Séance du 16 mai 2000







M. le président. Par amendement n° 616, MM. Raffarin, Garrec, Haenel, Humbert et de Rohan proposent d'insérer, après l'article 52, un article additionnel rédigé comme suit :
« La dotation de l'Etat pour l'exploitation des services et pour le renouvellement du matériel est réévaluée lors de chaque recomposition de l'offre régionale liée à une modification de la consistance des services transférés aux régions, résultant d'une modification des services d'intérêt national. »
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Cet amendement vise à compenser financièrement les transferts de charges ultérieures résultant du transfert aux régions de services ferroviaires relevant antérieurement de la compétence nationale. La SNCF cesse en effet, parfois, d'exploiter certains services « grande ligne », ce qui nécessite une substitution par TER.
Ainsi, lorsqu'une ligne à grande vitesse est mise en service, le service classique « grande ligne » auquel elle se substitue voit sa desserte complètement détériorée et nécessite la mise en oeuvre d'une desserte TER de compensation. De même, lorsqu'un train « grande ligne » de nuit est supprimé, il est souvent nécessaire de lui substituer un cabotage local.
Nous souhaitons que la compensation financière intègre à la fois la contribution nécessaire à l'exploitation du nouveau service transféré et la dotation nécessaire au renouvellement du matériel affecté à ce service.
Monsieur le ministre, nous attendons avec impatience une évolution sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur de Rohan, vous attendez avec impatience de connaître la position du Gouvernement.
D'abord, vous savez que votre proposition ne relève pas du domaine de la loi : il n'appartient pas à l'Etat de compenser financièrement aux régions les décisions de nature économique de l'opérateur ferroviaire.
Cela étant dit, je sais bien que le problème que vous évoquez est réel. En effet, en cas de transfert d'un service « grande ligne » sur une ligne nouvelle, la SNCF peut être amenée - vous l'avez dit - à supprimer certains trains rapides nationaux. Les régions sont alors conduites à substituer des TER aux anciennes dessertes pour assurer la continuité des départements, et cela se traduit incontestablement, pour elles, par un accroissement des charges.
Cette question doit être prise en compte. Elle le sera dans le cas du TGV-Méditerranée, en 2001, et je m'engage, mesdames, messieurs les sénateurs, à ce que ce principe soit, à l'avenir, mis en oeuvre dans le cadre des concertations qui interviendront.
Je demande donc le retrait de cet amendement. A défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 616.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, vous nous avez annoncé une bonne nouvelle : si, tout à l'heure, nous étions pressés, il ressort de la lecture des conclusions de la conférence des présidents que, maintenant, nous avons le temps.
Aussi est-ce peut-être l'occasion pour le Gouvernement, monsieur le ministre, de demander une nouvelle discussion des articles que nous avons examinés tout à l'heure et à propos desquels, tout le monde en était bien conscient, l'invocation de l'article 40 était une manoeuvre indélicate vis-à-vis de futurs partenaires. Si vous pouviez utiliser ainsi le temps libéré, nous ne verrions que des avantages à rouvrir le débat. Ce serait l'occasion de redonner confiance aux partenaires qui veulent s'engager dans cette régionalisation de manière sincère.
M. Charles Revet. Et le Gouvernement en a la possibilité !
M. Jean-Pierre Raffarin. Vos propos, monsieur le ministre, ont été tout à fait convaincants, et vous savez que nous tenons compte de vos engagements. Toutefois il serait encore mieux que ces engagements figurent dans le texte.
Vous avez dit que c'était important. Nous vous en remercions. Dès lors, insérer la présente proposition dans le texte, car nous avons besoin que les choses soient bien claires. Le jour où la SNCF redistribuera ses lignes, où elle libérera, notamment, des grandes lignes pour des affectations nouvelles de TER, nous aurons besoin de moyens, et donc de révision des dotations. Voilà pourquoi je soutiens avec chaleur le présent amendement. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 616, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 52.
Par amendement n° 617, MM. Raffarin, Garrec, Haenel, Humbert et de Rohan proposent d'insérer, après l'article 52, un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - Il est créé un fonds de développement des transports collectifs régionaux, départementaux et locaux, alimenté par 50 % des recettes supplémentaires de taxe intérieure sur les produits pétroliers telles qu'elles résultent des majorations de taux décidés chaque année par la loi de finances.
« Ce fonds est réparti entre les autorités organisatrices de transport, au niveau régional, départemental et local, sur la base des dépenses assumées par elles, sur leurs ressources propres, pour le financement des infrastructures de transport collectif, du matériel, de la modernisation des gares et du déficit de fonctionnement du service public de transport collectif.
« Les modalités de répartition de ce fonds sont fixées par un décret en Conseil d'Etat.
« II. - Les éventuelles pertes de ressources pour l'Etat résultant du I ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par un relèvement du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers prévue au tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes et par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je vais présenter, en effet, cet amendement. Dans notre organisation, les choses marchent comme à la SNCF, monsieur le président : les trains sont à l'heure ! (Sourires.)
Monsieur le ministre, ici, nous vous proposons une solution. Vous avez mesuré combien il était nécessaire de trouver des moyens de financement pour faire face à cette régionalisation. Vous avez vu que l'on se demandait comment financer les dépenses. Vous avez entendu ce que l'on disait : « L'impôt Gayssot » « L'emprunt Gayssot » !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oh là là !
M. Jean-Pierre Raffarin. La solution, c'est le « fonds Gayssot ». (Exclamations amusées sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) C'est le fonds qui évitera l'impôt Gayssot. Créer ce fonds, c'est possible, et c'est l'objet de cet amendement.
M. Charles Revet. L'imagination au pouvoir !
M. Jean-Pierre Raffarin. On aurait pu croire qu'en demandant des dotations supplémentaire, les régions pensaient d'abord à elles. Mais, par la création de ce fonds, nous montrons que nous pensons au ferroviaire, à toutes les autorités organisatrices - villes, départements, régions - à l'ensemble des transports - transport ferroviaire, transport routier - à l'ensemble des formules d'intervention, des modes de déplacement dans la ville et hors la ville, qu'il faut soutenir, notamment par des investissements complémentaires.
On le voit bien - on l'a déjà vu tout à l'heure - l'argent manque pour les gares, pour la rénovation, pour la modernisation ; l'argent manque pour la sécurité, pour les sillons, pour le matériel ; l'argent manque pour l'ensemble du dispositif. Avec ce fonds, qui serait financé par une répartition du produit de la part additionnelle de la TIPP chaque année, nous pourrions financer.
Au fond - l'ensemble de nos collègues devraient être sensibles à cette position - nous demandons à l'industrie pétrolière, d'une certaine manière, de financer le ferroviaire. Cela me paraît aller tout à fait, monsieur le ministre, dans le sens du développement durable, dont on nous parle beaucoup dans ce Gouvernement !
Le développement durable est une priorité, montrons que cette priorité peut se traduire dans le concret et l'opérationnel.
La solution que nous proposons réglerait un grand nombre de nos problèmes : créons ce fonds et utilisons une part de la TIPP pour le financement de la régionalisation des transports collectifs.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur. La commission a estimé que cet amendement était particulièrement intéressant car il permet de résoudre tous les problèmes de financement. Elle s'en est donc remis à la sagesse du Sénat ; mais, à titre personnel, j'y suis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. La commission s'en est remis à la sagesse du Sénat parce qu'elle estime sans doute qu'une réflexion pourrait être engagée pour examiner les conséquences du dispositif proposé. Il faut en effet être très prudent à l'égard de toute disposition tendant à alourdir les prélèvements obligatoires. (Rires.)
M. Charles Revet. C'est vous qui dites cela ?
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, laissez M. le ministre s'exprimer !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Comme vous, je suis plutôt d'accord avec l'idée qu'après tout ce type de financement permettrait de résoudre le problème de manière durable. J'ai d'ailleurs souvent entendu ce type de proposition sur différentes travées de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Cette proposition fait partie, je l'avoue, des réflexions à l'égard desquelles, personnellement, j'ai une approche plutôt positive. Mais, compte tenu des conséquences qui pourraient en découler et qui ne sont pas analysées, le Gouvernement n'est pas à même d'accepter cet amendement, il y est donc défavorable.
Toutefois, lors de l'examen des futurs projets de loi de finances, le Parlement pourra faire valoir son point de vue.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 617, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 52.
M. Josselin de Rohan. Cet amendement a été adopté sans aucune opposition !
M. Jean-Pierre Plancade. C'est une abstention positive !
Mme Hélène Luc. Pour le groupe communiste également.
M. le président. Le règlement ne connaît pas ce genre de nuance ! Il y avait déjà les « sagesses nuancées », mais les « abstentions positives »...
Mme Hélène Luc. Il faudra demander aux académiciens ce qu'ils en pensent !
M. le président. Par amendement n° 977, M. Lefebvre, Mme Terrade, M. Le Cam, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 52, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le cadre des règles de sécurité fixées par l'Etat et pour garantir le développement équilibré des transports ferroviaires et l'égalité d'accès au service public, la Société nationale des chemins de fer français assure la cohérence d'ensemble des services ferroviaires sur le réseau national. »
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. La séparation entre propriétaire et utilisateur d'infrastructure consacrée par l'adoption de la loi créant le Réseau ferré de France n'a pas, dans les faits, remis en question l'expertise de la société nationale en matière de définition des orientations stratégiques essentielles dans le domaine du transport ferroviaire.
Pour ce qui nous concerne, il semble même que le rôle de la SNCF s'avère encore plus crucial, dès lors que le devenir du transport ferroviaire est marqué par le développement de la régionalisation, comme de la concertation au plus près des bassins de vie, des populations et de leurs élus.
Cet amendement vise donc à reconnaître à la société nationale son rôle fondamental dans la conception et la mise en oeuvre du service de transport ferroviaire au plan national, rôle découlant de sa compétence acquise et de sa capacité à intégrer dans sa propre stratégie d'entreprise de service public la réponse aux besoins de la collectivité.
Il nous semble en effet nécessaire de nous garder de penser que la solution la plus adaptée aux enjeux à venir du transport ferroviaire réside dans une forme de parcellisation des solutions qui pourrait résulter d'une conception trop étroite de la régionalisation, fût-elle séduisante au premier abord.
La cohérence et l'organisation du service ferroviaire passent effectivement par l'échelon national, qui est le plus pertinent dans un pays comme le nôtre. C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Je rappelle à mon éminent collègue que nous avons supprimé l'article 50 bis, qui était semblable. La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 977, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 53