moins valables.
Ces amendements devraient permettre de résoudre certaines difficultés techniques comme celles que soulèvent les conditions de mise en place du droit d'opposition à la chasse au regard des baux des ACCA, ou encore la localisation du guichet unique au siège de la fédération départementale de chasse et le rétablissement du contrôle a posteriori des fédérations, garanti par un commissaire aux comptes - puisque la formule que nous avions adoptée n'était pas, paraît-il, applicable - sans oublier la possibilité de battues administratives pour les dégâts causés au gibier par les nuisibles.
En conclusion, mes chers collègues, je ne peux qu'espérer que les amendements que nous adopterons aujourd'hui seront retenus par l'Assemblée nationale lorsqu'elle sera à nouveau saisie de ce texte. En effet, ceux qui sont proposés par notre rapporteur et ceux que, les uns et les autres, nous avons déposés et que nous avons déjà examinés en commission vont dans le sens de l'apaisement...
M. Gérard Larcher. Tout à fait !
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski. ... afin de promouvoir une chasse moderne porteuse d'avenir.
M. Gérard César. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski. C'est la raison pour laquelle j'espère que le message de raison que nous allons adresser aujourd'hui à nos collègues députés pour la dernière lecture sera entendu ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur certaines travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'aborder la deuxième lecture du projet de loi relatif à la chasse, je veux rappeler la constance des parlementaires communistes depuis le début de l'examen de ce projet de loi : constance à défendre la chasse populaire et toutes les formes de chasse traditionnelle, constance dans le souci de parvenir à un texte équilibré qui prenne en compte à la fois les intérêts des chasseurs et ceux des non-chasseurs sans tomber dans les excès des extrêmes - que ceux-ci soient pro-chasse ou anti-chasse -, constance, enfin, à aboutir à un texte de loi applicable sur le terrain et non contestable au regard des recours contentieux qui ne manqueront pas d'être déposés.
Après une large abstention du groupe communiste à l'Assemblée nationale, une abstention constructive qui attendait des progrès significatifs sur ce texte, notre groupe au Sénat a voté le texte issu de la majorité sénatoriale, même s'il était parfois maximaliste, même si nous n'approuvions pas la notion de double tutelle, notion sur laquelle j'ai pu noter ce matin en commission une évolution positive que je salue.
Nous espérions ainsi trouver un point d'équilibre entre le texte de l'Assemblée nationale et celui du Sénat. C'est d'ailleurs la position que nous avons défendue en commission mixte paritaire, mais celle-ci a échoué sur la question des dates d'ouverture et de fermeture : fallait-il les inscrire dans la loi ou bien les promulguer par décret ?
Certes, la droite aurait aimé nous voir nous désolidariser de la majorité gouvernementale dans cette commission mixte paritaire.
M. Gérard César. Oh non ! (Sourires.)
M. Gérard Le Cam. Nous avons pensé qu'il était préférable de peser encore sur cette majorité afin d'obtenir des avancées, et je tiens à préciser à mon collègue Gérard César que nous n'étions aux ordres de personne au sein de cette commission mixte paritaire. (M. César rit.) Nous avons notre conception de la loyauté dans le gouvernement de la gauche plurielle, auquel nous participons et dans lequel il n'y a pas de majorité sans nous. Il était bon, je crois, de le rappeler.
M. Gérard César. Comme c'est bien dit !
M. Gérard Le Cam. En deuxième lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement n'a pas daigné tenir compte de nos propositions. Aussi, en toute logique, nos camarades députés ont voté contre le texte.
Aujourd'hui, nous avons la crainte de voir aboutir un texte qui mécontentera tout le monde. Les anti-chasse attaquent déjà le texte alors qu'il n'est pas définitif ; quant aux chasseurs, nombre d'entre eux sont pénalisés, notamment par la perte de plusieurs semaines de leur loisir favori.
Ce texte évolue en terrain miné, c'est le moins que l'on puisse dire, sous l'influence des lobbies pro-chasse et anti-chasse ; il évolue, de surcroît, sous la pression d'enjeux politiques importants. Tout cela ne facilite pas le travail parlementaire et nuit à la sérénité qui aurait été nécessaire pour aboutir à une bonne loi sur ce sujet qui, a priori, ne devrait pas être politisé.
Nous abordons ce débat avec la satisfaction d'avoir vu reprendre par l'Assemblée nationale les deux amendements de notre groupe qui avaient été adoptés dans cet hémicycle. La notion de « mise à mort » est supprimée dans la définition du nouveau texte, qui se limite à parler de capture. Le jury paritaire - fédérations et Office national de la chasse - en cas de litige dans le cadre de l'examen du permis de chasser est maintenu, même si la formulation a été sensiblement modifiée par l'Assemblée nationale.
Nous défendrons deux amendements symboliques, dont l'un est relatif aux dates d'ouverture et de fermeture : nous reprendrons ici l'amendement de notre collègue député François Liberti, qui répond au mieux à la réalité des habitudes de chasse et respecte les rythmes de la faune migratrice.
A propos de l'avant-projet de décret sur les dates de chasse, je n'ai pas été entendu sur la modification que j'ai demandée concernant les conditions spécifiques de la chasse à la bécasse après la fermeture générale : elle est toujours limitée aux sous-bois. Cette disposition favorise les locataires de chasses en forêt, les plus argentés, et prive les plus modestes, qui ne disposent que des landes, bosquets et talus de leur société communale. Il n'est pas trop tard pour corriger cette anomalie antidémocratique. J'y tiens beaucoup !
Nous défendrons également la proposition d'un jour sans chasse au gibier sédentaire, proposé par le préfet après avis de la fédération départementale et du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage.
L'amendement de mon ami Pierre Lefebvre qui concernait la chasse de nuit dans vingt-huit départements ayant été repris par la commission, nous le soutiendrons tout naturellement.
Cette loi, comme toute loi de compromis, ne sera pas idéale, mais elle sera, nous l'espérons, la moins mauvaise possible. Encore faudra-t-il que le Gouvernement nous entende et accepte encore quelques avancées, qui ont d'ailleurs été promises mais, pour l'instant, pas encore inscrites dans le texte.
L'absence de loi ou l'échec de celle-ci face à la législation européenne conduirait le monde de la chasse à une situation dramatique. Nous attendons donc un geste significatif à l'Assemblée nationale en dernière lecture, notamment sur trois points défendus par Maxime Gremetz à l'Assemblée nationale.
Premièrement, le jour de non-chasse, qui ne s'applique qu'au gibier sédentaire et dure du lever au coucher du soleil, doit ainsi être bien un jour, et non une journée.
M. Ladislas Poniatowski. Oui, c'est bien, cela !
M. Gérard Le Cam. Deuxièmement, la question de la chasse de nuit doit être réglée correctement pour les vingt-huit départements où elle est actuellement pratiquée.
Troisièmement, il faut instaurer, comme le souhaitent les chasseurs, un calendrier national des dates d'ouverture et de fermeture qui tienne bien sûr compte de la biologie des espèces, de leur statut de conservation, des plans de gestion et d'une gestion durable de la ressource.
Je ne sais pas si nos détracteurs comprendront un jour que les chasseurs n'ont aucun intérêt à tuer la « poule aux oeufs d'or », à réduire les populations de gibier. C'est tout le contraire ! Comme les chasseurs l'ont d'ailleurs compris, les maladies, les prédateurs, les produits phytosanitaires, les pratiques culturales et les rejets toxiques - industriels ou non - sont bien plus redoutables que la chasse pour le gibier de demain.
Logiques et constants dans notre volonté d'aboutir à une loi qui soit acceptable par tous, nous soutiendrons les mêmes amendements qu'en première lecture, quels qu'en soient les auteurs.
C'est donc toujours dans un esprit constructif et positif que nous abordons cette nouvelle lecture au Sénat, car elle peut et doit être un tremplin pour permettre à l'Assemblée nationale de franchir les derniers obstacles qui nous séparent d'une loi acceptable par tous.
Les chasseurs ne sont pas des Français à part. Ils ont leurs idées politiques, mais ils savent aussi laisser ces idées à la maison lorsqu'ils s'adonnent à leur loisir. Aujourd'hui, ils attendent de notre part une bonne loi, et non pas le bénéfice politique que pourrait en tirer tel ou tel parti.
C'est dans ce sens que nous entendons ne pas les décevoir, tout en restant conscients des nécessaires évolutions à venir dans le cadre de l'usage de l'espace rural et du respect du droit de propriété. Ce sujet mérite certainement une loi à venir !
Les chasseurs nous attendent donc pour que nous pérennisions leur loisir dans les meilleures conditions. Ils apportent beaucoup, en retour, à la société : ils sont l'écologie qui agit, et leur prise de conscience des évolutions nécessaires me permet de vous dire que nous avons confiance en eux et qu'en retour ils peuvent avoir confiance en nous. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Le PC, avec nous ! Je veux parler du « Parti de la Chasse » ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre, je suis heureux de vous voir aujourd'hui au banc du Gouvernement, car le problème a, me semble-t-il, été mal posé. Je ne suis pas de ceux qui souhaitent artificiellement opposer le monde urbain à la ruralité, mais je crois qu'il est important que l'on puisse débattre des problèmes inhérents à la ruralité avec le ministre délégué à la ville. Si vous n'étiez pas venu, j'aurais souhaité que nous puissions travailler avec vous, précisément pour mettre un terme à cette formidable supercherie qui consiste, pour certains, que je ne qualifie pas, à opposer la ville à la ruralité.
M. Jean-Pierre Raffarin. La chasse dans les jardins municipaux ! (Sourires.)
M. Jean-Louis Carrère. Que se passe-t-il, monsieur le ministre ? On essaie de nous faire croire que les urbains ont toujours été urbains, que les ruraux resteront toujours ruraux, qu'ils sont faits pour s'entr'égorger et qu'ils ne peuvent pas se comprendre.
Chers amis, les urbains sont d'anciens ruraux... et de futurs ruraux ! (M. Pierre Martin applaudit.)
M. Gérard Larcher. Ça, c'est vrai !
M. Jean-Louis Carrère. Parfois, hélas ! les ruraux sont aussi de futurs urbains.
Ce débat est donc totalement artificiel, voire schizophrénique.
La tentation que nous avons eue, nous les ruraux, d'imposer une forme de diktat à nos amis urbains ne doit pas s'emparer, maintenant, de nos amis urbains à l'endroit des ruraux que nous sommes !
Cela étant dit, monsieur le ministre, parlons un peu plus concrètement de la chasse.
C'est vrai, il fallait un texte. Je fais partie de ceux qui auraient souhaité qu'il vienne plus tôt, car j'avais senti, autour de moi, à quel point il était nécessaire. Je n'avais pas eu besoin d'institut de sondage ou de je ne sais quelle rencontre spécifique pour le comprendre !
Ce projet vient à son heure : il convient d'apaiser le monde de la chasse. Mais, surtout, il appartient aux législateurs que nous sommes de se mettre en conformité avec une directive qui a été prise à une époque où l'Europe n'avait pas de compétence en matière environnementale et qui - je tiens tout de même à vous le rappeler, chers amis - a été signée par M. François-Poncet et d'autres. N'essayez donc pas sans arrêt d'accréditer l'idée que ce sont ces vilains socialistes qui veulent se mettre en conformité avec une directive que vous n'auriez pas voulue !
Non, la directive existe. Elle s'impose à nous. A nous de trouver les meilleures modalités permettant la pratique convenable de ce loisir, de cet art esthétique qu'est la chasse.
Alors, que faut-il faire ? Faut-il, parce que nous sommes passionnés par cette pratique, aller au-delà même des demandes des chasseurs ou de l'union des fédérations ? Faut-il ne pas tenir compte des conséquences du vote d'un texte dont les modalités ne seraient pas conformes et risqueraient d'être annulées ? Je ne le crois pas. Tout le monde ici, ce matin, désire trouver un équilibre afin qu'en dernière lecture l'Assemblée nationale puisse reprendre l'essentiel de ce à quoi notre débat de ce jour aura permis d'aboutir. Aussi, prenons soin, entre nous, de faire ce qu'il faut pour parvenir à cet équilibre.
Je ne veux pas revenir sur la commission mixte paritaire. Toute une série d'analyses ont été faites, avec lesquelles je suis plus ou moins en accord, étant entendu que celle que je partage le plus est celle de mon ami Jean-Marc Pastor, pour avoir vécu ces moments à ses côtés.
Ce que j'ai le plus mal resenti - je vais le dire, car je ne manie pas la langue de bois - c'est que, dans nos rangs, nos collègues de l'Assemblée nationale aient souhaité éviter que le Sénat prenne une part trop importante dans ce débat et ne puisse faire prévaloir ses points de vue.
MM. Gérard César et Pierre Martin. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est courageux de le dire !
M. Jean-Louis Carrère. Chers amis, la Constitution veut que l'Assemblée nationale ait la prééminence en dernier ressort. Soit ! Eh bien, employons-nous, les uns et les autres, dans nos groupes respectifs, à faire en sorte qu'il y ait peut-être un peu plus de considération pour les travaux du Sénat, et, pour y parvenir, faisons en sorte que nos travaux soient encore moins critiquables. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
MM. Jean-Pierre Bel et Jean-Marc Pastor. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Venons-en au coeur du sujet : quels sont les points de désaccord qui pourraient, une fois de plus, permettre à l'Assemblée nationale de ne pas tenir compte de nos évolutions lors de sa dernière lecture ?
M. Ladislas Poniatowski. L'article 10 !
M. Jean-Louis Carrère. C'est effectivement l'article 10, monsieur Poniatowski, je suis tout à fait de votre avis.
Mais il y en a un autre, que je veux écarter d'emblée : le problème de la double tutelle.
Je le répète à cette tribune, le groupe socialiste ne voit aucun inconvénient à ce que le Premier ministre et le Président de la République, lorsqu'ils ont à le faire, décident que la chasse est l'apanage, par exemple, du ministre de l'agriculture et de la pêche.
En revanche, il est juridiquement pernicieux et dangereux, et discourtois, voire inconvenant, à l'endroit de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, d'essayer d'imposer une double tutelle au moment où l'on sait que la chasse est placée sous sa seule tutelle.
Moi, je ne suis pas du tout gêné pour dire au Premier ministre et au Gouvernement mon souhait qu'à l'avenir, pour des raisons que je n'ai même pas à développer, la chasse soit placée sous la tutelle du ministre de l'agriculture et de la pêche.
MM. Gérard César et Philippe François. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Mais comme nous savons tous que cela relève du domaine réglementaire, de grâce ! ne le mentionnons pas dans la loi... en ajoutant même qu'alors la disposition sera « retoquée » et que ce n'est pas grave. Un législateur qui légifère en sachant que ce qu'il vote n'est pas conforme, c'est une caricature ! Au moment où l'antiparlementarisme ressurgit, et assez fort, il serait malséant de donner en pâture à l'opinion cette inconséquence des parlementaires.
Mais, sur ce point - la double tutelle -, je vous sais gré, chers amis, d'être revenus à une rédaction beaucoup plus acceptable, notamment au travers de l'amendement relatif au contrôle a posteriori, que nous soutiendrons, madame le rapporteur.
J'en viens au problème, plus grave, de la fixation des dates.
M. de Raincourt a dit tout à l'heure que le Gouvernement ne donnait pas toujours l'exemple. Eh bien, lorsque tel est le cas, il faut que, sur toutes les travées, nous le lui disions. Mais ce n'est pas parce que le Gouvernement, quel qu'il soit, n'a pas donné l'exemple sur tel ou tel sujet, que nous pouvons nous arroger, nous, le droit de légiférer de manière inconstitutionnelle en connaissance de cause.
Ou alors je n'ai rien compris ! Dans le département où j'ai été élu, on me demande - y compris les chasseurs - de faire des lois qui entrent dans le champ de la Constitution.
En revanche, si vous me dites que vous n'avez pas confiance dans la ministre, que vous ne supportez pas les préconisations que vous connaissez du futur décret, là, je suis d'accord !
M. Gérard César. Ah ?
M. Jean-Louis Carrère. Sur la deuxième partie de la phrase, mon cher collègue !
Dans ce cas, disons au Gouvernement que ce projet de décret n'est pas bon, et qu'il faut l'amender.
A ce propos, je reprendrai l'exemple de l'oie. Il est inconcevable que l'on accepte que le Gouvernement publie un décret fixant la fermeture de la chasse à l'oie cendrée et autres oies le 31 janvier, car tout le monde sait - les observateurs, les experts scientifiques, les chasseurs... - que la migration des oies se fait entre le 1er et le 20 février.
M. Ladislas Poniatowski. Absolument !
M. Jean-Louis Carrère. Il n'y a pas un Landais qui ait tué une oie cendrée avant le 8 février !
Alors, ou bien l'on ouvre la chasse et le décret prend ce fait en compte, ou bien l'on dit clairement aux chasseurs qu'on n'a pas l'intention de l'ouvrir.
M. Gérard Larcher. D'autant que c'est une population en croissance !
M. Jean-Louis Carrère. Oui, c'est une population qui n'est pas en danger.
Et comme nous tenons à ce que cette chasse soit ouverte, il faut que, sur ce point notamment, le décret évolue.
S'agissant du jour de non-chasse, je me satisfais, comme d'autres, de l'évolution de la commission. Depuis le début, nous avions demandé qu'il y ait obligatoirement un jour de non-chasse.
On nous cite en exemple certaines fédérations qui ont prévu deux jours, d'autres trois jours de chasse. Chez M. de Raincourt, c'est un seul jour de chasse ! Alors, qui peut le plus peut le moins ! Arrêtons ! Puisque, dans certaines fédérations - les Landes, la Gironde, toutes les fédérations d'Aquitaine - il y a déjà deux jours de non-chasse, puisque nous savons toutes et tous, hélas ! que la majorité des accidents de chasse sont liés à des battues au gros gibier et que, si nous fermons la chasse au gibier sédentaire au moins une journée, il n'y aura pas de battues, rendons obligatoire cette journée de non-chasse sur l'ensemble du territoire.
Faisons-le savoir à la population, qui, hors les postes ou les zones de chasse au gibier migrateur - je rappelle à celles et à ceux qui l'ignoreraient que la grande majorité des gibiers migrateurs sont chassés à partir d'installations signalées par un panneau ou de postes fixes -, pourra se promener en sécurité dans la nature. Je vous assure qu'il ne se posera aucun problème de partage de la nature.
Chers amis, je conclurai sur une notation plus personnelle.
Depuis de nombreuses années, dans le département des Landes, dont j'ai l'honneur d'être l'élu, j'assiste à l'assemblée générale des chasseurs à la matole. La matole est un petit piège construit de main d'homme, ou de femme, avec des bois très légers pour ne pas blesser les animaux et servant à capturer les bruants ortolans.
Je passe sur la description que je pourrais faire de cette capture, qui pourrait confiner à la poésie... si tant est que je puisse être poète. Mais, quand il s'agit du bruant, je crois que je peux l'être !
Cette pratique a lieu à partir du 15 août.
Quels sont les hommes et les femmes - peu nombreuses - que je rencontre là ? Pour la grande majorité, ce sont des amis de Résistance de mon père, qui, hélas ! nous quittent année après année en raison de leur grand âge, des gens simples, d'anciens métayers, d'anciens fermiers, très peu - que personne ne soit choqué ! - de hobereaux, parce que c'étaient les métayers et les fermiers qui capturaient les ortolans et qui les leur offraient ou qui payaient leur métayage par ortolans interposés, bref, des hommes et des femmes du peuple.
De grâce, que l'on ne prive pas ces Landais modestes, républicains, résistants d'un plaisir simple !
Monsieur le ministre, je l'ai déjà dit à Mme Voynet, je l'ai dit à M. le Premier ministre, je vous le redis : ne pas accorder la dérogation « ortolan » au département des Landes, ce serait donner un coup de poignard dans le coeur de ce département.
Je ferai tout pour que nous obtenions cette dérogation, même si nous devons appliquer des quotas qui permettent la préservation de l'espèce. Il en va d'une tradition d'hommes et de femmes simples, accueillants et républicains ! Je pense que vous m'entendrez. (Très bien ! et applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Serviette sur la tête pour tout le monde ! (Rires.)
M. le président. La discussion générale est close.

4