Séance du 20 décembre 1999







M. le président. « Art. 18. - I. - Le premier alinéa de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque à un stade ultérieur de la procédure de redressement contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement qui peut alors intervenir sans délai. »
« II. - A. - Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les avis de mise en recouvrement émis avant le 1er janvier 2000 sont réputés réguliers en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré de l'incompétence territoriale de l'agent qui les a émis, à la condition qu'ils aient été établis soit par le comptable public du lieu de déclaration ou d'imposition du redevable soit, dans le cas où ce lieu a été ou aurait dû être modifié, par le comptable compétent à l'issue de ce changement, même si les sommes dues se rapportent à la période antérieure à ce changement.
« B. - Sont réputés réguliers, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les avis de mise en recouvrement émis à la suite de notifications de redressement effectuées avant le 1er janvier 2000 en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré de ce qu'ils se référeraient, pour ce qui concerne les informations mentionnées à l'article R*. 256-1 du livre des procédures fiscales, à la seule notification de redressement. »
Par amendement n° 47, M. Marini, au nom de la commission, propose de supprimer le II de cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet article 18 est assez composite. Il vise, en premier lieu, à informer les contribuables des éventuelles modifications apportées par l'administration fiscale dans le calcul des droits et des pénalités mises en recouvrement. Mais, surtout, il prévoit - c'est une tentation à laquelle résistent difficilement les collectifs budgétaires - deux validations législatives.
La première concerne les informations qui doivent être contenues dans l'avis de mise en recouvrement. Jusqu'à présent, l'administration fiscale n'a pas respecté les dispositions de l'article R*. 256-1 du livre des procédures fiscales qui l'obligent à indiquer les éléments de calcul et la nature des impositions mises en recouvrement. Afin d'éviter que les avis de mise en recouvrement émis avant le 1er janvier 2000 ne soient censurés par les juridictions administratives, le présent article prévoit la validation de ces avis de mise en recouvrement.
Vous trouverez dans mon rapport écrit les décisions de justice correspondantes ; vous noterez qu'elles sont récentes, puisque le Conseil d'Etat a notamment eu à se prononcer sur ce sujet dans un arrêt du 28 juillet 1999.
La seconde validation concerne la compétence territoriale du comptable chargé de la mise en recouvrement. Pour pouvoir recouvrer plus facilement les impôts impayés de contribuables ayant changé de domicile, l'administration fiscale avait élaboré une instruction qui autorisait le comptable du nouveau domicile à assurer le recouvrement à condition que le transfert de domicile soit antérieur à la prise en charge du recouvrement.
Or la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 19 janvier 1999, a rappelé que « seul est compétent pour mettre en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dus par un contribuable et lui adresser un avis à cet effet le comptable qui avait compétence pour recevoir les déclarations afférentes à cette taxe. »
Il est donc proposé, dans cet article, de valider les avis de mise en recouvrement effectués avant le 1er janvier 2000 qui pourraient être déclarés irréguliers en raison de l'incompétence territoriale de l'agent qui les a émis.
Monsieur le ministre, la commission s'oppose aux validations qui sont ici suggérées. Elle considère que l'intérêt général susceptible de s'attacher à ces deux validations n'est pas suffisant, s'agissant notamment des règles de compétence territoriale des comptables, qui existent de toute éternité, que l'administration connaît et dont elle doit s'accommoder.
Quant aux transmissions d'informations entre différents comptables publics, c'est une affaire de bonne gestion qui doit pouvoir être réglée aujourd'hui par les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il semble qu'en l'an 2000, ou à quelques jours près, on puisse organiser ces circuits d'information dans le cadre des principes qui prévalent jusqu'ici. Autrement dit, la responsabilité doit demeurer logiquement celle des comptables compétents pour recevoir les déclarations, qui sont les mieux placés pour suivre l'évolution d'un seul et même dossier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. le rapporteur général se montre particulièrement sourcilleux sur ce point,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il a raison !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... mais je ne lui en ferai pas grief. Il est, certes, toujours délicat de proposer des validations - puisque c'est de cela qu'il s'agit - mais peut-être fait-il de ces validations des questions de fond alors qu'elles n'en méritent pas tant.
Dans le premier cas, un avis de mise en recouvrement a été émis par le comptable du nouveau domicile, alors que la règle exige que ce soit celui de l'ancien domicile qui intervienne. Vous le comprendrez, sur le fond, cela n'a rien d'essentiel. Il vaut mieux, en effet, en cas de recouvrement après contrôle fiscal, s'adresser à un comptable proche de son nouveau domicile plutôt qu'au comptable de l'ancien domicile, par hypothèse plus éloigné.
Dans le second cas, il est demandé à la Haute Assemblée de valider des avis de mise en recouvrement qui ne feraient référence qu'à la seule notification des redressements, et non aux documents postérieurs. A partir du moment où le contribuable a bien reçu toutes les informations nécessaires au cours du contrôle, on voit mal comment le seul défaut, dans l'avis de mise en recouvrement, de la référence à l'ensemble des actes de procédure - ce qui est, somme toute, assez véniel et, surtout ne porte pas préjudice aux contribuables - pourrait justifier l'annulation de toute la procédure.
Sur le fond, mesdames, messieurs les sénateurs, les deux validations qui vous sont demandées ne me semblent pas porter à conséquence ni, surtout, porter préjudice aux contribuables.
Sur la forme, en revanche, si l'amendement n° 47 présenté par M. Marini était accepté, ce seraient potentiellement plusieurs dizaines de milliards de francs de rappels d'impôts qui pourraient être annulés. Il ne serait pas raisonnable de priver l'Etat de ces ressources ni, si je puis dire, de permettre à certains contribuables - et ils ne sont pas tous, loin de là, de bonne foi - d'échapper aux contrôles fiscaux pour des motifs de pure forme.
Je me range donc à l'avis de M. le rapporteur général ; à l'avenir, en effet, grâce aux nouvelles technologies de l'information, nous n'aurons plus ce type de problème. Mais pour ce qui est du passé, monsieur le rapporteur général, comme on dit, « du passé faisons table rase » ! (Rires.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Raison supplémentaire de voter l'amendement !
Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, il m'est arrivé de dire à l'un de vos prédécesseurs, qui appartenait à un gouvernement que la majorité du Sénat soutenait : « Pas ça, et pas au Sénat ! ».
Ces méthodes de validation sont exécrables, d'autant que, dans le cas présent, le Conseil d'Etat ne s'est pas encore prononcé. J'avais d'ailleurs suggéré à votre prédécesseur d'inscrire dans la loi que, chaque fois que le Conseil d'Etat viendrait à prendre une décision qui ne conviendrait pas au Gouvernement, elle serait réputée nulle et non avenue, ce qui au moins vous éviterait cette démarche déplaisante !
Il nous faut nous en tenir à des règles de principe. Nous vivons dans un Etat de droit, et l'Etat n'est pas démuni de moyens pour persuader le contribuable d'acquitter l'impôt dû. Mais, vraiment, faire condamner les contribuables par le Parlement n'est pas une pratique défendable. C'est la raison pour laquelle, personnellement, je soutiendrai cet amendement de suppression, illustration d'une position de principe qui doit être celle du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 47, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18, ainsi modifié.

(L'article 18 est adopté.)

Article 19