Séance du 16 mai 2000







M. le président. La parole est à M. Badré, auteur de la question n° 781, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Denis Badré. Madame la secrétaire d'Etat, voilà quelques jours, le Gouvernement britannique a été saisi en urgence d'un rapport scientifique concernant les éventuels dangers des téléphones cellulaires pour la santé des enfants. En Grande-Bretagne donc, les utilisateurs de téléphones portables devraient être à nouveau alertés, dans les jours qui viennent, sur les risques d'effets nocifs liés à l'usage de ces appareils. Ce nouvel épisode s'inscrit dans le contexte général de la montée d'une inquiétude réelle du public, qui est exposé de plus en plus fréquemment et longuement aux champs électromagnétiques.
En effet, pour répondre de manière toujours plus large et continue à une demande de téléphonie mobile en croissance exponentielle, les opérateurs installent de très nombreuses antennes-relais au coeur même de nos villes, donc à proximité des habitations, et cela souvent sans que le maire puisse intervenir. C'est le cas, par exemple, lorsque ces antennes mesurent moins de quatre mètres ; elles font en général trois mètres quatre-vingt-dix-neuf.
Le directeur général de la santé, incapable aujourd'hui de garantir l'absence de risque dans le voisinage de ces antennes, a d'ailleurs saisi de cette question, le 2 juin dernier - voilà près d'un an - son collègue le directeur de l'habitat et de la construction.
Ma première question est liée aux conditions imposées pour l'installation de telles antennes : le Gouvernement pense-t-il parvenir à préciser sa doctrine sur ce point particulier des conditions spécifiques d'autorisation pour l'installation d'antennes ? De manière plus précise, au moment où l'Etat met aux enchères les concessions de nouvelles générations de téléphones portables, envisagez-vous d'intégrer dans le cahier des charges de ces concessions une condition de regroupement des antennes-relais des différents opérateurs, ainsi que l'obligation de renforcer l'isolation de ces antennes ? Une attention particulière me semble en effet devoir être portée, par priorité, sur ces relais, qui, contrairement aux portables, émettent de manière continue, de jour comme de nuit, et dont la puissance est sans commune mesure avec celle d'un appareil isolé.
Ma deuxième question concerne les recherches scientifiques sur les risques potentiels pour la santé dus à la proximité des antennes. Les recherches engagées ne permettent pas, pour l'instant, de conclure à l'absence de risque. Voilà qui reste inquiétant ! Pouvez-vous, madame la secrétaire d'Etat, faire le point sur les résultats scientifiques déjà acquis et présenter l'état et les perspectives des recherches engagées ou programmées ?
Ma troisième question concerne le niveau communautaire, où l'affaire a déjà donné lieu à débat.
Une recommandation du 12 juillet 1999 de la Commission - là aussi il y a près d'un an - vise ainsi à établir un cadre commun sur le sujet. La Commission n'a cependant pas choisi jusqu'ici de prendre en compte les modifications avancées par le Parlement européen concernant notamment la fixation de distances minimales de sécurité entre certaines infrastructures électriques et le public. Le Gouvernement français entend-il faire avancer ce dossier à Bruxelles ?
En attendant de progresser dans les différents domaines de l'urbanisme, de la recherche et de la réglementation communautaire, et plus simplement en attendant des réponses précises de votre part, madame la secrétaire d'Etat, je résumerai les questions que je vous ai posées par une seule interrogation, qui traduit l'inquiétude et l'émotion de maires de plus en plus nombreux : en l'état de nos connaissances et de la réglementation, le principe de précaution vous semble-t-il devoir être mis en oeuvre et, si oui, à quel niveau et par quelle autorité ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, je vous confirme que le Gouvernement va définir des valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques fondées sur les recommandations internationales.
Les effets sur la santé humaine des champs électromagnétiques ont donné lieu depuis les années soixante à un nombre important d'études. A l'exception d'effets clairement individualisés lors de l'exposition aiguë à des installations de forte puissance - l'effet thermique et l'existence de courants induits dans l'organisme des sujets exposés - ces études n'ont pas mis en évidence d'effets sanitaires avérés. Cependant, on ne peut affirmer de façon certaine l'inexistence d'un risque à long terme et les recherches doivent être poursuivies.
La France s'est associée aux efforts menés au niveau international sur ce sujet. Elle participe à l'étude épidémiologique engagée dans treize pays par l'Organisation mondiale de la santé et le Centre international de recherche contre le cancer.
En 1999, le Gouvernement a lancé le programme français de recherche COMOBIO - communication mobile et biologie - d'une durée de deux ans. Il associe treize équipes de recherche et vise à compléter les connaissances sur les effets biologiques et sanitaires de l'utilisation des téléphones portables.
Par ailleurs, comme vous le rappelez, une recommandation européenne a été publiée le 12 juillet 1999, qui s'appuie sur l'état des connaissances actuelles.
La France a souhaité retenir cette recommandation récente comme base de sa propre réglementation.
A cet effet, le Gouvernement a demandé au centre scientifique des techniques du bâtiment de traduire les valeurs limites d'exposition retenues dans cette recommandation en prescriptions techniques pour l'implantation des antennes-relais.
Ces prescriptions comporteront des périmètres de sécurité en fonction des types d'antenne et des réseaux.
Ce travail sera achevé le mois prochain. Le Gouvernement lui donnera alors les suites réglementaires appropriées.
Au-delà des questions relatives aux champs électromagnétiques diffusées par ces stations-relais, les décisions concernant leur implantation doivent aussi prendre en compte leur intégration à l'environnement et les préoccupations du public.
A cet égard, l'information et le dialogue entre l'exploitant du réseau de téléphone mobile et le public lors de la planification d'une nouvelle antenne me paraissent des préalables indispensables.
M. Denis Badré. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions que vous m'avez apportées, notamment sur les travaux que vous avez poursuivis en matière d'urbanisme. Je ne peux que souhaiter qu'ils aboutissent très rapidement, comme vous l'avez annoncé à l'instant. C'est nécessaire si nous voulons apaiser l'inquiétude des maires.
J'ai bien noté également que vous vous situiez au niveau international, et je m'en réjouis. Le premier niveau international que nous rencontrons, c'est celui de l'Union européenne. La France doit donner l'exemple en Europe, et l'Europe doit reprendre les préconisations françaises en leur donnant la force qui convient pour que, sur le plan international, nous jouions le rôle moteur, avec tous les avantages que cela peut représenter, assumant ainsi la responsabilité éminente qui est la nôtre dans un secteur, celui de la téléphonie mobile, qui connaît en France un des développements les plus rapides et où les technologies françaises sont les plus performantes et les plus pointues.
Enfin, je reviendrai sur le principe de précaution, que vous n'avez pratiquement pas évoqué. Il ne faut plus l'utiliser de manière incantatoire, comme on l'a vu dans bien d'autres domaines de l'actualité, notamment en matière de sécurité sanitaire. Nous devons avoir une doctrine très précise de l'usage de ce principe afin qu'une application floue et imprécise ne donne pas une fausse sécurité aux usagers, à nos compatriotes. Ce principe doit au contraire être calé sur des bases juridiques très claires, pour donner une sécurité avérée à nos concitoyens.

INSERTION PROFESSIONNELLE DES HANDICAPÉS