Séance du 25 mai 2000







M. le président. « Art. 7. - I. - Dans le cas des associations constituées avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi, les dispositions des articles L. 222-7, L. 222-9 et L. 222-17 du code rural s'appliquent, dans leur nouvelle rédaction, à l'expiration de la période de six ans en cours à cette date.
« II. - Toutefois, l'opposition formée en application du 5° de l'article L. 222-10 du même code et notifiée au préfet dans l'année qui suit l'entrée en vigueur de la présente loi prend effet six mois après cette notification. »
Par amendement n° 353, Mme Heinis, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le II de cet article :
« II. - Toutefois l'opposition formulée par le propriétaire ou le détenteur du droit de chasse en application du 5° de l'article L. 222-10 et notifiée au représentant de l'Etat dans le département dans l'année qui suit l'entrée en vigueur de la présente loi prend effet à l'expiration de la période de six ans en cours, sous réserve d'avoir été notifiée six mois avant le terme de cette période. A défaut, elle prend effet à l'expiration de la période suivante de cinq ans. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Anne Heinis, rapporteur. Cet amendement tend à régler dans les meilleures conditions le problème de l'entrée en vigueur du droit d'opposition cynégétique, afin de ne pas remettre en cause les conventions en cours. Ce point a fait l'objet d'un important travail de la commission, qui a pris en compte les objections formulées par un certain nombre de nos collègues.
Actuellement, la durée pendant laquelle des terrains sont apportés à une ACCA est de six ans. Il convient de respecter cette échéance jusqu'à son terme avant d'instaurer le nouveau système permettant à un propriétaire opposant de retirer son terrain du territoire d'une ACCA.
Dans la même logique, si cet opposant omet de notifier son opposition au préfet dans les délais prévus par la loi, soit six mois avant le terme, il convient de préciser que l'opposition prend effet à l'expiration de la période suivante, qui est dorénavant de cinq ans.
M. Roland du Luart. C'est beaucoup !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Cet amendement a pour effet de retarder la sortie des ACCA des terrains appartenant à des opposants à la chasse au nom de convictions personnelles. Il revient sur la disposition transitoire, adoptée par l'Assemblée nationale, ouvrant une possibilité générale de sortie des ACCA dans l'année de promulgation de la loi avec effet dans les six mois de la notification de ce retrait.
Il paraît évident que l'adoption de cet amendement suscitera un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme, laquelle ne pourra manquer de considérer comme des brimades par rapport au droit d'objection cynégétique la salve d'amendements tendant à restreindre de façon drastique le recours à cette liberté qui paraissait pourtant avoir été reconnue aux objecteurs à la chasse.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 353.
M. Roland du Luart. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Je veux très sincèrement dire à notre brillant rapporteur qu'à titre personnel je suis réservé sur cet amendement.
Nous avons, au sein de cette assemblée, été favorables, dans un souci constructif, à « l'objection de conscience cynégétique », puisque nous avons, dès l'année dernière, fait une proposition en ce sens. Nous sommes donc en phase avec la décision de la Cour. Or, nous donnons ici l'impression de vouloir reprendre d'une main ce que nous avions accordé de l'autre.
Je ne souscris pas à cette démarche et souhaite, au contraire, que l'on aboutisse, à l'issue de ce débat, à établir une certaine paix dans la ruralité française, entre ceux qui chassent et ceux qui n'aiment pas que l'on chasse chez eux.
Je trouve personnellement que le texte, tel qu'il a été voté à l'Assemblée nationale, est correct. Je suis donc hostile à cet amendement, qui déséquilibre une construction que nous devons au contraire consolider.
Mme Anne Heinis, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Anne Heinis, rapporteur. Compte tenu de ce que vient de dire M. du Luart, qui est le président de notre groupe chasse et dont je respecte la grande compétence, personnellement, j'invite le Sénat à trancher dans sa sagesse.
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Pour avoir participé à ses travaux, je comprends la commission des affaires économiques, mais les arguments forts qu'a développés M. le président du Luart quant à l'architecture finale du texte sont de nature à nous faire réfléchir.
Aussi, pour la recevabilité tant juridique que psychologique du texte, il vaut mieux s'en tenir à la proposition de M. du Luart. Telle est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera contre l'amendement de la commission.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je suis tout à fait en phase naturellement avec mon collègue et ami Jean-Louis Carrère, mais je voudrais profiter de ce débat pour poser une question au rapporteur, qui répondra aujourd'hui ou pas ; je ne sais pas s'il peut répondre.
Lorsqu'un terrain est soustrait à la chasse - quelles que soient les circonstances dans lesquelles il est soustrait - par un propriétaire qui n'aime pas la chasse sur son territoire et que ce propriétaire décède, qu'en est-il du droit des héritiers de lever ou pas l'interdiction ?
Mes chers amis, je me permets d'appeler votre attention sur un point. Nous ne sommes pas là dans le domaine des baux ruraux, et pour une raison très simple, c'est que, lorsqu'on interdit la chasse sur son territoire, c'est par conviction personnelle sur le sujet, et le droit civil n'oblige jamais les héritiers à respecter les convictions de ceux dont ils héritent.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est que pour six mois !
M. Michel Charasse. Par conséquent, c'est une atteinte grave au droit de propriété. J'appelle l'attention sur ce point. Je ne sais pas si le texte, ici ou là, répond à la question.
M. Jean-Louis Carrère. Six mois !
M. Michel Charasse. Six mois ou pas, et même six mois, personne n'est obligé d'être communiste, socialiste ou RPR parce que son père l'était ! (Sourires.)
M. Jean Bernard. C'est vrai !
M. Michel Charasse. Nous sommes donc là dans un domaine qui touche aux convictions personnelles. Aucune disposition sur l'héritage et le droit de propriété ne permet d'interdire à un héritier de disposer dans ce cas librement - nous ne sommes pas dans le domaine des baux ruraux ou autres, qui font l'objet de contrats ou de conventions - des fonds dont il est propriétaire.
Je me permets simplement d'appeler votre attention sur ce point, parce que, à mon avis, cela ne tiendra pas longtemps « la mer » au regard des principes du droit de propriété. Je tenais à poser la question à l'occasion de cet amendement, tout en partageant l'opinion de mon collègue Jean-Louis Carrère.
M. Ladislas Poniatowski. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Soit une société de chasse qui a conclu un bail pour chasser sur 500 hectares - je prends volontairement un chiffre assez représentatif de la taille d'un certain nombre d'ACCA. Si un propriétaire exerce son droit d'opposition à la chasse et retire sa propriété en cours de contrat - soit, par exemple, une cinquantaine d'hectares - le territoire de chasse est diminué d'autant et ceux qui ont signé le bail sont lésés. Il faut donc en tenir compte.
C'est pourquoi, sur ce point, l'amendement de la commission, en prévoyant de retarder l'exercice du droit jusqu'à la fin de la période, est pertinent.
En revanche, et je rejoins ici M. Roland du Luart, il est excessif d'aller au-delà et de repartir pour une nouvelle période de cinq ans. La personne, en effet, ne pourrait éventuellement exercer son droit de non-chasse que cinq ans après le terme de la première période.
Aussi je propose une solution transactionnelle à Mme le rapporteur en l'invitant à supprimer la dernière phrase de son amendement. En tout état de cause, il ne faut pas léser les membres d'une société qui ont signé un bail.
M. le président. Madame le rapporteur, que pensez-vous de la suggestion de M. Poniatowski ?
Mme Anne Heinis, rapporteur. J'accepte de rectifier mon amendement en ce sens.
Je précise au passage à M. Charasse que, s'agissant des héritiers, le délai est de six mois. C'est écrit dans la loi.
M. Henri de Raincourt. M. Carrère l'avait rappelé !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 353 rectifié, présenté par Mme Heinis, au nom de la commission, et tendant à rédiger comme suit le II de l'article 7 :
« II. - Toutefois, l'opposition formulée par le propriétaire ou le détenteur du droit de chasse en application du 5° de l'article L. 222-10 et notifiée au représentant de l'Etat dans le département dans l'année qui suit l'entrée en vigueur de la présente loi prend effet à l'expiration de la période de six ans en cours, sous réserve d'avoir été notifiée six mois avant le terme de cette période. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Mme Heinis vient de rappeler le dispositif qui a été adopté par l'Assemblée nationale et qui permet, lorsqu'un nouveau propriétaire ne souhaite pas maintenir l'opposition en raison de ses convictions personnelles, que les terrains soient intégrés dans le territoire de l'association de chasse dans un délai de six mois courant à compter du changement de propriétaire.
En revanche, je fais remarquer aux honorables sénateurs que l'inverse n'est pas vrai et que l'héritier non chasseur souhaitant faire objection au droit de chasse d'un chasseur devra attendre l'échéance du bail.
M. Michel Charasse. Ce n'est pas mieux dans un sens que dans l'autre ! Il s'agit du droit de propriété !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 353 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, ainsi modifié.

(L'article 7 est adopté.)

TITRE III

DU PERMIS DE CHASSER

Article 8 A