Séance du 16 mai 2000







M. le président. La parole est à M. Demerliat, auteur de la question n° 786, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre patrimoine naturel est certainement l'un des biens les plus précieux que nous léguerons aux générations futures.
Ce patrimoine précieux est également fragile. C'est pourquoi la nécessité d'adapter et de faire évoluer nos technologies afin de préserver notre cadre de vie s'impose chaque jour un peu plus.
La lutte contre la pollution doit être une de nos préoccupations majeures. Il importe donc de concilier les conditions d'une croissance économique forte avec la préservation de l'environnement.
En incitant à l'adoption de comportements plus respectueux de la nature, la fiscalité peut contribuer à la recherche de cet objectif fondamental.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a totalement pris la mesure de ce problème et il a défini des orientations ambitieuses et adaptées au contexte économique actuel. En effet, avec la création de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, qui concerne tous les types de pollution, la fiscalité écologique introduit au coeur du dispositif fiscal des préoccupations environnementales et n'est pas principalement conçue ni perçue comme un moyen pour l'Etat d'obtenir des recettes supplémentaires.
Néanmoins, comme tout instrument économique, la TGAP peut avoir des conséquences non négligeables sur la vie des entreprises, selon les ressources qu'elles utilisent et le niveau de qualification qu'ont leurs employés, conséquences qui pourraient être aggravées si les projets d'extension de la TGAP aux consommations d'énergie étaient mis en oeuvre sans précaution.
En effet, certaines industries, au premier rang desquelles figure l'industrie papetière, qui occupe une place importante dans mon département, la Haute-Vienne, pourraient être grandement pénalisées par cette extension en raison de leur forte consommation d'énergie.
Les incidences financières de la TGAP sur ce secteur d'activité seraient donc grandes et risqueraient fort de remettre en question la compétitivité de l'industrie papetière française par rapport à ses concurrentes étrangères, notamment nordiques.
Aussi, afin d'éviter d'importantes distorsions de concurrence au niveau européen et mondial, il conviendrait d'être particulièrement attentif, d'une part, à ce que ces entreprises ne voient pas leurs charges augmenter de manière excessive et, d'autre part, à ce que l'imposition sur la consommation croisse progressivement, afin de leur laisser le temps nécessaire pour s'adapter.
Enfin, monsieur le ministre, de manière plus générale, il serait souhaitable de promouvoir ce type de taxe à l'échelon communautaire, plutôt qu'à l'échelon national. C'est en effet à cet échelon, à l'échelon communautaire, que la fiscalité écologique atteindrait une efficacité maximale.
A l'heure de la mise en place de l'euro, les fiscalités entre pays sont directement comparables, et il ne serait souhaitable que s'engage un processus de concurrence fiscale en Europe. La coordination fiscale pourrait donc également s'organiser autour des écotaxes.
Monsieur le ministre, j'aimerais donc que vous m'éclairiez sur les réflexions relatives à la directive sur ce thème.
Vous l'avez compris, mon propos est bien évidemment de vous demander de bien vouloir faire en sorte que l'industrie française, et notamment l'industrie papetière, ne soit pas pénalisée par rapport à ces concurrentes européennes et mondiales.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, M. Fabius, empêché, m'a également demandé de répondre, en son nom, à votre question.
A la suite de l'annonce de l'extension de la taxe générale sur les activités polluantes aux consommations d'énergie des entreprises, le Gouvernement a exprimé sa volonté de conduire cette réforme sans mettre en cause la compétitivité des entreprises très consommatrices d'énergie, confrontées - vous l'avez souligné - à la concurrence internationale. Notre objectif est donc bien d'améliorer l'environnement et le cadre de vie sans pénaliser l'activité industrielle.
Aussi, il a été décidé d'engager, préalablement à l'extension de la TGAP, une large concertation avec les acteurs économiques concernés afin d'examiner les modalités de mise en oeuvre les mieux adaptées à cette mesure, en particulier avec les représentants des secteurs industriels comportant des entreprises dévoreuses d'énergie, comme la chimie, la métallurgie et, bien sûr, la papeterie. Je tiens d'ailleurs à souligner que cela constitue une procédure inédite en matière fiscale.
Les professions concernées ont ainsi pu faire valoir leurs spécificités et leurs préoccupations. Leurs points de vue et leurs recommandations pourront être pris en considération dans l'élaboration du bilan de la concertation qui sera prochainement établi et sur la base duquel le Gouvernement proposera, en principe d'ici à la fin du premier semestre 2000, les contours de cette importante réforme. Cette démarche d'évaluation intégrera également un souci de simplification.
Comme vous l'avez souligné à juste titre, il convient d'inscrire l'évolution de la TGAP dans un cadre européen. Aussi, la France a soutenu et soutiendra l'élaboration d'un projet de directive de taxation de l'énergie qui permette de disposer d'un cadre harmonisé. Ces discussions n'ont, cependant, pu aboutir jusqu'à présent.
Quoi qu'il en soit, ces débats communautaires, ainsi que les dispositifs adoptés par les principaux pays européens, seront également des éléments importants dans les choix qui seront faits par le gouvernement français.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces précisions essentielles.
Les grands groupes qui contrôlent l'industrie papetière sont des groupes mondiaux, et nous savons tous qu'ils ne font pas de sentiment, que, lorsque les coûts de production augmentent de quelques points dans un pays, ils sont prêts à délocaliser là où les bénéfices pourront être un peu plus importants.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'insister de nouveau sur les risques de concurrence fiscale à l'échelon européen, voire mondial, afférents à ce type de taxe. Ce sont des milliers d'emplois qui pourraient être menacés ou des milliers d'autres qui pourraient ne pas se créer chez nous, si la France était la seule à se lancer dans l'instauration d'une véritable fiscalité écologique.
Ce débat me fait d'ailleurs penser à un autre projet, qui aurait ma faveur et celle de tous les gens qui ont un coeur et non pas un portefeuille sous la veste, à savoir l'instauration de la taxe Tobin.
Ces projets, qui participent d'un sentiment de justice et qui visent à moraliser la vie économique, ne peuvent vraiment atteindre leurs objectifs que s'ils sont appliqués sur une grande échelle, à mon sens à l'échelle mondiale.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je suis d'accord !

APPLICATION DE LA TVA À TAUX RÉDUIT
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