Séance du 14 décembre 1999






(coordination)

M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l'article 36 dans cette rédaction :
« Art. 36. - I. - Pour 2000, les ressources affectées au budget, évaluées dans l'état A annexé à la présente loi, les plafonds des charges et l'équilibre général qui en résultent, sont fixés aux montants suivants :

(En millions de francs.)

A. - Opérations à caractère définitif
Budget général Montants bruts

1 832 828 1 690 111 . . . .
A déduire : remboursements et dégrèvements d'impôts 331 530 331 530 . . .

.
Montants nets du budget général 1 501 298 1 358 581 80 752 242 833 1 682 166 .
Comptes d'affectation spéciale 42 181 19 918 22 190 » 42 108 .
Totaux pour le budget général et les comptes d'affectation spéciale 1 543 479 1 378 499 102 942 242 833
1 724 274

Budgets annexes
Aviation civile 8 718 6 633 2 085 . 8 718 .
Journaux officiels 1 222 926 296 . 1 222 .
Légion d'honneur 124 107 17 . 124 .
Ordre de la Libération 5 4 1 . 5 .
Monnaies et médailles 1 396 1 356 40 . 1 396 .
Prestations sociales agricoles 94 972 94 692 » . 94 692

.
Totaux des budgets annexes 106 437 103 718 2 439 . 106 157 .
Solde des opérations définitives (A) . - 180 515

B. - Opérations à caractère temporaire
Comptes spéciaux du Trésor
Comptes d'affectation spéciale » . . . 1 .
Comptes de prêts 6 307 . . . 4 350 .
Comptes d'avances 381 083 . . . 379 400 .
Comptes de commerce (solde) . . . . 46 .
Comptes d'opérations monétaires (solde) . . . . 555 .
Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers (solde) . . . . 40 .
Solde des opérations temporaires (B) . 2 998
Solde général (A + B) . - 177 517


« II. - Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est autorisé à procéder, en 2000, dans des conditions fixées par décret :
« 1. A des emprunts à long, moyen et court termes libellés en euros pour couvrir l'ensemble des charges de trésorerie ou pour renforcer les réserves de change ;
« 2. A des conversions facultatives, à des opérations de pension sur titres d'Etat, à des opérations de dépôts de liquidités sur le marché interbancaire de la zone euro et auprès des Etats de la même zone, des rachats, des échanges d'emprunts, à des échanges de devises ou de taux d'intérêt, à l'achat ou à la vente d'options ou de contrats à terme sur titres d'Etat.
« III. - Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est autorisé à donner, en 2000, la garantie de refinancement en devises pour les emprunts communautaires.
« IV. - Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est, jusqu'au 31 décembre 2000, habilité à conclure avec des établissements de crédit spécialisés dans le financement à moyen et long termes des investissements, des conventions établissant pour chaque opération les modalités selon lesquelles peuvent être stabilisées les charges du service d'emprunts qu'ils contractent en devises étrangères. »
Mais je suis saisi d'un amendement n° B-42, qui est ainsi rédigé :
« Le I de l'article 36 est remplacé par les dispositions suivantes :
« I. - Pour 2000, les ressources affectées au budget, évaluées dans l'état A annexé à la présente loi, les plafonds des charges et l'équilibre général qui en résultent, sont fixés aux montants suivants :

(En millions de francs.)


A. - Opérations à caractère définitif
Budget général Montants bruts
1 830 472 1 703 480 . . . .
A déduire : remboursements et dégrèvements d'impôts 331 530 331 530 . . .

.
Montants nets du budget général 1 498 942 1 371 950 49 816 220 839 1 642 605 .
Comptes d'affectation spéciale 44 535 20 638 23 824 » 44 462 .
Totaux pour le budget général et les comptes d'affectation spéciale 1 543 477 1 392 588 73 640 220 839
1 687 067

Budgets annexes
Aviation civile 8 718 6 617 1 164 . 7 781 .
Journaux officiels 1 222 926 296 . 1 222 .
Légion d'honneur 124 107 17 . 124 .
Ordre de la Libération 5 4 1 . 5 .
Monnaies et médailles 1 396 1 356 40 . 1 396 .
Prestations sociales agricoles 94 972 94 692 » . 94 692

.
Totaux pour les budgets annexes 106 437 103 702 1 518 . 105 220 .
Solde des opérations définitives (A) . - 142 373

B. - Opérations à caractère temporaire
Comptes spéciaux du Trésor
Comptes d'affectation spéciale » . . . 1 .
Comptes de prêts 6 307 . . . 4 350 .
Comptes d'avances 381 083 . . . 379 400 .
Comptes de commerce (solde) . . . . 46 .
Comptes d'opérations monétaires (solde) . . . . 555 .
Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers (solde) . . . . 40 .
Solde des opérations temporaires (B) . 2 998
Solde général (A + B) . - 139 375



Le Gouvernement s'étant déjà exprimé, quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La commission, qui vient de se réunir pour examiner ces divers amendements, a émis un avis tout à fait favorable.
M. le président. Y a-t-il un orateur contre l'un de ces amendements ?...
Nous avons achevé l'examen des articles soumis à la seconde délibération.
Je vous rappelle qu'en application de l'article 44, dernier alinéa, de la Constitution, et de l'article 42, alinéa 7, du règlement, le Gouvernement demande au Sénat de se prononcer par un seul vote sur les articles 38 et état B, 39 et état C, 46 et, pour coordination, sur l'article d'équilibre 36, dans la rédaction de la première délibération, modifiée par les amendements n°s B-1 à B-42, à l'exclusion de tout autre amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, par un seul vote, les articles 38 et état B, 39 et état C, 46 et, pour coordination, l'article 36, dans la rédaction de la première délibération, modifiée par les amendements B-1 à B-42 du Gouvernement.

(Ces articles sont adoptés.)
M. le président. J'informe le Sénat que la commission des finances m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de l'examen du projet de loi de finances pour 2000, seulement quelques jours avant d'entamer le travail sur la loi de finances rectificative pour 1999.
Que l'on me permette tout d'abord d'exprimer des remerciements.
Mes remerciements iront tout d'abord à M. Alain Lambert, président de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE). Les travaux au sein de la commission des finances se sont poursuivis dans l'harmonie, dans la liberté des échanges de vue, dans le soin persévérant que nous mettons à étudier toutes les idées, toutes les propositions, tous les amendements quels qu'en soient les auteurs et les origines.
M. le président de la commission des finances a veillé à développer notre sens de l'écoute et notre volonté de rechercher tous les éléments de nature à nous permettre de progresser.
Je tiens également à remercier M. Christian Pierret, M. le secrétaire d'Etat au budget, allais-je dire (M. le secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation), mais j'anticipe peut-être ! ...
Quoi qu'il en soit, M. le secrétaire d'Etat nous a accompagnés dans l'essentiel de la discussion de ce budget, et, par sa dextérité, par sa connaissance intime des sujets, il nous a apporté une aide très précieuse. (Applaudissements.)
Je voudrais bien entendu associer l'ensemble de mes collègues à ces remerciements : les membres de la commission des finances, les membres de toutes les autres commissions du Sénat, les sénateurs, tant de la majorité, pour leur soutien et leur contribution active, que de l'opposition, pour le caractère toujours courtois des échanges que nous avons eus dans cet hémicycle.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes remerciements s'adressent évidemment à la présidence, qui a été exercée avec impartiabilité et vigilance, comme il se doit, pour permettre le bon déroulement des travaux parlementaires ...
M. le président. Vous pouvez applaudir ! (Sourires et applaudissements.)
M. Jean-Louis Carrère. C'est l'heure des violons !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais, à ce stade, l'essentiel est de faire le point et de mesurer le chemin que nous avons parcouru grâce à ces quelques jours de discussion budgétaire.
Mes chers collègues, le projet de loi de finances pour l'an 2000 se présente dans un cadre économique tout à fait favorable. Nous sommes dans une période de croissance qui va se poursuivre très vraisemblablement, ce qui autorise le présent gouvernement à disposer des fruits de cette évolution favorable.
Nos divergences se situent pour l'essentiel sur ce point : la majorité de cette assemblée a considéré que tout le parti nécessaire n'était pas tiré de cette belle croissance...
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et qu'elle n'était pas suffisamment mise à profit pour anticiper les évolutions futures et pour mettre en oeuvre, même si c'est difficile, même si c'est pénible et même si cet exercice demande du courage et de la persévérance, les réformes de structures indispensables pour adapter l'Etat et pour permettre aux acteurs économiques de gagner en compétitivité par rapport à tous les autres.
M. Jean Delaneau. Bravo !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans ces conditions, nous avons voulu affirmer principalement quatre priorités.
Tout d'abord, il nous a paru nécessaire de clarifier le débat.
Nous avons constaté que les chiffres qui nous sont soumis sont rendus confus par l'importance et l'abondance des changements de structures, par le caractère incertain et aléatoire des transferts financiers intervenant entre les deux grands textes de l'automne budgétaire, la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances pour l'année qui vient.
Nous avons constaté que tous ces aléas, toute cette complexité dans la présentation risquaient de faire de plus en plus obstacle au rôle d'examen et de contrôle du Parlement. Nous avons estimé que nous n'étions plus tout à fait sous la Ve République, telle qu'elle est en particulier définie en la matière par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.
La deuxième priorité que nous avons voulu mettre en oeuvre - donc au-delà de la clarification que nous nous sommes imposé de réaliser - c'est la mise en oeuvre d'une politique coordonnée, volontariste de réduction du poids des prélèvements obligatoires.
Nous nous trouvons à un « pic » de la courbe des prélèvements obligatoires dans ce pays. L'évolution de la croissance va d'ailleurs conduire, pour 1999 - vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat - à opter pour un taux de prélèvements obligatoires très certainement supérieur à celui qui est allégué dans les présentations qui nous ont été faites jusqu'ici.
Dans ce cadre, le Sénat a eu la volonté d'adopter toute une série d'amendements concernant la partie fiscale des prélèvements obligatoires, c'est-à-dire celle qui est traitée dans la loi de finances à proprement parler.
En matière d'impôt sur le revenu, nous avons demandé que le barème soit actualisé chaque année en tenant compte de la croissance, de sorte qu'une part de celle-ci soit rendue au contribuable. Nous avons en outre marqué notre volonté de voir la politique familiale mieux prise en compte par l'impôt sur le revenu et les solidarités privées mieux encouragées.
En matière de fiscalité des entreprises, nous avons refusé des mesures instaurant de nouveaux obstacles à la vie des entreprises. Nous avons refusé certains doubles prélèvements qui vont être des handicaps supplémentaires de compétitivité.
Nous nous sommes également opposés à des mesures comme l'extension, très menaçante, de la taxe générale sur les activités polluantes, qui va représenter un handicap supplémentaire.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais, au-delà de toutes ces mesures relatives à la fiscalité sur le revenu et la fiscalité des entreprises, nous avons fait porter notre examen sur d'autres domaines, tels la fiscalité du patrimoine et la fiscalité de l'épargne.
Par quelques touches ponctuelles, nous avons voulu montrer notre fidélité aux principes clairement énoncés par la commission des finances et qui visent à faire en sorte que les énergies, les patrimoines, les investisseurs de ce pays ne soient pas incités à se délocaliser davantage dans ce monde ouvert, où tous les acteurs économiques comparent le sort qui leur est fait par les différentes législations nationales.
Nous avons également - cela va de soi - fait porter notre attention sur un certain nombre de mesures relatives à l'administration de l'impôt, au contrôle fiscal.
A ce sujet, nous avons refusé des propositions, souvent issues d'amendements votés par l'Assemblée nationale, étendant, de manière à notre avis injustifiée, les droits de l'administration aux dépens des droits constitutionnellement garantis des contribuables. Nous avons, à ce titre, attaché une importance particulière - vous vous en souvenez, mes chers collègues - au débat sur le secret professionnel, dont nous ne voulons pas qu'il soit écorné au gré des exigences de l'administration fiscale et au-delà de ce qu'il faut pour établir équitablement l'impôt. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
En ce domaine, nous avons mis en parallèle les dispositions du code pénal qui répriment lourdement les atteintes au secret professionnel et les exceptions que l'on introduirait pour la commodité de l'administration fiscale. Nous avons dit au Gouvernement que la solution qu'il préconisait n'était pas correcte sur le plan des principes généraux du droit et qu'elle était totalement contradictoire et inadaptée.
Par ailleurs, c'est la troisième de nos priorités, nous avons bien entendu examiné avec beaucoup de soin les dispositions relatives aux collectivités territoriales.
Nous avons marqué notre volonté de les voir, elles aussi, mieux associées aux fruits de la croissance, et non pas traitées - ce qui est parfois le cas - comme des « variables d'ajustement ».
Nous avons, par exemple, marqué notre volonté - je cite ce point parmi d'autres - de voir enfin la taxe professionnelle de La Poste et de France Télécom traitée selon le droit commun, c'est-à-dire affectée aux budgets locaux et, pour une part, au budget des différentes collectivités territorialement concernées par les implantations de ces deux entreprises.
Quatrième priorité, nous nous sommes efforcés, mes chers collègues, en la déclinant tout au long de la seconde partie de ce projet de loi de finances, d'examiner qualitativement la dépense publique, budget par budget et ministère par ministère. Nous l'avons passée au crible grâce à la perspicacité de nos rapporteurs spéciaux et de nos rapporteurs pour avis, et nous avons appliqué, à chaque fois, les mêmes critères.
Premier critère : l'Etat fait-il des efforts pour réduire ses dépenses improductives de fonctionnement ?
Deuxième critère : l'Etat fait-il des efforts suffisants pour adapter ses structures et son organisation à l'évolution des finalités à poursuivre dans le monde où nous nous trouvons ?
Troisième critère : les ministres concernés font-ils tout leur possible pour préparer l'avenir et ses enjeux, notamment au travers des dépenses d'investissement ?
M. René-Pierre Signé et M. Marcel Charmant. Evidemment !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons donc appliqué cette batterie de critères et nous avons tranché par des votes le sort des différents budgets ministériels.
M. Claude Estier. Vous les avez tous repoussés !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous ne les avons pas tous repoussés. Nous en avons adoptés certains.
Plusieurs sénateurs socialistes. Tellement peu !
M. Gérard Braun. Nous les avons améliorés !
M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur général. A chaque fois, nous avons eu une position responsable, nous avons appliqué nos critères à l'action ministérielle telle qu'elle nous a été exposée et, bien entendu, mes chers collègues, le Gouvernement n'a pas à attendre du Sénat qu'il lui tende, éventuellement, une main secourable lorsque les projets de ce Gouvernement ne correspondent pas aux objectifs et aux valeurs poursuivis par la majorité de cette assemblée ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants. - Protestations sur les travées socialistes.)
Notre volonté est de mieux contrôler la dépense publique, de faire en sorte que le déficit budgétaire diminue plus vite, que l'endettement régresse, lui aussi, plus vite. Par ce moyen, nous voulons éviter à nos enfants et aux générations futures des problèmes qui seront certainement très difficiles à résoudre : ceux qui résultent de l'impôt caché, cet impôt futur issu des emprunts d'aujourd'hui, selon l'expression heureuse du président Alain Lambert.
Nous avons aussi, et j'en terminerai par là, monsieur le président, montré pour l'avenir deux objectifs que nous développerons dans les futurs débats, je pense en particulier à celui qui concernera, dans quelques jours, le collectif budgétaire.
En premier lieu, mes chers collègues, il est indispensable de faire progresser la sincérité budgétaire. C'est un préalable absolument incontournable à toute discussion sérieuse sur le fonds, quelles que soient les convictions de chacun.
Or, vous le savez bien, et le Gouvernement lui-même l'admet in petto (Exclamations ironiques sur les travées socialistes), on peut douter sérieusement de la sincérité des prévisions concernant les recettes fiscales de l'Etat encaissées au cours de l'année 1999.
Nous avons, les premiers, au sein de la commission des finances et dans cet hémicycle, fait état de l'existence de la « cagnotte ». (Rires sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Carrère. Du Sénat !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ne riez pas, mes chers collègues ! Vous aurez à prendre vos responsabilités au moment de l'affecter.
Les premiers, nous avons chiffré cette réserve latente à un montant compris entre 30 milliards et 40 milliards de francs.
M. Jean-Louis Carrère. A bas la cagnotte ! (Rires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Aujourd'hui, cet ordre de grandeur n'est plus nié par aucun observateur sérieux. C'est le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui a fixé lui-même un rendez-vous à ce sujet à sa propre majorité plurielle au mois d'avril prochain pour en discuter. Peut-être d'ici là se seront-ils mis d'accord sur l'arbitrage des suppléments de recettes qui posent de tels problèmes. En effet, la question est de savoir ce que l'on veut en faire.
S'agit-il de suivre la dynamique logique qui est la vôtre et d'augmenter toujours les dépenses, comme c'est le cas dans le collectif pour 1999 que nous examinerons dans quelques jours ?
S'agit-il, plutôt, de faire face à notre avenir et à nos engagements, et de baisser le déficit un peu plus vite que vous ne le faites ?
S'agit-il, surtout, de rendre aux Françaises et aux Français une partie des ressources issues de cette belle croissance par une politique de réduction des impôts et des prélèvements obligatoires ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mes chers collègues, nous savons que les chiffres des recettes fiscales à fin octobre valident les pronostics que nous avions faits sur des données un peu antérieures. Nous savons aussi que nos appréciations rejoignent celles qui ont été formulées - et c'est sa mission - par la Cour des comptes sur l'utilisation trop pratique des opérations de chevauchement d'un exercice sur l'autre.
Voilà en ce qui concerne la sincérité.
S'agissant du second et dernier objectif, mes chers collègues, la modernisation des instruments de la discussion budgétaire, que pouvons-nous dire ?
Nous pouvons en tout état de cause rappeler une initiative qui a été prise ici même par le président Alain Lambert, alors rapporteur général, qui a travaillé de longue date sur ce sujet et...
M. Josselin de Rohan. Très bien ! Bravo !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... qui a interrogé la Cour des comptes, cette fois en tant que président de la commission des finances, sur l'évolution de la méthodologie budgétaire. Nos questions ont été bien antérieures à celles de l'Assemblée nationale, puisque nous nous sommes adressés à la Cour des comptes le 25 mai dernier, l'Assemblée nationale ayant formulé une demande analogue le 7 juillet.
L'important, bien entendu, ce n'est pas cette antériorité, c'est le contenu des réponses qui nous ont été faites. Nous avons reçu voilà quelques jours, en date du 1er décembre, une réponse à nos questions sous la signature du Premier président, Pierre Joxe. Qu'y trouvons-nous, mes chers collègues ? Nous y trouvons des considérations qui nous encouragent tout à fait dans nos projets de modernisation de l'ordonnance organique, en particulier sur deux points.
Nos idées ont trouvé un écho très favorable sur les comptes consolidés à établir entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien entendu, nous reviendrons sur tout cela en temps utile, mais il est bon d'indiquer que la Cour des comptes regrette que le Parlement soit amené à se prononcer sur des documents qui sont en quelque sorte à « géométrie variable », retirant ainsi à l'examen parlementaire une grande partie de son intérêt.
Par ailleurs, la Cour des comptes a examiné de manière tout à fait positive, pour rejoindre nos conclusions, l'idée, déjà lancée à plusieurs reprises, de distinguer dans les comptes de l'Etat une section de fonctionnement et une section d'investissement. Ce serait une clarification indispensable, en particulier pour bien montrer les équilibres et pour que les ressources d'emprunts ne soient affectées, à l'avenir, qu'au financement des investissements.
Voilà, mes chers collègues, quelques considérations que je tenais à vous livrer, tout à la fois pour résumer les temps forts de la discussion budgétaire et pour réaffirmer les objectifs qui doivent être les nôtres, car la croissance ne doit pas exonérer l'Etat des nécessaires disciplines à respecter, la première d'entre elles consistant à informer de manière claire et transparente le Parlement et à permettre le jeu efficace et régulier des pouvoirs constitutionnels.
Mes chers collègues, c'est dans ce cadre et sous le bénéfice de ces observations que la commission des finances vous invite à tirer les conséquences des votes précédemment émis à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de finances qui résulte des modifications que nous avons opérées, notamment pour parvenir à une baisse de la pression fiscale et des prélèvements obligatoires.
Mes chers collègues, je vous remercie de votre attention. (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je serai très bref.
Je m'associerai d'abord, sans plus de détails, aux remerciements que M. le rapporteur général vient d'adresser à tous ceux qui ont contribué à ce débat budgétaire.
Je souhaite ensuite que nous rendions au rapporteur général l'hommage du Sénat pour les qualités qu'il a montrées, pour la compétence que nous lui connaissions, mais aussi pour son excellente maîtrise et ses dons pédagogiques qui nous ont permis, tout au long de la discussion budgétaire, de faire vivre un débat démocratique au sein de la Haute Assemblée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, M. le rapporteur général vient de vous dire ce que le Sénat a voulu faire à l'occasion de l'examen de ce projet de budget. Il ne me reste, en quelques instants, qu'à ajouter ce que je pense de l'apport du Gouvernement. Vous allez trouver mon propos critique.
MM. Jean-Louis Carrère et Jacques Mahéas. Mais non !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je souhaite que vous ne le preniez pas personnellement en mauvaise part, monsieur le secrétaire d'Etat, mais je dirai que le Gouvernement n'a rien fait pour que cette discussion budgétaire soit le grand rendez-vous politique de l'année.
Et pourtant, dans la déclaration de politique générale qu'il prononça le 19 juin 1997, M. le Premier ministre ne disait-il pas : « Incarnation de la souveraineté nationale, le Parlement doit pleinement exercer son rôle éminent au sein de nos institutions. Le Parlement doit être le lieu essentiel de la communication gouvernementale. La démocratie ne peut vivre sans pluralisme. » ?
Qu'en a-t-il été dans la réalité, monsieur le secrétaire d'Etat ? Nous avons assisté à un changement permanent de ministres au banc du Gouvernement. Je comprends parfaitement que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie soit appelé pour la moitié de son temps à l'étranger. Mais pourquoi M. le Premier ministre n'a-t-il pas nommé un nouveau ministre du budget ? Pourquoi va-t-il attendre le mois de janvier pour le faire alors que le budget se discute en décembre ? (Très bien ! et applaudissement sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
On osait à peine cligner des yeux, car on craignait que le ministre n'ait changé avant qu'on les ait rouverts. Ce fut une succession permanente, et cela n'a certainement pas contribué à la qualité du débat parlementaire ! (Très bien ! sur les mêmes travées.)
M. Jacques Mahéas. M. Pierret est très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mes chers collègues, je vais vous dire ce que je pense de la manière de procéder du Gouvernement, en vous priant de me pardonner de sortir quelque peu du mode convenu qui prévaut généralement en de telles circonstances.
Le niveau du déficit public devrait être fixé par le Parlement et il le sera formellement, mais savez-vous quand il s'est vraiment décidé ? Cette année, il aura été décidé le 22 septembre dans un communiqué de presse. Et vous verrez que ce sera ce niveau de déficit qui figurera dans le texte qui sortira de l'Assemblée nationale après la dernière lecture. Bien entendu, on permet au Parlement, pour l'occuper, de jouer entre les masses, mais le déficit budgétaire est fixé par un communiqué de presse.
M. Claude Estier. Comment c'était avant ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Merci, monsieur Estier, de confirmer que rien n'a changé alors que M. Jospin nous avait dit, en 1997, que le Parlement serait restauré dans ses missions irremplaçables pour le bienfait de la démocratie ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Claude Estier. Vous ne disiez pas cela avant !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Quel enseignement tirer de cette situation ? C'est la confirmation de la supériorité manifeste des communiqués de presse, le débat parlementaire devenant une sorte de divertissement, j'allais dire une mascarade. (Protestations sur les travées socialistes.) C'est le virtuel qui l'emporte sur le réel !
Monsieur le secrétaire d'Etat, de toute façon, vous ne respecterez pas les chiffres que vous nous soumettez. Vous nous avez critiqués l'année dernière lorsque nous avons procédé à des limitations des dépenses. Or, la semaine prochaine, lorsque nous examinerons le collectif budgétaire, nous verrons qu'en réalité vous avez procédé aux mêmes limitations que celles que nous avions proposées.
Je vous en conjure, monsieur le secrétaire d'Etat, laissez le Sénat accomplir son oeuvre, indispensable au bien de la France, c'est-à-dire vous critiquer lorsque vous le méritez, pour vous empêcher de dilapider les fruits inespérés de la croissance dont vous bénéficiez.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous portez une très grande responsabilité. Pour faire progresser un pays, il faut le vent de la croissance et il faut du temps. Eh bien, vous avez la croissance et vous avez du temps !
M. François Autain. Cela se mérite, la croissance !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Qu'en aurez-vous fait ? Rien ! Cette année encore, mes chers collègues, on nous demande d'approuver un budget qui comporte 50 milliards de francs de déficit de fonctionnement. On va emprunter sur dix ans 50 milliards de francs supplémentaires pour couvrir les dépenses courantes de l'année. Et les discours du Gouvernement voudraient presque nous faire croire que l'on est en excédent budgétaire !
Non, décidément, monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez pas fait progresser la démocratie ! Le projet de budget que vous nous proposez, Dieu merci amélioré par le Sénat ! n'est pas crédible, parce que vous n'avez pas dit ce que vous entendez faire tout au long de l'année. Quelle marge de manoeuvre allez-vous vous donner en matière d'imputations budgétaires ? Quelles dépenses devriez-vous ajuster ? Pressentez-vous déjà que certaines recettes seront différentes de ce que vous aviez prévu ?
M. Jean-Louis Carrère. Un peu de patience !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mais non rien, on ne sait rien ! C'est-à-dire que la discussion budgétaire est une sorte de temps parlementaire incontournable, inévitable, qu'on subit quand on est au Gouvernement. Mais, pour que la charge soit moins lourde, on se succède rapidement au banc, pour en finir plus vite.
Non, monsieur le secrétaire d'Etat, la démocratie ce n'est pas cela ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Nous entendons beaucoup M. le Premier ministre et le Gouvernement nous parler de méthode. Eh bien ! je vais vous en suggérer une pour l'an 2000 !
Respectez le Parlement, parce que c'est au Parlement que souffle la démocratie et que le jour où vous aurez définitivement nié le rôle du Parlement dans la vie politique de notre pays, je ne jure pas de l'avenir de notre pays. Si vous voulez faire une oeuvre utile en l'an 2000, consacrez du temps au Parlement, respectez-le, demandez-lui de trancher en dernier ressort, parce que c'est le représentant des Français ! (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Vote sur l'ensemble