Séance du 7 décembre 1999







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'économie, les finances et l'industrie : I. - Economie, finances et industrie (et consommation).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Angels, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie pour 2000 comporte plus de 90 milliards de francs de crédits, contre 61 milliards de francs l'an dernier. C'est la conséquence de nombreuses modifications de structures, avec, en particulier, le regroupement dans la même section de crédits auparavant dispersés entre plusieurs d'entre elles.
Dans ce contexte, mon intervention se limitera aux moyens des services traditionnels du ministère de l'économie et des finances. Leur identification n'est pas toujours facile cette année, ce qui brouille quelque peu l'analyse. Ainsi, selon les concepts que l'on privilégie, l'augmentation de votre budget varie entre 1,8 % et 3,5 %.
Il faut dire qu'aux changements institutionnels viennent s'ajouter des améliorations de la présentation budgétaire, qui participent du mouvement de renforcement de la sincérité de ce budget.
Sur ce point, si vous aviez fait l'année dernière un pas de géant avec la réintégration dans le budget de plus de 11 milliards de francs de crédits, cette année, l'effort est de moindre ampleur. C'est normal, compte tenu des régularisations déjà intervenues. C'est louable, puisque cela va dans le sens de plus de transparence. C'est perfectible aussi, monsieur le ministre, et nous avons consigné votre engagement de mettre en oeuvre les réintégrations qui s'imposent encore dès l'an prochain.
Ce contexte, où les comparaisons quantitatives sont un peu incertaines, invite à des observations plus qualitatives.
Sans surprise s'agissant de services qui restent des services de main-d'oeuvre, ce sont les évolutions concernant les crédits de personnel qui conditionnent l'ensemble : quelque 80 % des crédits des services financiers sont consacrés au personnel.
Cette année encore, l'appréciation doit tenir compte des suppressions d'emplois, qui atteignent 654 unités, et du transfert de 73 emplois vers d'autres ministères. Malgré cette réduction des effectifs, les rémunérations augmentent assez vivement, ce qui est la démonstration même d'une certaine rigidité budgétaire.
Les charges de pensions, qui représentent une part importante des crédits - plus de 18 % - varient, quant à elles, modérément. Mais il en sera autrement à l'avenir puisqu'à l'horizon 2013 près de 60 % des effectifs actuels auront cessé leur activité.
Evidemment, cette perspective, coûteuse pour les finances publiques, offre aussi l'occasion d'aménagements de la force de travail du ministère. Mais nous savons bien que, sans réorganisations internes, sans gains d'efficacité, ces ajustements pourraient altérer les performances d'un ministère dont la qualité est pour beaucoup le reflet de celle de son personnel.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Très bien !
M. Bernard Angels, rapporteur spécial. Permettez-moi une dernière observation sur les emplois, monsieur le ministre : nous relevons un certain décalage entre les emplois budgétaires et les effectifs équivalents temps plein réellement rémunérés. Il nous serait utile d'en connaître les raisons.
Votre ministère est en pleine modernisation, ce qui ne va pas sans quelques difficultés. A titre personnel, si je comprends ces dernières, je n'en adhère pas moins pleinement à la démarche rénovatrice qui est à l'oeuvre et qui est centrée sur la recherche d'une amélioration des performances et d'une plus grande efficience.
Pour le moment, cette démarche s'est exprimée surtout dans le contrat d'objectifs et de moyens de la direction générale des impôts, sur lequel je veux faire quelques commentaires.
Le contrat qui vaut pour la période 2000-2002 me paraît exemplaire dans son principe. La définition d'objectifs de qualité assortis d'indicateurs précis, l'énoncé des conditions à remplir pour les atteindre, la programmation de gains d'efficacité et de leur utilisation, tout cela va dans le bon sens, celui d'une substitution d'un budget d'objectifs à un budget de moyens.
Ce contrat pluriannuel devra évidemment tenir compte des prérogatives du Parlement, qui restent caractérisées par une fréquence d'intervention plus resserrée. Mais, à vrai dire, en tant que parlementaires, nous ne pouvons que nous féliciter des engagements pris par la direction générale des impôts, dont nous serons en mesure de vérifier l'exécution.
Cette démarche témoigne d'une ambition louable, je l'ai dit, mais ses résultats restent à vérifier s'agissant des objectifs de performances, et quelque peu limités s'agissant des objectifs d'efficience. Cette dernière caractéristique est, je le crois, due au report des réformes de structures sans lesquelles les gisements d'efficacité du ministère ne peuvent être entièrement valorisés.
Nous savons que, dans le cadre de la mission 2000-2003, vous attendez de ce point de vue la remise imminente du rapport de MM. Bert et Champsaur. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez nous le communiquer afin que nous soyons en mesure d'en étudier les propositions. Nous avons beaucoup apprécié de disposer du rapport de la mission Lépine sur une comparaison internationale des coûts des services fiscaux et j'ai, quant à moi, élaboré un rapport sur les missions fiscales des services déconcentrés de la direction générale des impôts, mais j'en ai reporté la présentation afin de pouvoir tenir compte de vos propres travaux.
Il faut sans doute prendre avec quelque précaution les conclusions du rapport de la mission Lépine ; mais les orientations qu'il contient en filigrane sont précieuses : recentrer les services sur l'usager, simplifier les structures administratives, moderniser les modalités de recouvrements, ce sont bien là les axes essentiels d'une modernisation encore en gestation.
Je dois dire que, d'ores et déjà, vous avez programmé la création d'une direction des grandes entreprises et la suppression des directions régionales des impôts. Mais les réformes de structures doivent être approfondies. Elles doivent tout particulièrement concerner les réseaux de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique.
Il faut d'abord tenir compte des usagers, contribuables et collectivités locales, mais aussi respecter les conditions d'efficacité des missions.
Deux schémas concurrents sont, semble-t-il, à l'étude : l'un de spécialisation des réseaux par contribuable, l'autre de spécialisation par fonction avec, d'un côté, l'assiette et le contrôle, et, de l'autre, le recouvrement. Mes constatations me conduisent à estimer que la première voie renforcerait les doublons existants tandis que la seconde confirmerait une séparation des fonctions d'assiette et de recouvrement qui n'est pas souhaitable.
Il me semble que le regroupement des moyens des deux directions générales, qui n'est pas synonyme d'une altération du principe fort de la séparation de l'ordonnateur et du comptable, constitue une troisième voie qui permettrait d'allier simplification, meilleure efficacité et maintien d'une administration territorialisée.
Le temps m'étant compté, je ne ferai qu'évoquer les relations entre certaines entités financées à partir de votre budget et le Parlement.
Je suis de ceux qui considèrent ici que la fonction de contrôle et d'évaluation du Parlement mérite, à côté de sa fonction législative, d'être développée.
L'an dernier, j'en avais appelé à une plus grande ouverture de vos services. J'avais rappelé que, chaque année, nous concédions aux différents gouvernements d'importants moyens leur permettant de disposer d'une expertise de qualité. J'avais estimé qu'en retour le Parlement devrait pouvoir mieux accéder à ces moyens. Il me semble que nous avons progressé mais qu'il faut poursuivre sur cette voie.
Je crois toujours que les études d'intérêt général auxquelles se livrent les corps de contrôle, et en particulier l'inspection générale des finances, devraient être communiquées aux rapporteurs spéciaux de la commission des finances. Ce ne serait qu'appliquer convenablement les textes qui définissent nos prérogatives et, en particulier, l'article 164 de l'ordonnance du 30 décembre 1958.
J'avais aussi demandé que soit réactivée la pratique conventionnelle qui liait le Sénat à la direction de la prévision et à l'INSEE et aux termes de laquelle ces deux administrations prêtaient leur concours technique à des études commandées par nous.
Nous avons franchi une étape avec la remise d'une étude de la direction de la prévision sur la dette publique. Il faut l'approfondir.
Enfin, l'excellent apport de la Cour des comptes à nos travaux, dont nous nous félicitons, doit être encore amélioré par des collaborations ponctuelles respectueuses de l'identité de chacun. Un certain nombre d'engagements ont été pris. Nous comptons beaucoup sur leur entière application.
Monsieur le président, mes chers collègues, contre ma recommandation, la commission des finances vous propose de rejeter les crédits du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie pour 2000, et je le regrette fortement. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour la consommation et la concurrence. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec les crédits destinés à la consommation, nous abordons un budget dont les crédits sont modestes - ils ne représentent que 2 % du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie - mais dont l'importance est grande pour nos concitoyens, comme l'ont illustré, cette année, les débats sur la sécurité alimentaire.
Le budget de la consommation et de la concurrence pour 2000 s'élève à 1,15 milliard de francs ; il est en augmentation de 2 % par rapport à 1999.
Cette augmentation permettra, d'abord, de renforcer les moyens d'action de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF.
Cette hausse bénéficiera, ensuite, à la nouvelle Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA.
Ces crédits serviront, enfin, à soutenir l'action du mouvement consumériste et celle de l'Institut national de la consommation, l'INC.
Je tiens à souligner, à ce propos, le rôle précieux et souvent ignoré des associations de consommateurs. Grâce à plus de 4 000 permanences dans tout le pays et à plus de 150 000 heures de présence sur le terrain, elles remplissent une mission essentielle d'information et de protection des consommateurs.
Alors que l'Etat a investi ces associations d'un rôle croissant, leurs subventions ont longtemps diminué. C'est pourquoi je me félicite que les crédits qui leur sont alloués soient stabilisés pour 2000 : 50 millions de francs, comme en 1999.
En revanche, je constate qu'aucune solution n'a encore été trouvée pour remédier à la crise que traverse l'INC.
Depuis l'année dernière, deux rapports aux conclusions similaires, l'un issu d'un groupe de travail présidé par le directeur du CRÉDOC, le centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, l'autre issu de l'inspection des finances, ont été remis aux parties concernées. Leurs propositions devraient servir de base à une redéfinition des missions et de l'organisation de l'INC. Il faut que le Gouvernement se saisisse de ce dossier pour mettre fin à une situation qui dure depuis déjà trop longtemps !
Au-delà des évolutions de ces crédits, je voudrais attirer votre attention, mes chers collègues, sur trois aspects de la politique de protection des consommateurs, qui ont retenu l'attention de la commission des affaires économiques et du Plan.
Le premier concerne la sécurité des produits et des aliments, qui doit être, aujourd'hui, la priorité de la politique de la consommation.
La contamination à la dioxine, l'affaire Coca-Cola, les suites de l'épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine ont, cette année, mobilisé les consommateurs et les pouvoirs publics. Cette attention accrue des pouvoirs publics s'est traduite, au niveau tant national qu'européen, par une intensification des contrôles, dans certains cas par un renforcement des normes de sécurité et, enfin, par une réforme des structures chargées de la veille sanitaire.
Au niveau national, la mise en place de la nouvelle Agence française de sécurité sanitaire des aliments a renforcé la capacité des pouvoirs publics à évaluer les risques sanitaires. Cette politique de vigilance doit être poursuivie sans relâche, afin que la confiance et la sécurité des consommateurs soient restaurées.
Au niveau européen, l'annonce d'une réforme d'envergure visant à mieux harmoniser les réglementations relatives à la sécurité alimentaire et à créer une agence de sécurité sanitaire est également un motif de satisfaction. La crise du boeuf avec nos partenaires britanniques nous a démontré la nécessité d'une telle réforme.
Le deuxième aspect qui a retenu notre attention est le surendettement des ménages. L'accroissement du nombre de dossiers s'est malheureusement poursuivi cette année. La réforme opérée par la loi de lutte contre les exclusions a néanmoins permis de mieux accompagner les personnes en situation de très grande fragilité, ce dont je me félicite. En revanche, je m'inquiète de ce que les moyens en personnels des commissions de surendettement soient suffisants, pour ne pas allonger de façon excessive les délais de traitement des dossiers.
J'en viens au troisième aspect : le commerce électronique. Ce nouveau type de commerce offre aux consommateurs l'opportunité d'acheter, à partir de leur ordinateur, des produits du monde entier. De nombreuses enquêtes montrent que la protection du consommateur est, dans ce domaine, encore très limitée.
C'est pourquoi il faudra suivre avec vigilance les négociations européennes sur ce sujet, avant d'exminer au Parlement le projet de loi sur la société de l'information que M. le Premier ministre s'est engagé à déposer d'ici à la fin de la session.
Prenant acte de la volonté du Gouvernement de préserver les moyens du budget qui retient aujourd'hui notre attention et de s'attaquer aux grandes questions qui se posent dans ce secteur, je voterai à titre personnel ces crédits.
La commission des affaires économiques a, quant à elle, émis un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la concurrence et la consommation. (Applaudissement sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 24 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de cette intervention sur les crédits de la consommation, je n'insisterai évidemment pas sur leur modicité. Ils traduisent l'aide apportée par l'Etat au fonctionnement de l'Institut national de la consommation et les subventions accordées aux associations de consommateurs.
J'évoquerai cependant une question d'actualité : la négociation entreprise entre ces associations et les établissements de crédit sur la tarification des services bancaires, notamment le traitement des chèques sur formule.
D'une façon plus générale, vous me permettrez de souligner que les associations de consommateurs peuvent jouer un rôle dans le contrôle de l'application de certaines dispositions législatives, par exemple celles qui sont relatives à la réduction des taux de taxe sur la valeur ajoutée.
Je n'ose espérer en la matière que l'application des dispositions de l'article 3 de la présente loi de finances permette la prise en compte de l'apport des associations agréées et l'évaluation des mesures que nous avons votées. Si des dispositions sont prises pour assurer le suivi des dispositions concernées, nous estimons qu'il serait souhaitable d'y associer les associations agréées.
S'agissant de la négociation en cours sur le coût des services bancaires, vous me permettrez de souligner le caractère quelque peu discutable de l'argumentation de l'Association française des banques, qui veut mettre en oeuvre une facturation des chèques émis, quel que soit leur montant ; cela pose une question de principe.
La généralisation de l'usage des instruments de paiement dématérialisés, mouvement que ce projet de loi de finances prolonge d'ailleurs en réduisant encore les seuils de règlement en espèces, fait de la clientèle des établissements de crédit une clientèle quasiment captive.
Concurremment, la mise à l'écart d'un certain nombre de clients par la voie de l'interdit bancaire et la volonté de certains établissements de se « débarrasser » d'une clientèle aux moyens très modestes - les « petits comptes » dans le jargon bancaire- ont tendance à alléger certains coûts de fonctionnement des établissements de crédit.
Nous observons que la démarche des établissements de crédit est conduite au moment même où se déroule la négociation sur la réduction du temps de travail ; elle participe du même objectif : comment dégager, au sein des coûts de fonctionnement, des marges d'économies qui seront autant de moyens de parvenir à une plus forte rentabilité des fonds propres ?
Vous comprendrez que nous soyons clairement opposés à toute perspective de tarification des services bancaires qui apparaîtrait comme une nouvelle inégalité d'accès au crédit entre les habitants de ce pays, selon leur fortune, et entre les entreprises, selon le volume des transactions qu'elles réalisent.
Monsieur le ministre, nous attendons du Gouvernement, sur ces questions, une intervention claire et favorable aux intérêts des consommateurs, en rejetant les orientations des établissements de crédit.
Tels sont les quelques points que je souhaitais évoquer à l'occasion de l'examen de ces crédits.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, le groupe du RPR n'utilisera certainement pas tout son temps de parole. Peut-être ce sujet quelque peu austère ou cette fin de matinée ne sont-ils pas propices à de grands développements...
Monsieur le ministre, n'ayant pas eu l'occasion de vous le dire publiquement, je profiterai de cette intervention pour vous féliciter de votre accession à ces importantes fonctions et vous dire toute l'estime que je vous porte.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous êtes trop bon !
M. Yann Gaillard. Cette estime s'adresse également à notre excellent collègue M. Angels, rapporteur spécial de ce budget, qui nous a dit beaucoup de choses que je me contenterai de reprendre sous une forme différente car, sur bien des points, mon analyse technique ne diffère pas de la sienne.
M. Angels, dans son rapport, nous a livré un tableau des réformes en cours.
Certaines ne poseront pas de problème particulier, comme la création d'une direction des affaires juridiques. Il s'agit seulement de réunir sous une même autorité l'agence judiciaire du Trésor, le secrétariat de la commission centrale des marchés et certains bureaux juridiques du secrétariat de l'Etat à l'industrie, c'est-à-dire des activités assez disparates. Mais pourquoi pas ?
J'observe simplement que les problèmes juridiques les plus aigus que le ministère doit traiter et ceux qui intéressent le plus nos concitoyens relèvent du contentieux fiscal... En cette matière, est-il dans votre intention de donner compétence à la nouvelle direction juridique sur le contentieux fiscal ? Ce serait une révolution, mais elle aurait peut-être l'avantage de faire porter par l'administration un regard neuf et parfois plus objectif que celui des services fiscaux. Mais ne rêvons pas !
D'autres mesures visent à intégrer définitivement l'industrie au bloc « finances ». C'est bien là un signe des temps. Le ministère de l'industrie, tel qu'il fonctionnait au temps de l'Etat interventionniste n'est plus. Que cette disparition soit le fait d'un gouvernement socialiste relève d'un phénomène bien connu : la ruse de l'histoire. J'espère seulement qu'un gouvernement à venir ne ressuscitera pas un ministère de l'industrie. Il faudrait alors mettre à sa disposition, « en tant que de besoin », selon la formule consacrée, ses anciens services.
Je passe sur la création d'une direction des relations avec le public et de la communication, où l'on reconnaît bien la « patte » médiatique de l'ancien ministre de l'économie et des finances, votre prédécesseur. Je souhaite seulement que la première moitié du nom de cette nouvelle direction - les relations avec le public - ne soit pas moins importante dans votre esprit, monsieur le ministre, que la seconde, c'est-à-dire la communication. Mais je ne doute pas, connaissant votre personnalité, que vous aurez à coeur d'apporter votre attention à l'une et à l'autre.
J'en viens à la réforme la plus importante, celle qui est encore en projet et qui, si elle est menée à son terme, constituera un véritable bouleversement, portant sur les compétences de la direction de la comptabilité publique et de la direction générale des impôts, ainsi que sur leurs éventuelles rectifications de frontières.
C'est un fait, monsieur le ministre : votre maison est constituée de fiefs qui se surveillent jalousement. Par ailleurs, le contribuable, dès lors qu'il n'est pas un simple salarié, peut se perdre dans cette géographie administrative.
Je me souviens à ce propos d'une anecdote déjà ancienne. Il m'est arrivé, quand j'étais à l'Inspection générale des finances, de constater qu'un notaire avait été poursuivi par le receveur des impôts. Son crime ? Avoir payé, au nom d'un de ses clients, sur les fonds disponibles à l'étude, le percepteur - on ne disait pas encore « trésorier » - alors que c'était le comptable de la direction générale des impôts qui avait pris des sûretés réelles et qui, donc, devait passer avant son collègue. Je ne parvins pas à faire entendre raison aux services du contentieux de la direction générale des impôts, alors qu'en tout état de cause le Trésor public, au sens éminent du terme, avait reçu son dû.
On parle beaucoup d'une direction des grandes entreprises - au-dessus de 4 milliards de francs de chiffre d'affaires - qui donnerait à celles-ci un interlocuteur unique aussi bien pour l'assiette que pour le recouvrement. Cette création est-elle confirmée ? Des bruits contradictoires circulent, à la suite notamment du départ de la direction générale des impôts de son directeur, M. Beaufret.
Une telle réforme suscite de multiples questions, à commencer par celle du contrôle. La direction des vérifications nationales et internationales, « hyper service » de contrôle, spécialisé dans les grandes entreprises, justement, verra-t-elle les limites de ses compétences - actuellement à 400 millions de francs, si je ne me trompe - adaptées à cette nouvelle situation ?
Qu'il faille simplifier, rendre plus clair le partage des compétences entre les deux directions, entre les deux baronnies, dotées de syndicats puissants, j'en conviens. Mais faut-il une spécialisation par clientèle ? Ne faut-il pas au contraire considérer la réalité technique des métiers et des compétences ? Je suis pour ma part convaincu, et depuis longtemps - je reprends ici un développement de M. Angels - que la bonne voie, c'est d'avoir en France une grande administration d'assiette et de contrôle, la direction générale des impôts, et une grande direction de recouvrement, la direction générale de la comptabilité publique.
Cette séparation entre l'assiette et le recouvrement devrait même être érigée en principe déontologique, tout comme la séparation des ordonnateurs et des comptables. Cela entraînerait l'unification des réseaux, avec la disparition des recettes des impôts, ce qui, certes, poserait des problèmes de carrière aux personnels ; ce sont des problèmes délicats, mais pas insolubles.
D'après ce que l'on a dit, le rapport Lépine - mais je n'en ai pas eu connaissance - juge que le système français de recouvrement serait moins productif que ceux des pays comparables au nôtre. Cette improductivité est due, sans doute, au nombre de petites taxes ou parataxes de faible rendement et de fort coût de recouvrement qui existent encore dans notre système et sur lesquelles le projet de budget revient. Elle résulte aussi - n'en doutons pas - de la pluralité des réseaux publics de recouvrement - DGCP, DGI et douanes - qui rend impossibles les économies d'échelle.
Je voudrais être sûr, monsieur le ministre, que, pour des raisons de communication et d'affichage, on ne s'éloignera pas de ce qui devrait être, à mon humble sens, la véritable réforme du ministère de l'économie et des finances.
Je souhaiterais enfin, comme M. le rapporteur spécial, avoir quelques informations sur les préconisations du rapport de MM. Champsaur et Bert, et sur les conséquences que le Gouvernement souhaite en tirer pour la réforme si nécessaire de ce ministère, dont on peut bien dire qu'il est le ministère par excellence que l'on critique souvent, mais dont on ne peut se détacher sentimentalement quand on a eu l'honneur d'y servir. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Avant de vous donner la parole, monsieur le ministre, je tiens à joindre mes félicitations à celles qui vous ont été exprimées ce matin.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Merci !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez abordé le débat relatif aux services financiers, c'est-à-dire au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et, implicitement, au budget dont j'ai la charge.
Je voudrais d'emblée remercier M. Angels comme Mme Terrade de leurs exposés tant sur le budget des services financiers, dont je parlerai principalement, que sur celui de la consommation qui, s'il est petit, n'est pas du tout insignifiant, comme Mme le rapporteur pour avis l'a fort bien souligné.
M. Angels a décrit avec une grande clarté le budget des services financiers. Il a souligné que ce budget, qui est, à structure constante, de 77,7 milliards de francs, a connu une progression de 1999 à 2000 de 1,8 %, que je qualifierai de raisonnable compte tenu du poids des charges de personnel.
Si l'on tient compte des changements de périmètre de ce ministère, ce budget s'élève, en fait, à 90,7 milliards de francs.
Notons parmi les changements le fait que, pour l'an 2000, le budget soit unique pour l'économie, les finances et l'industrie. Et, même si M. Gaillard regrette le passé interventionniste de l'Etat dans le domaine industriel, je crois que cela va dans le sens de l'histoire.
Le deuxième changement, plus technique que politique, tient à l'inscription des crédits de fonctionnement et d'informatique dans un chapitre commun.
Le troisième changement - je l'ai évoqué tout à l'heure en intervenant dans le débat sur les charges communes - tient à la réintégration de 10,8 milliards de francs de crédits provenant des charges communes dans le budget proprement dit du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Il s'agit, pour l'essentiel, des crédits d'aide extérieure, de soutien aux entreprises à l'exportation ou de diverses conventions fiscales.
J'articulerai ma réponse autour de trois principes : la transparence, la maîtrise et la modernisation.
En ce qui concerne la transparence, il y a eu 10 milliards de francs de budgétisation l'an dernier. C'était effectivement un pas de géant, monsieur Angels. Cette année, 2 260 milliards de francs sont inclus dans le budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie grâce à trois opérations.
Il s'agit, tout d'abord, de la budgétisation des crédits de l'article 55 - le Sénat avait beaucoup insisté sur ce point dans le passé - pour 301 milliards de francs. Ce sont des crédits qui étaient ouverts au bénéfice de la direction générale des impôts à partir d'une recette de conservation des hypothèques pour financer l'informatisation des conservations.
Il s'agit ensuite de la budgétisation de 1,7 milliard de francs de fonds de concours principalement de l'industrie - contrôle technique des véhicules, activités de mesure, installations classées, surveillance des installations nucléaires - mais aussi des douanes et de la direction générale des impôts.
Enfin - je tiens à insister sur ce sujet puisque de nombreux sénateurs m'ont adressé des correspondances - nous avons voulu reprendre dans le budget, à hauteur de 247 millions de francs, des actions d'intérêt général qui sont menées par certains centres techniques industriels : papier, fonderie, textile et habillement, notamment. Nous nous sommes concertés avec les professionnels pour ne plus faire supporter les taxes parafiscales qui finançaient ces centres techniques industriels par la profession : leur financement sera dorénavant garanti à partir de ressources générales.
Il me paraît par exemple important pour le textile et l'habillement de mettre un terme aux taxes parafiscales qui handicapaient ce secteur dans une compétition internationale déjà fort dure.
Nous n'avons pas terminé le travail, mais nous allons vers une application complète de l'article 110 de la loi de finances pour 1996 qui prévoyait la réintégration dans le budget des recettes et des dépenses extrabudgétaires.
Nous allons continuer, mon objectif étant d'achever cette réintégration en 2001, notamment pour l'ensemble des recettes et des dépenses de l'activité d'épargne du Trésor public.
Toujours à propos de la transparence, je voudrais aborder un sujet qui ne figure ni dans le rapport écrit ni dans le rapport oral de M. Angels : la réforme essentielle qui porte sur la clarification juridique des régimes indemnitaires des agents du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Une tâche importante nous attend en la matière. Je l'ai annoncé aux syndicats du ministère lors du comité technique paritaire du 17 septembre dernier, et je voudrais éclairer la Haute Assemblée sur ce que je vais faire en 2000 sur ce point essentiel.
Nous allons passer en revue des régimes indemnitaires qui sont souvent très anciens, tout en tenant compte des spécificités des métiers, qui sont très nombreux dans ce ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Nous ferons cet inventaire en respectant deux objectifs, en nous appuyant sur trois principes et en appliquant une méthode.
Les objectifs sont, d'abord, de refonder juridiquement ces régimes dans l'esprit d'une circulaire - vous en avez peut-être noté la publication, le 1er octobre dernier, au Journal officiel - qui a été signée par le directeur du budget et le directeur général de la fonction publique.
C'est un fait que, dans ce ministère - mais cela peut arriver dans d'autres - certaines indemnités versées aux agents reposent sur des textes anciens - ils datent souvent des années cinquante - et parfois juridiquement fragiles, ce qui peut aller à l'encontre de l'intérêt des agents concernés.
Le premier objectif est donc de refonder juridiquement ces régimes indemnitaires.
Le deuxième objectif est de permettre que cette réforme conduise à une gestion à la fois dynamique et équitable des personnels du ministère en mettant en place des dispositifs simples, transparents et justes, d'où les trois principes que je veux mentionner pour rassurer la Haute Assemblée et, à travers elle, les agents du ministère, car il est bien évident que cette réforme est faite pour eux et non pas contre eux.
Premier principe : les agents du ministère doivent être assurés du maintien au niveau actuel moyen de leur rémunération par corps et par grade.
Deuxième principe : si cela apparaît nécessaire, des dispositifs de garantie individuelle devront être envisagés pour les agents susceptibles de subir une perte de revenu.
Troisième principe : il est évident - mais il est bon de le rappeler -, que les indemnités doivent être fiscalisées dans le cadre de dispositions de droit commun.
Certes, les agents du ministère peuvent, en application de l'article 81 du code général des impôts, percevoir des indemnités destinées à couvrir des frais inhérents à leur fonction ou à leur emploi, lesquelles sont donc exonérées de l'impôt sur le revenu. Mais j'ai demandé que toutes les indemnités de ce type fassent l'objet d'un examen rigoureux au regard des critères définis par le code général des impôts, et cela dès les revenus de l'année 2000.
J'en viens, enfin, à la méthode.
Cet inventaire ayant été réalisé de façon exhaustive, les textes nécessaires seront définis en liaison avec les organisations syndicales, dont je vous ai dit tout à l'heure qu'elles avaient été informées du lancement de ce projet le 17 septembre.
J'ai été un peu long sur ce projet de clarification des régimes indemnitaires, mais je crois qu'il faut, en la matière, apporter transparence et équité, ce qui n'était pas systématiquement le cas jusqu'à présent.
S'agissant maintenant du deuxième point, la maîtrise de la dépense du ministère, M. Angels a fort bien souligné que l'évolution des effectifs allait se faire en fonction des gains d'efficacité. En effet, cette administration a la chance de pouvoir mobiliser les technologies les plus modernes, des traitements répétitifs se prêtant à l'automatisation, et elle bénéficiera des mesures de simplification qui vous sont proposées dans chaque budget.
Par conséquent, les effectifs vont diminuer l'an prochain, les gains d'efficacité permettant la suppression de 654 emplois, soit 0,36 % de l'effectif de l'ensemble du ministère, suppressions qui ne sont, en fait, que des transferts de postes budgétaires vers d'autres ministères, M. le Premier ministre ayant posé le principe de la stabilité des effectifs civils de l'Etat.
Je passerai rapidement sur les crédits. Ils progressent, comme je l'ai dit tout à l'heure, de 1,8 % à structure constante. Les crédits de personnel, sur lesquels M. Angels a insisté, ainsi que ceux de l'action sociale représentent 57 % du budget, et donc une part importante.
Les moyens de fonctionnement sont stabilisés en volume, ce qui n'empêche pas de financer des actions nouvelles, notamment - Mme Terrade y a fait allusion - la participation de mon ministère au financement de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, dont vous savez qu'elle joue désormais un rôle important.
Les crédits destinés à l'informatique permettront de bénéficier de toutes les nouvelles technologies, et les crédits d'investissement, qui sont tout à fait substantiels - 943 millions de francs en autorisations de programme et 982 millions de francs en crédits de paiement - seront, pour l'essentiel, affectés à la rénovation des services territoriaux du ministère ainsi qu'à la modernisation des moyens de la douane pour lutter contre la fraude.
J'en viens au troisième et dernier point : la modernisation du ministère. Elle se fait par une démarche contractuelle et ambitieuse.
M. Angels a fort bien démontré que nous changions de logique. Nous passons en effet d'une logique de dépenses à une logique de contrats d'objectifs.
Monsieur le sénateur, vous avez cité le contrat passé par la Direction générale des impôts, en particulier par son directeur général, M. Jean-Pascal Beaufret, qui, après deux ans d'un excellent travail, a décidé de rejoindre le secteur privé, ce qui est son droit le plus strict. Ce contrat comporte des objectifs précis qui sont assignés en matière aussi bien de contrôle fiscal que de qualité d'accueil des contribuables. Le contrat, tout à fait exemplaire, donne au directeur général des impôts une souplesse et une prévisibilité de moyens sur la période 2000-2002, avec pour seule obligation - mais quelle obligation ! - d'atteindre un certain nombre d'objectifs et de dégager certains gains d'efficacité.
Ce contrat est une sorte de préfiguration de la réforme dont vous avez rappelé les principes et que M. Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons lancée en avril dernier. Nous voulons - c'est simple à dire, mais ce n'est pas si facile à faire - donner la priorité à l'usager, car le service public de l'impôt doit être destiné, au premier chef, au contribuable.
Nous voulons aussi que cette réforme, tournée vers l'usager, ne se fasse pas au détriment des agents. Elle doit au contraire se faire avec eux, avec les cadres et l'ensemble du personnel du ministère.
L'objectif sur lequel je reviendrai d'un mot, à la suite de l'intervention de M. Gaillard, est clair ; il s'agit de s'orienter vers un service public plus performant, du type de celui que l'on trouve à EDF ou à France Télécom, c'est-à-dire que l'usager doit pouvoir s'adresser à un fonctionnaire capable de traiter la plupart des problèmes simples que se pose un contribuable pour l'établissement et le paiement de son impôt.
Nous nous orientons donc, d'ici à 2003, vers ce que l'on appelle un correspondant fiscal unique aussi bien pour les grandes entreprises - c'est la direction des grandes entreprises dont M. Angels a parlé et qui sera mise en place dès l'an prochain - que pour les petites et moyennes entreprises et les particuliers. C'est la première orientation.
Nous entendons aussi simplifier les obligations déclaratives des contribuables, salariés et pensionnés, en nous orientant, d'ici à 2001, vers une « déclaration expresse », sur laquelle seront préimprimés leur état civil et le montant de leur salaire ou de leur retraite, tel qu'il est déclaré par des tiers. C'est la deuxième orientation.
Le dernier point de cette réforme vise à doter chaque petite ou moyenne entreprise d'un correspondant économique unique.
Comme M. Angels l'a fort bien dit, nous avons confié à deux hauts fonctionnaires, M. Paul Champsaur, directeur général de l'INSEE, et M. Thierry Bert, chef du service de l'inspection générale des finances, une « mission 2003 ». Je ne suis pas en mesure de transmettre leurs conclusions à M. Angels, malgré tout le désir que j'ai de le faire, car ils ne m'ont pas encore remis leur rapport. Mais il est bien évident que j'informerai les assemblées dès que ce sera possible.
Une fois éclairé par ce rapport et tenant compte du dialogue continu qui est mené avec les organisations syndicales, je prendrai alors des décisions dans le courant du mois de janvier.
Comme M. Gaillard, M. Angels s'est également interrogé - cela ne m'a pas étonné de la part d'un sénateur qui plus est plein de talent, sur l'évolution des réseaux, celui des impôts et celui du Trésor.
A ce stade du débat, je m'en tiendrai à deux considérations.
Tout d'abord, contrairement à ce qu'a dit M. Gaillard, le ministère n'est pas constitué de fiefs entourés de barbelés ou de frontières. Il a même beaucoup progressé, depuis deux ans et demi, vers une mentalité de service à l'usager.
Une chose est importante ; que l'usager bénéficie du meilleur service public de l'impôt sur le terrain, que ce soit en milieu rural, en banlieue ou en centre-ville. C'est ce que nous cherchons à obtenir afin qu'un contribuable n'ait pas à aller d'un bureau à l'autre pour résoudre ses problèmes.
S'agissant ensuite du réseau du Trésor, auquel vous avez fait allusion, monsieur Angels - et vous n'êtes pas le seul - le réseau des trésoreries répond à deux types d'usagers : les contribuables, certes, mais aussi et surtout les collectivités locales.
J'ai bien noté, à l'occasion d'un colloque organisé par M. le président de la Haute Assemblée, le souhait que les fonctionnaires du Trésor apportent aux collectivités locales, plus particulièrement aux plus petites d'entre elles, un service d'information, un service de conseil renforcé. Je garde ce souhait présent à l'esprit dans ma démarche qui vise à réformer les services du ministère.
J'en viens aux questions posées par M. Angels.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez souligné qu'il existait un décalage entre les emplois budgétaires et les effectifs équivalents à temps plein du ministère. Cela montre le côté pointu de votre observation. Ce décalage, facile à comprendre, tient au fait que les départs se font à un rythme continu, alors que les recrutements se font, comme dans beaucoup d'administrations, à date fixe. Il s'est réduit au cours des années précédentes, et il est aujourd'hui inférieur à 1 %. Nous cherchons, autant que faire se peut, à ajuster les emplois budgétaires et les emplois réels.
Vous avez mentionné - c'est une observation que je reprends à mon compte - la qualité de la relation entre le Sénat, la direction de la prévision et l'INSEE. C'est une collaboration ancienne. Vous avez eu la cordialité de souligner qu'une étude récente sur la dette publique et des projections à moyen terme émanant de l'INSEE avaient rendu service à la Haute Assemblée. Personnellement, je m'en réjouis.
Etendant votre curiosité, vous avez demandé que les rapporteurs spéciaux, au moins, aient accès à l'ensemble des rapports de l'Inspection générale des finances. J'imagine que vos homologues présentent la même demande pour les autres inspections, car l'Inspection générale des finances n'est qu'une inspection générale parmi d'autres, comme chacun le sait. (Mme Beaudeau acquiesce.)
Il s'agit d'un service administratif placé sous mon autorité qui, comme tous les services administratifs, est régi par des règles de communication. Le principe est de ne pas rendre ces rapports publics, afin de préserver les intérêts généraux protégés par la loi ; mais, lorsque ces derniers ne sont pas en cause, il arrive, comme vous l'avez souligné, que le Gouvernement rende publics certains de ces rapports. Je resterai ouvert dans ce domaine, afin, sans être systématique, que la Haute Assemblée accède aux meilleures informations.
Mme Terrade a dit que le budget de la consommation, s'il ne représentait que 2 % du budget général, était qualitativement un budget d'une grande importance. Elle a aussi souligné le rôle de la sécurité alimentaire, d'une part, et celui des associations de consommateurs, d'autre part.
Je n'ai pas de commentaire particulier à ajouter à l'exposé général que vous avez fait, madame la sénatrice. Je répondrai seulement à deux de vos préoccupations.
La première porte sur la réforme de l'Institut national de la consommation.
Lorsque nous sommes arrivés aux affaires, cet institut était en crise. Ma collègue Marylise Lebranchu s'est attachée, depuis deux ans et demi, à lui redonner un avenir, avec la double préoccupation qu'il soit effectivement l'institut national de la consommation, mais aussi l'institut national des consommateurs. Sur ce point encore, vous pouvez le constater, nous avons le souci de l'usager.
Nous sommes donc décidés à renforcer ces deux missions essentielles de l'INC, qui doit être à la fois une source d'information sur la consommation à l'intention des associations et un centre d'information pour le grand public, c'est-à-dire directement pour les consommateurs, grâce à ses médias de qualité.
La réforme va donc s'articuler dans trois directions : premièrement, dans le sens du développement des relations contractuelles entre l'INC et les associations de consommateurs ; deuxièmement, dans la mise en place d'un véritable réseau d'information des structures régionales d'appui au mouvement consommateur ; troisièmement, vers l'ouverture de l'INC à tous les publics en remodelant le conseil d'administration.
Dès le début de l'an prochain, un décret paraîtra pour concrétiser les engagements que je prends devant vous.
Nous compléterons cette modernisation juridique par un contrat passé entre l'Etat et l'Institut national de la consommation portant sur la période 2000-2002, de façon que ce dernier se voie fixer des objectifs bien déterminés et dispose de moyens clairement définis pour fonctionner.
Le deuxième point qui vous préoccupe concerne les commissions de surendettement.
Il est vrai qu'après la décision salutaire prise par M. le Premier ministre, le 27 septembre, d'exonérer d'impôt les chômeurs en situation de surendettement, ces commissions voient affluer les dossiers.
Mon ministère a accompli un gros effort d'information à ce propos. Nombre de chômeurs en difficulté s'adressent soit au centre des impôts, soit à la trésorerie de leur quartier : ils peuvent aller à l'un ou à l'autre ; il leur suffit de rédiger une demande écrite d'exonération d'impôt en apportant le seul justificatif du fait qu'ils sont au chômage. Ils n'ont même pas besoin de prouver qu'ils ont déposé un dossier devant la commission de surendettement. En revanche, ils devront l'avoir fait avant la date limite prévue.
Conscient que de nombreux chômeurs étaient concernés et qu'en dépit de l'action des associations et des élus ils ne recevaient pas tous l'information nécessaire en temps voulu, j'ai décidé le report de la date limite du 31 décembre au 31 janvier. Nous ne voulons pas que des chômeurs surendettés en très grande difficulté dépassent la fin de l'année sans avoir eu le temps d'accomplir les formalités requises. Aussi, je vous invite tous, mesdames, messieurs les sénateurs, à faire connaître cette mesure, qui correspond à l'intention généreuse du Gouvernement, de la majorité qui le soutient à l'Assemblée nationale et de la valeureuse minorité qui l'appuie au Sénat.
Mme Beaudeau a évoqué à nouveau les relations entre les associations de consommateurs et les banques. Je lui confirme qu'une négociation est en cours, négociation difficile à mener, même par M. Jolivet, qui connaît fort bien le sujet. Elle a pour objet d'étendre le droit de la concurrence à certains aspects de l'activité bancaire, ce qui est un plus pour les consommateurs, et d'adapter les pratiques bancaires qui existent en France à celles qui ont cours en Europe.
Je suis cette négociation avec attention, madame Beaudeau, en portant un intérêt particulier à la qualité du service rendu par nos banques, y compris aux usagers les plus modestes, dont vous avez souligné l'importance, mais aussi à la compétitivité de notre industrie bancaire.
M. Gaillard est intervenu de façon pondérée et plutôt encourageante sur la réforme en cours. Je crois avoir répondu à la plupart de ses interrogations.
Je lui indiquerai simplement que la direction des activités juridiques, la direction des relations du personnel - elle porte un nom plus joli que cela ! - et la direction de la communication constituent des directions à part entière, pour un ministère à part entière.
En ce qui concerne les grandes entreprises, les activités de gestion de l'impôt qui seront réalisées par la direction des grandes entreprises et dont M. Angels a parlé sont séparées de la direction des vérifications nationales, qui est seule chargée du contrôle. Il est important de séparer la gestion et les contrôles. Au demeurant, les autres principes que vous avancez méritent d'être examinés.
Je conclurai en vous indiquant, mesdames, messieurs les sénateurs, que, selon le rapport Lépine, le coût de l'impôt en France est à peu près équivalent à ce qu'il est en Allemagne et en Italie, mais qu'il est trois fois supérieur à ce qu'il est en Suède.
C'est pourquoi je compte poursuivre la modernisation du ministère avec toute l'énergie possible dans l'intention d'améliorer le service aux usagers, d'enrichir les tâches des agents du ministère et d'assurer le meilleur service public au moindre coût. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Gaillard applaudit également.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits figurant aux états B et C et concernant l'économie, les finances et l'industrie : I. - Economie, finances et industrie (et consommation).
Je rappelle au Sénat que ces crédits seront mis aux voix aujourd'hui même, à la fin de l'examen des crédits affectés au commerce extérieur.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 4 806 315 457 francs. »