Séance du 25 janvier 2000







M. le président. « Art. 25. - Electricité de France, les distributeurs non nationalisés visés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée et la Compagnie nationale du Rhône tiennent, dans leur comptabilité interne, des comptes séparés au titre, respectivement, de la production, du transport et de la distribution d'électricité ainsi que, le cas échéant, un compte séparé regroupant l'ensemble de leurs autres activités.
« Ils font figurer, dans l'annexe de leurs comptes annuels, un bilan et un compte de résultat pour chaque activité dans le secteur de l'électricité devant faire l'objet d'une séparation comptable en vertu de l'alinéa ci-dessus, ainsi que, le cas échéant, pour l'ensemble de leurs autres activités. Lorsque leur effectif atteint le seuil d'assujetissement prévu à l'article L. 438-1 du code du travail, ils établissent également, pour chacune de ces activités, un bilan social.
« Ils précisent, dans l'annexe de leurs comptes annuels, les règles d'imputation des postes d'actif et de passif et des charges et produits qu'ils appliquent pour établir les comptes séparés mentionnés au premier alinéa, ainsi que le périmètre de chacune des activités comptablement séparées et les principes déterminant les relations financières entre ces activités. Toute modification de ces règles, de ces périmètres ou de ces principes est indiquée et motivée dans l'annexe de leurs comptes annuels et son incidence y est spécifiée.
« Ils précisent également, dans les mêmes documents, les opérations éventuellement réalisées avec des sociétés appartenant au même groupe lorsque ces opérations sont supérieures à un seuil fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et de l'énergie.
« Les comptes mentionnés aux deuxième et troisième alinéas sont publiés dans les mêmes conditions que les comptes annuels. Les opérateurs mentionnés au premier alinéa auxquels la loi ou les règlements n'imposent pas de publier leurs comptes annuels tiennent à la disposition du public un exemplaire de ces comptes séparés, ainsi que les règles d'imputation, les périmètres et les principes visés au troisième alinéa.
« La Commission de régulation de l'électricité approuve, après avis du Conseil de la concurrence, les règles d'imputation, les périmètres comptables et les principes visés au troisième alinéa, qui sont proposés par les opérateurs concernés pour mettre en oeuvre la séparation comptable prévue au premier alinéa, ainsi que toute modification ultérieure de ces règles, de ces périmètres ou de ces principes. La commission veille à ce que ces règles, ces périmètres et ces principes ne permettent aucune discrimination, subvention croisée ou distorsion de concurrence. »
Par amendement n° 49, MM. Lefebvre, Fischer, Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - Dans le premier alinéa de cet article, de supprimer les mots : « et la Compagnie nationale du Rhône ».
II. - En conséquence, de rédiger ainsi le début de cet alinéa : « Electricité de France et les distributeurs ».
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. En présentant cet amendement concernant la Compagnie nationale du Rhône, nous abordons un dossier sur lequel je regrette que le Gouvernement n'ait pas accepté d'assouplir ses positions, compte tenu des arguments à la fois réalistes, soucieux de l'intérêt collectif et en adéquation avec les préoccupations des salariés que nous avancions.
L'article 25 prévoit que les entreprises publiques présentent des comptes séparés, qu'elles aient une activité de production, de transport ou de distribution.
Or, ni la loi du 27 mai 1921 ni la loi de nationalisation du 8 avril 1946, à laquelle vous êtes attaché, monsieur le secrétaire d'Etat, n'attribuent à la CNR une quelconque fonction de production, non plus, bien sûr, que de transport ou de distribution d'électricité.
Les protocoles successifs signés entre EDF et la CNR ont fait d'EDF le véritable producteur d'électricité, alors que la CNR s'est vu confier les missions d'intérêt général d'aménagement du Rhône.
Certes, l'abandon du projet de canal Rhin-Rhône, que je regrette personnellement, nous amène à reconsidérer aujourd'hui, de façon approfondie, l'avenir de la compagnie. Pour autant, reconnaître à la CNR une vocation de producteur indépendant n'est pas justifié, si ce n'est pour satisfaire quelques puissants intérêts locaux ou freiner les velléités de Bruxelles à l'encontre de la France.
Il faut rappeler, par ailleurs, qu'EDF, et par conséquent les usagers, ont financé, depuis cinquante ans la construction des dix-huit ouvrages hydrauliques sur le Rhône.
Aujourd'hui, ces installations deviennent rentables pour les actionnaires de la CNR, d'où les pressions qui se font jour pour ouvrir le capital de la compagnie au privé.
Si tel était le cas, la CNR deviendrait le principal concurrent d'EDF, après avoir été, pendant un demi-siècle, subventionné par l'opérateur historique.
On comprend donc notre incompréhension et celle des personnels de la CNR, qui, après avoir évolué dans le giron d'EDF, risquent de se retrouver, du jour au lendemain, en compétition avec les salariés avec lesquels ils ont collaboré jusqu'à présent.
Du reste, une partie significative du personnel de la CNR est, à ce jour, employé sous la « bannière » d'EDF.
La complexité de ce dossier mérite, on le voit, une réflexion qui doit se poursuivre entre le Gouvernement, les collectivités locales, les directions des deux entreprises et les salariés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous avez assurés que le caractère public de la CNR serait garanti. Mais une telle garantie peut-elle tenir durablement lorsque nous nous retrouverons dans une situation où deux entreprises publiques seront concurrentes et adversaires ?
Il y a là une incompatibilité qui ne peut trouver sa solution que dans le rapprochement d'EDF et de la CNR dans un cadre défini et accepté de tous, comme notre groupe l'avait proposé ici en première lecture.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. La loi de 1921 assigne en effet à la CNR un certain nombre de missions : l'hydraulique sur le Rhône, la navigation et l'irrigation.
Nous sommes ici en présence d'un texte qui ne va naturellement pas bouleverser les évolutions, la description du paysage par M. Bret allant quelque peu au-delà de ce qui est proposé par le Gouvernement dans le présent projet.
Nous voulons en effet, et ceci est à l'avantage d'EDF et de la CNR, transformer celle-ci en producteur d'électricité de plein exercice. Mais nous voulons, dans le même temps, réaffirmer le caractère public de la CNR.
Nous souhaitons également que les missions assignées à cette entreprise par la loi de 1921 soient confirmées et que toute la portée de cette présence de la CNR sur l'ensemble du Rhône, notamment en ce qui concerne l'environnement, l'irrigation et la navigation, soit pleinement reconnue.
Les évolutions devront s'effectuer progressivement et après la plus large concertation, notamment avec les personnels d'EDF et de la CNR, pour garantir leurs intérêts respectifs.
Je saisis l'occasion qui m'est donnée par M. Bret, qui souhaite « ouvrir une réflexion » sur l'évolution de la CNR, pour lui dire que, en effet, conformément à son souhait, nous allons réfléchir à cette évolution. Mais qu'il soit bien clair - ce n'est d'ailleurs pas ce qu'il demande, j'en suis certain - qu'il n'y aura pas d'évolution de la CNR qui ferait de celle-ci - il a employé l'expression tout à l'heure - « une société privatisée » ; elle restera publique et elle deviendra producteur de plein exercice.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 49, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 22, M. Revol, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le dernier alinéa de l'article 25 :
« La Commission de régulation de l'électricité approuve, après avis du Conseil de la concurrence, les règles d'imputation, les périmètres comptables et les principes visés au troisième alinéa, qui sont proposés par les opérateurs concernés pour mettre en oeuvre la séparation comptable prévue au premier alinéa, ainsi que toute modification ultérieure de ces règles, de ces périmètres ou de ces principes. La commission veille à ce que ces règles, ces périmètres et ces principes soient stables et transparents et empêchent toute discrimination, subvention croisée ou distorsion de concurrence. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. La commission propose le rétablissement du texte voté par le Sénat en première lecture, tant il lui semble évident que le législateur doit orienter l'action de la Commission de régulation en indiquant que les principes comptables doivent être stables et transparents.
Cette rédaction était d'ailleurs la première rédaction du texte du Gouvernement, et je m'étonne que l'Assemblée nationale ait, au contraire, souhaité laisser toute latitude à la Commission de régulation, qu'elle a, par ailleurs, voulu comme une instance a minima.
Enfin, je note que le Gouvernement, qui avait accepté notre amendement en première lecture, a accepté l'amenement de suppression à l'Assemblée nationale. Vérité en deçà du boulevard Raspail, erreur au-delà ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je n'ai pas changé d'avis ; le Gouvernement est fidèle à ses options politiques fondamentales.
M. le président. Pas d'absolution rapide !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. C'était de l'auto-absolution, monsieur le président.
L'Assemblée nationale a conservé, pour l'essentiel, la rédaction proposée par le Sénat. Que demande donc la Haute Assemblée ?
L'Assemblée nationale a simplement supprimé une petite disposition tout à fait annexe et peu normative concernant la stabilité des règles comptables. Le travail du Sénat avait été excellent et il est encore meilleur avec la suppression de cette petite phrase, qui, d'ailleurs, très sincèrement, n'aurait que peu de portée en matière de comptabilité.
Par ailleurs, pour ce qui est de la transparence - c'était le deuxième argument de M. le rapporteur - j'affirme qu'elle doit prévaloir. Elle est garantie par le rôle de la Commission de régulation de l'électricité dans ces domaines.
Qui a demandé d'accroître le rôle de la commission de régulation de l'électricité ? La Haute Assemblée ! Qui obtient satisfaction avec le texte proposé par le Gouvernement et retenu par l'Assemblée nationale ? La Haute Assemblée !
Monsieur le rapporteur, il convient donc de retirer l'amendement, qui est en contradiction avec la bonne volonté du Gouvernement et avec ce que l'Assemblée nationale, dans toute toute sa sagesse, a souhaité retenir. Je le répète, vous avez satisfaction.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Henri Revol, rapporteur. Nous préférons que soit retenu le texte proposé par la commission.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 25, ainsi modifié.

(L'article 25 est adopté.)

Article 27