Séance du 6 décembre 1999







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'emploi et la solidarité : I. - Emploi.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à périmètre constant, les crédits inscrits au projet de budget de l'emploi progressent de 2,3 % par rapport à 1999, la croissance moyenne des dépenses de l'Etat étant limitée à 0,9 %.
Je souhaiterais, dès à présent, attirer votre attention sur un point essentiel de ce projet de budget, qui concerne une modification importante de la nomenclature budgétaire.
En effet, les crédits du ministère de l'emploi s'élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2000, à 122,06 milliards de francs, alors qu'ils s'établissaient à 162,06 milliards de francs en 1999.
Cette diminution apparente de près de 25 % des crédits résulte du fait que le financement de la « ristourne dégressive » sur les bas salaires n'est plus inscrit au budget de l'emploi dans le projet de loi de finances pour 2000.
Les dépenses engagées à ce titre, soit 39,49 milliards de francs, seront prises en charge, dans le dispositif mis en place par le Gouvernement, par le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, dont la création est prévue par l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Une part du produit du droit de consommation sur les tabacs manufacturés devrait alors être affectée à ce nouveau fonds, pour assurer, à même hauteur, le financement de la « ristourne dégressive ».
La nomenclature budgétaire subit ainsi une seconde modification très importante en deux ans, car les crédits finançant cette ristourne étaient inscrits, avant 1999, au budget des charges communes, pour un montant de 43 milliards de francs.
La Cour des comptes avait recommandé cette modification technique dont les effets sont pourtant éminemment politiques. En effet, la prise en compte de ces 40 milliards de francs permettait, selon la Cour des comptes, de disposer d'une vue d'ensemble de l'effort budgétaire consenti en faveur de l'emploi. La Cour des comptes était auparavant contrainte de construire un « budget consolidé de l'emploi » comprenant les crédits de l'emploi proprement dits et ceux du chapitre 44-75 du budget des charges communes. Le financement des allégements de charges sociales par un fonds distinct du budget de l'emploi devrait susciter les mêmes critiques de la part de la Cour des comptes.
Toutefois, je m'interroge sur la sincérité de l'évaluation des crédits de la « ristourne dégressive ».
En effet, en 1998, les crédits destinés au financement de cette disposition fondamentale de la politique de l'emploi, dont les effets ont pu être mesurés en termes de création de vrais emplois, c'est-à-dire d'emplois marchands, avaient été arbitrairement réduits par le Gouvernement, afin de constituer une provision de 3 milliards de francs destinée au financement des 35 heures. Cette ponction avait alors amoindri les crédits affectés au financement de la « ristourne dégressive », rendant, de ce fait, indispensable leur abondement par la loi de finances rectificative pour 1998 à hauteur de 3 milliards de francs.
En 1999, ces crédits avaient progressé, pour atteindre 42,725 milliards de francs, mais ils diminuent de nouveau en 2000, les crédits transférés au fonds de financement des 35 heures s'élevant non pas à 42,725 milliards de francs, mais, comme je l'ai dit, à 39,49 milliards de francs. Cette réduction de crédits de 3,235 milliards de francs n'est pas motivée, à l'exception d'un vague « ajustement aux besoins ». Soit ces crédits ont été « surcalibrés » en 1999, soit ils seront insufffisants en 2000 !
Je souhaiterais maintenant, mes chers collègues, vous faire part des quatre principales observations que m'inspirent les dotations allouées à l'amploi pour 2000.
Première observation : de nombreux dysfonctionnements ont marqué l'exécution du budget de l'emploi.
La Cour des comptes a en effet présenté, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1998, sa première monographie consacrée au budget de l'emploi.
Après avoir rappelé que le budget de l'emploi est désormais le deuxième budget civil de l'Etat après celui de l'enseignement scolaire, ses dotations ayant progressé de plus de 36 % depuis 1994, elle considère que ce budget est soumis à une inertie qui en rend la réorientation difficile.
Elle se montre également sévère s'agissant de l'effort de maîtrise des dotations budgétaires, qu'elle qualifie d'« insuffisant ».
Par ailleurs, son analyse conforte celle que j'avais développée l'année dernière, lorsque j'avais souligné que le financement des priorités gouvernementales était assuré par la réalisation d'économies significatives, baptisées, pour la circonstance, « recentrages ».
Enfin, l'une des conclusions de son rapport insiste sur le fait que « le budget de l'Etat ne retrace qu'une partie des financements publics de la politique de l'emploi et de la formation professionnelle ». Je considère, dès lors, que le projet de budget pour 2000 opère des choix très contestables. C'est le cas, par exemple, de la création de 130 emplois, motivée, d'après le Gouvernement lui-même, par la mise en place de la réduction autoritaire du temps de travail. Non seulement les effectifs budgétaires du ministère continuent de croître, mais la Cour des comptes a également rappelé que la gestion des emplois par le ministère était loin d'être optimale.
En effet, dans un courrier en date du 28 juillet 1998 qui vous était adressé, madame la ministre, le premier président de la Cour des comptes, M. Pierre Joxe, écrivait que « la Cour a relevé que les effectifs dont disposait le ministère étaient éloignés des prévisions et autorisations de la loi de finances initiale. La description des effectifs qui figure en loi de finances initiale ne correspond pas à la réalité ». Il concluait qu' « une amélioration de la gestion prévisionnelle des effectifs est indispensable ».
Dans ces conditions, la création de ces nouveaux emplois me paraît inopportune.
Deuxième observation : le coût du dispositif des emplois-jeunes va croissant.
Les emplois-jeunes constituent l'une des deux priorités du Gouvernement en matière d'emploi, avec la réduction du temps de travail. Or cette priorité est extrêmement onéreuse, et son coût croît régulièrement chaque année.
Ainsi, 21,34 milliards de francs sont inscrits au budget de l'emploi pour 2000 au titre du financement des emplois-jeunes, soit une augmentation de 53,3 % par rapport à 1999.
Je vous rappelle que, à terme, le nombre des emplois-jeunes devrait s'élever à 350 000, soit un coût, en année pleine, de 33,25 milliards de francs. Pourtant, le Gouvernement a fixé à 300 000 le nombre total d'emplois-jeunes en 2000. Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner les raisons de cette révision à la baisse de l'une des « mesures phares » du Gouvernement en matière d'emploi ?
En outre, le budget de l'emploi ne regroupe pas l'ensemble des crédits destinés au financement de cedispositif.
En effet, l'éducation nationale a recruté des aides-éducateurs, le ministère de l'intérieur des adjoints de sécurité, et l'outre-mer bénéficie de 11 000 emplois-jeunes. Le coût total des emplois-jeunes en 2000 s'élèvera donc à près de 24 milliards de francs.
Enfin, je vous rappelle que l'avenir de ces jeunes est pour le moins incertain, et qu'il est à craindre qu'un nombre important d'entre eux ne vienne accroître les effectifs des fonctionnaires et, par conséquent, les dépenses du budget général.
La Commission européenne, dans son rapport sur l'emploi, s'est d'ailleurs montrée extrêmement critique sur ce dispositif que le Gouvernement a présenté, au même titre que la réduction autoritaire du temps de travail, comme une « bonne pratique » qu'il s'agit de diffuser. Elle estime ainsi que les emplois-jeunes « ont contribué au recul du chômage des jeunes en 1998 », c'est incontestable, mais que « la survie de ces postes, une fois qu'aura pris fin le soutien financier des pouvoirs publics, dépendra de la capacité du programme à générer des emplois économiquement viables ».
Troisième observation : le financement des 35 heures n'est pas assuré.
Mon rapport comporte des développements assez précis sur ce point. Je me contenterai ici de rappeler les principaux éléments de ce dossier complexe.
Seuls 4,3 milliards de francs sont inscrits au projet de budget de l'emploi pour 2000 au titre du passage aux 35 heures, alors que son coût est estimé à 25 milliards de francs environ pour l'année prochaine.
Le financement des 35 heures est, en effet, une véritable « usine à gaz ». Ses modalités reposent en grande partie sur les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 et sur un raisonnement postulant le succès du passage aux 35 heures, le dispositif s'autofinançant en partie.
Or le financement du dispositif n'est pas totalement assuré.
Tout d'abord, celui-ci conduit à créer deux nouveaux prélèvements : une contribution sociale sur les entreprises et une « écotaxe ». La fiscalité pesant sur les entreprises restera donc lourde.
Ensuite, il prévoyait de mettre à contribution les organismes de protection sociale, les caisses de sécurité sociale et l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, l'UNEDIC. Or les partenaires sociaux étaient opposés à cette solution. Le Gouvernement, reconnaissant implicitement son erreur, a fini par reculer lors de l'examen du texte à l'Assembléenationale.
L'argument du Gouvernement repose sur des « voeux pieux », c'est-à-dire sur l'hypothèse que les 35 heures seront à l'origine de nombreuses créations d'emplois. Cela permettrait de « recycler » les économies de la sécurité sociale, constituées par les moindres dépenses et par les suppléments de recettes résultant, pour les régimes sociaux, des 35 heures.
On se rend compte que ce « recyclage », parfois aussi appelé « autofinancement », est particulièrement hasardeux. En effet, si les 35 heures ne créent pas d'emplois ou très peu, comme le montre le rapport de notre collègue Joël Bourdin, rédigé au nom de la délégation du Sénat pour la planification, il n'y aura pas d'économies à « recycler », et il faudra trouver le financement ailleurs... C'est finalement ce qui s'est produit, dès avant l'adoption de la loi sur les 35 heures ! De « recyclage » et d'auto-financement, il n'en est plus question.
Le produit de la taxation des heures supplémentaires, ainsi que celui des droits sur les alcools, aujourd'hui affectés au fonds de solidarité vieillesse et à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, viendront abonder le fonds de financement. Le Gouvernement a renoncé à imposer une contribution à l'UNEDIC et au régime général de sécurité sociale et a préféré priver ce dernier d'une partie de ses ressources...
J'estime que le Sénat ne saurait cautionner un tel « bricolage » qui est, par d'ailleurs, lourd de menaces pour les finances publiques.
Quatrième observation : les gisements d'économies existent dans le budget de l'emploi.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1998, devant la volonté du Sénat de réaliser des économies budgétaires sur les crédits de l'emploi, vous nous opposiez, madame la ministre, la réponse suivante : « Doit-on faire de même pour l'insertion des publics en difficulté ? » Vous alliez jusqu'à ajouter : « Je ne comprends pas très bien où vous souhaitez réduire les crédits du titre IV. » Merci, madame la ministre, de nous avoir vous-même apporté la réponse !
L'arrêté d'annulation du 2 septembre dernier a, en effet, annulé 3,05 milliards de francs de crédits au titre de l'emploi et de la solidarité, dont 750 millions de francs au détriment du financement de la formation professionnelle, 1,2 milliard de francs au titre des dispositifs d'insertion des publics en difficulté - alors que cet axe est présenté comme l'une des priorités du ministère de l'emploi - et 1,1 milliard de francs sur les crédits destinés à compenser l'exonération des cotisations sociales.
Par ailleurs, les annulations de crédits associées au collectif pour 1999 prévoient d'amputer les crédits de l'emploi de 4,39 milliards de francs, dont 1 milliard de francs au titre des dispositifs d'insertion des publics en difficulté et 1,3 milliard de francs au titre du programme des emplois-jeunes, ces deux dispositifs étant désignés comme des priorités du Gouvernement en matière de politique de l'emploi.
Au total, le budget de l'emploi aura donc été réduit de près de 7,5 milliards de francs en 1999.
Madame la ministre, j'aimerais que vous nous expliquiez comment ce qui était impossible - presque sacrilège - hier est devenu possible aujourd'hui, et ce au détriment du financement des dispositifs prioritaires du Gouvernement.
Parce que le budget de l'emploi est mal géré, parce qu'il est aujourd'hui tronqué, parce qu'il promeut des politiques de type administratif et étatiste, parce qu'il est tout entier subordonné à la mise en oeuvre d'une décision autoritaire, arbitraire et idéologique, je demande au Sénat de rejeter les crédits de l'emploi pour l'année 2000.
M. le président. La parole est à M. Souvet, rapporteur pour avis.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le travail et l'emploi. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'année 1999 devait être l'année de la réforme de l'assiette des cotisations sociales patronales. Il était également prévu que le Gouvernement procède à une grande refonte de la formation professionnelle, dont on pouvait espérer qu'elle permettrait de dégager les moyens financiers nécessaires à la mise en oeuvre d'un projet ambitieux. Enfin, la commission des affaires sociales du Sénat escomptait que seraient adoptées des dispositions particulières permettant d'assurer la professionnalisation des emplois-jeunes, en tenant compte des remarques qu'elle avait formulées à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 1999.
Force est de constater que ce budget de l'emploi et de la formation professionnelle ne répond pas à ces attentes. Il comporte, certes, des dispositions qui vont dans le bon sens : les moyens du service de l'emploi sont renforcés, les contrats aidés font l'objet d'une évaluation et d'adaptations qui s'avéraient nécessaires.
Mais les réponses attendues ne sont pas au rendez-vous. Les effectifs de la formation en alternance stagnent : l'Etat continue à prélever sur le fonds de la formation professionnelle pour compenser des économies budgétaires sur les engagements qui demeurent à sa charge ; près de la moitié des emplois-jeunes ne savent pas quel avenir leur est réservé ; enfin, la grande réforme des cotisations sociales patronales a pris, comme l'a dit M. le rapporteur spécial, la forme d'une « usine à gaz » ayant pour vocation principale d'assurer le financement des 35 heures.
Ces dispositions se traduisent par un profond changement de la nomenclature du budget de l'emploi, marqué par le transfert des allégements de cotisations sociales - c'est la « ristourne dégressive » - et des aides à la réduction du temps de travail à un fonds de financement de la réforme des cotisations patronales créé par l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En conséquence, les crédits du budget de l'emploi s'élèveront à 122,06 milliards de francs en 2000 contre 119,32 milliards de francs en 1999 à périmètre 2000 constant, c'est-à-dire hors ristourne dégressive, ce qui représente une hausse de 2,3 % des crédits.
On observera qu'à structure constante 1999, c'est-à-dire en ajoutant aux crédits de l'emploi pour 2000 la ristourne dégressive telle que débudgétisée après « ajustement au besoin », le budget de l'emploi est en baisse de 0,3 %. Cela illustre bien les précautions avec lesquelles il convient d'accueillir les données chiffrées - comme toujours, d'ailleurs - et les commentaires qui les accompagnent, qui peuvent être parfois éloignés de la réalité.
Outre cette question de nomenclature, il demeure un problème de lisibilité des crédits consacrés à la réduction du temps de travail. L'intitulé de l'article 10 du chapitre 44-77 - « exonération de cotisations sociales au titre de l'incitation à la réduction du temps de travail » - laisse penser que les 4,3 milliards de francs inscrits sur cette ligne sont destinés à financer les aides incitatives prévues par la loi du 13 juin 1998. Or il n'en est rien : ces crédits serviront, en définitive - vous l'avez admis devant la commission des affaires sociales, madame la ministre - à subventionner le fonds de financement des cotisations patronales de sécurité sociale créé par la loi de financement de la sécurité sociale.
La présentation des crédits se doit d'être claire, mais force est de constater que ce n'est pas toujours le cas.
Par ailleurs, des interrogations subsistent sur le devenir des crédits inscrits en loi de finances pour financer la réduction du temps de travail. Seuls 78 millions de francs ont été consommés sur les 2,8 milliards de francs budgétés en 1998, et au 30 septembre 1999, seuls 706 millions de francs avaient été consommés sur les 3,5 milliards de francs inscrits en loi de finances. L'état des reports de crédits reste donc aujourd'hui peu clair, ce qui est regrettable.
J'observe, à cette occasion, que les faibles taux de consommation des crédits budgétaires prévus pour financer la loi du 13 juin 1998 confirment la modestie des résultats de cette loi et contrastent avec les déclarations du Gouvernement.
Le troisième point caractéristique de ce débat budgétaire réside, à mon sens, dans la confirmation de la volte-face du Gouvernement sur la politique d'allégement des cotisations sociales patronales initiée en 1993, poursuivie en 1995 et délaissée en 1997.
Au printemps 1998, madame la secrétaire d'Etat à la formation professionnelle, vous déclariez au Sénat, lors du débat sur la proposition de loi tendant à alléger les charges sur les bas salaires déposée sur l'initiative de M. Christian Poncelet, notamment, qui était à l'époque président de la commission des finances de notre assemblée : « Le Gouvernement n'a pas souhaité poursuivre cette politique d'allégement des charges entreprise depuis 1993 parce qu'il n'est pas convaincu que le niveau du coût du travail constitue un obstacle à l'emploi, qu'il estime relative l'efficacité de cette politique et que son financement ne lui semble pas assuré. »
A cet égard, la commission des affaires sociales a été très satisfaite d'apprendre que notre collègue député Jean-Claude Boulard se félicitait de ce que « la politique d'allégement des charges sociales engagée soit poursuivie, et même accentuée » en 2000.
Notre conviction est, en effet, que seule cette politique permettra de créer plus d'emplois à l'avenir.
S'agissant du détail des autres mesures budgétaires, j'observe tout d'abord que le nombre d'emplois-jeunes devrait atteindre 236 000 d'ici à la fin de l'année et que 300 000 emplois auront été créés à la fin de l'année 2000, pour un objectif initial de 350 000. Les crédits relatifs à ce dispositif s'élèvent à 21,34 milliards de francs, soit une hausse de 53,3 % par rapport à 1999.
Il doit néanmoins être souligné que le projet de création de 350 000 emplois dans le secteur non marchand semble définitivement abandonné par le Gouvernement.
Les crédits affectés au financement du réseau d'accueil des jeunes progressent de 12 % à structure constante, pour atteindre 467 millions de francs.
Ce réseau joue un rôle central dans la mise en oeuvre du programme d'accompagnement personnalisé vers l'emploi, dit programme TRACE, dont l'objectif est d'accueillir 60 000 jeunes en 2000.
Les actions en faveur des publics en difficulté prennent la forme d'un renforcement des dispositifs adaptés aux publics les plus éloignés du marché du travail - TRACE, contrat emploi consolidé et contrat de qualification adulte - ainsi que celle d'un recentrage des dispositifs traditionnels - contrat emploi-solidarité, contrat initiative-emploi et stage - sur les publics prioritaires.
Ce recentrage a pour objectif d'accroître la part des publics prioritaires dans les contrats nouveaux et en cours, même si l'offre globale de places nouvelles diminue par rapport aux entrées prévues par la loi de finances de 1999, soit 575 000 au lieu de 675 000.
La commission des affaires sociales n'est pas hostile à cet effort d'évaluation et aux redéploiements de crédits, à condition qu'ils permettent la mise en place de dispositifs plus efficaces, ce dont on peut douter, notamment à propos des 35 heures.
En ce qui concerne le nombre des entrées dans le dispositif, on observe ainsi que 155 000 personnes devraient bénéficier d'un contrat initiative-emploi en 2000 contre 180 000 en 1999, soit une diminution de 13,9 %, que 360 000 personnes devraient bénéficier d'un contrat emploi-solidarité contre 425 000 l'année passée, soit une baisse de 15,3 %, alors que le nombre d'entrées en emplois consolidés à l'issue d'un CES devrait rester stable, à hauteur de 60 000.
A propos des dispositifs destinés aux chômeurs de longue durée, la commission des affaires sociales observe que les entrées prévues dans les stages d'insertion et de formation à l'emploi, les SIFE, et les stages d'accès à l'entreprise, les SAE, sont en légère baisse pour 2000, puisque 150 000 personnes devraient en bénéficier contre 175 000 en 1999. Cette évolution se traduit dans les crédits, puisque la dotation budgétaire diminue de 8 % pour s'établir à 2,9 milliards de francs.
Il est à noter que les structures de l'insertion par l'économique bénéficieront de crédits en hausse de 22 % en 2000, pour atteindre 910 millions de francs.
J'évoquerai enfin la subvention de l'Etat à l'ANPE. Elle devrait augmenter de 10,4 % et s'établir à 6,38 milliards de francs, afin de permettre à l'agence de mettre en oeuvre le troisième contrat de progrès qui porte sur les années 1999 à 2003.
Ce troisième contrat aura pour objectif de renforcer la qualité des services rendus aux demandeurs d'emploi et aux entreprises et de poursuivre la modernisation de l'agence, notamment par l'augmentation des effectifs.
Je terminerai en évoquant les dépenses de personnel du ministère, qui augmentent de 5,5 % et s'établissent à 2,5 milliards de francs. Cette augmentation de crédits devrait permettre la création nette de 130 emplois, dont 13 en administration centrale et 117 au sein des services déconcentrés.
S'agissant des orientations de ce projet de budget de l'emploi, la commission des affaires sociales a le sentiment d'une occasion manquée. Alors que la conjoncture permettait enfin de construire une politique de l'emploi moderne préparant l'avenir, il n'est proposé que la mise en oeuvre de promesses qui ne lui paraissent pasraisonnables.
Le Gouvernement se félicite de la baisse du taux de chômage et s'en attribue la paternité, en évoquant notamment les 35 heures. Le taux de chômage devrait effectivement s'établir à 11 % en 1999, et on évoque même des taux de 10,3 % en 2000 et de 9,6 % en 2001.
Pourtant, ces chiffres ne suffisent pas à décerner un satisfecit au Gouvernement, pour au moins deux raisons : la baisse du chômage est largement le fait d'un retour de la croissance générale en Europe et la conséquence des politiques mises en place depuis 1993, et les mesures décidées par l'actuel gouvernement ne paraissent pas avoir eu d'effets notables sur l'évolution de l'emploi dans le secteur marchand.
Le Sénat ayant déjà marqué son désaccord avec la méthode retenue pour réduire la durée du travail et ses regrets devant l'absence de dispositions favorisant une véritable professionnalisation des jeunes, la commission des affaires sociales a très logiquement émis un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle contenus dans le projet de loi de finances pour 2000. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Bocandé, rapporteur pour avis.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la formation professionnelle. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat budgétaire de l'année dernière avait été marqué par un recentrage des aides publiques à l'alternance.
Un décret du 12 octobre 1999 avait restreint le champ des bénéficiaires de l'aide forfaitaire à l'embauche pour les contrats de qualification aux jeunes les moins qualifiés, alors que l'article 80 du projet de loi de finances pour 1999 avait opéré la même modification pour les contrats d'apprentissage.
Aujourd'hui, et compte tenu de ces dispositions malthusiennes, on observe un léger tassement des crédits consacrés à la formation professionnelle.
Ces crédits s'élèvent à 30,6 milliards de francs, dont 26 milliards de francs pour l'agrégat « participation de l'Etat à la formation professionnelle », soit une baisse de 1,6 %.
Ces données m'amènent à formuler deux remarques sur l'évolution des crédits : ils sont, certes, suffisants pour assurer la reconduction des actions de formation engagées les années précédentes ; toutefois, ils sont loin d'atteindre le niveau qui permettrait de considérer que le développement de la formation professionnelle constitue une priorité du Gouvernement au même titre que les emplois-jeunes ou les 35 heures.
Je nuancerai mon propos en soulignant qu'une nouvelle fois la discussion du budget de la formation professionnelle intervient dans un contexte de réforme annoncée qui gèle pour ainsi dire les initiatives et explique que ce budget se cantonne dans des actions de reconduction.
Quatre directions ont ainsi été esquissées par le Gouvernement à la suite de la publication du Livre blanc intitulé La formation professionnelle, diagnostics, défis et enjeux : la création d'un droit individuel à la formation, la professionnalisation des jeunes, la meilleure prise en compte de l'expérience professionnelle acquise et la clarification du rôle des différents acteurs.
A propos de ce budget, j'observerai que le total des crédits consacrés à l'alternance s'élève à 12,2 milliards de francs, soit une baisse de 2,4 % consécutive au recentrage des primes sur les bas niveaux de qualification opéré par la loi de finances pour 1999.
Les primes relatives aux contrats d'apprentissage baissent de près de 12 % et celles qui sont relatives aux contrats de qualification de 32 %, le montant total de ces diminutions de crédits s'élevant à 660 millions de francs.
L'idée de recentrage supposerait que ces crédits sont réalloués sur des dispositifs prioritaires. Or cela n'est que partiellement le cas puisque, si l'on observe une hausse de 20 % des primes relatives aux contrats de qualification et une hausse de 60 % du montant des exonérations de cotisations sociales de ces mêmes contrats, ces augmentations ne portent que sur 170 millions de francs.
On peut, dans ces conditions, considérer que, sous le vocable de « recentrage », s'opère en fait une économie budgétaire de près de 500 millions de francs, au détriment des formations en alternance.
Ce sentiment est confirmé par l'analyse des flux d'entrée dans les contrats d'alternance. Le nombre des contrats d'apprentissage baisse de 4,3 % à 220 000, et celui des contrats de qualification de 3,8 % à 125 000. Compte tenu de l'augmentation du nombre de contrats de qualification adultes, on observe globalement une baisse de 2,7 % du nombre des contrats en alternance, qui devrait être ramené à 360 000 en 2000.
La commission des affaires sociales ne peut que regretter cette situation, qui contraste avec l'état actuel du marché du travail. Selon le baromètre mensuel La TribuneCrédit Lyonnais du mois de novembre, près des deux tiers - 64 % - de l'échantillon de patrons de PME interrogés affirment rencontrer des difficultés pour embaucher les spécialistes qu'ils recherchent, ce qui est particulièrement préoccupant dans les secteurs des transports, du BTP, de la vente ou de l'industrie.
J'ai le sentiment que la formation professionnelle doit jouer un rôle fondamental dans la réforme nécessaire du fonctionnement du marché du travail et peut constituer la réponse adéquate à ce problème de pénurie de main-d'oeuvre.
Alors que le Gouvernement annonce la discussion prochaine de dispositions législatives courant 2000 et d'un véritable projet de loi en 2001, je souhaite insister sur le fait qu'une des raisons principales qui expliquent le niveau élevé du taux de chômage français réside dans le déficit de formation, c'est-à-dire dans l'inemployabilité.
La commission des affaires sociales souligne que les crédits consacrés aux actions de formation à la charge de l'Etat baissent de 2,8 %, pour s'établir à 5,8 milliards de francs. Par ailleurs, les crédits consacrés aux contrats de plan Etat-région baissent de 2 %.
Au titre des dépenses de rémunération de la formation professionnelle, les crédits affectés au programme national de formation professionnelle sont stabilisés à 926 millions de francs. Ces crédits concernent la rémunération des stagiaires suivant des formations financées par l'Etat.
Par ailleurs, les crédits consacrés au financement de l'allocation formation-reclassement baissent de 7 %. Ces crédits qui devraient atteindre 2,5 milliards de francs sont destinés à rémunérer les demandeurs d'emploi entrant en formation.
On notera également que les crédits relatifs à la dotation de décentralisation concernant la formation professionnelle et l'apprentissage, rassemblés au chapitre 43-6, augmentent de 0,6 % pour atteindre presque 8 milliards de francs en 2000.
Je traiterai brièvement maintenant de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA.
Je rappelle que cette association concourt à la réalisation de la politique de l'Etat en ce qui concerne la formation qualifiante, à l'échelon national et déconcentré, c'est-à-dire qu'elle est partie intégrante du service public de l'emploi. Sa dotation augmente de 5,4 % pour s'établir à 4,7 milliards de francs. Cette augmentation s'inscrit dans le cadre des objectifs définis par le contrat de progrès 1999-2003 qui prévoit une augmentation de l'activité « orientation » de l'AFPA. Il s'agit de faire passer le nombre de personnes orientées de 80 000 à 250 000 en 2003.
L'AFPA doit également mener une action prioritaire en direction des demandeurs d'emploi afin de leur offrir un service personnalisé d'appui à un projet professionnel.
J'en viens à la délicate question des prélèvements opérés par l'Etat sur les fonds de la formation professionnelle.
Déjà, en 1997, l'article 40 de la loi de finances avait institué une contribution exceptionnelle au budget de l'Etat égale à 40 % de la trésorerie nette des fonds de la formation en alternance, soit 1,7 milliard de francs. Par ailleurs, l'article 75 de la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier avait institué une contribution exceptionnelle au budget de l'Etat de 500 millions de francs. La commission des affaires sociales s'était opposée à ces deux prélèvements, au motif que ces détournements, dans l'utilisation des fonds, lui apparaissaient comme préjudiciables aux entreprises.
L'année dernière, le Gouvernement avait décidé à nouveau que 500 millions de francs seraient prélevés sur les fonds de l'AGEFAL, l'Association de gestion du fonds des formations en alternance. Ces fonds devaient faire l'objet d'une utilisation concertée avec les partenaires sociaux, le Gouvernement s'étant engagé à assurer, le cas échéant, la couverture effective des dépenses exposées par les entreprises dans le cadre des contrats en alternance.
Prenant acte de cette garantie et regrettant néanmoins le flou qui entourait le fonctionnement de ce fonds, la commission des affaires sociales avait souhaité faire part de sa réserve, sans toutefois manifester une opposition radicale pour tenir compte de la réforme à venir des modalités de financement de la formation professionnelle et de la garantie apportée par le Gouvernement.
Or, force est de constater que le flou demeure et que les prélèvements exceptionnels sur les fonds de la formation deviennent de plus en plus habituels, comme en témoigne l'article 70 du projet de loi de finances. Cet article tend à centraliser les excédents financiers du capital de temps de formation, le CTF au niveau d'une section particulière créée au sein du fonds national habilité à gérer les excédents financiers du congé individuel de formation, le CIF.
Je rappelle que le CTF a pour objet de permettre aux salariés de suivre au cours de leur vie professionnelle et à leur demande, et pendant leur temps de travail, des actions de formation prévues au plan de formation de l'entreprise, dans le but de se perfectionner, d'élargir ou d'accroître leur qualification. Ce dispositif est financé par 50 % au plus de la participation des entreprises au financement du CIF, à hauteur de 0,2 % du montant des salaires, c'est-à-dire une contribution au plus égale à 0,1 % des salaires.
L'article 70 prévoit d'étendre le champ de compétences du fonds créé par la loi de finances pour 1996 qui, actuellement, gère les excédents financiers des organismes collectant les fonds du CIF, à la gestion des excédents financiers dont disposent les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, gérant les contributions des employeurs affectées au financement du CTF.
Cette disposition pourrait être considérée favorablement si la centralisation des disponibilités excédentaires du CTF n'apparaissait pas comme le moyen d'affecter une contribution de 500 millions de francs, versée par le comité paritaire du CIF au budget de l'emploi par voie de fonds de concours, afin de compenser la diminution des crédits destinés au financement de l'indemnité compensatrice forfaitaire à l'apprentissage.
Il s'agit donc, une fois encore, de procéder à un prélèvement exceptionnel sur les fonds de la formation professionnelle.
Dès lors que ces prélèvements présentent un caractère structurel, l'urgence d'une réforme du mode de financement des organismes collecteurs de fonds devient, chaque année, de plus en plus évidente.
La commission des affaires sociales a déjà, à cet égard, marqué sa préférence pour une réduction des cotisations versées par les entreprises.
Pour l'instant, il me semble que nous devrions refuser ce nouveau prélèvement dont le caractère récurrent traduit le penchant du Gouvernement à considérer les fonds collectés par les partenaires sociaux comme une ressource budgétaire parmi d'autres, destiné à financer les priorités du Gouvernement, comme l'a également montré le débat sur le financement des 35 heures à travers le projet de contribution de l'UNEDIC et des régimes de sécurité sociale.
Plus généralement, je crois qu'il convient de nous interroger sur la politique du Gouvernement en matière de formation professionnelle. Stagnation des effectifs dans les dispositifs en alternance, priorité donnée aux emplois-jeunes sur les formations qualifiantes, prélèvements exceptionnels sur les fonds de la formation constituent les traits les plus saillants de cette politique.
Dans ces conditions, l'examen des crédits budgétaires relatifs à la formation professionnelle doit être l'occasion de prendre nos distances avec une politique de l'emploi qui inverse les priorités en favorisant les dispositifs de moyen terme non qualifiants sur la formation et en braquant les partenaires sociaux qui sont pourtant les acteurs déterminants de tout progrès social.
En conséquence, je vous propose, mes chers collègues, de nous rallier, pour les crédits de la formation professionnelle, à l'avis négatif formulé par M. Louis Souvet en ce qui concerne les crédits de l'emploi. Je défendrai, par ailleurs, un amendement de suppression de l'article 70. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Goupe du Rassemblement pour la République, 24 minutes ;
Groupe socialiste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 22 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes.
Madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous rappeler que, en accord avec M. le ministre des relations avec le Parlement, le Gouvernement dispose également d'un temps de parole prédéterminé. Il serait souhaitable, pour le bon déroulement de cette longue semaine budgétaire, que chacun fasse les efforts nécessaires pour respecter le temps de parole qui lui a été attribué.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la discussion budgétaire offre la possibilité d'appréhender dans sa globalité la cohérence d'un projet politique, de débattre de nos divergences, de relayer les attentes et les interrogations de nos concitoyens.
Les chapitres budgétaires consacrés à la politique de l'emploi figurent de nouveau parmi les priorités du Gouvernement, avec plus de 122 milliards de francs, soit une augmentation de 2,3 % pour une progression budgétaire moyenne de 0,9 %.
Nous avons désormais suffisamment de recul pour mieux apprécier la véritable décrue du chômage dans notre pays qui vient d'atteindre son niveau le plus bas depuis février 1993.
Cette réalité, les familles la vivent au quotidien parce que leur enfant trouve un travail, parce que la menace d'un licenciement se fait moins oppressante, parce que les chances de retrouver un emploi pour les chômeurs de longue durée s'accroissent.
Pourtant, l'opposition adopte des discours visant tantôt à attribuer à la seule croissance les raisons de cette amélioration, tantôt à contester l'honnêteté de ces statistiques.
L'adoption du budget pour 2000 nous permettra de poursuivre la mise en oeuvre des réformes, certaines engagées avant 1997, d'autres initiées par le Gouvernement depuis deux ans.
Il s'agit de la réduction du temps de travail et de la réforme des cotisations patronales qui lui est attachée ; de la lutte contre les exclusions ; de la rationalisation des dispositifs de cessation d'activité et de l'amélioration des moyens des structures - publiques ou non - qui ont pour mission d'accompagner les demandeurs d'emploi.
Je commencerai par évoquer le volet consacré aux dotations qui vont faciliter la réduction du temps detravail.
Demeurent inscrits au budget les crédits affectés aux mesures mises en place par la loi Robien, soit 2,72 milliards de francs, et la contribution de 4,3 milliards de francs de l'Etat au nouveau fonds créé dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale afin d'alléger le poids des prélèvements pesant sur les salaires. C'est un des points qui nous oppose à la majorité sénatoriale.
Différents mécanismes d'allégements, principalement créés afin d'encourager l'implantation d'entreprises dans certaines régions sensibles, telles que les départements d'outre-mer, les zones de revitalisation rurale ou urbaine, les zones franches demeurent inscrites au budget de l'emploi.
Ces politiques qui prennent en considération les difficultés spécifiques de certains territoires sont justifiées ; il conviendra cependant, en étroite relation avec les ministères en charge de l'outre-mer, de l'aménagement du territoire et de la ville, d'en évaluer l'impact dans l'ensemble de ses dimensions.
J'en viens aux différents dispositifs consacrés aux personnes qui éprouvent le plus de difficultés pour entrer ou revenir sur le marché de travail.
Les jeunes ont été, jusqu'à une période très récente, une catégorie dramatiquement marquée par le chômage. A ce titre, un chiffre doit nous interpeller : 42 % des contrats aidés les concernent.
La majorité s'était engagée à explorer toutes les pistes afin de lutter contre ce qui ne devrait pas être une fatalité, en permettant à ces jeunes de « mettre le pied à l'étrier », y compris les jeunes diplômés. C'est un des objectifs des emplois-jeunes qui, parallèlement, doivent être positionnés sur des besoins nouveaux peu ou non satisfaits.
Ce programme a permis à plus de 203 000 jeunes de trouver un emploi, de se sentir utiles et de mieux intégrer la société. Les jeunes des quartiers en difficulté représentent aux alentours de 15 % des embauches, et la répartition entre les niveaux de qualification atteste un véritable équilibre.
Ils ont permis à la collectivité de satisfaire de nouvelles aspirations, que ce soit dans l'amélioration du lien social, de la protection de l'environnement ou de l'enrichissement des activités de loisirs. Toutes ces pistes qui, il y a moins de deux ans, donnaient lieu à des commentaires sceptiques, parfois cyniques, participent aujourd'hui à l'amélioration de la vie de nos concitoyens.
Avec une dotation de plus de 21 milliards de francs, le Gouvernement conforte les moyens de ce programme, qui devrait concerner l'année prochaine près de 300 000 jeunes.
La pérennisation de ces emplois est au centre de nos préoccupations. Elle renvoie à plusieurs questions : le financement, bien sûr ; le perfectionnement de la formation, permettant éventuellement de déboucher sur des recrutements définitifs ; l'émergence de nouvelles qualifications pour de nouveaux métiers - je pense notamment à ceux qui se situent dans le champ de la médiation sociale ou de la protection de l'environnement.
Parallèlement, la loi de lutte contre les exclusions a mis en place le programme TRACE, qui permet un accompagnement, sur une période pouvant aller jusqu'à dix-huit mois, des plus marginalisés de nos jeunes, pour lesquels il faut parfois en même temps traiter des problèmes de formation, voire d'illettrisme, de santé, et de socialisation.
La mise en oeuvre de ce programme relève d'une démarche globale avec les jeunes. Elle se heurte parfois à des obstacles institutionnels difficilement compréhensibles. Je pense, en effet, aux réticences qu'ont certains conseils régionaux à s'impliquer - c'est le cas notamment pour le mien, les Pays de la Loire - dès lors qu'il s'agit, par exemple, de mobiliser des fonds pour ce qu'ils estiment être de l'insertion sociale. Quant au fonds d'aide aux jeunes, le FAJ, qui devrait pouvoir être sollicité pour assurer aux jeunes engagés dans un parcours une garantie de ressources, trop de témoignages attestent de la rigidité des critères d'attribution. Ici, l'objectif est d'atteindre près de 45 000 jeunes l'année prochaine.
J'en viens maintenant aux différents contrats aidés. Leur accessibilité avait fait l'objet d'observations de nombreux acteurs de l'insertion, ainsi que de la Cour des comptes, qui dénonçaient le fait que les moins défavorisés concurrençaient les plus en difficulté dans l'accès à ces postes.
Le Gouvernement a entrepris un recentrage de ces dispositifs sur les chômeurs de longue durée, les titulaires de minima sociaux, les handicapés, recentrage qui sera poursuivi dans le cadre du budget 2000.
Le premier pôle demeure les CES avec 360 000 entrées financées par une dotation de plus de 9 milliards de francs. On constate une nette diminution de la part des jeunes dans ce dispositif. En revanche, la forte proportion de femmes - elles sont 62 % - démontrent à quel point elles se heurtent à des difficultés endémiques d'insertion sur le marché du travail. Elles constituent d'ailleurs une majeure partie des travailleurs précaires.
Permettez-moi ici de signaler le problème rencontré par les unions régionales des CIDF, qui sont de plus en plus sollicitées pour conseiller les femmes dans leurs parcours d'insertion professionnelle. Nous souhaitons que soit trouvée une solution aux difficultés de financement à l'échelon régional qui ont surgi après l'adoption de la loi de finances pour 1997.
Le second pôle est constitué par les CIE, pour lesquels l'Etat débloquera plus de 7 milliards de francs et qui devraient permettre l'embauche de 155 000 personnes. A cet égard, les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle créée à l'Assemblée naionale ont souligné que ce dispositif permettait, en fait, d'atténuer la sélectivité de l'embauche.
Si ces deux dispositifs connaissent une baisse relative des crédits, les CEC pouvant aller jusqu'à cinq ans connaissent une augmentation. Leur dotation atteint 5,3 milliards de francs, afin d'accueillir 60 000 personnes, la loi sur les exclusions ayant prévu un accès direct et par ailleurs accru la participation de l'Etat pour la prise en charge des personnes les plus en difficulté.
Certains émettent l'idée de faire de ces contrats des CDI. Cette question est pertinente, car il peut s'agir, pour certains, de la seule possibilité d'être maintenus dans un emploi. Mais cette évolution signifie des bouleversements tels, y compris au niveau de nos conceptions de l'insertion, qu'il convient d'y réfléchir avec l'ensemble des acteurs de cette politique.
Les lois sur les emplois-jeunes et la lutte contre les exclusions ont par ailleurs réaménagé les aides apportées aux chômeurs qui veulent créer une entreprise. A l'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise a succédé l'encouragement au développement d'entreprises nouvelles, qui permet l'octroi d'une avance remboursable et un accompagnement pouvant aller jusqu'à trois ans. Les crédits s'élèveront, pour 2000, à 400 millions de francs, afin de toucher près de 10 000 créateurs ou repreneurs d'entreprise.
En dépit de ces deux mesures, madame la ministre, le secteur bancaire demeure particulièrement frileux, comme le rappelait récemment la responsable de l'Association pour le droit à l'initiative économique, et l'Etat pourrait peut-être envisager à la fois de susciter dans ce secteur plus de volontarisme et d'être davantage partie prenante dans ces dispositifs, afin de réduire un incontestable handicap. Il s'agit d'ailleurs d'une des recommandations des lignes directrices pour l'emploi élaborées dans le cadre européen.
Les crédits affectés au reclassement des travailleurs handicapés sont en augmentation de 2,5 %, avec 5,5 milliards de francs, qui permettront l'ouverture de places en ateliers protégés et en centres d'aide par le travail, dont les possibilités d'accueil ont continué d'augmenter depuis 1994, alors que le nombre de places en milieu ordinaire stagnait autour de 12 800.
Les statistiques du ministère de l'emploi publiées à la fin d'octobre dernier relèvent ainsi que le taux d'emploi de personnes handicapées dans les établissements de plus de vingt salariés se situe autour de 4 %. Il reste donc en deçà des 6 % fixés par la loi, y compris dans les grandes entreprises.
A mon sens, ce constat est à mettre au passif des chefs d'entreprise. Comment en effet méconnaître la légitimité et la justesse de la revendication d'un grand nombred'associations de handicapés qui souhaitent une insertion professionnelle en milieu ordinaire, chaque fois que cela est possible ?
Par ailleurs, le projet de budget pour 2000 poursuit l'entreprise de rationalisation des contributions de l'Etat aux formules de cessation anticipée d'activité.
Désormais, on mesure mieux les retombées à moyen terme de ces différents dispositifs : un impact sur l'emploi réel, mais relativement neutre, et un coût financier important faisant peser, dans certains cas, sur la collectivité nationale les stratégies de rajeunissement de la pyramide des âges. Par ailleurs, ces départs anticipés ont des incidences sur les régimes de retraites. Enfin, ils renvoient à la problématique plus générale des départs en masse très tôt de salariés expérimentés de l'entreprise.
Le Gouvernement intervient donc sur plusieurs fronts.
Le premier est le doublement de la contribution Delalande.
Il entend par ailleurs limiter l'accès au Fonds national de l'emploi aux salariés réellement en difficulté, ceux notamment qui ont accompli des tâches pénibles ou qui ont commencé à travailler très tôt. Corrélativement, la participation financière des entreprises sera accrue.
De ce fait, les crédits affectés aux allocations spéciales du Fonds national de l'emploi baissent de 14 %, mais ils représentent tout de même plus de 4 milliards de francs. Ils seront, par exemple, sollicités pour la mise en oeuvre d'accords selon lesquels il serait envisagé qu'un départ d'un salarié de moins de cinquante-sept ans soit intégralement financé par l'entreprise.
De la même façon, la dotation des préretraites progressives est en diminution.
Dernière ligne directrice de ce projet de budget : le renforcement des moyens des organismes chargés de l'accueil et de l'accompagnement des demandeurs d'emploi.
Les crédits affectés aux personnels du ministère sont en hausse pour la troisième année consécutive, avec 2,5 milliards de francs qui permettront de revaloriser les traitements et contribueront à la résorption du travail précaire dans l'administration.
Sur les 130 emplois créés, certains viendront renforcer les équipes sur le terrain et seront chargés notamment du conseil aux partenaires engagés dans un processus de négociation de réduction du temps de travail et du contrôle de la mise en oeuvre des accords.
Ce sont des choix que dénonce l'opposition, généralement peu encline à vouloir améliorer le droit de regard sur ce qui se passe au sein des entreprises. Il n'est toutefois pas inutile de mettre en perspective les 1 200 agents de contrôle dont nous disposons pour les 14 millions de salariés du secteur privé, qui sont le plus souvent dans des entreprises dépourvues d'organisation représentative. A cet égard, je veux saluer l'augmentation des crédits affectés au conseiller du salarié, qui passent à 8,8 millions de francs.
Les actions en matière de santé et de sécurité du travail voient leur dotation passer de plus de 17 millions de francs à 22,3 millions de francs. Elles comprennent les crédits affectés à la médecine du travail, dont il convient d'accentuer les interventions.
L'ANPE bénéficie pour 2000 d'une augmentation importante de ses subventions. Elle pourra ainsi financer les 500 nouveaux emplois prévus pour 2000, en vue d'améliorer les capacités d'accueil, notamment dans le cadre des examens personnalisés proposés aux jeunes, aux chômeurs de longue durée, aux allocataires de minima sociaux qui ont pu souvent ressentir un profond découragement, voire de la colère, lorsqu'ils avaient l'impression que leur situation n'était appréhendée que comme un dossier parmi tant d'autres.
Je profite de cette intervention pour relayer des interrogations sur le transfert des crédits affectés aux centres institutionnels de bilan de compétences vers les dotations à l'ANPE.
M. Jean-Claude Carle. En effet !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Les discussions à l'Assemblée nationale ont été pour vous, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, l'occasion de rappeler que vous n'entendiez pas diminuer la sphère d'intervention des CIBC qui sont associés à la mise en oeuvre du programme « Nouveau départ ». Cependant, on peut légitimement s'interroger sur le devenir des bilans de compétences, en particulier ceux qui sont destinés aux salariés, qui représentent 25 % de leur public.
L'analyse de notre collègue M. Lindeperg est à ce propos particulièrement pertinente. Dès lors que vous avez décidé de faire de la validation des acquis professionnels un des grands axes de la réforme qui sera mise en chantier dès l'année prochaine, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, la place et l'expérience des CIBC ne peuvent qu'être utiles et valorisées.
M. Jean-Claude Carle. Voilà !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ne serait-il pas possible d'imaginer ici l'évolution des CIBC vers des plates-formes ouvertes, dont les missions seraient complétées et couvriraient les champs de l'orientation et de la formation, des bilans de compétences et de la validation des acquis ?
Les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation concourent également à la mise en oeuvre de la politique de l'emploi. Elles sont même devenues, depuis la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, les interlocutrices privilégiées des jeunes en difficulté. Je souhaite ici faire écho aux inquiétudes de certaines missions locales, qui avaient pu mettre en place un « guichet emploi » grâce aux dotations en provenance du fonds social européen, mais qui vont en 2000 se trouver face à une période d'incertitude tant que ne sera pas débloquée la nouvelle tranche de crédits en provenance du budget de l'Union européenne. En tant qu'élus locaux, impliqués dans le fonctionnement de ces missions locales, nous souhaiterions qu'une solution soit envisagée.
Le projet de loi de finances permet également de mettre en oeuvre l'engagement pris de doubler en trois ans la capacité d'accueil des structures d'insertion, qui sont, en fait, un des rares lieux où des personnes, parfois fortement marginalisées, renouent avec une activité. Elles peuvent accéder à des passerelles avec le monde du travail. Pour l'année prochaine, cette dotation est en augmentation de 18 % avec 484 millions de francs. Les sénateurs socialistes saluent cette progression, qui traduit la reconnaissance des compétences et de l'efficacité de ces structures.
J'achèverai mon propos en évoquant les crédits de la formation professionnelle, qui interviennent dans un contexte de réforme qui sera amorcée dès l'année prochaine et qui s'attelera notamment à clarifier l'enchevêtrement des circuits de financement de cette politique.
Cette réforme d'ampleur est urgente, car la formation doit faire face à plusieurs défis.
Il s'agit de la lutte contre le chômage, bien sûr, et de la reconversion possible des salariés en cours de carrière. Ainsi que le soulignait Mme Bocandé, dans un contexte de chômage, il n'est pas normal que des secteurs connaissent des difficultés de recrutement. Dans le bassin d'emploi de Saint-Nazaire, par exemple, les entreprises éprouvent les plus grandes difficultés pour trouver des soudeurs qualifiés.
Il s'agit de la santé économique de nos entreprises, dont la compétitivité est conditionnée par la formation non seulement initiale, mais aussi continue de leurs équipes.
Il s'agit du combat pour l'égalité des chances. Ainsi, les différentes réflexions qui ont été menées cette année - je pense au Livre blanc que vous avez présenté, madame la secrétaire d'Etat, ou aux rapports de MM. Barrot et Lindeperg - ont mis en exergue les profondes inégalités qui existent selon que l'on est dans une PME ou une grande entreprise, selon que l'on est cadre ou ouvrier, selon que l'on est un homme ou une femme.
Dans l'attente de cette réforme, le projet de loi de finances prévoit un budget de transition qui prolonge les orientations adoptées en matière d'emploi.
Une attention particulière est ainsi accordée aux publics en difficulté. Elle se manifeste dans le recentrage des dispositifs de formation en alternance que sont les contrats d'apprentissage, les contrats de qualification, pour les jeunes et les adultes. On le retrouve pour les stages d'insertion et de formation à l'emploi et pour les stages d'accès à l'emploi.
Les parlementaires de l'opposition regrettent que l'apprentissage ne soit pas mieux promu. C'est inexact. Toutefois, il ne faut pas ignorer ici un phénomène culturel qui persiste et qui tend à dévaloriser le travail manuel. Sur ce plan, tout le monde a sa part de responsabilité, à commencer par les familles et l'éducation nationale. De plus, chacun sait que les conditions de travail peuvent se révéler particulièrement pénibles et, donc, dissuader les jeunes de s'engager dans des métiers qui, pourtant, recrutent.
Ainsi, les dispositions spécifiques adoptées dans la loi sur les 35 heures en direction de l'artisanat et du BTP démontrent qu'une action conjointe des professionnels et de l'Etat est concevable pour combattre ces désaffections.
L'Association nationale pour la formation professionnelle des adutes, dont la dotation est augmentée de 5,4 %, avec plus de 4,5 milliards de francs, est une pièce maîtresse du dispositif de formation des adultes. Elle poursuit la mise en oeuvre de son deuxième « contrat de progrès », qui s'échelonnera jusqu'en 2003 et qui insiste, par exemple, sur la nécessité de renforcer son travail d'orientation, ses actions prioritaires en faveur des demandeurs d'emplois, et d'avoir une réactivité plus forte par rapport aux besoins des entreprises.
Tout cela ne peut se réaliser qu'à la condition d'un partenariat étroit avec l'ANPE.
Nous aurons prochainement l'occasion d'engager un débat plus approfondi sur la formation professionnelle.
La majorité sénatoriale n'entend pas voter le budget tel que nous le présente le Gouvernement. Elle s'appuie sur son refus de voir se généraliser la réduction du temps de travail et dénonce la logique des emplois-jeunes. Vous expliquerez cela, mes chers collègues, à ceux qui ont trouvé un emploi grâce à ces réformes.
Vous demandez des mesures plus volontaristes en matière d'allégement de cotisations, mais vous refusez la réforme beaucoup plus ambitieuse que nous propose le Gouvernement.
Vous ne nous ferez pas croire que votre opposition ne relève pas d'une tactique politicienne. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants).
M. Jean Chérioux. Voilà de bien grands mots ! Que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Les sénateurs socialistes approuvent les priorités dégagées dans votre budget, madame la ministre ; c'est pourquoi ils se prononceront en faveur de son adoption. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget dont nous débattons aujourd'hui est l'un des budgets de l'emploi et non le budget de l'emploi. Une partie des crédits de l'emploi était déjà inscrite ; en effet, au budget des charges communes. Vous accentuez leur dispersion en transférant le financement des allégements de charges de la loi de finances à la loi de financement de la sécurité sociale. Cet éparpillement nuit à la transparence et à la lisibilité.
Cette opacité calculée peut également se révéler néfaste pour la politique de l'emploi elle-même. Ainsi, le transfert à l'ANPE de la gestion des financements de l'Etat aux CIBC risque de faire disparaître un service personnalisé, qui a fait ses preuves, au profit d'une prestation standardisée, beaucoup moins efficace.
Si l'on agrège les crédits ainsi dispersés, on constate que le budget de l'emploi est désormais le deuxième budget civil de l'Etat, après celui de l'enseignement scolaire. Il augmente de 2,3 % par rapport à 1999, soit d'un taux bien supérieur au taux d'évolution de 0,9 % du budget général pour 2000.
Les dépenses consacrées à l'emploi ont augmenté de plus de 50 % depuis cinq ans. Certains s'en réjouissent ; pour ma part, je le déplore et je m'en inquiète.
Les prévisions de croissance économique pour 2000 s'échelonnent toutes entre 2,6 % et 3 %, et vous augmentez encore le budget de l'emploi !
Quand il y a une crise économique, vous répondez par l'inflation budgétaire. Quand il y a une croissance économique, vous répondez encore par l'inflation budgétaire ! Où est la logique ? C'est un comportement que les générations futures, qui rembourseront vos dérapages, apprécieront.
Vous augmentez encore et toujours ce qu'on appelle les aides à l'emploi : on connaît leur efficacité contre le chômage. En 1989, l'Etat dépensait environ 80 milliards de francs pour les aides à la création d'emplois. En 1997, le rapport Novelli a évalué ces aides à environ 150 milliards de francs. Entre-temps, le chômage avait augmenté de 1 million de personnes : où est l'efficacité ? Dans les 35 heures d'Aubry 1 ou d'Aubry 2 ? Sûrement pas !
Vous vous réjouissez du chiffre de 120 000 emplois créés par les 35 heures, quand les entreprises en ont créé, à elles seules, et sur la même période, plus de 500 000 !
Le chiffre de 120 000 est d'ailleurs manifestement gonflé. Dans le rapport économique et financier annexé au projet de loi de finances pour 2000, l'INSEE, l'Institut national de la statistique et des études économiques, la direction de la prévision et de la DARES, la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques, estiment à seulement 40 000 le nombre d'emplois marchands créés par la réduction du temps de travail entre juin 1997 et juin 1999. C'est la preuve que l'emploi ne se décrète pas et qu'avant de redistribuer les richesses il faut d'abord chercher à garantir les conditions favorables à leur création, c'est-à-dire laisser les entreprises faire leur travail.
Ces comparaisons nous rappellent une évidence et nous invitent à une attitude d'humilité : ce sont les entreprises qui, en effet, créent de l'emploi et non pas l'Etat et son Gouvernement. C'est le dynamisme, la souplesse, la capacité d'innovation de nos entreprises, et en particulier de nos PME, qui font la croissance économique.
Et vous, vous vous appliquez à gâcher cette croissance en vous attaquant aux entreprises à coups de taxes et de contraintes !
Vous augmentez les prélèvements sur les entreprises de plus de 30 milliards de francs au moyen de deux nouveaux impôts - l'écotaxe étendue et la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés - et, bien sûr, par la taxation des heures supplémentaires.
Les nouveaux allégements de charges ne compenseront pas la hausse du coût de travail, estimée à plus de 11 % au niveau du SMIC, provoquée par les 35 heures.
Nous sommes les seuls à persister dans la voie de la hausse toujours accrue des prélèvements obligatoires. Nous détenons le record en la matière, avec un taux de 45 %. MM. Schröder, Blair et Clinton l'ont rappelé au Premier ministre lors du récent sommet de Florence.
Madame la ministre, je n'accuse pas le seul gouvernement socialiste ;...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ah !
M. Jean-Claude Carle. ... nous avons nos propres responsabilités, et je n'avais pas manqué de le signaler en son temps à cette même tribune à M. Jacques Barrot.
Aux taxes nouvelles que je viens de citer, vous ajoutez un carcan supplémentaire ; vous corsetez un peu plus les entreprises en leur imposant autoritairement le moule unique des 35 heures.
Décidément, les socialistes sont vraiment incorrigibles ! Je l'ai dit il y a quelques jours lors du débat sur les 35 heures.
Au nom d'une prétendue éthique républicaine, vous êtes en train de faire la même erreur de lecture que votre collègue M. le ministre de l'éducation nationale. Avec lui, ce ne sont pas les entreprises que le Gouvernement veut enfermer dans un moule unique, ce sont les collégiens et les lycéens. Le résultat n'est pas fameux, en témoignent l'échec scolaire et le taux de chômage des jeunes.
Gageons malheureusement qu'il ne le sera pas davantage avec une loi imposant les 35 heures à toutes les entreprises.
A méconnaître ainsi la réalité, vous laisserez un lourd héritage, car, à vous deux, vous engagez près de la moitié du budget de la nation.
Ne vous en déplaise, madame la ministre, à l'heure de la société de l'information et de l'économie de services, la globalisation et l'instantanéité de l'information exigent des entreprises réactivité et souplesse. Le tissu économique s'est diversifié. Mais rien n'y fait, vous vous obstinez à vouloir faire passer toutes les entreprises sous la même toise. Là où les besoins de chaque entreprise nécessitent du sur-mesure, vous voulez imposer le prêt-à-porter, le même modèle pour tous.
Grâce à l'initiative du président Poncelet, j'ai fait récemment un stage dans une entreprise, une grosse PME de l'Oise. Ce passage n'a fait que confirmer ce que je savais déjà : ce ne sont pas des aides que les employeurs demandent, c'est qu'on les laisse travailler en paix, qu'on cesse de changer les règles tous les mois, qu'on arrête de les matraquer fiscalement ; ce qu'ils demandent, c'est de la souplesse, de la liberté, pour pouvoir réagir au marché et s'adapter à la concurrence.
Vous voulez absolument intervenir ? Eh bien, faites-le, mais convenablement ! Donnez aux collectivités locales compétence pour apporter aux PME en particulier un soutien en matière d'ingénierie, de capital-risque, de transmission ou de reprise d'entreprise plutôt que de multiplier, comme vous le faites aujourd'hui, les subventions à l'emploi dont on connaît les limites !
C'est cela qu'attendent nos entreprises : laissez-les respirer et se développer, et créer ainsi des emplois !
Il n'y a malheureusement pas que les 35 heures qui sont coûteuses et inefficaces : les emplois-jeunes le sont tout autant.
Les dotations qui leur sont consacrées augmentent de 53,3 % par rapport à 1999 pour s'établir à plus de 21 milliards de francs. Si l'on ajoute les emplois-jeunes financés par d'autres ministères, on atteint la somme de 34 milliards de francs.
Non seulement le coût de ces emplois est prohibitif mais leur avenir n'est guère assuré. Près de la moitié des jeunes concernés ignorent ce que deviendra leur emploi à la fin de leur contrat. Seuls 12 % des bénéficiaires d'un emploi-jeune se disent bien informés sur l'avenir de leur activité et de leur travail alors que 46 % d'entre eux jugent cette information très floue.
Le Gouvernement commence enfin à s'en inquiéter. Constatant que les formations assorties peinent à se mettre en route, Claude Allègre a décidé de réduire le recrutement des emplois-jeunes, fixé à 5 000 l'année prochaine ; on est bien loin des 65 000 créés au cours des deux années précédentes !
Les 350 000 emplois prévus pour l'an 2000 sont ramenés à 300 000. Cette lucidité tardive n'efface par votre irresponsabilité initiale : qu'allez-vous faire de tous ces jeunes que vous avez mis sur une voie de garage, tous ces jeunes employés à des tâches sans avenir et insuffisamment formés ?
L'alternative qui se profile pour eux est claire : soit une intégration rampante dans la fonction publique, dont le poids atteint déjà 42 % du budget de la nation, soit, de nouveau, le chômage, un chômage pire que le précédent car ils auront cinq ans de plus.
Votre politique, madame la ministre, n'est pas adaptée. Vous réagissez au chômage en imposant au secteur public et au secteur privé de créer des emplois, l'un avec les emplois-jeunes, l'autre avec les 35 heures. Cet autoritarisme est toujours inefficace à long terme. La meilleure action sur l'emploi, c'est une action indirecte, qui vise à améliorer les conditions de la création d'emploi.
Ces conditions, quelles sont-elles ? J'en citerai quatre.
La première, c'est la stabilité de l'environnement juridique et la modération de la pression fiscale.
Les 35 heures, nous l'avons vu, contredisent directement ces exigences. L'Etat va-t-il enfin accepter de réduire son train de vie, de réduire les dépenses de fonctionnement qui dépassent 42 % du budget, maîtriser l'impôt et réduire le déficit ?
La deuxième condition, c'est une recherche dynamique et des encouragements à l'innovation afin de compenser les coûts salariaux par la création de valeur ajoutée, sinon, nos entreprises seront contraintes, comme c'est déjà trop souvent le cas, à se délocaliser.
Or, pour l'année prochaine, la recherche n'est manifestement pas une priorité budgétaire du Gouvernement puisque le budget de la recherche augmente moins que la moyenne des budgets civils, 1,1 % contre 1,2 %.
La troisième condition, c'est l'adaptation des formations à l'évolution des offres d'emploi et des besoins des entreprises.
Tout le monde le sait : une des causes majeures du niveau élevé du chômage en France, et des jeunes en particulier, réside dans le déficit de formation et l'inadaptation des qualifications.
Le baromètre mensuel La Tribune-Crédit Lyonnais du mois de novembre indique que près de deux tiers - 64 % - de l'échantillon de patrons de petites et moyennes entreprises interrogés affirment rencontrer des difficultés pour embaucher les spécialistes qu'ils recherchent.
Or, là encore, la formation professionnelle n'est pas une priorité du Gouvernement. Les crédits qui lui sont alloués vont diminuer l'année prochaine. Le nombre de contrats en alternance va ainsi baisser de 2,7 %.
Le recentrage des aides à l'apprentissage et aux contrats de qualification vous a permis de faire une économie de 500 millions de francs, que vous vous êtes bien gardé d'affecter au financement d'autres dispositifs de formation.
Enfin, vous recourez une nouvelle fois à un prélèvement de 500 millions de francs sur le capital temps-formation.
La quatrième condition, c'est l'urgente nécessité d'engager une deuxième phase de décentralisation et de confier aux régions, qui ont déjà une grande responsabilité en matière de formation, une compétence plus large en matière de développement économique.
La diversité des situations, la nécessité d'une réactivité toujours plus grande exigent la mise en place de politiques contractuelles fondées sur le partenariat et la proximité. C'est l'inverse de ce que vous nous proposez : vous centralisez, vous uniformisez, vous rigidifiez, vous gâchez la croissance économique.
Le Président de la République s'est dit lui-même préoccupé par le recul des créations d'entreprises dans un contexte de croissance durable : « Il n'est pas acceptable que certaines d'entre elles soient arrêtées net dans leur course, asphyxiées sous le poids des charges, des réglementations, des contrôles. »
Votre politique de l'emploi, madame la ministre, est donc diamétralement opposée à celle que nous suggérons. Le groupe des Républicains et Indépendants ne votera donc pas votre budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce budget de l'emploi retient tout particulièrement notre attention, et ce pour deux raisons au moins.
La première est que, tous, nous considérons l'emploi comme la plus impérieuse des priorités politiques. Depuis quelques années, les gouvernements, quels qu'ils soient, ont tous fait de l'emploi - avec plus ou moins de réussite - leur plus ultime priorité. Et, même si bien souvent nous divergeons sur les moyens, madame, je ne peux que me féliciter de ce consensus.
La deuxième raison tient au fait que cet automne parlementaire a été consacré de manière presque exclusive aux questions du travail et de l'emploi, en raison de l'examen de deux projets de loi que vous avez défendus dans ce temps très court ; je veux, bien entendu, parler du projet de loi relatif à la réduction du temps de travail et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je ne m'attarderai pas sur ces deux sujets, mais il me faut pourtant les évoquer tant il ne faut pas les perdre de vue pour aborder de manière intelligible le présent projet de budget.
Si le Sénat s'est montré favorable à une réduction du temps de travail négocié - j'entends réellement négociée entre les partenaires sociaux, au cas par cas ou par accord de branche - si le Sénat s'est montré favorable à la validation de tous les accords conclus dans le cadre de la première loi à condition, bien évidemment, qu'ils ne soient pas contraires à l'ordre public social absolu, si le Sénat s'est montré favorable à la tenue d'une conférence nationale sur le développement de la négociation collective en partant du principe qu'il revient aux partenaires sociaux de négocier et que, s'ils ne le peuvent pas suffisamment, il ne faut pas les contourner mais leur donner plus de moyens pour le faire, en revanche, il s'est montré résolument défavorable à votre projet de loi qui n'avait de « négocié » que le titre.
Article après article, tout tendait à plus de contrôles, à plus de contraintes pour les entreprises alors que le travail doit aujourd'hui être libéré.
Notre assemblée a également refusé d'accréditer le dispositif éminemment injuste de la taxation des heures supplémentaires, qui figure à l'article 2 de ce projet de loi, dispositif selon lequel les entreprises versent une contribution de 25 % pour les heures supplémentaires effectuées.
Ce dispositif est inique dans la mesure où ces 25 % s'avéreront être une bonification pour le salarié lorsque celui-ci sera passé aux 35 heures alors qu'il ne touchera plus que 15 % lorsqu'il ne bénéficiera pas de la réduction du temps de travail, les 10 % restants alimentant un fonds destiné à financer les 35 heures.
Ce qui est injuste dans ce système, c'est que ceux qui travaillent le plus, ceux qui ne bénéficient pas de la réduction du temps de travail, paieront pour ceux qui y auront déjà été soumis. C'est une drôle de conception de la justice sociale !
Le débat sur le travail et les 35 heures ne s'est malheureusement pas arrêté au cadre de l'examen dudit projet de loi, puisque nous avons dû aborder à nouveau la question de son financement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
L'article 2 de ce dernier concernait la création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.
Là encore, le Sénat s'est vigoureusement opposé à ce système injuste, puisque cet allégement de cotisations partiel n'est qu'une illusion dans la mesure où il ne compense pas l'augmentation mécanique du coût du travail lié à l'équation : 35 heures payée 39, dont l'incidence naturelle est l'augmentation du coût du travail de 11 % sur les bas salaires.
Au-delà du caractère illusoire de ce fonds, c'est également son mode de financement que nous avons rejeté puisque la contribution sociale sur les bénéfices et l'écotaxe nous paraissaient totalement inéquitables dans la mesure où vous repreniez d'une main ce que vous donniez de l'autre.
Ainsi, cet automne a été et sera, puisque nous devrons encore examiner en seconde lecture le projet de loi sur les 35 heures, l'occasion d'un large débat sur l'emploi et sur la politique que vous mettez en oeuvre en la matière.
Cela nous a déjà permis de constater que nous n'avions pas la même conception sur ce qu'il convient d'entreprendre en matière d'emploi dans notre pays. Nous ne pouvions donc être que très sceptiques quant à votre projet pour 2000.
Malheureusement, ce ne sont pas les seuls aspects qui, à l'examen de ce projet de budget, suscitent notre critique. Au moins trois points méritent d'être soulignés.
Le premier concerne l'opacité de la gestion du personnel dans votre ministère. Je note d'ailleurs avec satisfaction une convergence de vue, à cet égard, avec M. le rapporteur spécial, qui a cité la lettre du Premier président de la Cour des comptes à laquelle je souhaitais faire allusion. Je n'insiste donc pas, précisant simplement que je partage totalement ses vues.
Le deuxième point découle naturellement du précédent puisqu'il a trait à la création de cent trente emplois, à propos desquels le Gouvernement indique qu'ils concernent particulièrement les sections d'inspection du travail fortement mobilisées par la mise en oeuvre du dispositif d'aménagement et de réduction du temps de travail. Sur ces cent trente emplois, nous retrouvons en effet quinze inspecteurs du travail et quatre vingt-huit contrôleurs.
Sans même nous prononcer sur le bien-fondé de la création d'emplois visant à contrôler encore un peu plus nos entreprises, et démontrant par ailleurs le caractère inapplicable des 35 heures à l'échelle de notre pays, nous considérons qu'il n'était sans doute pas souhaitable d'alourdir davantage les charges de fonctionnement de votre ministère.
Le troisième et dernier point concerne le coût des emplois-jeunes. Celui-ci figure dans le « bleu » sous la mention, on ne peut plus floue, de « nouveaux services et nouveaux emplois ». En tout cas, cela se traduit par une augmentation cette année de 65 %, soit 21 milliards de francs, alors que ne sont toujours pas créés les 350 000 emplois dans le secteur public que vous aviez annoncés.
Si cet objectif est maintenu, à combien s'élèveront les dépenses de l'Etat pour maintenir le cap de cette politique excessivement onéreuse et dont l'intérêt, en termes de formation, reste à prouver ?
Dois-je rappeler que le ministère de l'éducation nationale, fleuron de cette politique avec 65 000 contrats emplois-jeunes, se désengage d'un dispositif qui démontre son incapacité à offrir une réelle formation professionnelle à ces jeunes ?
Une autre question se pose, qui touche l'éventuelle pérennisation de ces emplois dans le secteur public. Le terme de ces contrats est prévu pour 2002, en pleine campagne présidentielle. Que proposerez-vous alors dans ce climat de surenchère ?
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que nous opposer à votre projet de budget, qui, à nos yeux, ne prend pas la direction d'une bonne politique pour l'emploi.
Selon nous, une bonne politique pour l'emploi suppose que soient suivis quatre axes simples mais impérieux.
La baisse des charges, réelle et non feinte, pour les entreprises, notamment sur les bas salaires, constitue le premier axe et nous semble être la réponse la plus efficace face aux problèmes du chômage.
L'année dernière, 62,6 % des Français, considéraient que les cotisations sociales étaient le principal frein à l'embauche dans notre pays. Votre réforme est par trop timide puisque la baisse est feinte. Elle ne compense pas le surcoût du travail lié aux 35 heures.
Le deuxième axe concerne la formation. Dans le cadre de l'évolution du travail et des technologies, la formation professionnelle est un enjeu capital de toute politique de l'emploi.
On ne peut, dès lors, que regretter que l'accent n'ait pas été mis plus nettement sur ce volet et qu'un certain nombre de dispositifs de formation professionnelle voient leurs crédits réduits, en faveur d'autres politiques plus hasardeuses et plus coûteuses.
Les dotations destinées à l'alternance sont en baisse de 3,2 %.
Les effectifs d'entrée en apprentissage sont stables, après deux baisses progressives ces deux dernières années. Mais les effectifs sont encore surévalués compte tenu de la réduction des crédits.
Par ailleurs, si les crédits de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, augmentent de manière significative pour rénover l'offre de formation, il ne doit pas s'agir d'un chèque en blanc. L'association se doit de faire des efforts vigoureux en matière de gestion et d'améliorer significativement la qualité et la diversité de son offre.
L'AFPA devra renforcer son action à l'échelon local et bien sûr, sa coopération avec l'ANPE.
Le troisième axe d'une bonne politique de l'emploi doit être la lutte contre les exclusions. Sur ce point, je ne doute pas de votre volonté et de votre détermination à enrayer le processus inexorable de désocialisation des personnes privées d'emploi. Mais, malgré vos intentions, je ne peux que regretter que rien ne soit plus sérieusement mis en oeuvre en faveur de ces publics prioritaires.
Ainsi, les crédits des contrats initiative emploi diminuent de 26,2 % et ceux des contrats emploi-solidarité de 9 %, tandis que les stages pour chômeurs de longue durée voient leur dotation diminuer de 8,1 %.
Vous avez opté pour les emplois-jeunes. Malheureusement, cette politique se fait au détriment des autres publics prioritaires. Nous le regrettons : l'argent est suffisamment rare pour qu'on veille à ce qu'il soit bien utilisé.
Enfin, une vraie politique de l'emploi se doit de préserver et de promouvoir le paritarisme et le dialogue social. Vous vous félicitez du renouveau du dialogue social lié aux 35 heures. Mais tout montre que celui-ci ne s'est jamais porté aussi mal dans notre pays : le MEDEF a déjà un pied en dehors des organismes sociaux. Les syndicats ne sont pas plus satisfaits du dirigisme dont vous faites montre.
Edmond Maire n'a-t-il pas récemment, à propos des 35 heures, analysé ainsi la situation : « Aujourd'hui, la France recule et l'espoir de voir s'installer dans ce pays des relations économiques et sociales nouvelles s'éloigne. Le Gouvernement et la majorité parlementaire ont réinventé la lutte des classes... »
M. Guy Fischer. C'est plutôt le MEDEF !
Mme Nicole Borvo. Ils n'ont pas besoin de laréinventer !
M. Dominique Leclerc. « ... et gâché de façon absurde les chances de réformes. » Quand c'est Edmond Maire qui le dit, cela signifie bien que la situation est grave !
Voilà les quatre axes qui devraient alimenter et enrichir une vraie politique de l'emploi : la baisse des charges, la formation professionnelle, la lutte contre les exclusions et la défense du paritarisme.
Au lieu de cela, vous préférez les 35 heures et les emplois-jeunes, entraînant la France à contre-courant de nos partenaires et suscitant leurs plus expresses réserves quant à la voie que souhaite tracer seul notre pays.
Mme Nicole Borvo. Demandez aux jeunes ce qu'ils en pensent !
M. Dominique Leclerc. Pour toutes ces raisons, madame la ministre, le groupe du Rassemblement pour la République ne peut que refuser ce budget. (Applaudissement sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant d'étudier les principales lignes budgétaires pour l'an 2000 du ministère de l'emploi et de la solidarité, puis de dresser un bilan du coût des politiques de l'emploi au regard de leur efficacité, je tiens à m'arrêter quelques instants sur le contexte économique et social actuel.
Tous les indicateurs confirment, pour les deux prochaines années, la solidité de la reprise de la croissance économique française. Les effets de cette dynamique sur l'emploi comme sur le moral des Français et des entreprises sont visibles.
Une nouvelle fois, en octobre, le nombre de demandeurs d'emplois a reculé ; la baisse du chômage amorcée depuis plus de deux ans semble s'accélérer et, fait nouveau, concerner toutes les catégories, même les plusfragiles.
Evidemment, les jeunes, dont le taux de chômage a baissé de 25 % en deux ans, en profitent tout particulièrement. Les chômeurs de longue durée, dont le nombre repasse sous la barre du million, sont aussi touchés.
Sensibles à cette décrue du chômage, au record qui est en vue en matière de création d'emplois salariés, les Français sont aujourd'hui optimistes, plus enclins à consommer, mais ils sont aussi conscients, et indignés, des inégalités persistantes dans la répartition des richesses produites, des bénéfices colossaux dégagés par certaines grandes entreprises, plus soucieuses d'asseoir les profits financiers de leurs actionnaires que de mener une politique favorable à l'emploi et à la progression salariale.
Ces embellies du marché de l'emploi, je les attribue, contrairement à certains, non seulement à la conjoncture mais aussi à l'efficacité de la politique volontariste en matière d'emploi - je songe aux 35 heures et aux emplois-jeunes - et de relance de la consommation menée par le Gouvernement. Si l'on peut s'en réjouir et s'il est désormais possible de reparler avec une certaine crédibilité de société de plein emploi, nous avons le devoir de concrétiser cet objectif, d'une part, et de corriger les effets pervers de nouvelles inégalités, de cimenter la cohésion sociale, d'autre part.
Lutter contre la précarité et la misère reste plus que jamais d'actualité.
La persistance et le développement de la précarité au travail et hors du travail ainsi que la flexibilité croissante du marché du travail non seulement justifient que les efforts déjà entrepris soient soutenus mais appellent aussi des mesures urgentes.
Le travail ne protège plus de la pauvreté. Une étude récente du Secours catholique nous rappelle une fois de plus qu'avec l'explosion du temps partiel et des contrats de courte durée on peut être salarié et vivre avec des revenus inférieurs au seuil de pauvreté.
Les décisions prises depuis 1993 par les gestionnaires de l'UNEDIC - durcissement des conditions à remplir pour ouvrir droit à indemnisation, telle la durée d'activité, caractère dégressif de l'allocation chômage - ont largement contribué à exclure du système d'assurance chômage et à paupériser un nombre important de personnes, notamment des jeunes, alternant des contrats précaires et des périodes de chômage. En 1999, la part des chômeurs indemnisés devrait encore diminuer, passant de 41,3 % en 1998 à 41 %, voire moins de 40 % ! Et parmi les chômeurs indemnisés, près de la moitié le sont à des niveaux extrêmement faibles !
Comme chaque année depuis 1997, au moment des choix budgétaires, à la veille des fêtes de Noël, les associations de chômeurs et de personnes vivant dans la précarité se font entendre. Au-delà de la demande d'une prime exceptionnelle de 3 000 francs et d'un relèvement significatif des minima sociaux adressée au Gouvernement - revendication légitime de partage des fruits de la croissance - est posé un problème de fond : celui de la réforme de l'indemnisation chômage. Vous savez fort bien, madame la ministre, qu'un appel pour un Grenelle de l'assurance chômage reçoit un accueil favorable.
Dans le contexte actuel de blocage, où le MEDEF rechigne à ouvrir des négociations en vue de renouveler dans les temps la convention Etat-UNEDIC qui vient à expiration le 31 décembre, et annonce dès à présent son refus de voir reconduire l'ARPE, l'allocation de remplacement pour l'emploi, les conditions ne sont pas remplies pour que le régime d'assurance chômage évolue positivement afin d'assurer à tous une indemnisation décente.
Madame la ministre, je suis conscient que le système d'assurance chômage relève de la compétence exclusive des partenaires sociaux. Toutefois, si nous souhaitons promouvoir demain une aide plus efficace à la réinsertion professionnelle, assurer une meilleure indemnisation et la prise en compte du problème des jeunes de moins de vingt-cinq ans, l'Etat, qui a en charge la solidarité nationale, doit évidemment consacrer plus à la résorption de la fracture sociale mais aussi responsabiliser au maximum les entreprises afin de les dissuader de jouer de la flexibilité et des licenciements comme de simples variables d'ajustement en faisant supporter aux salariés les conséquences de leurs décisions.
Pourquoi ne pas envisager, comme c'est le cas d'ailleurs pour la branche accidents du travail-maladies professionnelles de la sécurité sociale, des cotisations employeur à l'assurance chômage modulées avec un système de bonus-malus, selon le risque chômage que l'entreprise fait courir à la collectivité ?
C'est l'une des dispositions contenues dans la proposition de loi visant à prévenir les licenciements économiques que nous avons déposée.
Il faut enrayer la machine à exclure, imposer dans le domaine de l'emploi la démarche de prévention. Nous tenons beaucoup à l'évolution et au renforcement de la législation en matière de licenciements économiques.
Après ce qu'il est désormais convenu d'appeler « l'affaire Michelin », le Premier ministre a opportunément rappelé que l'Etat n'avait pas à aider les entreprises qui diminuent leurs effectifs alors qu'elles réalisent de substantiels bénéfices.
Se trouvent en ligne de mire, notamment, les dispositifs de préretraites et les allocations spécifiques du fonds national pour l'emploi. Accordées dans le cadre de plans sociaux, ces aides au retrait anticipé d'activité ont, bien souvent, servi à financer à moindre coût par les deniers publics le rajeunissement de la pyramide des âges et les restructurations d'entreprises qui, objectivement, n'étaient pas réellement en difficulté.
Fort justement, le budget de cette année continue d'en tirer les conséquences, puisque les divers articles du chapitre relatif à la promotion de l'emploi et aux adaptations économiques enregistrent une réduction sensible des crédits. Par exemple, l'enveloppe affectée dans ce domaine, qui dépassait 8 milliards de francs il y a deux ans, diminue de 694 millions de francs, pour s'établir à 4,1 milliards de francs en 2000.
Nous apprécions cette démarche qui, de surcroît, s'accompagne de la révision à la hausse des financements tant des entreprises que de l'UNEDIC.
Dans le même ordre d'idée, nous réitérons notre souhait de voir les entreprises davantage associées à l'insertion, à la qualification et à la formation des personnes en difficulté comme de l'ensemble des salariés.
Par ailleurs, la forte proportion d'intérimaires et de salariés en contrats à durée déterminée témoigne du fait que les entreprises, dans certaines branches, sont de plus en plus nombreuses à recourir à ce type d'emplois, de manière non seulement conjoncturelle, mais également structurelle, pour gérer de façon permanente la main-d'oeuvre. Le secteur de l'industrie concentre, à lui seul, plus de la moitié des intérimaires.
A nouveau, en 1998, l'intérim a enregistré une forte hausse de 26,6 %. Selon l'étude de la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, publiée en novembre dernier, le travail temporaire représente 454 000 emplois en équivalent temps plein. Ainsi, 900 000 personnes se contentent d'un contrat à durée déterminée et, de facto, pour le plus grand nombre, de moyens d'existence réduits, de projet de vie à court terme.
Depuis l'an dernier, les parlementaires communistes vous invitent, madame la ministre, à lutter contre le développement du travail précaire.
Faute de négociations au niveau des branches professionnelles et d'accords responsabilisant les entreprises en pénalisant financièrement le recours excessif et systématique aux emplois précaires, le Premier ministre s'est résolu à accepter que ce sujet fasse l'objet d'une intervention législative.
Nous accueillons très positivement cette décision et espérons que le dispositif retenu, qui pourrait prendre la forme d'une taxe supplémentaire pour les entreprises dépassant un certain seuil d'emplois précaires et d'une limitation des possibilités de reconduction des contrats à courte durée, se révélera être effectivement un instrument incitant les employeurs à recourir à l'emploi stable etcorrectement rémunéré.
Toujours dans le même souci de limiter la flexibilité en s'attachant à la qualité et au contenu des emplois, je tiens à souligner ô combien ! il nous paraissait urgent non seulement de « moraliser », mais aussi de décourager le recours au temps partiel, subi dans plus de 40 % des cas par les salariés. Il est en effet source de nombreux inconvénients du fait des fortes dérives dont il a fait l'objet ces dernières années, sans que pour autant de réelles contreparties soient apportées.
La suppression de l'abattement de 30 % des cotisations patronales décidée lors de la discussion de la seconde loi sur les trente-cinq heures va dans le bon sens.
Les enjeux sont importants. La promotion de l'emploi, la lutte contre les exclusions et les inégalités devant l'emploi doivent rester les priorités du Gouvernement.
Le budget de l'emploi, dont les crédits progressent cette année de 2,3 %, reflète bien la volonté politique de ne pas se satisfaire d'un chômage de masse, même ramené à 11 %. Il illustre aussi clairement certaines des orientations fondamentales de la politique mise en oeuvre depuis 1997, orientations sociales que nous partageons, qu'il s'agisse des trente-cinq heures, des emplois-jeunes, de la lutte contre les exclusions ou de l'action ciblée en faveur des publics les plus éloignés de l'emploi et que nous souhaitons voir parfaire.
Il est toutefois un bémol et de taille : nous continuons à nous interroger sur la pertinence et l'efficacité d'une politique publique pour l'emploi privilégiant l'allégement du coût du travail. Nous regrettons, madame la ministre, cette orientation stratégique qui emporte la préférence de la majorité sénatoriale, laquelle souhaiterait que ce choix soit encore plus amplifié. A notre sens, ces mesures tirent les salaires le plus souvent vers le bas et ne concourent pas à qualifier ces emplois.
Profondément attachés à enrichir le plus possible l'objectif d'emploi de la seconde loi relative à la réduction négociée du temps de travail, nous nous sommes largement exprimés lors des débats sur ce texte. Nous avons fait valoir notre opposition à la nature du financement retenu. Nous avons en vain proposé un financement alternatif et l'extinction de la « ristourne Juppé » débudgétisée pour les entreprises qui ne seraient pas à 35 heures.
En ce qui concerne la conditionnalité des aides à la création d'emplois, le texte a évolué positivement. Plus généralement, nous attendons que le Gouvernement s'engage résolument sur la voie du contrôle des fonds publics en acceptant, dans un souci de transparence et de renforcement de la démocratie, que notre proposition de loi visant à la création d'une commission nationale de contrôle des fonds publics pour l'emploi soit discutée.
J'aborderai maintenant un axe essentiel de ce budget : l'accentuation des actions en faveur des jeunes.
En octobre 1997, le Gouvernement lançait le programme « nouveaux services, nouveaux emplois », réservé au secteur public et associatif, afin de développer des activités nouvelles répondant à des besoins émergents ou non satisfaits et présentant un caractère d'utilité sociale. L'objectif, pour la fin de l'année 2000, de 300 000 emplois pourra être tenu, les crédits nécessaires étant prévus.
Si l'on peut effectivement saluer la montée en charge du dispositif emplois-jeunes, il convient aussi, et surtout, de veiller à sa pérennisation en assurant aux bénéficiaires, dont un sur deux s'interroge sur son avenir professionnel, la possibilité de conserver leur activité et d'accéder à un véritable emploi.
Au lieu de rejeter en bloc la poursuite du développement d'emplois dans le secteur non marchand, comme le voudrait la majorité sénatoriale, alors même que ces métiers correspondent à de vrais besoins, attachons-nous à professionnaliser ces emplois.
Quels sont les taxes de réflexion retenus par le Gouvernement en complément des initiatives et des conventions signées par le ministère de l'éducation nationale, notamment avec le secteur du bâtiment ou des grandes entreprises - Air France, Vivendi - pour procurer à l'ensemble des jeunes concernés de réels débouchés ?
S'agissant du dispositif TRACE, mis en place par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions afin d'assurer un suivi personnalisé des jeunes sans qualification et très désocialisés, de les accompagner en leur permettant d'accéder aux connaissances de base, je prends acte de l'augmentation des crédits de ce programme.
Je constate que le rythme d'entrée dans ce dispositif paraît lent et que des incertitudes demeurent quant aux résultats en termes d'insertion, en raison de la limitation dans le temps de la durée d'accompagnement : dix-huit mois.
Une question cruciale et déterminante pour la resocialisation n'est toujours pas résolue : il s'agit de la garantie de ressources, pourtant nécessaire pour sécuriser le parcours d'insertion.
Madame la ministre, pourquoi ne pas envisager la création d'une allocation d'emploi, une allocation « formation-insertion », pour remédier de façon permanente aux difficultés financières des jeunes qui ne sont ni en stage ni sous contrat de travail ?
En outre, le projet de budget tire toutes les conséquences du recentrage des dispositifs d'aide à l'emploi des publics prioritaires au bénéfice des demandeurs les plus éloignés de l'emploi. L'accent est mis sur les contrats emplois consolidés, avec 60 000 contrats supplémentaires, alors que le nombre d'entrées en contrat emploi-solidarité diminue et qu'il se stabilise pour les contrats initiative-emploi.
Caractérisés tout de même par une forte précarité, ces emplois aidés à durée déterminée « replongent » le plus souvent leurs bénéficiaires dans le chômage.
Toujours pour renforcer l'insertion, traiter individuellement les besoins particuliers et prévenir le chômage de longue durée, l'ANPE voit ses moyens renforcés. Le programme « nouveau-départ » sera assuré, notamment, grâce à la création de cinq cents postes supplémentaires.
Indéniablement, les réformes structurelles emblématiques de la gauche plurielle sont financées. Je regrette toutefois les redéploiements opérés et certains choix budgétaires. Je pense, en particulier, au financement de la politique de formation professionnelle, qui soulève quelques interrogations. Mais vous y apporterez, je crois, une réponse. L'évolution la plus spectaculaire concerne les crédits consacrés à l'apprentissage.
En revanche, les dotations à l'AFPA progressent, ce qui devrait utilement permettre, en période de reprise, de satisfaire les demandes de main-d'oeuvre qualifiée émanant des entreprises. Nous attendons de la réforme annoncée qu'elle permette la formation professionnelle tout au long de la vie, accessible à tous, répondant aux besoins des enteprises comme aux aspirations des salariés, et qu'elle clarifie les responsabilités de chacun.
Mais je pense aussi au reclassement des handicapés, à la question de leur insertion sur le marché de l'emploi qui se révèle être deux fois plus longue que pour unepersonne valide. A l'issue de la troisième semaine nationale pour l'emploi des handicapés organisée par l'Association pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'ADAPT, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre afin de favoriser l'embauche des personnes handicapées ?
Après ces quelques réserves, pour conclure par une note plus positive sur le projet de budget que vous nous soumettez, madame la ministre, je saluerai l'effort budgétaire pour améliorer les services de votre ministère.
Contrairement à la majorité sénatoriale, qui justifie son avis défavorable sur le présent projet de budget par trois motifs principaux - le coût croissant des emplois-jeunes, le caractère contraignant de la réduction du temps de travail et son financement, la création de cent trente postes dont quinze inspecteurs et quatre-vingt-huit contrôleurs - je considère qu'il est plus qu'opportun que le nombre de ces personnels aille croissant et que l'on s'attache à résorber l'emploi précaire en améliorant la situation matérielle et les perspectives de carrière, notamment des agents de catégorie C.
Vous l'aurez compris, madame la ministre, nous approuvons votre projet de budget et, par conséquent, nous ne pouvons, pour de multiples raisons, que nous opposer à la position de la majorité du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon propos sera bref, car le sujet a déjà été abordé, chiffres à l'appui, que je ne reprendrai pas ou peu. Il sera centré sur les crédits consacrés à la formation professionnelle.
Alors que le Gouvernement, à juste titre, fait de l'emploi une priorité, les crédits de la formation professionnelle, qui sont l'instrument concret, me semble-t-il, d'une demande précisément préalable à l'emploi, sont en baisse par rapport à l'an dernier. Le projet de budget de la formation professionnelle ne se cantonne-t-il pas, en effet, pour l'essentiel, à financer des mesures de reconduction, dans l'attente, me dira-t-on, d'une réforme qui sera sans doute la bienvenue ? Cette réforme, annoncée dapuis quelque deux ans et dont je conviens qu'elle aurait pu être amorcée bien avant, devra voir le jour en 2001. Elle est pourtant urgente, car indispensable.
Notre système de formation professionnelle, peu modifié depuis des années, pour l'essentiel, suscite, à juste titre, de nombreuses réserves, alors que M. Claude Allègre lui-même parle de « l'impérieuse nécessité de la formation professionnelle ».
Tout d'abord, le système reste complexe et l'on pouvait parler de surcroît, il y a peu - c'est peut-être moins le cas aujourd'hui - de l'opacité des financements. A une question posée dans un passé relativement récent, il m'avait alors été répondu que plus de 40 000 organismes étaient déclarés, que seuls quelque 26 400 avaient exercé une activité et que moins de 5 000 seulement avaient déclaré un chiffre d'affaires supérieur à 1 million de francs, représentant cependant 85 % de l'activité totale du marché. Suivaient des précisions quant à la nécessaire transparence du marché. Il y a sans doute toujours là un chantier à poursuivre, en matière de simplification et de transparence.
Peut-on dire que ce système toujours complexe entretient de surcroît des inégalités d'accès à la formation, selon le sexe, l'âge ou le niveau de qualification ? A défaut d'une relation évidente de cause à effet, c'est pour le moins là un constat que l'on fait à regret.
Ces quelques remarques ou observations critiques - je pourrais formuler d'autres considérations, d'importance inégale il est vrai - sont d'autant plus fâcheuses à faire que la formation joue bien évidemment un rôle premier dans la lutte contre le chômage et les exclusions, qui est le point fort de la politique du Gouvernement, puisqu'elle peut permettre à tous d'intégrer le marché du travail, qui est le meilleur vecteur de l'insertion.
Il n'est nullement question, à mes yeux, de critiquer pour l'essentiel le bien-fondé et la réalité des mesures de lutte contre les exclusions, mais l'effort fait par ailleurs, et c'est un exemple, pour les emplois-jeunes ne saurait être assimilé aux efforts nécessaires en faveur des publics en difficulté au regard de leurs difficultés d'intégration professionnelle. C'est tout autre chose, me semble-t-il.
C'est, là encore, une raison forte pour laquelle je déplore la diminution des crédits. Je veux bien penser qu'elle ne traduit pas un désengagement du Gouvernement, contrairement à ce qui a pu être dit. Chacun en convient, l'une des pièces maîtresses de la formation professionnelle, c'est la formation, ou les formations, en alternance. Or les crédits alloués à ce type de formation sont en baisse et les contrats sont en diminution. C'est un autre regret que je formule, mais j'ai cru comprendre tout à l'heure, en entendant M. Fischer, qu'une réponse serait apportée. J'attends.
Le chômage régresse, et chacun ne peut que s'en réjouir, mais, parallèlement et paradoxalement, de nombreux secteurs d'activités - cela a été dit - éprouvent de grandes difficultés à trouver de la main-d'oeuvre. On ne saurait reprocher au Gouvernement actuel le manque d'attrait des jeunes pour certains métiers, pas davantage - je l'ai vécu, cela ne date pas d'aujourd'hui - la sélection par le bas de l'orientation en établissement d'enseignement professionnel. Il en est ainsi depuis des décennies. Sont en cause les gouvernements peut-être, l'éducation nationale et les enseignants certainement, et les parents tout autant.
C'est affaire de culture, me semble-t-il, et le courant sera difficile à remonter. Raison de plus pour qu'un effort tout particulier soit fait - et ce n'est, hélas ! pas le cas - en faveur de l'apprentissage, qu'il s'agisse des contrats de qualification, d'adaptation ou d'orientation. La formation professionnelle, diagnostics, défis et enjeux, tel est le titre du Livre blanc, madame la secrétaire d'Etat, dont nous souhaitons l'exploitation et la mise en oeuvre. Il s'agit d'une attente, ce n'est donc pas, par définition, une réalité à ce jour.
Certes, il convient de se féliciter, par ailleurs, de l'augmentation des crédits en faveur de l'AFPA, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes. Ses missions de service public permettent à cet organisme de participer activement à la réinsertion professionnelle. Nous en convenons.
L'AFPA prend effectivement le parti de se tenir à la pointe des nouvelles technologies et de l'enseignement à distance. J'ai pu le constater dans mon département. Souhaitons simplement, mais cela n'est pas rien, que l'AFPA connaisse une très bonne gestion.
Au total cependant, et pour conclure ce « survol » trop bref et tellement incomplet - je n'ai pas voulu rappeler les chiffres - ce budget permet, me semble-t-il, la reconduction, je l'ai déjà dit, des actions conduites jusqu'à présent. J'ai le sentiment qu'il s'agit en quelque sorte d'un budget de transition, en attente de réformes souhaitables et souhaitées, en attente d'une politique plus forte de la formation professionnelle. J'en conviens, la chose n'est sans doute pas aisée ; raison de plus, me semble-t-il, pour amorcer sans plus attendre ce chantier.
La reprise de l'activité économique qu'accompagne une pénurie de main-d'oeuvre aurait dû, selon moi, y inciter. Le budget en discussion ne permet pas cette avancée que nous aurions souhaitée. Madame la secrétaire d'Etat, c'est un constat, que je fais à regret, regret qui n'est en rien, je ne crains pas de l'affirmer, la manifestation d'une quelconque et condamnable tactique politicienne dont parlait notre collègue Mme Dieulangard. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le présent projet de budget pour l'emploi s'inscrit dans la continuité des mesures dont la mise en oeuvre a été entamée depuis 1997, qu'il s'agisse, pour l'essentiel, des emplois-jeunes, de la lutte contre les exclusions et des deux lois de réduction du temps de travail. En ce sens, le budget est bien un texte d'exécution, qui donne au Gouvernement et à l'administration les moyens d'application de la politique qui a été déterminée auparavant.
C'est précisément sur les moyens que vous nous proposez pour votre propre administration que mon intervention portera, madame la ministre.
Je voudrais tout d'abord vous féliciter de la poursuite du programme de résorption de l'emploi précaire que vous avez entrepris. Quelque 12,5 millions de francs sont consacrés à cette opération indispensable d'assainissement. Il était en effet paradoxal que se soit ainsi développé au sein de l'administration du travail un nombre important d'emplois précaires : vingt-six postes d'agent administratif de deuxième classe sont créés dans ce cadre, qui font suite aux trente postes de cette année.
Par ailleurs, ce projet de budget prévoit la création de quinze postes d'inspecteur du travail et de quatre-vingt-huit postes de contrôleur du travail.
Là aussi, ces créations font suite à celles de 1998 et 1999, soit déjà un acquis de 195 inspecteurs et contrôleurs du travail. Si je compte bien, nous voilà donc avec 298 membres du corps d'inspection en plus depuis votre prise de responsabilité à ce ministère. C'est un effort tout à fait considérable et sans précédent, qu'il convient de saluer.
Nous devons cependant tenir compte de trois points.
D'abord, nous partons de très loin, puisqu'il n'y a toujours que moins de 1 500 agents de contrôle pour 14 millions de salariés du secteur privé. Tous les inspecteurs et contrôleurs ne sont pas affectés à des tâches d'inspection ; ils peuvent être en poste dans les directions régionales ou départementales du travail.
Ensuite, la procédure de recrutement et de formation est longue. L'ensemble atteint facilement trois ans. Il y a donc un temps de latence réel entre notre vote et la prise de fonction de ces agents.
Enfin, le Parlement est en train d'examiner le second projet de loi relatif à la réduction du temps de travail, un texte important par la teneur de ses dispositions et par le fait qu'il concerne l'ensemble des entreprises et des salariés du secteur privé. Ce texte touche au coeur même de la relation de travail, sa durée et, par ricochet, sa rémunération.
Quelles que soient la bonne foi et la bonne volonté des chefs d'entreprise et des représentants de salariés, ce texte ne manquera pas de susciter des questions sur ses modalités d'application.
A notre grand regret, nous devons aussi craindre que, ici ou là, cette bonne foi et cette bonne volonté ne soient prises en défaut et que des divergences d'interprétation ou des conflits ne surgissent. Nous avons déjà connaissance d'entreprises où, par exemple, l'intégration de telle ou telle pause dans le temps de travail effectif et la suppression des ponts traditionnels par la direction sont sources de graves difficultées.
Il convient de veiller à ce que la réorganisation du travail, qui est bien souvent permise par la réduction du temps de travail, se déroule de manière équilibrée et ne lèse pas les salariés. Nous avons légiféré le plus précisément possible, mais tout ne peut malheureusement être prévu.
Les employeurs et les salariés ont donc besoin de conseils durant la négociation, et la mise en place de la réduction du temps de travail nécessite un contrôle, non seulement lors de la mise en oeuvre, mais aussi dans les modalités d'application au fil du temps.
C'est donc une tâche très importante qui attend les services d'inspection, déjà fort préoccupés par le respect du droit du travail actuel dans les entreprises.
Notre interrogation, madame la ministre, porte donc sur la poursuite de cette politique de renforcement du corps de contrôle. Nous approuvons bien entendu pleinement ce qui a déjà été réalisé en la matière. Nous aimerions d'ailleurs savoir où en sont le recrutement, la formation et les premières affectations des agents recrutés sur les postes qui ont été budgétisés.
Nous souhaitons que cette politique soit poursuivie et amplifiée dans les prochaines années par un plan pluriannuel de recrutement et de formation.
Nous souhaitons aussi que les inspecteurs et les contrôleurs recrutés soient, à l'issue de leur formation, affectés à des tâches effectives de contrôle et réalisent des missions en entreprises, pour y apporter leurs conseils, mais aussi pour sanctionner, lorsqu'il le faut, les chefs d'entreprise qui en prennent à leur aise avec la loi.
Si je puis me permettre cette note d'humour, je dirai que nous sommes persuadés qu'une plus grande présence, une plus grande disponibilité des agents de contrôle aurait un effet bienfaisant sur les relations sociales dans certaines entreprises.
Voilà qui m'amène à une autre question relative à la gestion des personnels de contrôle. Il s'avère, en effet, que le déroulement de carrière des inspecteurs du travail ne leur permet plus, passé un certain échelon, de rester en poste, mais que toute promotion est conditionnée par l'accès à un poste de direction du travail. Cela présente deux inconvénients : un certain nombre d'inspecteurs préféreraient rester en poste et regrettent de devoir en quelque sorte changer de métier ; surtout, sur le plan de l'efficacité, c'est au moment où ces agents sont bien formés et expérimentés, au meilleur de leur efficacité, qu'ils doivent abandonner leur mission. Ce système est parfaitement contre-productif et il nous paraît opportun de réfléchir au moyen d'assouplir ces règles d'évolution decarrière.
Telles sont, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, les éléments que nous souhaitions apporter àl'occasion de ce débat budgétaire.
De grands progrès ont été réalisés depuis deux ans dans le domaine de la gestion des personnels comme en matière de réorganisation de la dépense pour l'emploi. Ces progrès portent leurs premiers fruits, et nous n'en avons que plus de satisfaction à vous renouveler aujourd'hui encore notre total soutien. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Larifla.
M. Dominique Larifla. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, incontestablement, les mesures prises par le Gouvernement portent aujourd'hui leur fruit en métropole. La France retrouve son dynamisme et sa place parmi les grandes puissances de ce monde. Hélas ! en outre-mer, la situation économique et sociale se dégrade de jour en jour, malgré les orientations et les actions fortes du Gouvernement.
En métropole, on assiste à une diminution très nette du nombre de demandeurs d'emploi, alors que la situation de l'outre-mer demeure préoccupante. Le taux de chômage et les indices d'exclusion sont en constante progression : 11,3 % à la Martinique, 5,3 % en Guadeloupe et 4,1 % en Guyane. Le taux du chômage atteint 36 % à la Réunion, 30,5 % à la Martinique, 30 % en Guadeloupe et 25 % en Guyane.
Les départements d'outre-mer restent donc caractérisés par la tendance à la hausse du chômage et par une conjoncture économique défavorable. La situation est dramatique pour les demandeurs d'emploi de longue durée, dont le nombre atteint 109 715 pour l'ensemble des départements d'outre-mer. Les proportions les plus élevées se situent à la Martinique et en Guadeloupe, respectivement 58,4 % et 53,3 %.
A la Réunion, le nombre de RMIstes croît de 6,7 % pour atteindre 58 000. En Guadeloupe, il s'établit à 28 000, soit environ 14 % de la population active. Pour l'ensemble des départements d'outre-mer, on dénombre 118 822 bénéficiaires du RMI, alors que ces départements représentent moins de 3 % de la population française.
L'importance du nombre de personnes qui bénéficient du RMI dans les départements d'outre-mer témoigne de la détérioration de la situation économique et sociale. Elle est le signe de l'existence d'une société duale, distinguant, d'une part, les personnes incluses dans le système productif et, de l'autre, celles qui relèvent du dispositifd'assistance.
En ce qui concerne les agences départementales d'insertion, la loi du 28 juillet 1998 a allégé les procédures administratives. Les allocataires du RMI doivent bénéficier d'un service social et d'un plan d'insertion adaptés à la réalité locale. C'est la condition indispensable d'un accès à l'emploi.
La créance de proratisation est versée au budget des ADI, les agences départementales d'insertion, par le FEDOM, le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer. Le besoin en logements très sociaux est immense. Le Gouvernement doit à tout prix maintenir, voire amplifier les dotations en faveur de ce secteur. L'égalité sociale passe par l'égalité devant le droit au logement.
La gravité de la situation économique et sociale de l'outre-mer constitue un défi que le Gouvernement a décidé de relever.
Les emplois-jeunes ont permis de limiter le chômage des jeunes. La part de l'outre-mer dans le nombre total des emplois de ce type créés à ce jour est importante, puisqu'elle s'élève à 6,25 %, alors que les DOM ne représentent que 3,5 % de la population nationale âgée de moins de vingt-cinq ans. Malgré cela, le taux de chômage des jeunes reste encore trop élevé.
Les crédits importants inscrits au FEDOM permettront de créer 11 000 emplois-jeunes sur trois ans pour l'ensemble de l'outre-mer. Mais, comme vous le savez, le retard de développement de nos régions, qui a pour conséquence des contraintes financières énormes, et le faible potentiel fiscal local entravent la capacité des communes à signer des contrats emplois-jeunes en nombre suffisant et à soutenir comme il le faudrait l'effort de l'Etat.
Sur le plan des mesures d'aide à l'emploi et à la formation, l'objectif fixé pour les CAE a été atteint, tandis que celui qui est relatif aux CES est déjà dépassé.
Malgré quelques difficultés l'année dernière de mise en oeuvre des contrats d'insertion par l'activité, les CIA, on constate une montée en puissance du dispositif par rapport à l'année précédente. Ainsi, en Guadeloupe, en 1998, 4 006 CIA ont été conclus. En revanche, le nombre de contrats en alternance a diminué de 7 %. Les chefs d'entreprise devraient participer de manière plus active à l'insertion de notre jeunesse dans le monde du travail.
Au total, dans les DOM, les principales mesures des politiques de l'emploi relatives aux contrats aidés et aux actions de formation ont concerné plus de 92 000 bénéficiaires en 1998, au lieu de 75 000 en 1997.
L'emploi est donc la première des priorités gouvernementales pour l'outre-mer. Le projet de budget pour 2000 fixe le montant de la dotation pour l'emploi dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon à 2,1 milliards de francs, soit une augmentation de 16,2 % par rapport à 1999. Ainsi, le FEDOM permettra le financement de 58 000 solutions d'insertion, contre 56 000 en 1999.
En ce qui concerne le logement social, une part des crédits de la créance de proratisation du RMI y est consacrée. Elle s'ajoutera à la ligne budgétaire unique, qui marque une stagnation.
L'effort global de l'Etat pour l'outre-mer, tous ministères confondus, progresse de 2,85 %, passant de 56 milliards de francs à 57,8 milliards de francs. Cette progression est plus que trois fois supérieure à la moyenne nationale. Cet effort consacré à l'outre-mer permettra aux DOM d'afficher des objectifs ambitieux et de dégager véritablement des priorités en termes d'emploi, de logement et d'action sociale et culturelle.
Mais un danger guette aujourd'hui nos sociétés : la tentation de « salarier » l'exclusion.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
M. Dominique Larifla. Il faut que les DOM sortent de cette certitude fataliste, car ce consentement tacite mène à une dissociation croissante entre l'économique et le social. Il est temps de se pencher sur un plan de développement économique porteur d'emplois durables et créateur de richesse.
Pour conclure, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, l'emploi et, par conséquent, le développement économique nécessitent plus que jamais un soutien actif et résolu de la puissance publique. Le développement, pour être durable, doit être solidaire. L'emploi est au coeur de votre projet de budget. En tournant la page de la politique de la parité sociale, le Gouvernement s'est fixé pour objectif l'égalité sociale, qui suppose un effort de la nation.
La responsabilité politique, économique et sociale, dont le Gouvernement souhaite qu'elle soit assumée dans chaque DOM, est une des clés du développement de l'outre-mer. Nos territoires sont riches d'une jeunesse nombreuse, dynamique, formée ou en quête de formation diplômante. Cette jeunesse constitue un atout majeur, une chance pour les DOM, et aussi pour la nation.
L'outre-mer reste attentif et ouvert à toute initiative allant dans le sens du progrès. Je voterai ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, Nicole Péry et moi-même avons l'honneur de vous présenter aujourd'hui le projet de budget de l'emploi et de la formation professionnelle pour 2000.
Cette discussion est évidemment indissociable des débats relatifs à la réduction de la durée du travail, au projet de loi de financement de la sécurité sociale et à l'institution d'un nouveau régime d'allégement des cotisations patronales.
Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que la politique de l'emploi est au coeur de la stratégie du Gouvernement. Avec ce projet de budget, nous remplissons les engagements qui avaient été pris en ce qui concerne l'emploi. En effet, après l'instauration des emplois-jeunes, des aides à l'innovation technologique et à la création d'entreprise, de l'aide au pouvoir d'achat et à la relance de la consommation et de la croissance, de la réduction de la durée du travail et de la modification du financement des cotisations patronales, nous aurons mis en place l'ensemble des éléments sur lesquels s'était fondé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.
Il faut reconnaître que cette politique porte ses fruits, n'en déplaise à certains. En effet, quels que soient les indicateurs du chômage retenus - je rappelle que j'ai réintégré dans les chiffres du chômage publiés l'ensemble de ces indicateurs, notamment celui que l'on appelle le « 1 + 6 », qui permet de prendre aussi en compte les chômeurs ayant travaillé plus d'un mi-temps dans le mois - tous témoignent d'un recul important du chômage.
Si l'on se réfère à l'indicateur le plus connu, on dénombre 470 000 chômeurs de moins par rapport au mois de juin 1997 ; mais, ce qui est plus important et plus intéressant encore, cette évolution est deux fois plus ample sur les seuls dix premiers mois de l'exercice 1999 que pour toute l'année dernière, puisque l'on compte 250 000 chômeurs de moins par rapport au début de l'année. Cela montre que la décrue du chômage s'est nettement accélérée, alors même que le taux de la croissance, comme vous le savez, est de 2,7 %, contre 3,4 % l'année dernière.
Il faut donc croire que d'autres éléments jouent peut-être en dehors de la seule croissance, à laquelle certains souhaiteraient borner leur analyse. Je ne prétends pas, messieurs Ostermann et Souvet, que la croissance n'a joué aucun rôle, puisque nous avons au contraire tout fait pour la relancer. Je rappelle que, dans notre pays, le taux de croissance était en moyenne, sur les quatre dernières années précédant l'installation du gouvernement de Lionel Jospin, inférieur de 0,5 point à la moyenne européenne, alors qu'il lui est aujourd'hui supérieur de 0,5 à 1 point. Nous avons, pour ce faire, relancé la consommation, et donc les revenus de ceux qui en avaient le plus besoin, mais nous avons aussi fait en sorte de ramener la confiance. Celle-ci est revenue, notamment grâce aux emplois-jeunes, qui ont redonné espoir aux familles.
Comme l'ont très bien montré Mme Dieulangard et M. Fischer, c'est tout à la fois le redémarrage de la croissance - fondé d'ailleurs sur la consommation interne, ce qui nous a permis de franchir beaucoup plus facilement le cap des crises asiatique et russe - les résultats de l'instauration des emplois-jeunes et de la politique menée en matière de nouvelles technologies et les premiers effets, que l'on retrouve dans les chiffres, de la réduction du temps de travail qui expliquent la réalité d'aujourd'hui.
M. Ostermann nous a affirmé que la source de cette évolution favorable était la croissance internationale, notamment américaine, qui se situait pourtant au même niveau au cours des quatre années ayant précédé notre arrivée. A l'écouter, on a donc l'impression qu'elle ne diffusait pas en France ses effets bénéfiques quand la droite était au pouvoir mais que, brutalement, c'est cette seule cause qui expliquerait les résultats actuels de notre pays. Je crois pour ma part qu'il est tout aussi erronné d'affirmer que tout est dû à la croissance internationale que de nier l'importance d'un climat favorable pour la création d'emplois, ce que nous n'avons jamais fait. Je pense qu'il faut là aussi procéder à une analyse en se fondant sur les faits, car c'est ainsi que nous pourrons progresser.
Par conséquent, la situation de l'emploi s'améliore de manière certaine dans notre pays, où l'on dénombre 150 000 chômeurs de longue durée de moins sur un an et 25 % de jeunes chômeurs en moins par rapport à juin 1997, ce qui est tout à fait nouveau puisque, depuis la première crise pétrolière, nous n'avions pas connu un tel recul du chômage de longue durée. Ces résultats sont dus, à mon sens, aux effets des politiques volontaristes que nous menons, par le biais notamment de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions et de l'action du service public de l'emploi.
Cela dit, il reste de nombreux chômeurs dans notre pays - ils sont aujourd'hui 2 670 000 - notamment dans certaines régions et dans les DOM, comme M. Larifla nous l'a rappelé à juste raison. Nous savons donc que nous devons continuer avec la même détermination à lutter contre le chômage : c'est tout l'enjeu de la poursuite du mouvement de réduction de la durée du travail et de la mise en place des emplois-jeunes, mais aussi de l'encadrement du temps partiel subi et de la lutte contre l'emploi précaire, que M. Fischer a évoquée ; c'est aussi tout l'enjeu de ce projet de budget, qui porte en germe la réforme des cotisations patronales et la poursuite de la réduction du temps de travail.
Lorsque le marché du travail se dégrade, on peut être contraint de recourir aux aides publiques pour atténuer le choc. Mais lorsque la situation de l'emploi s'améliore, l'enjeu essentiel est de favoriser le retour à l'emploi des personnes qui en sont le plus éloignées. Aujourd'hui, il y a encore 2 670 000 chômeurs, il reste 1 000 000 de personnes victimes du chômage de longue durée - leur nombre a heureusement quelque peu baissé, mais il demeure quand même extrêmement important - et c'est vers eux que nous devons nous tourner en priorité quand la croissance est là, car ce sont eux qui voient passer les trains et qui ont peur de ne pas pouvoir y monter. D'où l'importance, dans ce projet de budget, de la mise en oeuvre de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
Parallèlement à cette optimisation des moyens, qui vise à recadrer l'utilisation de ceux-ci au profit de la lutte contre l'exclusion, nous continuons à faire porter notre action sur les leviers du développement de l'emploi, tels que la réduction de la durée du travail.
Je voudrais à cet égard rassurer M. Carle : il n'y a pas de différence entre les chiffres publiés par l'INSEE et par la DARES et ceux que j'ai annoncés. Si les accords sur les 35 heures signés à ce jour par les entreprises prévoient bien la création ou la sauvegarde de 135 000 emplois, dont 85 % de créations d'emplois, il est vrai que, dans leurs études du mois de septembre, la DARES comme l'INSEE considéraient que 40 000 embauches étaient d'ores et déjà réalisées. Mais il n'y a pas là de contradiction entre les chiffres, et nous en sommes d'ailleurs aujourd'hui, je pense, à 70 000 ou 80 000 embauches, chiffre qui continuera de croître avec le temps.
La politique d'allégement des charges sociales vise elle aussi, par le biais d'une réforme des cotisations patronales, à favoriser l'emploi. Avec 122,6 milliards de francs pour 2000, le projet de budget de l'emploi et de la formation professionnelle permet de financer intégralement nos actions prioritaires, sans dépasser un taux de croissance modéré de 2,3 % par rapport à 1999.
En effet, le montant de ces crédits progresse de 2,7 milliards de francs, chiffre qui résulte de la conjonction de 10,4 milliards de francs de dotations complémentaires et de 7,7 milliards de francs d'économies ou d'ajustements à la baisse sur d'autres postes. Comme nous l'avions fait les années précédentes, nous continuons donc à recadrer le budget et à réduire, voire à supprimer les effets d'aubaine, pour orienter les aides de l'Etat vers ceux qui en ont le plus besoin. Quand des entreprises bénéficient de ces aides, des contreparties en matière d'emploi sont prévues.
S'agissant des mesures structurelles de développement de l'emploi, elles absorbent 80 % de la masse financière dévolue aux mesure nouvelles. A l'inverse, et comme l'an dernier, des économies importantes sont réalisées sur les dotations affectées à l'accompagnement des restructurations et au financement des préretraites du Fonds national de l'emploi.
Quant à la démarche de « ciblage » des aides et d'accompagnement des parcours de retour à l'emploi, elle se traduit par 3,7 milliards de francs d'économies sur les dispositifs traditionnels - il s'agit, je le répète, d'obtenir des gains en matière d'efficacités en recentrant ces dispositifs sur les personnes les plus en difficulté, comme pour les CIE et les CES - et par l'affectation de 1,2 milliard de francs de crédits nouveaux aux outils de lutte contre l'exclusion et au renforcement du service public de l'emploi.
Le premier levier pour favoriser le développement de l'emploi est le dispositif des emplois-jeunes. Le bilan est aujourd'hui de 220 000 emplois créés et de 211 000 embauches. Le projet de budget pour 2000 est construit autour d'un objectif de 320 000 à 330 000 emplois créés, et donc d'environ 290 000 jeunes embauchés d'ici à la fin de l'année 2000. Je voudrais dire à ce propos à M. Ostermann que le projet de budget est bien calibré et que les emplois-jeunes sont financés, à hauteur d'un stock moyen d'emplois de 240 000. Il n'y a donc pas de contradiction entre le projet de budget et les objectifs affichés.
J'ajouterai, monsieur Ostermann, que la Commission européenne n'a pas, contrairement à ce que vous avez affirmé, porté un jugement négatif sur les emplois-jeunes. Elle indique notamment que « ces emplois ont contribué au recul du chômage des jeunes », mais que, « cependant, la survie de ces postes, une fois qu'aura pris fin le soutien financier des pouvoirs publics, dépendra de la capacité du programme à générer des emplois économiquement viables ». C'est justement le sujet qui nous occupe aujourd'hui. Sachez, monsieur Ostermann, que mes collègues et moi-même réunirons, à la fin de la semaine, plusieurs milliers de bénéficiaires d'un emploi-jeune et d'employeurs, afin de faire le point sur la professionnalisation et sur la pérennisation de ces emplois. Nous continuerons à avancer dans cette voie.
La deuxième réforme structurelle, qui est double, concerne la réduction du temps de travail et l'allégement des charges pesant sur les bas et les moyens salaires. Son financement reposera, en 2000, sur le fonds de la réforme des cotisations sociales, créé à cet effet dans la loi de financement de la sécurité sociale. La ristourne dégressive qui, finalement, n'aura été intégrée au budget de l'emploi que sur le seul exercice 1999, rejoint donc ce fonds, pour un montant de 39,5 milliards de francs.
M. Ostermann a l'air de contester ces chiffres. Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le rapporteur spécial, que, lorsque j'ai pris mes fonctions, en juin 1997, c'était la première année d'application réelle de la ristourne dégressive. Or, si 38 milliards de francs avaient été programmés, il manquait cependant 7 milliards de francs. C'est pour cette seule raison que nous avons été amenés à baisser de 1,33 à 1,3 SMIC l'effet maximum et à trouver des ressources complémentaires.
Quand j'entends l'opposition me dire que la réforme des charges sociales du Gouvernement est un vrai scandale alors qu'elle est financée à 80 % sur cinq ans, alors même que, dès la première année d'application de la ristourne dégressive, il manquait déjà 7 milliards sur 45 milliards de francs, je réponds que chacun doit avoir un peu de mémoire.
Compte tenu des évolutions salariales - la « trappe à bas salaires » sera moins importante et, heureusement, il y aura croissance du pouvoir d'achat - les 39,5 milliards de francs que nous avons prévus correspondent exactement à nos calculs et à ceux de l'INSEE : c'est bien ce dont nous aurons besoin en 2000 pour financer la ristourne dégressive.
Je suis d'ailleurs étonnée de vos critiques sur la transparence car, s'il y avait quelque chose qui n'était pas transparent, c'était bien que nous ne soyons pas capables d'individualiser le fonds de baisse des charges. Or le Gouvernement, en l'occurrence, l'a individualisé à la fois dans ses recettes et dans ses dépenses, et il a prévu, à la demande du groupe communiste, que serait établi et transmis chaque année au Parlement - qui devrait s'en réjouir - un bilan annuel sur l'utilisation de ces fonds et leur contrepartie en matière d'emploi. Là est la véritable transparence budgétaire : il s'agit d'un fonds unique dont nous connaissons et les recettes et les dépenses, ce qui n'était pas le cas auparavant pour la ristourne dégressive.
M. Guy Fischer. Oui, cette transparence était bien nécessaire !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous pourrons ainsi contrôler l'efficacité des fonds publics, ce qui va dans le sens d'une plus grande démocratie.
Cette baisse des charges coûtera 105 milliards de francs à terme, dont 40 milliards sont destinés au coût du passage aux 35 heures avec une aide pérenne de 4 500 francs en moyenne par salarié. Là aussi, on peut raconter ce qu'on veut, mais la vérité c'est que chaque emploi créé par la réduction du temps de travail coûtera au budget de l'Etat, selon la taille de l'entreprise, entre 55 000 et 75 000 francs. C'est, de loin, la mesure la moins coûteuse de toutes les mesures de développement de l'emploi prises par les gouvernements successifs pendant ces vingt dernières années.
Les 65 milliards de francs restants représentent la poursuite du mécanisme d'allégement des charges, qui vise à moins taxer les salaires et à taxer les bénéfices des entreprises polluantes, c'est-à-dire des entreprises capitalistiques.
A MM. Carle et Ostermann, je répondrai à cet égard qu'il y a effectivement création d'emplois nouveaux mais non prélèvements complémentaires nouveaux, puisque ces deux taxes seront prélevées sur les entreprises réalisant des profits, y compris des résultats financiers, et sur les entreprises capitalistiques, qui sont les entreprises les plus polluantes, au profit des entreprises les plus créatrices d'emplois. Il y a donc un redéploiement à l'intérieur d'un prélèvement global identique pour les entreprises. Cela aussi, il faut le souligner !
Quant au coût de l'aide aux 35 heures - 40 milliards de francs en régime de croisière et 17 milliards de francs cette année - il est parfaitement budgété et financé. Je n'ai d'ailleurs pas très bien compris les critiques de M. Ostermann, qui prétend que les crédits sont sous-estimés et qui, en même temps, affirme que les 35 heures n'auront aucun effet. S'il pense qu'ils sont sous-estimés, c'est qu'il pense que les 35 heures créeront encore plus d'emplois que ce que nous avons prévu ! Aujourd'hui, 2 400 000 salariés sont passés aux 35 heures et nous prévoyons qu'ils seront 4 millions en 2000. S'il devait y en avoir plus, monsieur Ostermann, je ne pourrais alors que vous suivre et nous abonderions ces crédits avec grand plaisir, car cela signifierait que notre politique a de meilleurs résultats que prévu.
J'en viens brièvement à l'« usine à gaz » que vous avez dénoncée car, là aussi, il faut être raisonnable. Permettez-moi simplement de vous rappeler que le FSV, le fonds de solidarité vieillesse, créé par M. Baladur, était financé par la taxe sur les alcools, par une partie de la CSG, par des taxes sur les revenus financiers et par la C3S.
Comme « usine à gaz », on fait difficilement mieux ! Or vous n'aviez rien trouvé à redire, à l'époque, au fait que les droits sur les alcools - qui vont aller aujourd'hui pour partie vers la réduction des charges patronales et dont je rappelle qu'ils n'ont pas été augmentés - financent les retraites ! Je ne vois pas en quoi il serait plus contestable que les droits sur les alcools financent les baisses de charges plutôt que le minimum vieillesse !
Ne voulant pas être désagréable aujourd'hui,...
M. Jacques Oudin. Vous ne l'êtes jamais ! (Sourires.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... je n'ose vous renvoyer à la proposition de loi que le Sénat a acceptée en première lecture en juin 1998. En effet, en terme d'« usine à gaz »... (Murmures sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Soit ! Puisque vous le souhaitez, je vais quand même, parce que cela vaut le coup, en dire un petit mot. (Sourires.)
M. Jean Delaneau. Faites-nous plaisir ! (Nouveaux sourires.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vais vous faire plaisir : « Pour calculer la baisse des charges, la réduction est applicable pour les gains et rémunérations versés au cours du mois civil inférieurs ou égaux à 169 fois le SMIC, majorés de 40 % dans les entreprises dont le produit des deux proportions suivantes est supérieur à 0,36 : la proportion de salariés disposant d'un revenu mensuel inférieur à 1,33 multiplié par 169 fois le SMIC par rapport au nombre total de salariés, la proportion de travailleurs manuels ou d'ouvriers par rapport au nombre total de salariés. »
M. Jacques Oudin. C'est limpide !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. « Le montant de la réduction, qui ne peut excéder 1 730 francs par mois, est déterminé par ailleurs par un coefficient fixé par décret... »
M. le président. Tout le monde a compris, madame le ministre ! (Sourires.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne continue pas, parce qu'il y en a quatre pages comme cela. L'« usine à gaz », vous avez donc su la construire beaucoup mieux que nous ! Nous, nous sommes en train de construire une usine à emplois. Voilà notre objectif : créer des emplois.
Par ailleurs, nous avons financé nos priorités et réalisé des économies. Nous avons resserré, par exemple, l'accès au FNE. Il n'y a en effet aucune raison que les entreprises qui enregistrent des résultats financiers fassent supporter le coût de leur restructuration à la collectivité nationale.
J'ai resserré, en 1997, en prenant mes fonctions, l'aide publique aux préretraites du FNE et je l'ai ouverte par ailleurs, dans un nouveau dispositif, aux salariés qui ont commencé à travailler tôt, qui ont accompli des tâches pénibles et qui souhaitent partir plus tôt parce qu'ils sont souvent usés par le travail ou qu'ils n'ont pas pu s'adapter aux nouvelles technologies.
Nous avons également rendu plus coûteux les licenciements des salariés âgés de plus de cinquante ans. Là aussi, nous poursuivons notre logique : l'Etat n'a pas à financer les conséquences sociales des décisions prises par les entreprises.
S'agissant des préretraites progressives, l'économie de 400 millions de francs que nous réalisons cette année est moins le résultat d'une politique volontariste que de la diminution constatée du nombre des personnes concernées. Je tiens à le préciser, puisqu'une remarque a été formulée en la matière.
Le Gouvernement a donc financé ses priorités et réalisé des économies sur les effets d'aubaine, comme d'ailleurs sur un certain nombre de dispositifs qui, en période de croissance, ne se justifient plus comme auparavant.
M. Ostermann nous a dit que notre budget était mal géré. Je tiens à lui rappeler que le Gouvernement a fait de la lutte contre le chômage et l'exclusion sa priorité des priorités. Or la politique menée en 1998, en 1999 et en 2000 avec les emplois-jeunes, la réduction du temps de travail, la lutte contre les exclusions et l'amélioration du service public de l'emploi aura coûté 37,2 milliards de francs, et le budget du ministère du travail en a financé 26,5 milliards de francs par économies, par redéploiements, par réduction des effets d'aubaine.
Que l'on ne me dise pas que, quand on finance les trois quarts d'une politique aussi volontariste par des économies, c'est une mauvaise gestion ! J'aurais d'ailleurs aimé que mes prédécesseurs le fassent avant moi. Cela dit, s'ils l'avaient fait, j'aurais sans doute disposé de moins de moyens pour financer la politique que nous menons. Peut-être faut-il donc, finalement, que je les remercie de ne pas avoir eu la rigueur que nous avons essayé d'avoir !
J'en viens au deuxième axe majeur, après le financement de nos politiques structurelles : il s'agit de la lutte contre les exclusions.
En la matière, nous avons recadré tous les dispositifs. Les contrats emploi-solidarité, dont 57 % étaient occupés par des publics prioritaires en 1997, le sont à 78 % aujourd'hui, et nous parviendrons à 80 % en 2000. Nous recentrons donc bien ces contrats vers leur objectif, qui consiste à offrir des emplois à ceux qui ne trouveraient pas un emploi classique dans le privé ou dans le public.
La situation est la même pour les contrats initiative-emploi. Le gouvernement précédent avait franchi une première étape, c'est vrai, mais j'ai recentré ce dispositif vers les chômeurs de plus de deux ans, qui occupent désormais 42 % des emplois concernés. Je crois que nous allons ainsi dans le bon sens, ce qui nous permet d'aider les plus défavorisés.
Les nouveaux outils de la lutte contre les exclusions sont tous en place. Les contrats emploi consolidés, les CEC, passeront de 50 000 en 1999 à 60 000 en 2000.
A cet égard, M. Larifla a évoqué la situation spécifique des départements d'outre-mer : les retards en matière de formation et les contraintes démographiques expliquent que la situation de l'emploi y reste critique. Le temps qui m'est imparti ne permet guère d'approfondir ce sujet comme il convient. Je rappellerai simplement que la dotation du FEDOM, qui portera désormais les CEC, s'élève en 2000 à 2,1 milliards de francs et permettra de financer 58 000 solutions d'insertion, soit 2000 de plus que cette année.
Le deuxième outil, la réforme de l'insertion par l'activité économique, est entré en vigueur. Le budget pour 2000 fait progresser de 22 % la dotation à ce titre et portera à 12 000 le nombre de places en entreprises d'insertion et à 500 le nombre de postes d'accompagnement dans les entreprises de travail temporaire d'insertion.
Le programme TRACE monte en charge grâce aux efforts conjugués de l'Etat et des collectivités locales. Il a connu un démarrage un peu difficile, parce que nous tenions à le cibler véritablement vers le publics le plus en difficulté et que nous avions besoin de financer avec les régions le partage des emplois des missions locales. Aujourd'hui, cependant, le dispositif est bien cadré : 40 000 jeunes seront pris en charge cette année et 60 000 le seront, comme prévu, en l'an 2000.
Enfin, 15 000 contrats de qualification - Mme Péry en parlera peut-être - sont ou seront financés en 2000.Là aussi, c'est un élément majeur de lutte contre les exclusions.
De la même manière, le dispositif EDEN est maintenant bien en place.
Le troisième et dernier objectif de ce projet de budget est le renforcement des moyens du ministère et du service public de l'emploi, qui accomplit aujourd'hui - et cela a été remarqué au niveau européen - un travail tout à fait exceptionnel d'accueil et de suivi dans la durée des chômeurs de longue durée et des RMIstes. Or je veux souligner, au moment où le chômage de longue durée diminue - 150 000 demandeurs d'emploi de moins - qu'il n'est pas facile de réinsérer des personnes qui sont au chômage depuis longtemps : cela nécessite de l'énergie, du temps et de la patience, car il faut trouver avec chacun le bon itinéraire qui, dans la durée, le mènera à la qualification et à l'emploi. C'est ce que font aujourd'hui les agents de l'ANPE, associés à l'AFPA, et je veux les saluer pour ce travail remarquable, qui donne des résultats et qui redonne espoir à beaucoup de personnes qui, au chômage depuis longtemps, se voient aujourd'hui enfin proposer des solutions.
Nous poursuivons donc le renforcement du budget de l'ANPE avec 500 agents supplémentaires en 2000, après les deux vagues précédentes de 500 créations d'emplois en 1998 et en 1999. La subvention de fonctionnement qui lui sera versée augmente de 10 %, ce qui était nécessaire si l'on compare l'ANPE aux autres offices du travail des pays européens.
L'AFPA verra également sa subvention augmenter de 5 %, Mme Péry en parlera dans quelques instants.
Enfin, l'effort de renforcement du service public de l'emploi concerne aussi les services du ministère, dont les moyens en personnels ne sont pas à la hauteur des missions. M. le Premier ministre a accepté que nous rattrapions le retard, d'abord par un renforcement des emplois budgétaires : 130 postes seront créés dont 121 dans les services déconcentrés, parmi lesquels 90 contrôleurs et 20 inspecteurs du travail. Il s'agit d'un mouvement qui n'avait jamais eu lieu par le passé !
A cet égard, M. Lagauche a insisté sur la nécessité d'un plan pluriannuel. Je rappelle que nous aurons créé, en trois budgets, 45 emplois d'inspecteurs du travail et 230 emplois de contrôleurs du travail, sans oublier la régularisation, en deux ans, de 370 coordonnateurs emploi-formation qui étaient sur des postes précaires.
Ces emplois sont surtout affectés aux sections afin de mieux contrôler la bonne application du code du travail et, notamment, l'hygiène et la sécurité, qui est une des priorités que nous leur avons fixées - mais aussi d'accompagner et d'aider les entreprises dans les négociations, notamment mais pas seulement sur la durée du travail, et de renforcer le contrôle de la formation professionnelle.
Par ailleurs, la poursuite du plan de transformation d'emplois et une nouvelle étape de revalorisation indemnitaire vont permettre d'améliorer la situation matérielle et les perspectives de carrière des agents, notamment de catégories B et C.
Un point n'a pas été abordé jusqu'à présent - sauf par Mme Dieulangard - concernant la faiblesse de la France en matière de développement local.
Dans le domaine du crédit pour les créateurs d'entreprises et du développement d'une épargne locale permettant de favoriser la production et l'emploi localement, nous devons continuer à travailler. C'est d'ailleurs un des sujets de préoccupation de mon ministère actuellement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voià ce que je souhaitais vous dire sur ce projet de budget pour l'emploi. Véritablement, des choix très clairs, étayés par des travaux importants, largement partagés, sur l'évaluation de l'efficacité des aides à l'emploi y sont affichés.
M. Souvet nous dit que le Gouvernement ne mène pas une politique moderne : j'attends toujours de savoir quelle est la politique moderne sur l'emploi que l'oppostion nous propose !
Quant à Mme Dieulangard, elle a raison de souligner que c'est à l'occasion de la discussion budgétaire que l'on voit si un gouvernement a une politique et fait des choix volontaires. Conduire une politique, c'est d'abord transcrire de façon concrète dans le budget la teneur des priorités énoncées dans les discours. Je crois que c'est ce que nous faisons depuis maintenant plus de deux ans.
Le budget tire les conséquences de nos choix et met un accent particulier sur l'emploi et sur la lutte contre les exclusions. Il tient compte du fait que les choix politiques n'ont d'efficacité que dans la mesure où les hommes et les femmes qui les mettent en pratique sont pris en considération, d'où un renforcement des moyens de ce ministère. Pour toutes ces raisons, il me semble répondre à ce qu'attendent aujourd'hui les Français de nous. Aussi, aurais-je souhaité, au moins dans les propos si ce n'était dans les votes, la reconnaissance de cette attente et de cette volonté politique. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de la formation professionnelle que j'ai l'honneur de vous présenter, concourt à la politique de l'emploi du Gouvernement, comme vient de le rappeler Martine Aubry.
Le projet de budget de la formation professionnelle s'élève en 2000 à 33,9 milliards de francs. A structure constante, c'est un budget stable à un point près.
Sans détailler l'ensemble des mesures, je souhaiterais évoquer devant vous quatre points qui, je le sais, provoquent chez les parlementaires des interrogations, comme j'ai pu le mesurer à la lecture de vos courriers et lors de ce débat : les crédits affectés aux formations professionnelles en alternance ; le transfert à l'ANPE des crédits relatifs aux CIBC ; l'augmentation des moyens de l'Association nationale pour la formation des adultes ; le contrôle de la formation professionnelle.
Mme Bocandé, MM. Fischer et Mouly ont déploré la réduction des crédits affectés aux formations en alternance. Je tiens à redire ici brièvement que, du point de vue budgétaire, le recentrage des aides à l'embauche que nous avons décidé en 1999 joue d'une façon mécanique sur le budget 2000, ce qui explique la diminution des crédits alloués à ces primes. Mais, quant à notre volonté politique de soutenir les formations en alternance, nous sommes déterminées, madame Aubry et moi-même, à maintenir l'effort de l'Etat en matière de contrats d'apprentissage et de contrats de qualification.
A cet effet, nous avons souhaité que le nombre d'entrées en contrat d'apprentissage soit maintenu à son niveau de 1999, soit 220 000, et que celui des entrées en contrats de qualification soit porté à 125 000, au lieu de 120 000 en 1999. L'effort budgétaire de l'Etat pour l'alternance s'élève ainsi à plus de 12 milliards de francs, soit un tiers du budget que je présente.
J'ajouterai, pour répondre à certaines interrogations, que la progression des contrats s'est confirmée au cours des dix premiers mois de 1999, malgré le recentrage des primes ; nous notons une augmentation de plus de 2 % pour les contrats d'apprentissage et de 1,5 % pour les contrats de qualification.
Toujours à propos de l'alternance, j'évoquerai - sujet sensible - le transfert de 500 millions de francs qu'opérera en 2000 le comité paritaire du congé individuel de formation, le COPACIF. Cette somme sera affectée, via un fonds de concours, à la couverture des aides à l'embauche relatives au contrat d'apprentissage.
Cette mesure s'inscrit dans un cadre plus général qui prévoit l'extension du champ de compétence du COPACIF au capital de temps de formation. C'est l'objet de l'article 70 du présent projet de loi, qu'un certain nombre d'entre vous ont évoqué et sur lequel je vous apporterai quelques précisions.
Les excédents rattachés au capital de temps de formation et détenus par les organismes collecteurs paritaires, appréciés au 31 décembre 1999, seront versés, selon cet article, au COPACIF et non au Trésor public comme le prévoient actuellement les textes.
Cette disposition a reçu l'accord de l'ensemble des partenaires sociaux. Elle a pour objet, à l'évidence, de mieux répondre aux demandes de congé individuel de formation. En effet, seules 27 600 demandes ont été acceptées en 1998 alors qu'il y en avait eu le double et, c'est vrai, j'ai reçu un courrier très important à ce sujet.
Toutefois, le montant prévisible des excédents du capital de temps de formation est apprécié à ce jour à 1 milliard de francs. C'est ce qui a conduit le Gouvernement à souhaiter qu'une partie de cet excédent soit affectée au budget de la formation professionnelle pour l'apprentissage.
Cette mesure présente un caractère exceptionnel, et j'ai d'ailleurs accepté un amendement de M. Barrot spécifiant l'aspect exceptionnel de cette mesure, car je suis certaine que, lorsque la réforme de la formation professionnelle sera adoptée - et elle le sera à brève échéance - il n'y aura plus d'excédent ni en ce qui concerne le capital temps de formation, ni en ce qui concerne les congés individuels.
Le transfert à l'ANPE des crédits relatifs aux CIBC, autre sujet sensible, ne traduit en rien un doute sur la qualité des prestations assurées par ces derniers. Il s'agit de construire un nouveau partenariat, au service de l'orientation des demandeurs d'emplois, sans que les missions de ces centres soient aucunement remises en cause. D'un point de vue financier, le soutien de l'Etat aux CIBC n'en sera pas modifié. De même, le dialogue institutionnel entre le groupe national de liaison des CIBC et les services de la formation professionnelle ne sera pas affecté par cette présentation budgétaire. Une convention sera conclue pour préserver un accès diversifié des publics et les spécificités des CIBC, notamment les fonctions d'animation et de lieu « ressource ». Je souhaitais ainsi répondre aux interrogations de Mme Dieulangard et de M. Carle.
J'en arrive à l'augmentation des moyens de l'Association nationale pour la formation des adultes.
Le deuxième contrat de progrès couvrant la période 1999-2003 a pour objet d'accroître la performance et l'efficacité de l'AFPA dans sa mission de service public auprès des demandeurs d'emploi et dans la réalisation des objectifs définis par le plan national d'action pour l'emploi, le PNAE, au nombre desquels figure la promotion de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.
L'AFPA devra, dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle, faciliter l'accès aux titres du ministère du travail à travers la validation des acquis professionnels et permettre ainsi des parcours de formation individualisés que plusieurs d'entre vous avaient souhaité. N'oublions pas que nombre d'hommes et de femmes dans la population active française ont un niveau de formation professionnelle initiale inférieur au CAP. Nous nous devons de reconnaître et de valider leurs différentes expériences professionnelles ; nous devons leur offrir de nouveaux parcours de formation. C'est ainsi que nous pourrons construire un droit individuel, transférable et garanti collectivement, lequel est au coeur de la réforme que je vais présenter.
J'ouvre une très brève parenthèse pour répondre à Mme Annick Bocandé dont je partage le constat sur les difficultés actuelles de recrutement dans certaines branches professionnelles. La reprise de la croissance et de la demande intérieure, une prévision parfois insuffisante de la gestion des ressources humaines par les entreprises, voire parfois aussi, reconnaissons-le, les conditions de travail de certains métiers expliquaient en partie ces difficultés. Nous savons très bien que le nombre annuel de jeunes diplômés formés pour ces emplois dans ces branches professionnelles ne répondra pas à la demande, certainement avérée sur le long terme. Pour faire face à ces difficultés de recrutement, nous devrons densifier la formation professionnelle tout au long de la vie, plus qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Cette réforme doit répondre, j'en suis persuadée, non seulement à des impératifs de cohésion sociale mais aussi à des nécessités économiques. Il y a donc urgence.
A l'instar de Martine Aubry, je crois au développement local. Je pense que l'échelon régional s'impose comme le niveau de mise en cohérence des actions en matière de formation professionnelle. Les missions de l'AFPA, dont le statut national ne saurait être remis en cause, doivent avoir une forte implication dans les politiques territoriales.
Ces orientations nouvelles supposent des moyens à la hauteur des ambitions affichées. Ce développement, qui était nécessaire, vise à justifier la hausse de 5 % des crédits affectés à l'AFPA, qui atteignent plus de 200 millions de francs. C'est évidemment l'expression d'une volonté politique.
Le quatrième point, le contrôle de la formation professionnelle, a été moins présent aujourd'hui dans ce débat que dans le courrier que vous m'adressez. J'en dirai donc quelques mots.
Le contrôle de caractère administratif et financier porte sur l'ensemble des moyens techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques mises en oeuvre pour la formation professionnelle. Cette qualité fait l'objet d'un abondant courrier.
Comment y répondre ? L'Etat n'a pas souhaité réglementer le marché de la formation en en limitant l'accès. En revanche, nous accompagnons les démarches « qualité », et je ne peux qu'encourager les entreprises et les organismes de formation à aller dans ce sens. Je pense notamment aux actions engagées par la Fédération de la formation professionnelle à travers l'Office professionnel de qualification des organismes de formation. Je rappelle que, à ce jour cinq cent cinquante organismes sont qualifiés.
L'inspection de la formation professionnelle a connu une période moins favorable depuis 1995, mais cette situation s'expliquait par l'attente du rapprochement de ce corps d'inspection avec l'inspection du travail. C'est maintenant chose faite.
Je terminerai cette intervention en évoquant le calendrier de la mise en oeuvre de la réforme. J'avais adressé à chacun d'entre vous le Livre blanc que nous avions édité, et je remercie les uns et les autres d'avoir rappelé son existence. Martine Aubry et moi-même souhaitons poser les bases de la nouvelle architecture d'un système de formation qui doit être adapté à notre époque. La réforme s'articule autour de quatre axes.
Le premier axe vise à donner toute leur portée aux formations en alternance. L'effort que nous avons fait en nombre de contrats dans le cadre du projet de loi de finances pour 2000 répond à cette exigence. Des dispositions réglementaires et législatives seront prises en 2000, afin d'assurer une meilleure efficacité et une transparence accrue, qui est souvent demandée, du financement de ces politiques d'alternance.
Nous évoquerons à nouveau le sujet de l'apprentissage. Je conduis actuellement une réflexion avec l'ensemble des acteurs, des partenaires sociaux. Comment faire pour que l'affichage des coûts de formation, au niveau des CFA, permette non seulement une meilleure transparence, mais aussi l'attribution à tous les CFA des moyens dont ils ont besoin ? Comment faire pour que la redistribution de la taxe au niveau des financeurs soit moins inégalitaire ? Nous progressons également sur ce sujet.
Le deuxième axe est la prise en compte des acquis de l'expérience dans les parcours professionnels au travers, bien sûr, de la validation de ces acquis, qui est réellement un outil au coeur de la réforme. Cela nécessitera une modification de la loi de 1992 si nous voulons être beaucoup plus ambitieux, et nous le sommes, sur ce sujet. Ces points feront ensuite l'objet de mesures législatives et réglementaires au cours de l'année 2000. J'ai utilisé toute l'année 1999 pour créer des groupes de travail avec les partenaires sociaux ainsi qu'entre tous les ministères concernés. Il s'agit, vous le savez, d'un sujet sensible, notamment avec l'éducation nationale. Mais, là encore, nous avons beaucoup avancé.
Le troisième axe est le développement d'un droit individuel, c'est-à-dire la meilleure façon de répondre à ce qui est aujourd'hui une exigence économique autant que sociale, la meilleure façon aussi de lutter contre les immenses inégalités d'accès à la formation, inégalité que certains d'entre vous ont rappelées.
Vous me permettrez, de cette tribune, d'appeler encore une fois les partenaires sociaux à mieux se saisir de cette proposition. Le Premier ministre, Martine Aubry et moi-même avons souhaité que la formation professionnelle continue à être un élément central du dialogue social. Nous voulons respecter ce paritarisme et ce dialogue social alors que les partenaires sociaux se saisissent d'une façon beaucoup plus dynamique qu'aujourd'hui de la nécessité de construire ce nouveau droit individuel, qui trouvera sa traduction législative lors du premier semestre de 2001.
Le quatrième et dernier axe concerne le rôle des acteurs. Certains d'entre vous ont évoqué l'excellent rapport de M. Gérard Lindeperg. qui a permis, justement, de clarifier la situation, de mettre l'accent sur le territoire régional, qui, selon moi du moins, sera tout à fait approprié - je l'ai dit tout à l'heure - pour renforcer le développement local et les actions de formation professionnelle.
Pour mettre en mouvement l'ensemble de ces axes de réflexion, j'ai souhaité proposer, tant aux régions qu'aux branches professionnelles, des expérimentations sous la forme d'une contractualisation avec mon secrétariat d'Etat. Cette méthode a mis quelque temps à être comprise. Aujourd'hui, c'est chose faite, et je suis en train d'instruire une quinzaine de dossiers, tant avec les régions qu'avec les branches, sur ces expérimentations, prouvant qu'il est possible de traduire les axes que je propose de façon concrète dans l'application de ces politiques.
J'ai déjà signé un protocole d'accord avec la région Centre courant octobre sur la mise en réseau des acteurs, et je m'apprête à en conclure un deuxième avec la région Poitou-Charentes sur l'égalité d'accès à la qualification par la validation des acquis.
Enfin, je rappellerai notre ambition à M. le Premier ministre, Mme Aubry et à moi-même, qui est de faire de ce grand dossier de la formation professionnelle un projet important du Gouvernement pour les deux années à venir. Nous aurons donc d'autres occasions, tant en 2000 qu'en 2001, d'en débattre ensemble dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Mouly applaudit également.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C, et concernant l'emploi et la solidarité : I. - Emploi.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 818 170 062 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les crédits.)
M. le président. « Titre IV : - 40 753 480 841 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Les crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 64 900 000 francs ;
« Crédits de paiement : 33 900 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Les crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 498 900 000 francs ;
« Crédits de paiement : 239 540 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Les crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 70, qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés à l'emploi.

EMPLOI ET SOLIDARITÉ

Article 70