Séance du 5 avril 2000







M. le président. « Art. 1er quater . - L'article 276 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 276 . - Lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l'article 275, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements mensuels ou annuels indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.
« Le débiteur peut demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement notable de sa situation. A titre exceptionnel, le juge peut alors, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à huit ans.
« A la mort de l'époux débiteur, la charge du solde du capital passe à ses héritiers. Les héritiers peuvent demander la révision des modalités de paiement dans les conditions prévues au précédent alinéa.
« Le débiteur ou ses héritiers peuvent se libérer à tout moment du solde du capital.
« Après la liquidation du régime matrimonial, le créancier de la prestation compensatoire peut saisir le juge d'une demande en paiement du solde du capital. »
Par amendement n° 34, M. Hyest, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi le début de cet article :
« L'article 275-1 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 275-1. - ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous souhaitons que les modalités de paiement du capital restent fixées, comme actuellement, par l'article 275-1 du code civil.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 34, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 72 rectifié, MM. Pelletier et Demilly proposent, dans la première phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 1er quater pour l'article 276 du code civil, de remplacer les mots : « passe à ses héritiers. » par les mots : « n'est pas transmissible à ses héritiers, sauf si l'absence de versement devait avoir pour le créancier des conséquences d'une extrême gravité. »
Par amendement n° 27, M. About propose, après les mots : « du capital passe », de rédiger comme suit la fin de la première phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 1er quater pour l'article 276 du code civil : « à l'hérédité dans la limite des trois quarts de l'actif successoral. »
La parole est à M. Pelletier, pour défendre l'amendement n° 72 rectifié.
M. Jacques Pelletier. Je comptais initialement présenter un amendement tendant à supprimer toute transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers. Après y avoir beaucoup réfléchi et après avoir consulté de nombreuses personnes, j'ai été amené à considérer que, dans certains cas particulièrement douloureux, cette transmissibilité pouvait éventuellement se justifier. C'est pourquoi j'ai rectifié mon amendement en ajoutant ce membre de phrase : « sauf si l'absence de versement devait avoir pour le créancier des conséquences d'une extrême gravité. »
Cela étant, la règle doit rester, selon nous, la non-transmissibilité : nous avons eu à connaître de trop de cas où des enfants qui n'avaient aucun lien avec le créancier devaient continuer à payer cette prestation compensatoire !
Toutefois, il peut arriver que le bénéficiaire se trouve placé, du fait de son âge, de son état de santé ou de son niveau de revenu, dans une situation telle que cela justifie de prévoir une exception.
M. le président. La parole est à M. About, pour défendre l'amendement n° 27.
M. Nicolas About. Il s'agit de faire en sorte qu'on n'ait plus à constater des situations extrêmes où des héritiers se voient finalement totalement privés de leur héritage. Que le capital soit soldé au décès du débiteur ne me choque pas en soi, mais je considère que la quotité disponible, qui représente souvent le quart de l'héritage, devrait rester aux héritiers.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendement n°s 72 rectifié et 27 ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Lors de la discussion générale, nous avons longuement évoqué ce problème. M. Pelletier souhaite supprimer la transmissibilité, tout en atténuant cette suppression par l'introduction d'une exception. M. About propose, quant à lui, de réserver la quotité disponible aux héritiers.
Je ferai observer à M. About que la quotité disponible est variable selon le nombre d'enfants. La limite qu'il propose ne réglerait pas tous les cas.
M. Nicolas About. Je la limite à un quart !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quoi qu'il en soit, nous avons prévu, pour les héritiers, la possibilité d'une révision. En effet, il est des cas où la situation des héritiers ne permet pas de verser la prestation compensatoire, sauf à les placer dans une situation tout à fait inconfortable.
Il serait particulièrement dommage que nous remettions en cause tout ce qui concerne le passif et l'actif des successions. Il exite un principe simple : ce capital représente une dette patrimoniale et, dès lors, elle pèse sur la succession.
J'ajouterai que, pour pallier des injustices qui sont réelles et que la jurisprudence n'a pas permis de faire disparaître, nous risquons de placer un grand nombre de bénéficiaires de la prestation compensatoire dans des situations terriblement difficiles, alors que les personnes en question pouvaient estimer que, n'ayant pas reçu de capital pour le reste de leur vie, elles bénéficieraient d'une rente.
Estimez-vous que, si une succession est extrêmement importante, ce qui arrive, on ne devrait plus payer la prestation compensatoire ? Serait-ce normal ? Ce sont alors des milliers de lettres que nous recevrions de personnes complètement désemparées !
Nous reviendrons sur ce sujet par le biais d'autres amendements. Je crois que la solution de la révision, qui a été retenue en première lecture tant par l'Assemblée nationale que par le Sénat, en ne remettant pas en cause la transmissibilité, est la meilleure formule pour assurer équilibre et équité.
Le sujet est important, et il mérite que tous nos collègues prennent clairement position. C'est pourquoi la commission des lois demandera un scrutin public sur ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 72 rectifé et 27 ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Le sujet est effectivement important, et M. le rappporteur a excellement exposé les arguments qui me conduisent à émettre également un avis défavorable sur ces amendements.
D'une part, il n'est pas judicieux de déroger au principe mis en place,
D'autre part, la situation des héritiers est bien évidemment protégée par la possibilité de révision qui est introduite dans cette proposition de loi.
M. Nicolas About. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Sur un texte aussi important, je préfère être battu en retirant mon amendement qu'en le voyant éventuellement repoussé par une assemblée d'absents. Je retire donc l'amendement n° 27, en espérant que j'aurai le soutien de l'Assemblée nationale lorsque celle-ci examinera le texte en deuxième lecture.
M. le président. L'amendement n° 27 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 72 rectifié.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Comme M. le rapporteur et Mme la secrétaire d'Etat, je pense que nous sommes parvenus à un équilibre, en particulier avec la possibilité, très largement ouverte, de la révision, dont la transmissibilité est en quelque sorte la contrepartie. La révision doit permettre de régler les problèmes les plus dramatiques, que tout le monde ne rencontre pas nécessairement.
Par conséquent, je voterai contre cet amendement.
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Succédant à celle de Mme Derycke, mon intervention va apporter la preuve de la richesse du groupe socialiste puisque je vais exposer un avis sensiblement différent de celui de ma collègue. C'est dire que le débat traverse tous les groupes !
En vérité, nous sommes un certain nombre, au sein du groupe socialiste, à être fondamentalement opposés au principe de la transmissibilité.
Certes, dans le contexte que va créer cette nouvelle loi, cette transmissibilité aura évidemment beaucoup moins d'effets pervers qu'elle n'en a eus depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1975. Toutefois, il me semble nécessaire de faire entendre aujourd'hui la voix de ceux qui ont été victimes de cette transmissibilité, du fait des dérives auxquelles a donné lieu la loi de 1975.
M. Gélard a, cet après-midi, très bien identifié les raisons pour lesquelles cette dérive s'est produite. Des exemples ont été cités, tous plus douloureux les uns que les autres.
Loin de moi, bien entendu, l'idée de priver des femmes âgées, malades ou placées dans l'impossibilité de subvenir à leurs besoins, de la possibilité de recevoir le solde d'un capital qui leur a été attribué. D'ailleurs, l'amendement de M. Pelletier pourvoit à de tels cas, et des dispositions particulières sont également prévues à cet égard dans le texte, qui représente, je tiens à le souligner, un progrès sensible par rapport à la loi de 1975.
J'estime cependant nécessaire de bien préciser les choses, ne serait-ce que pour les nombreuses victimes des dérives de l'application de la loi de 1975.
Au demeurant, toutes ne pourront sans doute pas bénéficier de l'ensemble des améliorations contenues dans le texte qui nous est proposé. Peut-être aurons-nous l'occasion de revenir sur ce point lorsque nous examinerons les dispositions transitoires.
Pour ma part, je crains qu'il n'y ait deux catégories de divorcés : ceux qui auront divorcé avant l'adoption de la présente loi et ceux qui auront divorcé après, ces derniers bénéficiant de conditions beaucoup plus avantageuses.
C'est pourquoi il me paraît nécessaire de supprimer la transmissibilité. Cela constituerait un signal fort adressé aux victimes de la loi de 1975, qui sont très nombreuses, ainsi qu'à ceux qui seront chargés d'appliquer les dispositions transitoires. Cela permettrait peut-être de défendre l'institution du mariage, qui ne doit pas devenir la première formalité du divorce. En outre, cette prestation compensatoire ne serait pas perçue par les divorcés comme une sorte d'expiation qui serait transmissible de génération en génération.
Telle est la raison pour laquelle un certain nombre de mes collègues du groupe socialiste et moi-même voterons cet amendement.
M. Jacques Pelletier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Cet amendement ne vise pas à supprimer toute transmissibilité : j'ai bien précisé que le créancier en difficulté pourra continuer à en bénéficier. Cependant, la transmissibilité a généré tant de cas graves, s'agissant notamment de jeunes n'ayant aucun lien avec le créancier, qu'il me paraît tout à fait anormal de la maintenir dans tous les cas.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 72 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 50:

Nombre de votants 276
Nombre de suffrages exprimés 275
Majorité absolue des suffrages 138
Pour l'adoption 56
Contre 219

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er quater, modifié.

(L'article 1er quater est adopté.)

Article additionnel après l'article 1er quater