Séance du 3 février 2000







M. le président. « Art. 1er. _ La Commission nationale de déontologie de la sécurité, autorité administrative indépendante, est chargée, sans préjudice des prérogatives que la loi attribue notamment en matière de direction et de contrôle de la police judiciaire, à l'autorité judiciaire, de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République.
« Sont concernés, à ce titre, lorsqu'ils concourent à une activité de sécurité, les personnels de la police nationale, de la gendarmerie nationale, de la douane, les gardes-chasse, les gardes-pêche, les gardes forestiers, les agents des collectivités territoriales et des établissements publics. Sont également concernées toutes personnes physiques et morales de droit privé assurant, à titre permanent ou occasionnel, à titre principal ou accessoire, des activités de sécurité. »
Par amendement n° 1, M. de Richemont, au nom de la commission, propose, dans la première phrase du second alinéa de cet article, après le mot : « douane », d'insérer les mots : « et de l'administration pénitentiaire ainsi que ».
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 24, présenté par M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et visant, dans le texte proposé par l'amendement n° 1 de la commission des lois, après les mots : « administration pénitentiaire », à insérer les mots : « , les personnels exerçant des activités de sécurité dans tout lieu où des personnes sont privées de liberté, au sens de la convention européenne du 26 octobre 1987 pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'ajouter les agents de l'administration pénitentiaire à la liste des agents de l'Etat qui entrent dans le champ d'application de la Commission. Je me suis longuement expliqué tout à l'heure sur les raisons qui ont justifié le dépôt de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bret, pour défendre le sous-amendement n° 24.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par ce sous-amendement, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent aller au bout de la logique de l'amendement de la commission.
En effet, il nous a semblé que ce qui faisait le lien entre l'administration pénitentiaire et les personnels de sécurité au sens strict était la volonté de réprimer les atteintes aux droits de l'homme, notamment sous l'angle de la torture et des traitements inhumains et dégradants.
Faire entrer l'administration pénitentiaire dans le champ de compétence de la Commission sous l'angle de la notion de sécurité prise au sens strict n'est pas tout à fait satisfaisant.
Certes, l'article 1er de la loi n° 87-432 du 22 juin 1987, relative au service public pénitentiaire, indique que celui-ci « participe au maintien de la sécurité publique », mais on notera que sa fonction première concerne « l'exécution des décisions et des sentences pénales ». Il a également pour mission, selon la loi de 1987, de favoriser la réinsertion sociale.
De même, on soulignera que l'Institut des hautes études de sécurité intérieure n'inclut pas l'administration pénitentiaire dans son champ de compétence, et que le loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité ne se réfère nulle part à la sécurité en prison.
Le glissement progressif opéré par la commission des lois de la notion de sécurité à celle d'autorité me semble refléter cette ambiguïté.
Il nous semble, en conséquence, que, pour plus de clarté, il convient de faire expressément référence à la convention européenne.
On peut notamment rappeler que c'est sur ce fondement que la France a été condamnée, le 28 juillet 1999, par la Cour européenne des droits de l'homme pour des sévices qu'avait dû subir M. Selmouni pendant une garde à vue
De même, le code de déontologie de la police nationale prévoit, à l'article 10, que « toute personne appréhendée ne doit subir aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant.
Enfin, la présence d'une personnalité « connue pour ses compétences en matière de droits de l'homme », introduite par l'Assemblée nationale et qui serait, si le texte de la commission des lois du Sénat était adopté, portée à deux, me semble aller dans ce sens.
Si le sous-amendement que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vous proposent était adopté, entreraient désormais dans la sphère de la Commission de déontologie les locaux de garde à vue, les prisons, les centres de rétention pour étrangers mais aussi les hôpitaux psychiatriques. C'est en effet l'interprétation qui a été donnée de l'article 2 de la Convention de 1987 par le comité de prévention de la torture.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 24 ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Toute référence à l'article 2 de la Convention des droits de l'homme est sympathique.
Il est vrai que l'article 1er vise tous les lieux, les lieux de garde à vue, les lieux de rétention et les établissements psychiatriques, et je ne vois pas l'intérêt de l'ajout qui est proposé par notre collègue.
En fait, le texte du projet de loi vise les policiers et les gendarmes et notre amendement y ajoute les personnels de l'administration pénitentiaire, ainsi que les personnels des établissements publics et les personnes privées exerçant des fonctions de sécurité. Le champ est tellement large que même les personnels des établissements psychiatriques, qui sont des personnels d'établissements publics, sont concernés. Je ne vois donc pas quelles personnes visées dans ce sous-amendement ne le seraient pas déjà par le texte tel qu'amendé par la commission.
Enfin, nous ne voudrions pas que soient intégrés dans le champ d'application du texte les médecins qui exercent dans les hôpitaux psychiatriques, car ce serait dénaturer l'objet de la Commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1 et sur le sous-amendement n° 24 ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement a choisi d'exclure de la compétence de la Commission les agents de l'administration pénitentiaire.
Comme tous les autres fonctionnaires, bien évidemment, les agents de l'administration pénitentiaire doivent respecter les règles déontologiques. Ils seront d'ailleurs bientôt dotés d'un code de déontologie. Cependant, l'administration pénitentiaire a pour vocation exclusive l'exécution des décisions rendues par les juridictions pénales. On ne peut donc pas assimiler à une force contribuant à la sécurité intérieure l'administration pénitentiaire, contrairement aux autres personnels définis par l'article 1er du projet de loi.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut donner un avis favorable ni à l'amendement ni au sous-amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 24, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 2 rectifié, M. de Richemont, au nom de la commission, propose, dans la première phrase du second alinéa de l'article 1er, de supprimer les mots : « , les gardes-chasse, les gardes-pêche, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Les gardes-chasse et les gardes-pêche sont déjà visés par le texte soit en tant que personnels des collectiviés locales, soit comme agents des établissements publics, ou encore en tant qu'employés comme gardes particuliers d'une personne privée. Leur énumération est donc redondante.
En revanche, nous maintenons la référence aux gardes forestiers.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. La suppression de la référence aux gardes-chasse et aux gardes-pêche n'a pas de conséquence sur le champ d'application de la loi puisque ceux-ci sont des agents des collectivités locales ou des établissements publics, ou encore des agents privés visés par la définition donnée par la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 1er.
Par conséquent, je ne suis pas opposé à cette suppression.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 3, M. de Richemont, au nom de la commission, propose, dans la seconde phrase du second alinéa de l'article 1er, après le mot : « accessoire, », d'insérer les mots : « y compris bénévolement, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. M. le ministre nous a indiqué tout à l'heure qu'étaient visés ceux qui exercent des missions à titre bénévole. Nous pensons qu'il est bon de le préciser.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. M. le rapporteur ne fait que préciser l'intention que j'ai affirmée tout à l'heure à la tribune ; le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2