Séance du 3 février 2000






COMMISSION NATIONALE DE DÉONTOLOGIE
DE LA SÉCURITÉ

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi n° 480 (1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, portant création d'une Commission nationale de déontologie de la sécurité. [Rapport n° 173 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d'aborder les éléments qui définissent le dispositif proposé et de rappeler les dispositions principales du texte adopté par l'Assemblée nationale, je crois nécessaire de présenter, à titre liminaire, les motifs qui ont amené le Gouvernement à proposer au Parlement la création de cette instance nouvelle.
Deux idées, je crois, méritent d'être développées. La première est liée au caractère fondamental du droit à la sûreté dans un Etat républicain. L'Etat a le devoir d'en assurer la sauvegarde. Rappelons, au nombre des textes fondateurs, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dont l'article II énonce le principe républicain du droit à la sûreté.
La mise en oeuvre de ce principe implique l'existence de services. S'il est évident que l'Etat, la police nationale, la gendarmerie nationale, la justice jouent un rôle central - nous sommes dans un domaine par définition régalien -, on voit de plus en plus se développer un partenariat actif avec tous ceux qui sont en mesure d'apporter une contribution à la sécurité.
Au-delà de ce partenariat, d'autres acteurs de la sécurité ont surgi : il s'agit essentiellement d'agents privés appartenant à des sociétés prestataires de services de sécurité.
Il est d'autant plus important que les citoyens aient une relation de confiance forte avec les acteurs de la sécurité que ceux-ci se multiplient. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement présentera d'ailleurs prochainement au Parlement un projet de loi permettant de préciser l'étendue des missions ainsi que le contrôle des activités privées de sécurité.
La création d'une Commission nationale de déontologie de la sécurité, je le dis d'emblée, participe de cet objectif de restauration et d'approfondissement de la confiance que les citoyens doivent avoir envers la police et, plus généralement, envers tous ceux qui contribuent à leur sécurité.
La deuxième idée, votre commission l'a posée sous forme d'interrogation : en quoi la création d'une instance de contrôle est-elle nécessaire au développement de la déontologie dans le domaine de la sécurité ? La réponse est assez simple.
La déontologie, on le sait, est la « science des devoirs ». La notion n'est pas véritablement nouvelle. En revanche, la codification des règles de comportement est sans doute en France une caractéristique de la seconde moitié du xxe siècle.
Je songe en particulier au code de déontologie de la police nationale que le Gouvernement a édicté, sous forme de décret, en 1986, sur l'initiative de l'un de mes prédécesseurs, Pierre Joxe.
D'autres exemples méritent d'être cités : la loi du 15 avril 1999 relative aux polices municipales a ainsi prévu qu'un décret en Conseil d'Etat fixerait un code de déontologie des agents de police municipale.
Deux raisons, pourtant, expliquent qu'il vous soit proposé de créer en ce domaine une instance particulière unique ; nous sommes face à une certaine multiplication de textes.
D'une part, tous les acteurs de la sécurité doivent respecter des principes déontologiques comparables dès lors que leur intervention les place dans un rapport d'autorité vis-à-vis du citoyen. L'existence d'un code de déontologie applicable aux fonctionnaires ne dispense évidemment pas les autres acteurs de la sécurité d'obéir aux principes déontologiques qui s'imposent à eux, même sans texte spécifique.
Cette unité des principes justifie qu'une instance unique soit mise en place.
D'autre part, une instance unique aura une meilleure capacité à hiérarchiser, à nuancer éventuellement l'importance des questions soulevées. Son rôle dans la diffusion des principes déontologiques en sera d'autant plus aisé et, j'en suis persuadé, plus efficace.
Ce rappel de la philosophie générale du texte effectué, j'en viens à la présentation des principales orientations du projet qui est soumis à votre assemblée : nature et composition de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, champ de compétence, mode de saisine, attributions et prérogatives et, enfin, relations avec les autorités judiciaires et disciplinaires.
Qu'en est-il, tout d'abord, de la nature et de la composition de la Commission nationale de déontologie de la sécurité ?
Le projet du Gouvernement que l'Assemblée nationale a adopté en première lecture prévoit de créer une autorité administrative indépendante. Si elle a souhaité modifier l'appellation de l'instance de contrôle en substituant « commission nationale » à « conseil supérieur », ce qui a été accepté par le Gouvernement, elle a maintenu la qualification d'autorité administrative indépendante qui doit, j'en suis convaincu, s'attacher à cette institution.
Sur le plan juridique, une telle autorité administrative indépendante, qui ne dispose pas de la personnalité morale, se caractérise par le fait qu'elle ne peut recevoir d'instruction de personne. L'indépendance est sa vertu, elle est également sa raison d'être.
Votre commission des lois a été, un temps, réticente à l'égard de la création d'une nouvelle autorité indépendante, qui constituerait un démembrement de l'autorité de l'Etat. La Haute Assemblée connaît l'attachement que je porte aux prérogatives de l'Etat et combien je répugne à toute forme de démembrement, organique ou fonctionnelle. Je crois pourtant qu'en matière de déontologie de la sécurité le recours à une autorité administrative indépendante peut être judicieux et bienvenu.
La création d'une autorité indépendante s'impose dans le domaine de la sécurité à un double titre.
En premier lieu, elle est nécessaire dès lors que le champ de compétence de cette instance s'étend au-delà d'un département ministériel.
L'intention du Gouvernement en matière de déontologie de la sécurité n'est pas de se limiter à un corps ou à une profession. En conséquence, l'autorité administrative indépendante apparaît comme la meilleure solution permettant une telle extension de compétence, indifférente aux frontières organiques ou fonctionnelles entre ministères d'une part, entre agents de service public et personnes privées d'autre part.
En deuxième lieu, il s'agit de faire reconnaître à la commission nationale une légitimité incontestable aux yeux des citoyens. Elle serait sans doute affaiblie s'il subsistait une relation hiérarchique entre elle et le Gouvernement. La commission des lois fait justement valoir, pour considérer en deuxième analyse comme opportune la création de cette commission nationale, qu'elle sera un instrument supplémentaire de transparence au bénéfice des citoyens et qu'elle pourra, en particulier, signaler des comportements non susceptibles de sanctions disciplinaires ou pénales qui, pourtant, peuvent heurter les citoyens dans leur vie quotidienne.
Pour l'ensemble de ces raisons, je crois que le Sénat n'aura aucune difficulté à admettre le bien-fondé de la création de cette nouvelle autorité administrative indépendante.
S'agissant de sa composition, deux objectifs ont guidé le Gouvernement : l'efficacité de son action et les garanties de son indépendance. Le choix initial et qui n'a été que légèrement modifié par l'Assemblée nationale est celui d'un nombre restreint de membres. Un certain nombre de créations récentes conforte cette approche, comme celle de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité ou celle de la Commission du secret de la défense nationale. Il convient de relever que ces autorités, qui disposent de prérogatives de contrôle, n'ont que le pouvoir d'émettre des avis ou des recommandations à l'instar des attributions qu'il est prévu de confier à la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Initialement fixé à six, le nombre de membres de la commission a été porté à sept par l'Assemblée nationale pour ajouter au président, aux parlementaires et aux magistrats prévus dans le projet du Gouvernement une personnalité qualifiée. Votre commission des lois propose d'amender l'article 2 et de porter à huit le nombre des membres de cette instance en augmentant le nombre de personnalités qualifiées. Il s'agit d'une faible augmentation qui ne remet pas vraiment en cause la composition de la commission nationale.
Ce n'est d'ailleurs pas, je crois, l'intention du Sénat ; les autres amendements proposés à l'article 2, au nom de la commission des lois, montrent bien que la recherche d'un nombre pair de membres est en fait liée au mode de renouvellement de la commission nationale.
Comme on le sait, les garanties de l'indépendance de l'autorité administrative que le Gouvernenemt entend créer sont largement liées à la qualité des personnes qui en seront membres et à leur mode d'organisation.
A cet égard, l'origine des membres de la Commission nationale de déontologie de la sécurité est sans aucun doute une excellente garantie. On la retrouve d'ailleurs dans un grand nombre d'autorités administratives indépendantes qui associent des parlementaires, des magistrats appartenant à la Cour de cassation, des membres du Conseil d'Etat et de la Cour des Comptes et des personnalités qualifiées.
La durée du mandat - assez longue, en général - et son caractère non renouvelable sont également des garanties d'indépendance. Le texte qui est soumis à votre appréciation prévoit une durée de six ans et l'absence de renouvellement du mandat. Votre commission des lois s'est demandé s'il ne serait pas judicieux de renouveler par moitié la commission nationale, pour assurer une continuité de son action et de ses orientations. La question peut effectivement être abordée et elle n'est pas dépourvue d'intérêt pratique.
Je crois que l'examen des amendements sur cet article vous permettra d'améliorer le texte en tenant compte, à la fois, du souci de la commission des lois de rendre le fonctionnement de la commission nationale plus efficace et du souhait du Gouvernement de ne pas en bouleverser la composition.
La dernière des garanties d'indépendance - et non la moindre - est le régime des incompatibilités.
L'Assemblée nationale a été convaincue par mon argumentation. Il me paraît en effet dangereux qu'un membre de la commission nationale puisse être suspecté en raison des activités ou des fonctions qui l'amèneraient à intervenir lui-même dans un des domaines de la sécurité couverts par la loi. Il s'agit du problème des parlementaires qui, en qualité de maire ou d'ajoint ayant délégation pour la sécurité publique, dirigeraient la police municipale ou les agents de la commune assurant des missions de sécurité.
Certes, le régime des incompatibilités peut apparaître contraignant, mais il est une garantie très réelle et un élément d'autorité de la commission. Il ne gênera pas grand monde d'ailleurs ! (Sourires.)
J'en viens au champ de compétence de cette commission.
Le Gouvernement a abordé cette importante question avec quelques idées simples, dont l'article 1er du projet voté par l'Assemblée nationale donne la traduction juridique.
Le champ de compétence de la commission est étendu. Sont visés à la fois les agents des services publics de sécurité et les personnes privées que l'exercice des missions et des activités dans le domaine de la sécurité amène à établir une relation d'autorité avec les citoyens.
La loi se doit dès lors d'être précise. Cette précision doit permettre de définir des exclusions du champ de compétence, notamment en ce qui concerne les services publics.
Trois exclusions méritent d'être soulignées.
La première exclusion concerne les forces armées, sauf, bien entendu, la gendarmerie, qui n'ont pas la charge d'activités de sécurité. Leur mission, tout autre, est de faire respecter l'intégrité du territoire national.
La deuxième exclusion concerne les agents publics qui concourent à la sécurité civile, car il ne faut pas confondre la sûreté avec la prévention des accidents.
La troisième exclusion mérite qu'on s'y attarde davantage. Elle concerne l'administration pénitentiaire, et nous aurons l'occasion d'y revenir ultérieurement puisqu'un amendement de la commission des lois propose de revenir sur cette exclusion.
Je voudrais dès maintenant indiquer qu'il n'y a aucune volonté de la part du Gouvernement d'exonérer les agents de l'administration pénitentiaire du respect des règles de déontologie. J'ai déjà indiqué au contraire qu'un code de déontologie de l'administration pénitentiaire est en cours d'élaboration. La mission des agents de cette administration est d'assurer l'exécution des décisions rendues par les juridictions pénales. De ce fait, ces agents ne constituent pas une force contribuant à la sécurité générale, notion dont le présent projet fait utilisation pour délimiter la compétence d'intervention de la commission nationale.
Je comprends que l'interrogation soit possible ; elle a déjà été formulée en d'autres enceintes. Je me devais, quant à moi, de fournir l'explication que le Gouvernement entend donner pour justifier sa position.
Pour que cette présentation soit complète, il faut préciser que le critère organique d'appartenance à un corps ou à un service se combine avec un critère matériel, celui de l'exécution ou de la participation à des missions de sécurité, pour apprécier si tel ou tel entre bien dans le champ de compétence de la commission nationale. S'agissant des fonctionnaires de la police nationale, seuls ceux qui exercent une mission de sécurité ont vocation à entrer dans le champ de compétence de cette commission, à l'exclusion par exemple de ceux qui sont affectés à des tâches d'intendance.
Ces précisions étant apportées, le champ d'application de la loi est très large. En ce qui concerne les agents publics, il vise bien sûr les agents de la police nationale, les militaires de la gendarmerie nationale, les agents des douanes et les agents des collectivités territoriales et des établissements publics qui exercent des missions de sécurité. Il s'agit parfois de catégories d'agents relativement peu nombreuses, mais dont les attributions relèvent incontestablement des attributions de la sécurité ; je pense, par exemple, en ce qui concerne les communes, aux agents de la police municipale et aux gardes champêtres.
La rédaction de l'article qui énumère les agents publics gagnerait à être simplifiée. Je n'y suis bien sûr pas opposé, dès lors qu'une rédaction nouvelle ne contredirait pas la volonté d'extension de champ souhaitée par l'Assemblée nationale avec l'accord du Gouvernement.
En ce qui concerne le secteur privé, le champ retenu est également très vaste. Il vise à la fois le secteur commercial et l'intervention des bénévoles.
Le secteur marchand de la sécurité recouvre l'ensemble des prestataires de sécurité relevant de la loi du 12 juillet 1983 relative aux activités de surveillance et de gardiennage. Il couvre également les services internes de sécurité des entreprises.
La même vision large entraîne l'inclusion dans le champ de compétence de la commission nationale des gardes particuliers soumis au régime de la loi du 16 avril 1892 et qui exercent des tâches de sécurité au bénéfice de propriétaires de certains biens.
Mais la loi s'applique également aux bénévoles, sous quelque statut et dans quelques conditions qu'ils interviennent. Leurs interventions sont, au demeurant, nombreuses, notamment aux fins d'assurer la sécurité des manifestations sportives, récréatives ou culturelles, comme y invite l'article 23 de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité.
Il paraîtrait anormal que les règles déontologiques ne puissent s'appliquer à leur endroit alors que le contact avec le public aux fins de sécurité est, bien évidemment, un élément de définition de leur mission. Il serait également anormal que les membres des services d'ordre, de façon générale, échappent à la compétence de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
J'en viens, mesdames, messieurs les sénateurs, au mode de saisine de la commission nationale.
Le Gouvernement n'a pas manifesté l'intention de limiter cette saisine. Il n'a pas, par exemple, souhaité limiter le droit de réclamation aux seules personnes qui s'estimeraient victimes d'un manquement aux règles déontologiques. Le texte voté par l'Assemblée nationale prévoit que le droit de réclamation aux fins de saisine de la commission nationale est ouvert à toute personne victime ou témoin de faits qu'elle estime contraire aux règles de déontologie.
Dans un souci d'efficacité, le dispositif finalement retenu est celui d'un accès indirect. La réclamation devra d'abord être adressée à un parlementaire. Celui-ci décidera s'il y a lieu de saisir la Commission.
L'objectif, évidemment, en recourant à un mécanisme déjà utilisé pour le médiateur de la République, est d'éviter tout engorgement de l'institution nouvelle. Le rôle dévolu aux membres du Parlement n'est pas dépourvu de portée. Il a semblé légitime au Gouvernement que les parlementaires disposent du pouvoir d'appréciation qui permettra une saisine utile de la Commission.
La commission des lois, qui s'est ralliée, après examen, à l'économie générale du dispositif, a estimé que le rôle confié aux membres du Parlement confortait, dans une perspective de transparence plus grande des acteurs de la sécurité, les liens entre la représentation nationale et les citoyens. Je souscris volontiers à ce jugement.
J'ai bien conscience que votre tâche ne sera pas toujours aisée, mais je suis persuadé qu'elle sera bénéfique aux citoyens et aux acteurs de la sécurité si vous savez, en effet, exercer les prérogatives que la loi vous confie avec la vigilance nécessaire.
Quelles sont maintenant les attributions et prérogatives de la commission nationale ? Celle-ci devra traiter avec efficacité la réclamation qui lui aura été transmise. Pour ce faire, elle se voit reconnaître un certain nombre de prérogatives : droit de communication, droit d'audition et vérification sur place.
Grâce au droit de communication, elle disposera d'éléments lui permettant de porter une appréciation éclairée sur les faits qui ont entraîné la réclamation. Ce droit de communication d'informations et de pièces s'applique à l'égard, à la fois, des autorités publiques et des personnes privées. Il s'exerce, bien sûr, dans le respect de la défense nationale, de la sûreté de l'Etat et de la politique extérieure. J'incline à penser que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale est peut-être un peu restrictive sur ce point. Dès lors qu'une protection d'un secret déterminé est prévue par la loi, il me semble qu'il faut en tenir compte.
La commission nationale dispose également d'un droit d'audition des personnes qui, estime-t-elle, peuvent lui apporter les éléments nécessaires à l'exercice de sa mission. Cette prérogative doit, bien sûr, être entourée de garanties procédurales. Les personnes dont l'audition est estimée nécessaire sont destinataires d'une convocation qui mentionne l'objet de l'audition. Elles peuvent se faire assister du conseil de leur choix et un procès-verbal contradictoire de l'audition est dressé à la suite de celle-ci.
Au-delà du droit de communication ou d'audition, la commission nationale procède aux consultations qu'elle juge utiles.
Les membres de cette commission auront accès aux lieux où se sont déroulés les faits. Cette visite, qui n'est pas une perquisition, permet notamment à la commission d'aller dans les locaux professionnels, à l'exclusion, naturellement, du domicile, par exemple pour constater la disposition des lieux et se rendre compte ainsi du cadre dans lequel s'est opéré l'éventuel manquement à la déontologie.
Je crois utile que le déplacement soit précédé d'un préavis.
L'Assemblée nationale, quant à elle, n'a pas retenu l'obligation de préavis dans la rédaction qu'elle a adoptée de l'article 6. Cela m'apparaît pourtant non seulement une règle de bonne administration, mais aussi une meilleure garantie juridique, ainsi que je l'avais indiqué lors des débats. L'examen des amendements permettra, je crois, de revenir sur ce point, comme, de façon générale, sur les garanties procédurales.
La commission nationale peut enfin demander aux ministres de saisir les corps de contrôle placés sous leur autorité en vue de faire des études, des vérifications ou des enquêtes sans excéder la limite des attributions de ces corps.
Il appartiendra, bien sûr, aux ministres d'informer la commission des suites données aux demandes de concours des corps d'inspection.
On le voit, la commission nationale dispose de prérogatives importantes et bénéficie de concours de qualité. Il paraît également utile à sa mission que ses pouvoirs fassent l'objet d'une protection particulière. C'est la raison pour laquelle des sanctions pénales - il s'agit d'une amende assortie éventuellement de peines complémentaires - ont été prévues lors de l'examen du projet de loi par l'Assemblée nationale, pour éviter que des entraves ne soient apportées à l'exercice des prérogatives de la commission.
Celle-ci demeure une instance consultative dépourvue de pouvoir de décision. Il s'agit d'un choix de la part du Gouvernement. Sans aucun doute sera-t-elle amenée à saisir parfois l'autorité judiciaire ou bien l'autorité investie du pouvoir disciplinaire. Mais elle ne peut, à cet égard, se substituer aux autorités directement compétentes non plus qu'elle ne doit interférer avec les procédures en cours.
Le rôle de la commission nationale est d'émettre une recommandation ou, un avis destiné aux autorités ou aux personnes habilitées à leur donner suite.
Il appartiendra, en effet, à ces dernières, de tirer les conséquences de l'appréciation portée par la commission sur la réclamation qu'elle aura instruite. Dans le cas où celle-ci lui aura paru fondée, l'autorité administrative ou le responsable d'une société intervenant dans le domaine de la sécurité pourra, par exemple, être amené à modifier l'organisation du service ou à changer l'affectation des personnels et agents chargés de certaines missions.
Quelle que soit en tout cas la suite réservée à son avis ou à sa recommandation, la commission devra en être informée par le moyen d'un compte rendu.
A défaut et dans le cas où les suites réservées à l'avis ou à la recommandation apparaîtraient insuffisantes, voire inexistantes, la commission pourra établir un rapport spécial publié au Journal officiel.
Cette forme de sanction, qui est stigmatisante, devrait constituer un levier puissant pour faire respecter la déontologie.
La commission aura l'obligation d'informer l'auteur de la saisine, c'est-à-dire le parlementaire qui la lui transmet, des suites réservées à la réclamation.
Elle pourra aussi indiquer au Gouvernement les modifications de législation ou de réglementation souhaitables dans le domaine de la déontologie.
La diffusion de la déontologie participe d'une conception républicaine de la sécurité à laquelle le Gouvernement est très attaché.
Des efforts manifestes ont été accomplis, notamment dans le domaine de la formation des agents publics chargés de missions de sécurité. Hier encore, le Conseil national de la formation de la police nationale a approuvé un certain nombre de programmes qui mentionnent notamment la formation à la déontologie.
Le rapport de la commission des lois du Sénat retrace d'ailleurs très précisément la part consacrée à la déontologie dans la formation initiale des policiers et des gendarmes. De nouveaux codes de déontologie sont appelés à être créés : je songe notamment, je l'ai déjà dit, à la police municipale.
La création d'une instance nationale compétente en matière de déontologie participe de la même démarche, et le Gouvernement fonde de grands espoirs sur l'institution nouvelle que j'ai l'honneur de proposer à votre assemblée d'instaurer. Vous serez d'ailleurs vous-même destinataires privilégiés des productions de la commission, puisqu'il est prévu un rapport annuel d'activité, qui vous sera remis, ainsi qu'au président de la République.
J'en viens enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, aux relations entre la commission et les autorités judiciaires et disciplinaires.
C'est un point important, qui a donné lieu à des débats approfondis et à des modifications substantielles du projet de loi lors de son examen par l'Assemblée nationale.
Les principes sont simples : la commission nationale ne peut se substituer ni à l'autorité judiciaire, ni aux instances disciplinaires ; son intervention ne saurait donc en aucun cas les dessaisir des compétences et des prérogatives dont elles disposent.
Au contraire, si les faits dont elle est saisie lui semblent constituer une infraction pénale, la commission a le devoir, comme d'ailleurs tout citoyen, de les porter à la connaissance du procureur de la République. La loi l'impose à toutes les autorités constituées. Il est donc normal que la commission respecte cette obligation. Le procureur de la République la tiendra informée de la suite donnée à ce signalement, ce qu'il n'est pas légalement tenu de faire pour les autres autorités constituées.
De même, lorsque les faits dont elle est saisie lui semblent susceptibles d'entraîner des poursuites disciplinaires, la commission en avertit les autorités investies du pouvoir disciplinaire. Celles-ci lui indiquent en retour la suite réservée à cette information.
La commission conserve, en toute hypothèse, je l'ai déjà indiqué, la possibilité d'adresser aux autorités compétentes tout avis, toute recommandation visant à remédier aux manquements constatés ou à en prévenir le renouvellement, surtout lorsque la faute déontologique trouve, totalement ou partiellement, son origine dans la mauvaise organisation du travail.
Si l'intervention de la commission nationale ne doit entraîner aucune restriction du rôle des autorités judiciaires ou disciplinaires, à l'inverse, l'existence d'une procédure judiciaire ne doit pas entraîner ipso facto la paralysie ou le dessaisissement de la commission.
Cette considération a amené l'Assemblée nationale à préférer une rédaction qui tienne compte des compétences de la commission et respecte les prérogatives de l'autorité judiciaire.
Aussi l'intervention de la commission en cas d'existence d'une procédure judiciaire sera-t-elle liée à l'accord de l'autorité judiciaire. Cette solution paraît équilibrée et réaliste. Elle évite les risques d'empiètements en ménageant les compétences respectives de l'autorité administrative indépendante et de l'autorité judiciaire.
La commission nationale, cela va de soi, ne pourra jamais intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction, ni remettre en cause le bien-fondé de la décision juridictionnelle ; elle ne saurait bien évidemment constituer une instance d'appel.
Je viens de présenter, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes orientations du texte soumis à votre examen.
Sa finalité est claire, et j'espère que nous pourrons aisément dégager un consensus autour des orientations qu'il traduit. Je souhaite que la représentation nationale fasse sienne la volonté du Gouvernement de créer une instance aux pouvoirs importants et au champ de compétence étendu sans équivalent à certains égards.
Au-delà de l'institution elle-même, la confiance des citoyens dans les acteurs de la sécurité en sera renforcée et, par voie de conséquence, l'efficacité de la sécurité. C'est là l'essentiel. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Mes chers collègues, je salue la présence pour la première fois dans notre hémicycle de M. Jean-Yves Autexier. Sans doute, la présence de M. le ministre de l'intérieur n'y est-elle pas étrangère. J'observe que, par prudence, il ne s'est pas assis sur le siège de Victor Hugo. (Sourires.) Je lui adresse nos souhaits de bienvenue. (Applaudissements.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée est effectivement saisie d'un projet de loi portant création d'une commission nationale de déontologie et de la sécurité.
Monsieur le ministre, je crois me souvenir que ce projet figurait dans la déclaration de politique générale de M. Jospin de 1997. Il s'agit donc de la réalisation d'une promesse qui démontre l'émergence d'un souci de la déontologie.
Ce Gouvernement n'a pas été le premier à s'en préoccuper puisque, dès septembre 1993, a été créé le Haut Conseil de la déontologie de la police nationale qui a publié un ouvrage très intéressant intitulé : Guide pratique de la déontologie dans la police nationale, préfacé par son président, M. Pierre Bordry, et qui est remis à tous les policiers de France et de Navarre.
Jugeant que cela n'était pas suffisant, vous avez voulu étendre à toutes les forces de sécurité ces normes déontologiques, jusqu'à présent réservées à la police. Nous sommes donc saisis aujourd'hui de ce texte.
La commission, par principe très réservée à l'égard des autorités dites indépendantes, a manifesté quelque circonspection quant à cette création. En effet, ces autorités non dotées de la personnalité morale, appartenant à l'administration de l'Etat, et qui échappent à tout contrôle hiérarchique ont connu depuis vingt ans un développement très important.
Nous nous sommes demandé si la création d'une telle commission ne devait pas être interprétée comme la faillite du pouvoir disciplinaire et du pouvoir judiciaire pour sanctionner les abus de comportement commis par des acteurs de sécurité.
Nous nous sommes également interrogés sur l'indépendance de la notion d'atteinte à la déontologie par rapport à une infraction pénale ou à une faute disciplinaire. Peut-on commettre une infraction à la déontologie sans enfreindre un règlement ou une obligation sanctionnée par l'autorité disciplinaire ?
C'est une vraie question, comme il est tout aussi important, monsieur le ministre, de savoir à quelles règles déontologiques la commission nationale devra se référer.
Il est paradoxal de voir la commission nationale saisie de réclamations de particuliers pour des manquements à des règles déontologiques en grande partie non définies.
Appartiendra-t-il, monsieur le ministre, à cette commission, de créer à l'instar du Conseil d'Etat, les grands principes de la déontologie ? Trop souvent condamnée à Strasbourg par la Cour européenne des droits de l'homme, la France aurait besoin de se doter d'un code de la déontologie.
Nous avons également craint que la création de cette commission soit interprétée comme une suspicion à l'égard des forces de sécurité.
Ayant retenu de l'enseignement des jésuites qu'il faut toujours être positif, je me suis montré circonspect tout en recherchant les aspects positifs de votre texte et je dois dire que cette démarche n'a pas été vaine.
En effet, nous considérons que la commission nationale présente l'avantage important d'être plus accessible aux citoyens que ne le sont actuellement le pouvoir disciplinaire et l'autorité judiciaire auprès desquels il leur est trop rarement possible de faire entendre leur voix. S'il est vrai que les corps de contrôle existent, ces derniers ont toutefois souvent pour vocation première de fonctionner de manière interne à l'administration.
Quant à la justice, elle est trop lourde à mettre en oeuvre et nombreux sont les citoyens qui hésitent à porter plainte. Un sondage publié dans Le Monde d'avant-hier témoigne des critiques qu'ils expriment lorsqu'ils y ont finalement recours. Cela révèle bien l'existence d'un problème auquel il faut apporter une solution.
Dans ces conditions, il est important qu'une commission s'intéresse à des comportements qui, pris individuellement, ne sont pas toujours susceptibles de sanctions disciplinaires ou pénales, mais n'en heurtent pas moins régulièrement les citoyens dans leur vie quotidienne.
Je vous ferai une suggession, monsieur le ministre. A l'étranger, les agents qui contrôlent nos passeports nous disent gentiment bonjour. En France, ce n'est jamais le cas. Ne faut-il pas y voir une infraction à la déontologie ? Ne serait-il pas possible que les policiers du premier pays touristique du monde accueillent leurs ressortissants comme les étrangers par un bonjour ?
Nous avons constaté également que tous les acteurs de la sécurité étaient favorables à la création de cette commission, qui, je le souligne, n'a ni vocation, ni compétence à se substituer au pouvoir disciplinaire ou même à la justice.
Nous nous sommes interrogés - et je ne reviendrai pas sur le texte de votre projet de loi, monsieur le ministre, puisque vous l'avez présenté de manière très complète - sur le rôle des parlementaires. Fallait-il créer un filtre permettant aux citoyens de s'adresser à la commission nationale par l'intermédiaire des parlementaires ? Nous nous sommes finalement prononcés favorablement. En effet, même si les parlementaires n'ont pas la possibilité de vérifier le bien-fondé d'une demande, il leur revient à notre sens le rôle essentiel d'assurer la médiation entre les forces de sécurité et les citoyens qui s'intègre dans notre fonction de défenseur de ces derniers.
Monsieur le ministre, nous avons apporté dans un esprit constructif des modifications au texte que vous nous présentez. La commission des lois du Sénat a proposé d'élargir le champ de compétence de la commission nationale à l'administration pénitentiaire. Dans votre exposé liminaire, vous avez déclaré qu'il était du devoir de l'Etat républicain d'assurer le droit à la sûreté pour tout le monde.
J'avoue ne pas comprendre pourquoi le gouvernement auquel vous appartenez a exclu l'administration pénitentiaire du champ d'application de cette commission.
Si la notion d'activité de sécurité visée par le texte doit être comprise comme l'exercice d'un pouvoir direct de contrainte ou d'autorité sur les citoyens, nous considérons que l'administration pénitentiaire rentre dans cette qualification.
Mme le garde des sceaux a reconnu elle-même que les contrôles extérieurs exercés sur l'administration pénitentaire sont insuffisants. Au cours des auditions auxquelles nous avons procédé, les directeurs de prison, qui sont favorables à cette extension du champ d'application du texte à l'administration pénitentiaire, nous ont appris que non seulement la commission de surveillance présidée par le préfet ne se déplace qu'une fois par an, mais que, de surcroît, son contrôle consiste uniquement à faire « un bon gueuleton ».
Nous avons été profondément indignés d'entendre un représentant syndical nous affirmer qu'il n'y a pas lieu d'inclure l'administration pénitentiaire, au motif que les détenus sont des citoyens de deuxième zone. Selon nous, un citoyen, même détenu, n'est pas un citoyen de deuxième zone, surtout lorsqu'il est, comme plus d'un tiers des détenus, en détention provisoire. Comment, dans ces conditions, peut-on justifier l'exclusion de l'administration pénitentiaire du champ d'application de cette commission ?
Je sais bien qu'une commission présidée par M. Guy Canivet est chargée par le garde des sceaux de formuler des propositions tendant à améliorer les contrôles. Elle devait rendre ses conclusions à la fin du mois de janvier 2000.
Il est tout de même paradoxal, au moment où est instituée une commission nationale à compétence très large, comme vous l'avez souligné, d'exclure l'administration pénitentiaire. Nous proposons de l'inclure, tout en précisant que cela ne doit pas empêcher les améliorations du contrôle extérieur spécifique à l'administration pénitentiaire que pourrait susciter le rapport de M. Canivet.
Après les événements de Beauvais, le procès de Clairvaux et la polémique suscitée sur la prison de la Santé, l'opinion publique ne comprendrait pas que l'administration pénitentiaire soit exclue du champ de compétence de cette commission.
Comme je le rappelais encore tout à l'heure, nous avons soutenu le principe du filtre parlementaire mais nous avons voulu donner aux parlementaires la possibilité d'informer ceux qui viendront leur demander de saisir cette commission.
C'est la raison pour laquelle nous avons prévu que toute dénonciation calomnieuse devrait faire l'objet d'une saisine du procureur de la République par la commission sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale. Il reviendra aux parlementaires de prévenir celui qui le consulte du risque de poursuite qu'il encourt si sa dénonciation est calomnieuse.
Mais nous avons prévu que le parlementaire ne pourra pas être poursuivi pour complicité de dénonciation calomnieuse. C'est un moyen dont nous avons voulu le doter pour lui permettre de bien remplir son rôle de filtre.
Vous ne serez pas surpris que la commission des lois ait voulu assurer les droits de la défense. Vous l'avez rappelé tout à l'heure : la commission nationale ne dispose pas de pouvoirs d'enquête comparables à ceux d'une juridiction. La commission des lois considère toutefois qu'il convient de préserver les droits de la défense dans une procédure pouvant conduire à mettre en cause les personnes devant le pouvoir disciplinaire.
Afin de permettre la protection des personnes, nous proposons donc de rétablir les dispositions de votre texte initial qui avaient été supprimées par l'Assemblée nationale.
Nous demandons donc, en premier lieu, de rétablir la motivation des demandes de communication de documents adressés aux autorités publiques ou aux personnes privées. Nous proposons, en second lieu, car nous avons le souci de préserver le principe du contradictoire, de rétablir le préavis et la présence des personnes concernées lors d'une vérification sur place.
Nous prévoyons également d'étendre le secret pouvant être opposé à l'ensemble des secrets protégés par la loi, y compris le secret professionnel qui n'est pas visé dans votre texte, monsieur le ministre.
Nous avons également voulu renforcer l'information des auteurs de la saisine. A partir du moment où vous avez souhaité, et je crois avec raison, instaurer un filtre en prévoyant la saisine de la commission par l'intermédiaire des parlementaires, nous avons voulu, en retour, que ceux-ci soient informés du déroulement de la procédure. C'est la raison pour laquelle nous proposons qu'il soit adressé un accusé de réception de la saisine et que tout au long de la procédure le parlementaire soit informé de son déroulement afin qu'il puisse lui-même informer l'auteur de la réclamation. En effet, comme nous l'avons indiqué tout à l'heure, cette commission n'a un sens que si elle permet une plus grande transparence et si nos concitoyens se sentent protégés. Il serait, à notre avis, tout à fait dommageable que des procédures d'enquête durent un an, voire deux ans, et que personne ne sache ce qui se passe. C'est pourquoi nous avons proposé une information régulière tout au long de la procédure.
Puisque vous nous proposez de créer une telle commission, nous souhaitons la rendre plus efficace, monsieur le ministre. C'est la raison pour laquelle nous proposons de garantir sa continuité en prévoyant un renouvellement par moitié de ses membres tous les trois ans. Il serait en effet dommageable que la continuité de la commission soit assurée par les fonctionnaires, et non par les membres de la commission. Pour permettre ce renouvellement, nous demandons la présence au sein de la commission d'une deuxième personnalité qualifiée. Vous avez eu l'amabilité, et je vous en remercie, monsieur le ministre, de considérer que cette proposition pouvait recueillir l'accord du Gouvernement, et je m'en félicite.
Nous proposons également de limiter les incompatibilités. Vous nous avez indiqué que ne pourraient être membres de la commission nationale que ceux qui n'exercent pas de mission en rapport avec la sécurité. Seraient donc exclus, vous l'avez reconnu, la plupart des parlementaires qui sont maires. Les petites communes rurales, même si elles sont trop souvent délaissées, peuvent employer un garde champêtre. Si tel est le cas, le maire ne pourra être membre de la commission. Il en sera de même pour les maires des communes employant des policiers municipaux. Ainsi, vous excluez nombre de sénateurs et de députés. Il serait dommage de réduire de la sorte le nombre de parlementaires qui pourraient être membres de cette commission. C'est la raison pour laquelle nous proposons qu'il soit précisé que la qualité de membre de la commission est incompatible avec l'exercice « à titre principal » d'activités dans le domaine de la sécurité. Cela permettrait aux parlementaires qui sont maires de siéger au sein de cette commission.
Enfin, nous avons prévu la possibilité de fixer des délais de réponse. Il serait en effet utile, lorsque les membres de la commission procèdent à une transmission d'information au pouvoir disciplinaire, qu'un délai de réponse soit imparti à l'administration. A quoi servirait-il de transmettre une information si, après six mois ou un an, rien ne se passe ? En demandant que le nécessaire soit fait dans un délai prévu par la commission, nous pensons que cela permettra à celle-ci de jouer le rôle que vous lui avez dévolu.
Monsieur le ministre, voilà ce que nous considérons comme un apport. Nous pensons que la commission des lois a fait son travail. Elle a voulu rendre plus efficace cette Commission nationale de déontologie de la sécurité que vous avez cru utile de créer. Finalement, la création d'une telle commission nous semble une bonne idée.
Mais il reste une interrogation. Quels seront les moyens qui seront accordés à cette Commission ? Sans personnel, sans moyens financiers, elle restera un voeu pieux, ce qui serait dommage. Aussi, nous souhaiterions obtenir du Gouvernement l'assurance qu'il dotera cette Commission des moyens lui permettant d'accomplir son rôle. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner un projet de loi portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité.
Cette commission doit être replacée dans la perspective du colloque de Villepinte de 1997, qui a posé les bases de la police de proximité. Penser la police sous l'angle de la proximité revient à placer le citoyen au centre du dispositif : alors qu'il était bénéficiaire passif d'une politique sécuritaire, il devient acteur de sa propre sécurité.
Un tel système ne peut avoir de sens et de portée pratique que s'il repose sur une relation de confiance effective entre le citoyen et les personnes qui assurent sa sécurité. Cette relation de confiance doit être fondée sur la conviction profonde et avérée que ces personnes exercent leur mission dans un cadre strict dans lequel tout manquement au devoir de probité sera sanctionné et dénoncé.
C'est la raison d'être des règles déontologiques : toute profession qui met en jeu les droits naturels et imprescriptibles de l'individu doit être réglementée par un cadre déontologique incontestable. Tel est le cas de la médecine ou des avocats.
Cet impératif est d'autant plus vrai qu'est en jeu la sûreté, qui est un des droits fondamentaux reconnus par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. C'est pourquoi on peut être étonné que la définition de règles déontologiques soit relativement récente dans ce domaine.
Il est vrai que l'on a du mal à définir la règle déontologique par rapport au manquement disciplinaire ou à l'infraction pénale : les champs d'application se recoupent pour partie sans néanmoins se confondre totalement, le champ déontologique étant par définition plus large.
La création d'une autorité indépendante qui aurait pour mission d'en garantir le respect par les acteurs de la sûreté recueille, au-delà des réticences qui peuvent se manifester ici ou là sur l'opportunité de créer une nouvelle autorité administrative indépendante, une très large adhésion. Ce n'est pas si courant pour ne pas être souligné.
C'est ainsi qu'en 1993, sur l'initiative de M. Paul Quilès, avait été crée le Conseil supérieur de l'activité de la police nationale chargé des questions relatives au fonctionnement de la police nationale. Si le changement de gouvernement n'a pas permis qu'il fonctionne, l'idée est restée et son successeur au ministère de l'intérieur, M. Pasqua, devait créer le Haut Conseil de la déontologie de la police nationale chargé de donner des avis sur la déontologie policière.
Loin de s'apparenter à un signe de défiance à l'égard des personnels de sécurité, la mise en place d'une commission chargée de faire respecter la déontologie donne, au contraire, un cadre transparent à leur action.
Elle permet en particulier, dans la logique des enquêtes de « victimation », de s'attacher à des comportements qui peuvent ne pas être graves au point d'impliquer une sanction pénale ou disciplinaire, mais dont la non-reconnaissance nourrit le sentiment d'injustice des citoyens et jette l'opprobre sur l'ensemble des personnels de sécurité.
La grande originalité du projet de loi et son principal mérite, c'est de donner compétence à la commission pour apprécier tout manquement déontologique, quel que soit le statut de la personne qui l'a commis, dès lors que celle-ci « concourt à une activité de sécurité ».
Qu'il s'agisse d'un officier de police judiciaire, d'un agent de police municipale ou d'un salarié d'une société privée de gardiennage, cette personne doit être tenue au respect des mêmes valeurs, dont la Commission nationale de déontologie de la sécurité aura pour mission de garantir l'application effective.
Cette volonté de fédérer au sein d'une même instance déontologique le contrôle de toutes les activités de sécurité a été confirmée par l'Assemblée nationale, qui a fort heureusement étendu le champ de compétence de la commission à tous les agents des collectivités locales et des établissements publics.
Quant aux personnels privés qui entreront dans la sphère du contrôle de la commission nationale, peu importe désormais qu'ils exercent ces activités de sécurité « à titre principal ou à titre accessoire », ou même à titre bénévole, si le Sénat suit sur ce point, comme nous l'espérons, les conclusions de la commission des lois.
Le point le plus important que nous aurons à traiter ici est de savoir s'il convient d'étendre la compétence de la commission nationale à l'administration pénitentiaire. Ce point mérite que l'on s'y attarde.
Les membres du groupe communiste républicain et citoyen sont, je le dis avec force, tout à fait favorables au renforcement du contrôle sur les prisons. Nous avons, à plusieurs reprises, attiré l'attention du Gouvernement et des parlementaires sur cette question.
Mais, si nous voulons que la prison ne soit plus la « maladie honteuse de la République », que l'on cache volontiers pour ne pas s'en préoccuper, il faut étudier avec soin l'idée de l'intégration de l'administration pénitentiaire au sein de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. L'attente des personnels de surveillance est trop forte pour que nous réagissions uniquement sous le coup de l'émotion suscitée par la publication du livre du docteur Vasseur.
Pour ma part, je me pose un certain nombre d'interrogations que je voudrais vous exposer en trois questions principales : Ce rattachement est-il logique ? Est-il opérationnel ? Est-il opportun ?
En premier lieu, je me demande s'il est logique de faire entrer les personnels de l'administration pénitentiaire dans le champ de compétence de la commission sous l'angle de la notion de « sécurité ».
En effet, ce qui unit toutes les catégories de personnels qui entrent dans le champ de compétence de la commission, telle que conçue par le projet de loi, c'est, me semble-t-il, le contact avec le public.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Robert Bret. Or, ce contact n'existe pas, ou n'existe que de façon exceptionnelle, dans le cas des personnels de l'administration pénitentiaire : la population carcérale ne peut être assimilée au public puisqu'elle n'est constituée que par la décision d'un juge.
C'est pourquoi les membres du groupe communiste républicain et citoyen ont déposé un amendement qui fait explicitement référence à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des traitements inhumains et dégradants de 1987. Il nous semble que c'est uniquement sous cet angle que le rattachement de l'administration pénitentiaire à la commission prend toute sa logique. Il convient alors d'intégrer tous les personnels qui exercent dans des lieux où les personnes sont privées de leur liberté.
En second lieu, je m'interroge sur l'effectivité du contrôle qui sera opéré.
Dans son rapport, M. de Richemont a exposé les différents contrôles auxquels est déjà soumise l'administration pénitentiaire : inspection des services pénitentiaires, inspection des affaires sociales, commissions de surveillance, juge de l'application des peines, juge administratif... On peut également évoquer les contrôles indirects, via les avocats ou les visiteurs de prison.
Ces contrôles, notamment administratifs, nous paraissent souvent « plus formels que réels ». C'est justement pour cela que l'on doit refuser d'en mettre un énième en place sans réfléchir préalablement à sa mise en oeuvre pratique et effective.
Nous ne pouvons en effet faire l'économie de certaines questions. Les détenus seront-ils en mesure de s'adresser au parlementaire pour qu'il intervienne auprès de la commission, sachant que les correspondances ne sont pas secrètes ? Le parlementaire ne sera-t-il pas tenté de ne pas déférer à la demande ? L'exemple du médiateur de la République ne semble pas particulièrement probant sur ce point.
La commission sera-t-elle en mesure d'exercer un contrôle plus effectif sur les cent quatre-vingt-six établissements de métropole ? Comment ce contrôle pourra-t-il s'articuler avec le contrôle extérieur « spécifique » à l'administration pénitentiaire qui pourrait être mis en place du fait des conclusions du rapport Canivet ? Tous ces points restent en suspens.
Enfin, il ne nous semble pas que l'enjeu des prisons doive être circonscrit à la déontologie.
L'État sanitaire des établissements, l'indigence des prisonniers, leur réinsertion dans la société, les relations affectives en prison, le statut des visiteurs de prison, ces questions ne recouvrent que de façon limitée la question de la déontologie, et on peut craindre qu'elles ne soient enterrées sous prétexte qu'il y aurait une commission chargée de la déontologie.
Fort heureusement, la création d'une commission d'enquête parlementaire sur la situation dans les prisons vient à point nommé. Ses travaux pourront amener un éclairage très intéressant sur tous ces points. Ce ne serait d'ailleurs pas la première fois qu'une commission parlementaire déboucherait sur une amélioration de la législation en vigueur.
Pour finir, les sénateurs communistes voudraient indiquer d'ores et déjà leur opposition à certains amendements de la commission des lois qui, selon nous, réduisent très nettement les pouvoirs de la commission nationale : l'institution d'un préavis préalablement à toute visite, l'opposition du secret professionnel aux investigations sont autant de dispositions qui risquent de réduire de rôle de la commission à une peau de chagrin.
De même, si l'on peut être sensible à l'argument de continuité qui a présidé au choix du renouvellement de moitié de la commission, il nous semble qu'il peut être source d'instabilité, alors qu'il conviendrait de mettre en place une véritable équipe.
Pour conclure, je souhaite m'élever contre l'application du délit de dénonciation calomnieuse aux plaintes reçues par la commission : elle semble particulièrement peu opportune s'agissant d'une procédure non judiciaire ; elle découragera sans nul doute les saisines, en particulier des témoins. C'est le meilleur moyen de faire une commission mort-née !
Au-delà de ces réserves, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, en attendant d'être fixés sur le sous-amendement qu'ils ont déposé, réservent leur vote jusqu'à la fin de la discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, le texte que vous nous présentez est en effet - cela a été dit - dans la droite ligne du colloque de Villepinte d'octobre 1997 et des mesures annoncées alors par M. le Premier ministre. Il s'agit ici de renforcer les liens de confiance et de proximité entre la population et les différentes personnes exerçant une activité de sécurité.
Les aspirations de nos concitoyens sont clairement connues : besoin de transparence dans leurs relations avec les personnes chargées de veiller à leur sécurité, besoin d'une règle de bonne conduite applicable à l'ensemble des intervenants. Ces exigences sont justifiées par le souci, pour chaque citoyen, de mieux faire respecter ses droits ; le projet de loi portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité est de nature à répondre à ces aspirations.
Il est vrai que cette réforme a fait l'objet d'une lente maturation ; certains l'ont même trouvée trop lente. Force est tout de même de constater qu'elle reçoit désormais un large accueil favorable tant des professionnels que des citoyens, et beaucoup de commentateurs du projet de loi ont souligné l'intérêt d'un regard extérieur et indépendant sur la presque totalité des intervenants en matière de sécurité, ainsi que le fait que le rappel à l'ordre déontologique procèdera non plus seulement, mais aussi du citoyen.
La mise en place d'une autorité chargée de veiller au respect de la déontologie en matière de sécurité n'est, on l'a dit, pas nouvelle. Déjà, en 1986, sous le ministère de M. Pierre Joxe, un code de déontologie de la police avait été élaboré. On a rappelé ce qui a été fait par M. Paul Quilès en 1993, et la transformation par M. Pasqua, dans un cadre un peu plus restreint, de ce Conseil supérieur de l'activité de la police en Haut Conseil de la déontologie de la police nationale.
Pourtant, malgré ces précédents, le texte que vous nous soumettez aujourd'hui, monsieur le ministre, est novateur, car il donne à l'autorité nouvellement instituée un champ de compétence et un ensemble de prérogatives d'une ampleur inégalée à ce jour. Par la création d'une autorité administrative indépendante, ce texte vise à promouvoir le respect des règles de déontologie communes inspirées des valeurs républicaines qui doivent s'imposer à toutes les personnes concourant à la mission de sécurité.
Pour autant, il ne faut pas se méprendre : cette nouvelle autorité administrative a pour mission de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité, et non pas d'étendre exagérément son champ de compétence à des activités qui ne correspondent pas à cette notion de sécurité, non plus que de veiller au respect de règles autres que déontologiques. Vous avez su, monsieur le ministre, sur ce plan comme sur les autres plans, éviter les écueils.
Ainsi, cette instance échappera à toute hiérarchie, et sa composition lui assurera une indépendance nécessaire à l'accomplissement de sa mission. Elle ne sera ni un tribunal, ni un conseil de discipline, ni une administration ; elle sera plutôt un lieu de médiation et de contrôle des faits qui peuvent constituer des manquements à la déontologie et qui ne sont pas sanctionnés ni même souvent repérés comme peuvent l'être la faute personnelle ou l'infraction pénale.
L'existence de contrôles internes, que l'on ne peut méconnaître et auxquels le texte fait d'ailleurs référence, ne doit pas conduire à nier l'utilité de la création de cette commission. En effet, la sécurité n'est pas le seul fait de l'administration ; elle peut être l'oeuvre de personnes privées. Il importe alors que ces dernières soient soumises au contrôle éventuel d'une telle commission d'autant que, bien souvent, elles ne sont soumises qu'à des contrôles très restreints, quand ils existent, contrôles qui peuvent se limiter à une simple déclaration.
Pour mener à bien sa mission, cette commission jouira de nombreux pouvoirs. Elle disposera, à côté de ce que je qualifierai de pouvoirs propres, de pouvoirs d'alerte qui montrent bien que sa tâche n'est pas de supplanter d'autres autorités. Ainsi disposera-t-elle de pouvoirs d'investigations lui permettant de veiller a posteriori au respect des règles déontologiques par la communication d'informations, la convocation des personnes intéressées, la vérification sur place.
Elle sera également chargée d'alerter, par ses avis et ses recommandations, les personnes publiques et privées soumises à son contrôle. Ces avis ou recommandations lui permettront a posteriori de remédier à certains manquements, mais également - et cet aspect mérite une attention particulière - a priori d'en éviter le renouvellement. Elle jouera alors pleinement le rôle pédagogique que je crois être aussi celui de la déontologie.
On l'aura compris, la création de cette nouvelle autorité emporte notre assentiment, non seulement parce qu'elle est nécessaire mais aussi parce que ses pouvoirs correspondent bien aux besoins de transparence d'une démocratie moderne.
Pour autant, certains points nous semblent mériter des précisions. Ils sont, à vrai dire, résumés dans les trois questions que je vais aborder et qui correspondent à des amendements de la commission.
La première question concerne la suppression de l'obligation de motivation des demandes. Le projet de loi initial prévoyait que les demandes d'informations et de pièces devaient être motivées. Cette disposition a été supprimée par l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'en étant alors remis à sa sagesse. Le rapporteur, à l'Assemblée nationale, estimait qu'en raison de l'imprécision du terme « motivé » et du sérieux de la commission, la condition de motivation était superfétatoire.
On ne peut que s'interroger sur cet argument : la plupart des décisions sont aujourd'hui motivées, et cela concerne particulièrement la justice ; or on ne peut douter du sérieux de la justice. Certes, la commission n'est pas une juridiction - on l'a dit - et c'est une raison de plus pour qu'elle soit soumise à ce qui est souvent perçu comme une garantie première de démocratie. La commission des lois propose de rétablir cette condition. Nous la suivrons.
La deuxième question concerne la suppression de la condition de préavis de la présence des personnes intéressées en matière de vérification sur place. Là aussi, nous comprenons bien les raisons qui ont conduit l'Assemblée nationale à supprimer le préavis : l'intérêt de l'effet de surprise, la crainte de voir disparaître certains éléments, la modification des locaux. Cependant, nous ne sommes pas hostiles au retour au texte initial. Une vérification sur place ne peut procéder de la seule volonté de la commission, et il n'est pas anormal, dès lors, qu'elle motive sa demande, d'autant qu'il est créé un délit d'entrave à l'exercice des pouvoirs d'investigation de la commission sur place. Il semble difficile d'accorder à la commission un pouvoir qui aboutirait à supprimer tout caractère contradictoire.
Le préavis assure, outre le respect des conditions de forme nécessaires, la présence des personnes intéressées, ce qui permet un respect effectif des droits de chacun. Certes, la commission est chargée de veiller au respect de la déontologie, mais cela ne doit pas conduire à la soustraire aux règles élémentaires du droit.
La question la plus importante, comme l'ont souligné M. le rapporteur et M. Bret, concerne l'inclusion du personnel pénitentiaire dans le champ des compétences de la commission nationale.
Nous n'avons pas d' a priori sur cette question, mais nous nous posons un certain nombre d'interrogations qui peuvent être de fond. Avec l'administration pénitentiaire, nous entrons dans un autre champ : ce n'est plus celui de la sécurité dans les lieux publics. Il s'agit bien, dans ce texte, de la sécurité de l'ensemble des citoyens dans leur vie quotidienne, en particulier sur la voie publique. L'administration pénitentiaire n'a jusque-là jamais été assimilée à une force de sécurité publique.
Qu'il se pose de graves problèmes dans les établissements pénitentiaires n'est pas un secret. Le Gouvernement s'en est d'ailleurs préoccupé avant même que l'émotion particulière se répande dans le public en raison de la publication du rapport que chacun connaît. Mais si cet amendement ne vise qu'à nous donner une bonne conscience, il est probable qu'il n'atteindra pas son objectif et que cette motivation est tout à fait insuffisante.
Je remarque aussi qu'aucun pays européen, même parmi les pays les plus avancés dans le domaine du respect des personnes, y compris dans celui des personnes incarcérées, n'a retenu le dispositif proposé par la commission.
Par ailleurs, je mets en garde contre l'effet de mode ou de la pression de l'actualité qui pourrait être lié à la promulgation du rapport auquel je faisais allusionn tout à l'heure. Il est rare que l'émotion soit bonne conseillère.
Enfin, monsieur le ministre, il me paraît nécessaire de traiter le sujet autrement, c'est à dire par une attention particulière, mais très spécifique, aux lieux clos : les prisons certes, les locaux de garde à vue, les locaux de rétention des étrangers en situation irrégulière, mais aussi, éventuellement - mais c'est un sujet extrêmement délicat - les hôpitaux psychiatriques.
En outre, comme cela a été dit, M. Canivet doit remettre, dans quelques semaines, un rapport, et un code de déontologie de l'administration pénitentiaire devrait bientôt paraître.
Mes amis du groupe socialiste et moi-même nous interrogeons. Avant de prendre une décision définitive sur ce point, nous serions heureux, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter des précisions sur ces domaines.
Cela ne remet pas en cause notre approbation globale d'un texte qui nous semble tout à fait intéressant. Ce projet de loi est conforme à ce que l'on est en droit d'attendre d'une commission chargée de veiller au respect de la déontologie, même si, je le répète, certains éléments doivent être précisés. Le groupe socialiste votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Après l'exposé très complet du projet de loi par M. le ministre et le rapport excellent de M. de Richemont, je me contenterai de formuler quelques observations, de peur, par des répétitions, de lasser l'auditoire dont le nombre montre bien à quel point les problèmes de sécurité préoccupent notre assemblée, et ce depuis longtemps.
J'observe tout d'abord - mais ce n'est pas grave - une tendance à un maniement quelque peu particulier de la langue française : je connaissais la déontologie médicale, la déontologie de la police nationale ; je pourrais connaître la déontologie des professions concourant à la sécurité ; mais je ne sais pas ce que signifie l'expression « déontologie de la sécurité » !
Monsieur le ministre, vous voulez créer une commission nationale qui veillera à l'application des règles par les professions concourant à la sécurité. Sur ce point, nous sommes tout à fait d'accord. Un certain nombre d'organismes déjà créés ont fait leur métier, notamment le Haut Conseil de la déontologie de la police nationale qui avait, je crois, bien travaillé. Mais, dans le cadre du rapprochement entre la police et les citoyens - c'était l'idée de départ - le Gouvernement a souhaité créer une nouvelle institution.
Monsieur le ministre, on peut s'interroger sur la création de plus en plus fréquente de hautes autorités indépendantes dont la mission est de donner des avis et des conseils. Ces autorités, qui sont de pures autorités morales - j'exclus le médiateur qui a une fonction tout à fait spécifique - se multiplient alors que, globalement, il apparaît que les corps de contrôle remplissent bien leur office. Pour ne parler que de la police nationale, les chiffres qui figurent dans le rapport de M. de Richemont prouvent que tant l'IGPN que l'IGS font bien leur travail et que les manquements d'une certaine gravité aux règles déontologiques par les forces de police sont sanctionnées. Il faut le rappeler, car certains disent que les corps d'inspection sont laxistes. Pas du tout !
Des sanctions disciplinaires sont prises, et, souvent, des renvois aux juridictions pénales sont prononcés en cas de nécessité.
Que restera-t-il, alors, à cette commission ? Bien entendu, elle pourra donner des avis, des recommandations pour améliorer les règles déontologiques ; il n'en demeure pas moins que l'essentiel de la déontologie, c'est l'application, surtout quand il s'agit de policiers ou de gendarmes, des lois et règlements, tout en ayant une conduite qui respecte les personnes.
Cependant, il existe tant de délits et tant de manières de poursuivre ce qui n'est pas respect des personnes que je me demande comment les dispositions qui nous sont proposées seront appliquées. Certes, lorsque, dans un commissariat, on s'aperçoit que le tutoiement vis-à-vis de certaines personnes est plus fréquent que le voussoiement, ce qui n'est peut-être pas tout à fait normal, il s'agit sans doute du non-respect de règles déontologiques. Il en est de même pour la manière d'arrêter les véhicules : parfois, on assiste à des choses curieuses qui ne sont pas forcément représentatives de ce que l'on peut attendre du respect dû aux citoyens.
Quant aux manquements plus graves, ils relèvent des procédures disciplinaires ou des procédures pénales.
Je m'interroge également, monsieur le ministre, sur le champ de compétence de cette institution, puisque vous l'étendez à la police nationale, à la gendarmerie nationale, à tous les agents publics des collectivités locales, aux policiers municipaux, gardes champêtres, gardes forestiers, gardes-chasse, gardes-pêche, ainsi qu'à tous ceux qui assurent, même bénévolement, la police dans les manifestations sportives et à toutes les sociétés privées de sécurité.
A ce sujet, monsieur le ministre, la loi de 1963 sur le gardiennage et la sécurité me paraît totalement dépassée. Lorsque nous avons examiné le projet de loi d'orientation sur la police et la sécurité, l'Etat s'était engagé à présenter un texte pour réglementer ces activités. En effet, nous constatons aujourd'hui un manque réel de professionnalisme chez certains et il faut apporter les garanties nécessaires dans l'exercice de missions qui se développent de plus en plus. C'est, monsieur le ministre, une priorité.
Vous avez fait voter la loi sur les polices municipales, qui était indispensable. Vous disiez vous-même alors qu'il fallait clarifier les missions, les fonctions. Or c'est encore plus indispensable pour les sociétés exerçant des missions privées de sécurité !
J'en viens à la question de l'extension du dispositif au personnel pénitentiaire, car, sur le reste, nous sommes d'accord. Mais la privation de liberté n'intervient pas seulement dans les prisons ! Il ne faut pas oublier les centres de rétention et la garde à vue, auxquels doit s'appliquer le code de déontologie, même si l'on a pris un certain nombre d'autres précautions pour garantir les libertés publiques.
Par ailleurs, monsieur le ministre, beaucoup souhaiteraient que le personnel pénitentiaire assure désormais les transfèrements au lieu et place de la police. On parle de tâches indues, mais elles ne le sont pas tant que la loi ou le règlement ne les a pas modifiées ! Or je ne vois pas au nom de quoi une personne, qu'elle soit détenue ou non, n'aurait pas le droit au même respect, et les gardiens de prison concourent largement, à mon avis, à la sécurité extérieure.
Quoi qu'il en soit, la déontologie ne s'applique pas seulement aux « clients », mais aussi au public en général : la déontologie s'adresse à tout le monde. Il est donc nécessaire - même si l'amendement de la commission des lois, en tout état de cause, va faire avancer un débat qui ne peut pas se cantonner simplement à cet aspect - que le problème grave des prisons soit pris en compte à d'autres niveaux, et je sais que le Sénat va présenter des propositions dans ce domaine.
Je ne vise pas seulement ici, bien sûr, les relations entre gardiens de prison et détenus, mais, au début de l'an 2000, on ne peut pas accepter que, là comme ailleurs, le minimum de respect ne soit pas assuré. Ainsi que M. Larché l'a rappelé récemment, lorsque des événements graves se produisaient dans des centres de détention voilà plusieurs années et même encore il y a quelques mois, tout le monde « couvrait » et personne ne disait rien. Je crois donc qu'il est nécessaire que les parlementaires puissent saisir une autorité indépendante pour qu'il soit remédié à ces dysfonctionnements.
Sous ces réserves, le groupe de l'Union centriste votera le présent projet de loi. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

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