Séance du 4 décembre 1999







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de l'environnement est, cette année encore, l'un des budgets les plus favorisés, puisqu'il enregistre la troisième plus forte hausse de tous les budgets civils.
Les crédits demandés s'élèvent à 4,3 milliards de francs, soit une progression de 8,6 % par rapport à l'année dernière, alors qu'en application du pacte de stabilité européen les dépenses globales de l'Etat n'augmentent pas en moyenne de plus de 0,9 %.
Madame la ministre, pourquoi le ministère de l'environnement est-il exonéré de tout effort de rigueur budgétaire ? A-t-il la capacité de mettre en oeuvre tous ses moyens, compte tenu, par ailleurs, de la faible consommation des crédits que nous avons pu constater ?
Vous avez annoncé quatre priorités pour 2000, qui recouvrent les quatre agrégats dont est composé ce budget. On remarquera que l'aisance financière vous permet d'afficher comme prioritaires toutes les grandes actions du ministère.
La première priorité vise au renforcement des capacités d'expertise et de contrôle du ministère, avec notamment la création d'une inspection générale de l'environnement et d'une nouvelle direction d'administration centrale, la direction des études économiques et de l'évaluation environnementale. Il s'agit de faire du ministère de l'environnement un « ministère de plein exercice ».
Cette montée en puissance de votre ministère se traduit essentiellement par un renforcement des structures administratives, particulièrement en administration centrale.
En effet, on observe d'emblée, à l'examen de ce budget, que l'évolution des crédits est très déséquilibrée entre, d'une part, des dépenses de fonctionnement qui explosent - les crédits de personnel et de fonctionnement augmentent de 22 % - et, d'autre part, des dépenses d'investissement en relative stagnation, puisqu'elles ne croissent que de 2 %.
Cette envolée des crédits de fonctionnement est principalement due à l'augmentation de vos effectifs, de 210 emplois budgétaires, dont 14 créations nettes. Cette augmentation des effectifs a, de plus, un impact induit sur les dépenses de fonctionnement, puisqu'il est prévu 45 000 francs pour chaque nouveau poste. Or on s'aperçoit que c'est l'administration centrale qui est privilégiée, car elle connaît une augmentation de 19,3 % de ses effectifs en 2000, contre seulement 3 % pour les directions régionales de l'environnement.
Cette évolution, qui va entraîner une rigidification des dépenses de l'Etat, me semble aller à contre-sens de la réforme de l'Etat en cours, qui privilégie le moins d'administration centrale et le plus de déconcentration. On peut donc craindre un certain nombre de déconvenues si la conjoncture se retourne.
Le ministère de l'environnement semble être entré dans une logique de pouvoir, de concurrence avec les autres départements ministériels qui le conduisent, sur le thème du « ministère de plein exercice », à reproduire les erreurs du passé.
Plutôt que de renforcer ainsi l'architecture administrative du ministère, ne pouvait-on pas faire porter l'effort, par exemple, sur la recherche, dont l'augmentation des crédits sera inférieure à 1 % l'année prochaine, avec seulement 82 millions de francs ?
S'agissant de l'action internationale de votre ministère, je souhaiterais également savoir quelles actions vous avez engagées pour répondre au phénomène d'appropriation privée du patrimoine environnemental que l'on observe actuellement. Vous le savez, un certain nombre de chercheurs américains, notamment, se livrent à une véritable traque mondiale à la recherche de plantes susceptibles de déboucher sur des brevets. Voilà qui est extrêmement grave, et j'aimerais savoir ce que vous avez prévu de faire à cet égard.
J'en viens à votre deuxième priorité, qui consiste en un effort accru en faveur de la prévention des risques. Dans cette optique, les crédits accordés à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, et à l'institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS, sont renforcés. Ils le sont modérément pour l'instant, mais je crois savoir que les choses doivent changer.
L'émotion des collectivités locales confrontées, d'une part, au détournement de 400 millions de francs de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, au détriment de l'agence, d'autre part, de manière concomitante à la baisse drastique des taux de soutien de l'ADEME dans le secteur des déchets ménagers, vous a conduite, madame la ministre, à faire deux gestes : l'un de 100 millions de francs d'autorisations de programme supplémentaires à l'Assemblée nationale, l'autre de 300 millions de francs aujourd'hui même, puisque vous avez déposé un amendement en ce sens devant le Sénat.
Entre la mesure nouvelle annoncée dans le projet de loi initial et ce que vous proposez aujourd'hui, il y a un quintuplement des crédits. Nous y sommes sensibles, pourquoi ne pas le reconnaître ? Toutefois, je fais remarquer que vous rétablissez un équilibre que vous avez vous-même compromis. En effet, si le régime ancien de la TGAP avait continué, nous aurions exactement les mêmes crédits. Par conséquent, il s'agit non pas véritablement d'une augmentation des crédits mais d'un rééquilibrage parfaitement normal.
La troisième priorité concerne les actions de péréquation et de solidarité dans le secteur de l'eau. Il s'agit uniquement de la création d'un fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE, doté, cette année, de 500 millions de francs par prélèvement sur les ressources des agences. Ce prélèvement sera, dès l'an prochain, fixé en loi de finances, ce qui revient à dire que la direction de l'eau du ministère s'est octroyé un droit de tirage illimité sur les ressources des agences. Petit à petit, à défaut d'intégrer les redevances des agences dans la TGAP, on « recentralise » la politique de l'eau.
Enfin, la quatrième et dernière priorité vise au renforcement du réseau de protection des zones naturelles sensibles avec, en particulier, une augmentation des crédits accordés au fonds de gestion des milieux naturels pour la poursuite de Natura 2000.
En tant que rapporteur spécial des crédits de l'environnement, je ne peux pas ne pas insister sur la fameuse taxe générale sur les activités polluantes, que le Gouvernement nous propose d'étendre à de nouvelles assiettes polluantes et dont le produit serait affecté au financement des 35 heures.
Il est curieux de constater que l'on a retenu, pour les nouveaux compartiments de la TGAP, des assiettes larges, avec des taux bas et des produits prédéterminés pour les besoins de financement des 35 heures.
En somme, le Gouvernement a choisi des taxes acceptables pour tous, d'un bon rendement, mais absolument pas incitatives en termes de diminution de la pollution ! En procédant ainsi, il nous prouve noir sur blanc que la fiscalité écologique, c'est fini, et que la TGAP est désormais un impôt de rendement ! A cet égard, l'amendement n° 119 adopté par l'Assemblée nationale et qui augmente les taxes sur les lessives sans phosphates en diminuant les taxes sur les lessives en comportant beaucoup, est assez démonstratif.
C'est donc parce que les crédits dont vous disposez et dont nous pourrions tout à fait nous satisfaire avec vous, ne reçoivent pas une bonne affectation, parce qu'ils sont d'abord destinés au fonctionnement et non à l'investissement, parce que nous constatons une dérive des structures ministérielles qui nous semble décalée par rapport à ce que doit être, à l'heure actuelle, la priorité de l'Etat, parce que la TGAP prive l'environnement de crédits qui pourraient lui être destinés et aussi parce que la recherche est le parent pauvre de votre budget, que la commission des finances, madame la ministre, tout en reconnaissant le réajustement que vous opérez pour l'ADEME, propose au Sénat de rejeter ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits demandés au titre de l'environnement pour 2000 s'élèvent à 4,29 milliards de francs, soit une progression de 8,6 % par rapport à 1999.
Vous avez obtenu, madame la ministre, que l'environnement reste une véritable priorité gouvernementale, essentiellement à travers une augmentation très forte de vos moyens de fonctionnement. Celle-ci se traduit par un accroissement important des effectifs du ministère et des moyens des services avec la création d'une nouvelle direction des études économiques et de l'évaluation environnementale. Elle se traduit également par un important mouvement net de créations de poste, qui s'élèvent à 139 pour renforcer notamment l'inspection des installations classées, mais la priorité reste à l'administration centrale, dont les effectifs augmentent de 20 %.
Comme l'an dernier, la commission des affaires économiques s'inquiète de l'importance croissante des dépenses d'administration générale et regrette que l'augmentation des postes ne se fasse par par seul redéploiement ou tranfert. Cette pratique aurait été plus conforme à la nécessaire maîtrise des dépenses publiques.
Ainsi, je ne partage pas, madame la ministre, votre volonté d'obtenir un ministère de plein exercice, car je considère que l'environnement constitue désormais une priorité qui doit être intégrée dans la politique mise en oeuvre par chaque ministère. Je crains que votre volonté d'hégémonie ne se traduise en définitive par plus d'administration, plus de rivalités internes et, en définitive, par moins d'action positive sur l'environnement.
En ce qui concerne les crédits consacrés à la protection de la nature, ils vont notamment financer le Fonds de gestion des milieux naturels, et l'essentiel des mesures nouvelles de ce fonds va à la mise en oeuvre du réseau Natura 2000, dont les crédits augmentent de 50 % pour être fixés à 107 millions de francs. Il s'agit de poursuivre l'élaboration des documents d'objectifs et de soutenir, sur une base contractuelle, des actions menées par les propriétaires et les exploitants dans les sites du réseau.
Toutefois, je regrette de ne pas disposer de suffisamment d'éléments sur la répartition de ces crédits, d'autant que le processus juridique, tant de désignation des sites que de transposition de la directive, a pris beaucoup de retard. S'agissant des propositions envoyées par la France, l'arrêt du Conseil d'Etat du 27 septembre 1999 - qui annule pour défaut de concertation les listes partielles envoyées en 1997, mais sans remettre en cause, semble-t-il, les listes récapitulatives envoyées depuis - illustre les critiques anciennes formulées par la commission des affaires économiques.
Le contenu de l'avant-projet de loi de transposition ne répond d'ailleurs pas complètement à nos attentes, car il n'institutionnalise pas des structures de concertation adéquates. J'aurais en effet souhaité que cette décision du Conseil d'Etat soit de nature à corriger les rapports que les élus locaux ont toujours désiré établir avec votre ministère sur ce sujet délicat.
Quant aux crédits affectés à la politique de l'eau, vos moyens propres, madame la ministre, diminuent globalement de 0,49 %, mais ils sont complétés par un compte spécial du Trésor intitulé Fonds national de l'eau, composé de deux sections, dont l'une, rattachée au ministère de l'environnement, est alimentée par un prélèvement de 500 millions de francs sur les agences de l'eau et en contrepartie les deux fonds de concours créés en 1997 et 1999 sont supprimés. Je reste très réservé sur ce nouveau dispositif, qui, lui aussi, porte atteinte à l'autonomie des agences de l'eau. Il multiplie par deux le prélèvement opéré, alors que les crédits budgétaires de l'Etat affectés à la protection de l'eau ne progressent pas depuis 1997. L'ampleur même du prélèvement ne va-t-il pas remettre en question la capacité de certaines agences à honorer leurs engagements programmés jusqu'à la fin du VIIe programme ? De plus, par ce fonds, l'Etat va financer des mesures qui seraient sans doute aussi bien traitées au niveau décentralisé des agences.
En ce qui concerne la prévention des pollutions, force est de constater, notamment, que les crédits de la filière « déchets » sont simplement reconduits, à 811 millions de francs en crédits de paiement, même si le montant des autorisations de programme, quant à lui, progresse de 12 %.
Ces chiffres sont à comparer avec la très forte progression attendue de la part « déchets » de la TGAP. En 1998, le produit de la taxe « mise en décharge » s'est élevé à 920 millions de francs ; la prévision de la part « déchets » de la TGAP est de 1 294 millions de francs pour 1999 et de 1 479 millions de francs pour 2000. Ce décrochage est d'autant plus inacceptable que les investissements à la charge des collectivités locales tenues de mettre leurs filières de traitement des déchets en conformité avec les normes européennes sont évalués à 20 milliards de francs d'ici à 2002.
Certes, l'application du taux réduit de TVA sur la collecte sélective et la forte revalorisation des barèmes d'Eco-Emballages sont de bonnes mesures pour le fonctionnement de ces filières.
Il n'en demeure pas moins que l'ADEME a revu à la baisse, de manière unilatérale et en méconnaissance totale d'engagements souscrits pour 1998 et 1999, ces taux d'interventions pour 1999, 2000 et 2001.
De plus, il semble que l'ADEME aura les plus graves difficultés, même en appliquant son nouveau barème, à répondre au nombre de dossiers présentés par les collectivités locales.
Je prends acte, madame la ministre, des 100 millions de francs votés à l'Assemblée nationale pour l'ADEME, et de l'amendement déposé par vous-même, ce matin, qui vise à majorer cette ligne budgétaire de 300 millions de francs, toujours au titre des autorisations de programme.
Je salue ce geste, qui nous donne raison a posteriori en justifiant les critiques émises par le Sénat, représentant des collectivités locales. Avec 325 millions de francs, les autorisations de programme sont désormais fixées à environ 1,3 milliard de francs, ce qui se compare plus honorablement au produit attendu de la part « déchets » de la TGAP pour 2000, évalué à 1,5 milliard de francs.
Sur la forme, madame la ministre, cet épisode nous conforte dans notre crainte vis-à-vis des « appétits » de Bercy qui se mesurent à l'aune des efforts et de l'énergie que vous avez dû déployer pour « arracher » 400 millions de francs supplémentaires. Mais nous craignons que cette même bataille ne soit à reprendre chaque année.
Enfin, je voudrais très brièvement vous faire part de l'hostilité de la commission des affaires économiques s'agissant de la nouvelle étape franchie en matière de fiscalité écologique. La taxe générale sur les activités polluantes prend désormais une ampleur nouvelle avec le relèvement du taux de certaines taxes existantes, qu'il s'agisse des lubrifiants et des substances polluantes émises dans l'atmosphère, et, surtout, la création de nouvelles assiettes, à savoir : une augmentation et un regroupement des taxes sur les installations classées ; la taxation des grains minéraux, quel que soit leur mode d'extraction ; la taxation des lessives, produits adoucissants et assouplissants, avec une surtaxe selon la teneur en phosphates ; enfin, la taxation des produits phytosanitaires à usage agricole et assimilés.
Au total, ces quatre nouvelles taxes devraient rapporter entre 1 milliard et 1,3 milliard de francs.
L'effet de cette taxe écologique « revue et corrigée » sera négatif pour l'environnement, pour plusieurs raisons.
L'an dernier, les partisans de la TGAP soulignaient une de ses qualités, à savoir sa non-affectation, en dénonçant les effets pervers des taxes affectées, notamment le droit au juste retour. Or, cette année, l'intégralité de la TGAP est affectée au financement de la sécurité sociale et son mode de calcul tient peu compte des préoccupations environnementales. Pour répondre à une obligation de rendement fiscal, la TGAP est assise sur des assiettes larges avec un taux faible et elle n'offre plus de « signal prix » réellement efficace à l'encontre des comportements les plus polluants : toutes les lessives sont taxées, avec ou sans phosphates, ainsi que tous les granulats, qu'ils proviennent des rivières ou de carrières.
De surcroît, cette forte progression de la TGAP ne s'accompagne pas d'un effort de l'Etat important en faveur de l'environnement dans des secteurs aussi prioritaires que l'eau ou les déchets, même si les amendements déposés, concernant l'ADEME, tempèrent ce propos.
En conséquence, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, malgré certaines orientations positives, au rang desquelles il faut compter les 400 millions de francs supplémentaires pour l'ADEME, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'environnement tels qu'ils figurent dans le projet de budget pour l'année 2000. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, après les deux excellents rapports de nos collègues MM. Adnot et Bizet, j'ai maintenant l'honneur de vous exposer l'avis de la commission des affaires culturelles sur les crédits de l'environnement pour 2000. J'indique d'emblée qu'il sera, lui aussi, défavorable.
Pour la deuxième année consécutive, les moyens du ministère de l'environnement sont en forte croissance. Je ne rappellerai pas les chiffres que viennent de donner MM. Adnot et Bizet, mais je voudrais souligner que c'est en 1999 que la TGAP a été introduite dans le budget du ministère de l'environnement, se substituant à cinq taxes antérieures. Le détournement de son produit au profit de réductions de charges sans rapport avec l'environnement vient d'être dénoncé avec vigueur par notre collègue M. Adnot. Je n'y reviens dont pas, mais je m'intéresse toujours, madame le ministre, à l'application du principe « pollueur-payeur », dont j'ai peur, encore une fois, qu'elle ne grève le prix acquitté par le consommateur.
Par ailleurs, je ne peux que m'interroger sur l'emploi efficace des crédits bénéficiant de la progression qui a été évoquée. Il y a cependant, dans votre projet de budget, des décisions qui donnent satisfaction à tous ceux qui s'intéressent à la préservation de l'environnement. Ainsi, les parcs nationaux ou régionaux, la gestion des zones humides et l'application de la directive Natura 2000 voient croître les moyens qui leur sont affectés.
Le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres, à la gestion pourtant exemplaire, demeure toutefois à l'écart de cette évolution, puisque ses crédits restent stables. En tant que membre de son conseil d'administration, je pense que votre ministère, madame le ministre, ne lui accorde pas assez de moyens, malgré cette croissance généralisée des crédits, alors que le champ de ses compétences a été élargi par la loi Barnier aux estuaires de nos fleuves, qui comportent souvent de vastes zones humides dont l'intérêt pour les grandes respirations de la nature n'est plus à démontrer. Les récentes et dramatiques inondations doivent nous amener à réfléchir sur ces phénomènes.
L'augmentation des crédits inscrits à votre projet de budget permet les créations d'emploi suivantes : 50 emplois à l'administration centrale, 36 emplois dans les directions régionales de l'environnement, les DIREN, 34 emplois dans les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, et 20 emplois dans les directions des services vétérinaires.
Le renforcement des capacités de contrôle des installations classées, qu'elles soient industrielles ou agricoles, ne me semble pas critiquable. En revanche, je crains, comme mes collègues, une « fonctionnarisation » du ministère avec la croissance des effectifs de son administration centrale.
Passant à l'examen des actions menées par votre ministère, je constate que la protection des espaces naturels est la grande bénéficiaire de l'augmentation des crédits pour 2000. Il s'agit d'un point positif. Je me félicite en effet de la poursuite du processus de constitution du réseau européen Natura 2000, dont les consultations en cours se feraient, m'a-t-on dit, dans de bonnes conditions.
En revanche, je dois constater que d'autres domaines d'action du ministère sont globalement délaissés, en particulier la politique de l'eau ainsi que le traitement des déchets et des boues des stations d'épuration, le cadre de vie et la publicité. On discerne mal, dans tous ces cas, quel bénéfice ils retireront de l'augmentation de votre projet de budget.
Les agences de bassin ont, depuis leur création, fait un travail reconnu de gestion des eaux, dans le domaine de la quantité et dans celui de la stabilité des approvisionnements, ainsi qu'en matière de traitement des eaux usées.
Le projet de loi de finances pour 2000 prévoit d'instituer un prélèvement de solidarité sur l'eau, qui s'accompagnera d'une modification du Fonds national pour développement des adductions d'eau, le FNDAE. Ce fonds devient le Fonds national de l'eau, dont une section reprend les crédits et les actions du FNDAE.
Les agences de l'eau contribueront à financer le FNSE pour 500 millions de francs en 2000.
J'avoue n'être pas totalement convaincu du bien-fondé de cette nouvelle redevance demandée aux agences de l'eau ni de l'opportunité des clés retenues pour sa répartition, alors même que la préservation de la ressource et l'amélioration de l'assainissement devraient mobiliser tous leurs moyens, surtout dans la perspective de l'an 2005.
Il m'a été indiqué, par le ministère, que l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, qui avait affecté 300 millions de francs par an à ce secteur de 1992 à 1998, se voit actuellement sollicitée de façon très forte par les collectivités locales. Votre décision d'abonder ces crédits me paraît mieux prendre en compte les besoins réels, et je m'en félicite.
La baisse, à 5,5 %, de la TVA qui frappe cette activité aboutissant à une réduction appréciable du coût de la tonne de déchets triés quelque 16 %, est également permise par une baisse du coût des barèmes. Il s'agit là d'éléments positifs.
Cependant, madame le ministre, je m'interroge sur l'avancement des plans départementaux d'élimination des déchets. Où en sont les révisions que vous aviez demandées et quels sont les choix techniques du traitement préconisé ? Pour ma part, il me semble que, tant que les périmètres des « gisements » ne seront pas arrêtés, on ne pourra pas faire les choix techniques appropriés.
S'agissant du sort des boues résiduelles des stations d'épuration, la situation reste toujours bloquée entre les intérêts divergents des collectivités territoriales, qui estiment que leur épandage agricole constitue leur traitement le plus économique, sans comporter de risque, et les agriculteurs, qui réclament désormais l'institution d'un fonds de garantie pour permettre la poursuite de ces épandages.
Le résultat de cette opposition est la concentration des rejets sur certains sites, ce qui n'est en aucun cas satisfaisant. J'aimerais, madame le ministre, que vous nous apportiez des précisions sur les conditions dans lesquelles cet affrontement peut, selon vous, se résoudre.
Je terminerai mon intervention en évoquant un sujet auquel j'attache une attention toute particulière : les entrées de nos villes et villages, encombrées comme à plaisir par la multiplication de panneaux publicitaires et enseignes sans aucune ligne directrice pour y remédier.
La publicité n'est pas la seule cause de cette dégradation. L'urbanisme, abandonné au profit du droit à vendre, en est le principal motif. Il s'agit là d'un problème majeur qui ne pourra être résolu que par une volonté forte et durable.
Le moment y est particulièrement propice, car les professionnels de la publicité et de la grande distribution que j'ai rencontrés et souhaitent assainir la situation actuelle en diminuant la taille des panneaux et en améliorant la qualité de la prestation. Cette reconquête pourrait, me semble-t-il, se faire par les contrats de plan Etat-région.
Les intervenants économiques jugent la situation actuelle très préoccupante et, finalement, contraire à leurs intérêts. Les élus locaux sont également très sensibles à la dégradation des abords de leur commune, qui n'apparaît plus inexorable. Je n'en veux pour preuve que le soutien des présidents de l'association des maires des grandes villes et de l'association des maires des villes moyennes.
C'est pourquoi l'absence de votre ministère sur ce sujet me semble particulièrement préoccupante, car le moment est venu où l'ensemble des acteurs impliqués dans une possible démarche d'amélioration de ces secteurs, auparavant abandonnés aux seuls intérêts commerciaux, sont disposés à réfléchir à une stratégie et aux moyens à mobiliser pour une reconquête des entrées de ville.
Sachant que la France constitue en Europe une fâcheuse exception et que les acteurs intéressés à cette reconquête - élus, industriels, commerçants, publicitaires - sont désormais conscients de sa nécessité, il faut en définir au plus tôt les intruments d'action. Ce sont, en effet, trente ans d'anarchie urbanistique qui ont abouti à ces résultats consternants. L'amélioration souhaitée ne pourra s'opérer que dans la durée.
La stratégie de rupture que j'avais proposée dans mon rapport de 1994 visait à une interdiction de construire le long des principaux axes routiers, sauf après étude, et constituait une incitation à entreprendre une réflexion sur la nature de l'urbanisme souhaité pour ce type de zones. C'est la mise en oeuvre du principe de précaution en quelque sorte.
Elle a eu des effets très positifs, car elle a conduit à la réalisation d'études de grande qualité, menées par des architectes privés, des CAUE, conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement, ou par des paysagistes.
Il s'agit, désormais, de passer véritablement au stade de la reconquête, et il importe de ne pas perdre de temps car cette reconquête des entrées de villes est une oeuvre de longue haleine. Sans doute faudra-t-il autant de temps pour leur réhabilitation qu'il en aura fallu pour leur dégradation. Mais il n'est pas trop tard.
J'évoquerai enfin le comité national des entrées de ville, créé sur l'initiative des ministres MM. Barnier et Besson. Son objet est de soutenir les efforts des élus qui se sont engagés dans une politique de reconquête de leur entrée de ville, de les promouvoir en exemple et de faire se rencontrer tous les acteurs du cadre bâti, administrations compétentes, acteurs économiques, élus, associations... pour en tirer des enseignements.
En conclusion, madame la ministre, au moment où chacun est convaincu de la nécessité de soutenir les efforts entrepris, j'espère que vous confirmerez, sur ce sujet, qui touche bien à la qualité de notre environnement quotidien, l'engagement que vous avez affirmé en présentant vos précédents budgets. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Madame la ministre, il n'est évidemment pas question pour moi de revenir sur les rapports qui viennent d'être excellemment présentés par Philippe Adnot, au nom de la commision des finances, Jean Bizet, au nom de la commission des affaires économiques et Ambroise Dupont, au nom de la commission des affaires culturelles. Je voudrais seulement, au nom de la commission des affaires culturelles, exprimer un regret.
Depuis trente ans ou presque qu'existe le ministère dont vous avez la responsabilité éminente et la charge, sans doute lourde, la commission des affaires culturelles a toujours pu entendre le ministre compétent avant la discussion en séance publique des crédits de ce ministère.
Or, pour la première fois, cette année, madame la ministre, nous n'avons pas réussi à trouver une date qui vous permette de venir devant notre commission. Les cinquante-deux membres de la commission des affaires culturelles n'ont donc pas pu vous entendre sur le budget de l'environnement. Trois commissions saisies pour un budget, cela peut paraître, il est vrai, beaucoup mais, quand il s'agit d'un budget de cette importance, vous conviendrez, madame la ministre, que c'est tout à fait nécessaire.
Je voudrais vous assurer que la commission des affaires culturelles se sent parfaitement compétente pour traiter de ces crédits. La notion d'environnement est vaste et touche de si nombreux domaines que la commission des affaires culturelles ne peut pas y être étrangère. Nous nous sentons concernés par la réflexion sur les effets de l'environnement pour le citoyen, sur la possibilité qu'il a d'agir pour l'améliorer, ainsi que sur les règles qui doivent encadrer cette action. C'est pourquoi, madame la ministre, nous nous sommes sentis frustrés, et même très frustrés.
Cestes, madame la ministre, il y a eu un concours de circonstances, notamment la préparation de Seattle et, comme votre cabinet nous l'a expliqué, celle de la présidence française de l'Union européenne.
Mais, si les ministres n'inscrivent pas au premier rang de leurs préoccupations leurs relations avec les parlementaires, la démocratie ne pourra pas bien fonctionner.
C'est pourquoi je me permets de faire part de cette remarque en souhaitant ne pas avoir à la renouveler l'année prochaine. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 27 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 15 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l'ont souligné les rapporteurs, ce projet de budget pour 2000, en hausse de 8,6 %, confirme la priorité reconnue par le Gouvernement à l'environnement, même si sa progression est nettement inférieure à celle de l'année dernière et doit être relativisée à l'aune du budget total de l'Etat.
Les orientations retenues pour cette année présentent certes des aspects positifs mais suscitent également des observations, des interrogations et quelques critiques.
En première orientation, vous avez souhaité réformer les structures de votre ministère, notamment en créant une nouvelle direction des études économiques et de l'évaluation environnementale. Vous avez également souhaité accroître ses effectifs. Les crédits de l'administration générale augmentent donc à eux seuls de 20,9 %, après une hausse déjà importante l'an dernier.
Si je me félicitais à l'époque de voir se consolider les missions d'un ministère qui a joué depuis sa création un rôle d'incitation, de persuasion et de coordination, je suis aujourd'hui inquiet de son évolution centralisatrice.
S'il est un domaine où la subsidiarité doit jouer pleinement, c'est bien celui de l'environnement. Le succès des actions à mener dépend plus largement de l'implication sur le terrain des collectivités locales, des entreprises et des établissements déconcentrés que des moyens et des effectifs du ministère.
Par ailleurs, ces derniers ont besoin, pour programmer leurs investissements coûteux, d'une certaine lisibilité à moyen terme du champ réglementaire. La tendance actuelle à la multiplication des normes rend cette lecture souvent difficile.
Sans contester, bien sûr, la nécessité d'un renforcement de structures de contrôle et d'évaluation, nous espérons que la vigilance de vos services s'exercera en se fondant sur des réalités techniques, économiques et humaines et non sur une vision essentiellement écologique qui favorise cette tendance.
Au-delà de cette critique, je prends acte avec satisfaction, dans le document intitulé « Soutien aux politiques environnementales », de l'effort fait en faveur de la recherche et de la connaissance de l'environnement, à travers l'augmentation sensible des crédits de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS, et de l'Institut français de l'environnement, l'IFEN.
Votre deuxième orientation concerne la protection et la mise en valeur du patrimoine biologique, notamment avec le renforcement significatif des moyens du Fonds de gestion des milieux naturels. Là encore, j'approuve cette démarche ambitieuse qui permettra, je l'espère, de rattraper les retards accumulés par la France dans ce domaine.
La troisième orientation de ce budget se traduit par l'instauration d'un Fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE, alimenté par les agences de bassin à hauteur de 500 millions de francs. Après une tentative de « nationalisation » de la politique de l'eau par l'intégration des redevances des agences dans la taxe générale sur les activités polluantes, contre laquelle beaucoup d'entre nous se sont élevés, ce dispositif pourrait sembler un moindre mal. Pourtant, les inquiétudes demeurent, à juste titre.
Par son ampleur et par l'utilisation qui en est proposée, ce nouveau prélèvement de 250 millions de francs ne tient aucun compte de l'action de programmation à moyen terme des agences et risque de remettre sérieusement en cause le caractère décentralisé de la politique de l'eau, qui a pourtant fait ses preuves. J'approuve donc tout à fait la suppression du compte d'affectation spéciale qui a été votée lors de la discussion de la première partie de ce projet de loi de finances.
Enfin, madame la ministre, vous nous présentez la prévention des risques et des pollutions comme la dernière orientation de votre budget. Pour ma part, je trouve que sa traduction budgétaire reste modeste, puisque les crédits ne progressent que de 4,5 %. Elle ne me semble pas, en tout état de cause, à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés, notamment en ce qui concerne le traitement des déchets.
L'an dernier, j'avais salué votre volonté de réorienter la politique des déchets vers une revalorisation plutôt que vers l'incinération qui coûte cher aux collectivités locales.
J'avais également applaudi à l'abaissement du taux de TVA sur la collecte sélective et à la revalorisation des barèmes d'Eco-Emballages.
Malheureusement, les effets positifs de ces mesures ont été annulés en partie par la décision de l'ADEME, peut-être justifiée mais mal ressentie, de diminuer de 38 % son taux de subvention à l'investissement des collectivités locales.
Pour 2000, alors que le produit attendu de la TGAP, notamment sur les déchets ménagers et assimilés, progresse très fortement, on espérait que les crédits de cet organisme pour cette filière suivraient la même évolution.
Tel n'est pas le cas. Si l'on considère l'effort d'investissement que devront fournir les collectivités pour respecter les échéances fixées par la loi de 1992, on peut également regretter que le produit de cette taxe ne profite pas à l'environnement. Je suis certain que vous êtes de mon avis, madame la ministre.
En revanche, je souhaiterais évoquer un point qui me tient à coeur, je veux parler des liens entre l'agriculture et l'environnement.
J'ai lu avec intérêt le rapport intitulé : Agriculture, monde rural et environnement : qualité oblige, qui vous a été remis par la cellule Prospective et stratégie du ministère. Celui-ci souligne les excès d'une agriculture portant l'héritage d'un mission productiviste et qui a, de ce fait, généré des pollutions parfois inquiétantes à l'égard du développement durable.
Mais le rapport reconnaît que ces points noirs ne sont pas irrémédiables s'ils sont traités rapidement. Il affirme même que des initiatives, des expériences ou des pratiques agricoles existantes favorisent déjà une bonne gestion de l'eau, le développement de la biodiversité et l'entretien des fonctionnements biologiques des sols et des paysages.
Madame la ministre, vous avez souvent dénoncé avec véhémence les pratiques agricoles dans votre combat pour l'environnement. Cette attitude a peut-être contribué d'une certaine manière à faire évoluer les esprits mais elle a aussi attisé les rancoeurs chez les agriculteurs déjà malmenés par la mondialisation et les crises sectorielles successives. Ceux-là vous les ont fait connaître, parfois avec une violence que je désapprouve, mais qui traduit sans doute leur désespoir.
Aujourd'hui, il est temps de reconnaître que les agriculteurs sont conscients de la nécessité de mieux maîtriser leurs rapports avec l'environnement. Les actions de conseil et de formation, telles que Ferti-Mieux, Phyto-Mieux, Irri-Mieux, Pic Agri, Farre, engagées depuis de nombreuses années par la profession en faveur de la reconquête de la qualité des eaux, mobilisent un nombre croissant d'entre eux. Par ailleurs, on assiste aujourd'hui à une progression forte de l'agriculture biologique.
Le Gouvernement doit privilégier et accompagner ces démarches volontaristes et responsabilisantes. Dans ce contexte, l'extension de la taxe sur les activités polluantes aux produits phytosanitaires n'est pas une solution adaptée - telle que conçue aujourd'hui - à cette forme de pollution. Elle manque de discernement en ce qui concerne les taux de toxicité.
Il est un autre sujet qui touche les agriculteurs et sur lequel j'aimerais avoir votre avis, madame la ministre, car il y a là une véritable ambiguïté : les boues d'épuration.
Sur 800 000 tonnes de boues produites par an en France - on prévoit 1,2 million de tonnes en 2002 - les deux tiers font actuellement l'objet d'un recyclage agricole par épandage dans les champs. Cette filière d'élimination des boues est, semble-t-il, privilégiée, car elle est moins onéreuse que celle de la mise en décharge ou de l'incinération et elle s'inscrit clairement dans une perspective de développement durable.
Mais, aujourd'hui, ce service rendu par les agriculteurs à la collectivité semble se retourner contre eux. L'innocuité de cette filière est en effet de plus en plus souvent mise en cause ; l'Institut national de la recherche agronomique a même parlé de « bombe à retardement ». Ainsi, de grands groupes agroalimentaires, tels que Bonduelle, refusent les produits issus de terres enrichies aux boues, et la charte du charolais en interdit, elle aussi, l'utilisation, ainsi que la filière bio.
En Haute-Saône, par exemple, le plan d'épandage de 3 500 tonnes de résidus issus des eaux usées de la nouvelle station d'épuration du district de Belfort a été refusé par les élus d'un canton de trente-six communes. Faisant fi de ces avis et du rapport défavorable du commissaire enquêteur lors de l'enquête publique, les services départementaux ont donné, dans un premier temps, leur feu vert à ce plan, se défendant de faire courir un quelconque risque aux populations. Tout récemment, un plan d'épandage a été gelé pour cause de pollution au polychlorobiphényle. Cela prouve, s'il en est besoin, le malaise des autorités dans ce dossier.
La profession agricole a demandé la création d'un fonds de garantie dont l'objet serait double : assurer une indemnisation rapide pour les dommages ordinaires imputables à une qualité défectueuse des boues ; garantir le risque environnemental à long terme, au-delà du jeu normal de la responsabilité civile de la collectivité locale.
En l'absence de réponse des pouvoirs publics, les représentants nationaux ont appelé les agriculteurs à suspendre tout épandage dans leurs champs, mot d'ordre national particulièrement bien suivi dans les départements.
Ne pourrait-on pas envisager que l'Etat garantisse au moins le risque de développement lié à la valorisation agricole des boues lorsque la responsabilité de la collectivité locale ou de son délégataire ne peut plus être recherchée ? Les sommes affectées au fonds national de solidarité pour l'eau permettraient, sans constituer de réserves, et donc sans augmenter le prix de l'eau, de couvrir ce risque.
Cette question de la valorisation agricole des déchets mérite, en tout état de cause, sinon un vrai débat, du moins une vraie prise de position de la part du Gouvernement.
Je serais également heureux, madame la ministre, que vous me donniez des assurances concernant le plan d'épandage envisagé en Haute-Saône. Après les boues de Belfort, allons-nous aussi accueillir celles de Besançon ?
Pour conclure, j'évoquerai rapidement le dossier du TGV Rhin-Rhône.
D'une part, l'avenir de la liaison Paris-Bâle reste toujours aussi hypothétique, les élus nationaux de Franche-Comté ayant été exclus des concertations avec le ministre des transports lors des dernières consultations.
Dautre part, le tracé du TGV entre Auxonne et Petit-Croix retenu le 5 juillet dernier par le comité de pilotage du projet ne dessert pas Dôle. Il me semble pourtant, comme à vous, que cette ville constitue un pôle important. Alors que l'on s'attache à mettre en place un réseau de communication servant un développement du territoire équilibré, l'élimination délibérée de ce pôle semble non raisonnable, voire irréaliste.
Par ailleurs, il convient d'articuler désenclavement des zones rurales et protection des sites naturels. La vallée de l'Ognon, que vous connaissez, ne doit pas être sacrifiée sur l'autel du dieu « Rail ».
Madame la ministre, compte tenu des observations que j'ai formulées, la majorité des membres du RDSE n'est pas favorable à votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Madame la ministre, votre budget pour l'année 2000 confirme l'ambition du Gouvernement dans le domaine de l'environnement. Le renforcement très sensible des moyens humains et financiers que vous nous proposez permettra de poursuivre vos actions lancées déjà par la loi de finances de 1999, et donc d'inscrire dans la continuité, pour la seconde année consécutive, cet effort sensible.
En accordant au budget de l'environnement une croissance environ quatre fois supérieure à celle des dépenses générales de l'Etat, le Gouvernement entend concrétiser une priorité et l'émergence d'un ministère de plein exercice, même si l'environnement demeure une politique transversale et interministérielle par excellence.
Votre budget voit ses crédits augmenter de 8,6 %, pour atteindre 4,298 milliards de francs, contre 3,957 milliards de francs l'année dernière, et représenter désormais 0,30 % des dépenses de l'Etat.
Trois points forts le marquent.
Premier point : il y a nécessité, j'en suis convaincu, de renforcer raisonnablement les moyens de votre ministère et des établissements déconcentrés. Sont ainsi programmées les créations de 380 emplois et d'une direction des études économiques et de l'évolution environnementale, qui constituera un véritable outil d'expertise et de conseil au service du développement durable.
Le deuxième point auquel je suis particulièrement sensible au regard de mes responsabilités locales, est la redéfinition des moyens de l'Etat dans le domaine de la politique de l'eau. Les refontes préfigurent votre future loi sur l'eau, actuellement en préparation. L'eau sera l'enjeu du xxie siècle.
Le nouveau fonds national de l'eau reprend le FNDAE, auquel les communes rurales sont très attachées, lequel sera complété par un fonds national de solidarité pour l'eau, FNSE, doté de 500 millions de francs, avec une mission de péréquation.
Les agences de l'eau seront mises à contribution par un prélèvement de 5 % de leurs ressources. Si l'argent de l'eau doit aller à l'eau - c'est un principe fondamental, madame la ministre - il me semble également essentiel que soit préservée une certaine territorialisation des actions à travers les bassins. Je compte sur vous pour veiller à ce que ne soit pas mis à mal le financement du septième programme en cours des agences de l'eau et le futur huitième programme. Sachons, dans l'intérêt général, préserver cet outil d'aménagement et de concertation que beaucoup de pays nous envient.
Enfin, troisième point, j'évoquerai la fiscalité écologique, envisagée et appliquée, en 1999, avec la TGAP et que certains critiquent ou condamnent injustement. Pourtant, cette réforme est indispensable et illustre une nouvelle prise de conscience de nos modes de consommation. Cet instrument de prévention des comportements polluants qu'est la TGAP, vous souhaitez l'élargir aux domaines de la pollution de l'eau, des grains minéraux naturels et des pollutions d'origine agricole. La TGAP affirmera également son rôle en faveur de l'emploi, en finançant la baisse de charges pesant sur le travail dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ecologie, fiscalité et développement économique peuvent ainsi se marier.
Pour conclure, madame la ministre, par-delà ces trois points essentiels et nouveaux que vous proposez, je souhaite insister sur le fonds de gestion des milieux naturels, le FGMN. Il progresse, pour atteindre 241,9 millions de francs en crédits de paiement et dépenses ordinaires, et 105,5 millions de francs en autorisations de paiement.
Pour avoir vécu la gestation longue et parfois difficile du parc naturel régional de l'Avesnois, créé en mars 1998, pour avoir animé la mise en place de la directive Natura 2000 à travers le programme LIFE, ligne d'instrument financier pour l'environnement, en forêt de Thiérache et suivi les actions financées par le fonds de gestion de l'espace rural, il me semble indispensable de souligner l'effort que votre ministère a souhaité consentir en faveur de la protection du milieu et des paysages, des parcs naturels régionaux et nationaux.
Il faut répondre, dans ce domaine, aux attentes légitimes de nos concitoyens et transmettre un capital naturel aux générations futures.
Il reste, dans tous ces domaines, beaucoup à faire pour soutenir les initiatives locales et régionales.
Notre pays dispose de solides atouts de développement, à travers ses richesses naturelles et son cadre de vie.
La responsabilité de l'aménagement du territoire que vous assumez conjointement avec celle de l'environnement permet de concilier, enfin, nos moyens et nos actions autour d'enjeux majeurs. A travers ce projet de budget, vous poursuivez le dessein d'une véritable politique de développement durable, citoyenne, solidaire et porteuse d'emplois.
Madame la ministre, partageant votre ambition et vos préoccupations, le groupe socialiste, en accord avec la volonté clairement affichée du Gouvernement, votera votre budget pour l'année 2000. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Il y a un an, presque jour pour jour, puisque c'était le 3 décembre 1998, madame la ministre, la majorité sénatoriale exprimait ses inquiétudes à l'égard de votre budget pour 1999, qui comportait de multiples aspects négatifs.
Les crédits de l'environnement pour 1999 avaient fait le bond le plus spectaculaire du projet de loi de finances, avec une augmentation de 110 %. Ce budget de 1999 aurait donc dû susciter auprès de tous les parlementaires attachés à l'environnement et à la qualité de la vie un enthousiasme sans limite. Or, la majorité sénatoriale avait voté contre.
Nous nous étions en effet insurgés contre l'instauration, par le biais d'un article de la loi de finances pour 1999, de la taxe générale sur les activités polluantes. Il s'agissait déjà d'un changement fondamental dans la façon d'aborder la protection de l'environnement et les relations pollueurs-payeurs.
Il était, en fait, plus aisé pour vous et votre Gouvernement de noyer le dispositif dans le débat sur le projet de loi de finances pour faire, en quelque sorte, « passer la pilule ».
L'article 45 de la loi de finances pour 1999 a donc unifié les cinq taxes auparavant affectées à l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, taxes frappant la mise en décharge des déchets ménagers, le stockage et l'élimination des déchets industriels spéciaux, la consommation d'huiles, la pollution industrielle de l'air et le bruit provoqué par le trafic aérien.
La création de la TGAP avait alors officiellement pour objet d'améliorer l'incitation à la protection de l'environnement et de conférer au système existant une plus grande souplesse, avec la rupture du lien entre les recettes et les dépenses afférentes à chacun des objectifs visés par l'ADEME.
La TGAP est donc devenue, en quelque sorte, un impôt d'Etat, et ce sont près de 1,8 milliard de francs qui alimentent aujourd'hui le budget général.
Nous assistons ainsi au détournement, que nous redoutions ici même l'année dernière, du produit de cette taxe, un an à peine après sa création. C'est plutôt de mauvais augure et cela laisse présager des difficultés pour l'avenir.
Noyés dans le budget de l'Etat, les fonds récoltés n'iront pas alimenter les recherches nécessaires non plus que les moyens techniques pour réduire les sources de pollution, alors qu' a priori une écotaxe, de par sa nature, est appelée à financer des opérations de dépollution ou des programmes de reconversion ou de recherche.
Le niveau de cette taxe évoluera, en fait, en fonction des besoins financiers du budget de l'Etat, et il y a de grands risques que ce prélèvement augmente au gré de la « gourmandise » financière du financement de la réduction hebdomadaire du temps de travail.
En effet, entre le vote de la loi de finances pour 1999 et l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, le financement des 35 heures est devenu une priorité pour le Gouvernement.
Le rendement attendu, dès 2001, de la TGAP serait de 12,5 milliards de francs, somme presque équivalente à la contribution annuelle de l'Etat aux contrats de plan Etat-région.
Le Gouvernement souhaite, en outre, améliorer le rendement des taxes composant la TGAP, objectif clairement budgétaire, afin que le produit des taxes sur les huiles usagées et sur la pollution atmosphérique connaisse une augmentation de plus de 50 %.
Par ailleurs, il est prévu d'instaurer en 2000 quatre nouveaux compartiments de cet impôt qui n'ont pas tous intégralement trait aux pollutions : les lessives, plus 500 millions de francs ; les produits phytosanitaires, plus 300 millions de francs ; les granulats, plus 300 millions de francs ; les installations classées, plus 100 millions de francs.
S'agissant des lessives, l'assiette de la nouvelle taxe est particulièrement large puisqu'il s'agit de taxer non pas les seules lessives contenant des phosphates, mais bien toutes les lessives, ainsi que divers autres produits auxiliaires, qu'ils contiennent ou non des phosphates. A l'évidence, la future taxe sur les lessives sera une taxe de rendement ou une taxe au rendement.
S'agissant des produits phytosanitaires, la taxe viendra renchérir le coût des productions dans des secteurs déjà affectés par des crises récurrentes ou dont le cadre économique est bouleversé par la réforme de la politique agricole commune. Ce nouvel impôt restera essentiellement à la charge des agriculteurs.
Il faut également rappeler que le monde agricole ne sera que très peu bénéficiaire des allégements de charges financés par cette taxe.
La TGAP sur les produits phytosanitaires est un impôt injuste et inefficace pour l'environnement. Un retour financier en faveur de l'environnement, via les agences de l'eau, eût été préférable. Nous vous donnons rendez-vous, madame la ministre, lors de l'examen du projet de loi sur l'eau qui devrait être soumis au vote du Parlement dans le courant du premier semestre 2001.
S'agissant des granulats, l'affectation du produit de cette taxe au fonds de financement des 35 heures ne permettra pas de dégager de crédits supplémentaires pour la réparation des dommages environnementaux.
Les carrières alluvionnaires ont été visées depuis de longues années dans le cadre de négociations pour la mise en place d'une redevance servant de recette aux agences de l'eau et visant exclusivement les matériaux alluvionnaires. Toutefois, le Gouvernement a décidé de soumettre à cette taxe toutes les carrières, y compris celles qui sont en roches massives, ce qui est d'une incohérence totale.
L'instauration de ce compartiment de TGAP vise donc à pénaliser une activité qui cause des dommages environnementaux, sans l'inciter aucunement à réduire ces dommages. Il est en effet peu probable que la TGAP sur les carrières réorientera les processus de production les plus polluants vers les moins polluants, en raison notamment des différentiels de coûts qui subsistent. Et le report d'activité entre carrières alluvionnaires plus polluantes et carrières de roches massives n'est pas du tout assuré en raison de ce taux unique.
S'agissant de la politique de l'eau et des problèmes créés par la mise en place du Fonds national de solidarité pour l'eau, l'accroissement sensible, pour 2000, des moyens mis à la disposition du ministère de l'environnement s'expliquent en partie par un prélèvement de 500 millions de francs sur les recettes des agences de l'eau.
Les agences de l'eau ont donné la preuve de l'efficacité d'une gestion décentralisée de l'environnement. On ne peut donc que s'insurger contre un nouveau prélèvement au moyen duquel l'Etat récupère une partie des redevances dans lesquelles les collectivités territoriales et les acteurs socio-économiques participent à la protection et à la gestion de l'eau.
Il s'agit bien là d'une atteinte aux pratiques d'autonomie de gestion de ces organismes, et donc d'une reprise en main par l'Etat, alors que les collectivités locales et les collectivités territoriales sont soumises à des règles très strictes et compartimentées entre la fiscalité locale et le financement de la distribution et de l'assainissement.
L'an dernier, nous avions déjà dénoncé la politique centralisatrice du Gouvernement, en rappelant que les agences de l'eau avaient donné la preuve de l'efficacité d'une gestion décentralisée et partenariale de l'environnement.
Le mouvement de centralisation s'est confirmé cette année avec la budgétisation des ressources de l'ADEME, dont on ne voit, pour l'instant, que les effets négatifs, en l'occurrence le rationnement des crédits, la baisse des pourcentages d'intervention. (Mme le ministre proteste), en particulier au profit du traitement des fumées, de la collecte et du tri sélectifs.
Le Gouvernement va donc fiscaliser la redevance des agences de l'eau au sein de la TGAP. Cette décision, madame la ministre, soulève l'inquiétude des élus locaux, en particulier des maires, et je me fais ici l'interprète de l'Association des maires de France. Cette nouvelle fiscalité indirecte sur l'eau potable pèsera sur les redevances de l'eau, soit à 80 % sur l'eau à usage domestique. Le système des vases communicants, tel qu'il est conçu par le Gouvernement, risque d'assécher les ressources allouées à la politique de l'eau. Il en résultera une augmentation des coûts de production, et donc une nouvelle hausse du prix de l'eau pour le consommateur : c'est une autre manière d'annoncer des baisses de prélèvements obligatoires tout en alourdissant, de façon moins visible, les dépenses liées à la consommation.
Le seul type de fiscalité acceptable est la parafiscalité, dont on a vu un exemple de fonctionnement satisfaisant à propos des agences de l'eau. Les ressources procurées par la parafiscalité doivent toutefois naturellement diminuer au rythme de la réduction de la pollution, ce qui ne sera pas le cas avec l'écotaxe, qui n'a pas pour vocation de diminuer, qu'il y ait ou non réduction de la pollution.
Pourquoi démanteler un système qui fonctionne, madame la ministre ? Malheureusement, pour opérer un prélèvement, pour ne pas dire un hold-up, sur les ressources des agences de bassin.
La fiscalité écologique peut certes être un instrument de lutte contre la pollution. Elle doit cependant rester incitative et non punitive.
L'affectation du produit de la TGAP au financement du passage aux 35 heures constitue un dévoiement de la fiscalité écologique et pose la question de la légitimité de son utilisation comme outil d'une prétendue politique de l'emploi, au détriment d'une politique de l'environnement.
L'an dernier, la majorité sénatoriale avait rejeté votre projet de budget, principalement en raison de la création de la TGAP, symbole d'une approche budgétaire centralisatrice. Nous avions en effet analysé la budgétisation des ressources qui, jusqu'à présent étaient affectées à l'ADEME, comme une véritable captation étatique. La présentation du projet de budget nous a apporté la confirmation de la justesse de notre analyse.
La mainmise de l'Etat s'accroît. Si nous assistons à une augmentation spectaculaire des crédits, c'est uniquement au service d'une logique de pouvoir, au détriment d'une logique d'incitation et d'action.
Où sont les grands discours sur la gestion de proximité, madame la ministre ? Si l'on relit les propos que vous avez pu tenir voilà quelques années sur ce sujet, on ne peut que beaucoup s'interroger. Mais il est vrai que, depuis, vous êtes devenue membre du Gouvernement...
La TGAP s'inscrit donc dans une logique budgétaire et non dans une logique environnementale. De plus, l'absence d'affectation des prélèvements fiscaux à des actions d'environnement pénalisera, de fait, le développement des pratiques respectueuses de l'environnement.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même ne pourrons voter les crédits de l'environnement inscrits au projet de loi de finances pour 2000. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) .
M. le président. La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello. Madame la ministre, le projet de budget de l'environnement que vous nous présentez a des aspects à la fois positifs et négatifs.
Parmi les aspects positifs, notons votre volonté de faire du ministère de l'environnement un ministère à part entière doté d'un véritable budget à la fois de fonctionnement et d'investissement.
Cela nous rappelle les balbutiements, au cours des années soixante et soixante-dix, du ministère de la culture, qui est maintenant, fort heureusement, un département ministériel de plein exercice, même si ses principales actions sont tributaires de financements croisés des collectivités locales. Il en ira de même d'ailleurs du vôtre.
C'est ainsi que, parmi les aspects positifs de votre projet de budget, nous enregistrons une augmentation des crédits, portés de 3 956 millions de francs à 4 697 millions de francs, puisque vous nous avez annoncé tout à l'heure 400 millions de francs supplémentaires, ce qui représente une progression de 8,6 %, les autorisations de programmes bénéficiant, quant à elles, d'une augmentation de 5,9 %.
Cependant, vous êtes encore loin d'obtenir que le ministère de l'environnement soit un ministère de plein exercice puisque votre projet de budget ne représente que 0,25 % ou 0,30 % du budget de l'Etat.
Un autre aspect positif est, d'une part, la création de cent quarante postes - je ne la critiquerai pas, contrairement à certains, car elle me paraît indispensable pour créér un ministère de plein exercice qui puisse ensuite être doté d'un budget d'investissement raisonnable - dont cinquante sont destinés à mettre en place une inspection générale de l'environnement et une direction des études économiques et de l'évaluation environnementale, et, d'autre part, le transfert de soixante-dix emplois, dont sept du ministère de l'environnement et soixante-trois du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
L'effort est également important en ce qui concerne la DRIRE, la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, ainsi que les services vétérinaires.
De même, nous vous approuvons lorsque vous mobilisez la recherche au service des politiques environnementales par des subventions en hausse de 11,8 % à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques ou lorsque vous créez 20 000 à 30 000 emplois-jeunes dans le secteur de l'environnement. Nous avons vu, dans d'autres pays, qu'il s'agit d'un secteur porteur engendrant des emplois durables et de qualité.
Au 31 juillet 1999, 13 979 jeunes étaient déjà embauchés. Je vous indique à ce propos que ma commune, en étroite collaboration avec le parc national du Mercantour, a participé à cette action à hauteur de 16 emplois-jeunes.
Il est indispensable d'augmenter les crédits pour l'action internationale, particulièrement pour les actions de coopération. Vous l'avez fait : ils sont de 22,7 millions de francs dans le projet de budget pour 2000, soit une progression de 11 % par rapport à 1999.
Un récent colloque, qui s'est tenu à Menton et à l'occasion duquel je suis intervenu, a montré l'utilité de la coopération, notamment entre les parcs nationaux transfrontaliers. Vous nous aiderez, j'en suis persuadé, à faire classer dans le patrimoine national les deux parcs nationaux français et italien du Mercantour et de l'Argentera, dans les Alpes-Maritimes, puisque, comme vous le savez, ces deux parcs sont jumelés.
Comme l'ont souligné MM. les rapporteurs, la progression de 14,2 %, dans votre projet de budget, des crédits consacrés à la protection de la nature, des sites et des paysages constitue également un aspect positif, tout comme le développement du réseau d'espaces naturels protégés.
En revanche, le renforcement de 6 % par rapport à 1999 des crédits affectés aux parcs nationaux, crédits qui s'établissent à 186,38 millions de francs, est à mon avis insuffisant. J'y reviendrai pour le parc national du Mercantour.
De même, les crédits affectés au Conservatoire du littoral ne sont pas à la hauteur du défi à relever. Ils stagnent à 149 302 144 francs au moment où les médias ne parlent plus que de paillotes, en méconnaissant souvent le droit, l'impact économique des installations existantes et les droits accquis avant la loi « littoral » de janvier 1986 et, surtout, la loi du 28 novembre 1963 relative au domaine public maritime. Le renforcement de l'action du Conservatoire du littoral permettrait peut-être de mettre tout le monde d'accord.
Dans ce chapitre budgétaire, nous avons noté également des transferts de crédits du compte d'investissement vers le compte de fonctionnement, ce qui nous paraît critiquable.
Les côtés négatifs de votre projet de budget, soulignés par MM. les rapporteurs, sont nombreux. Même si, comme nous en avons le sentiment, ils résultent d'arbitrages vous ayant été imposées au sein du Gouvernement, le Parlement a le devoir de les mettre en avant.
Votre projet de budget conforte le rôle des associations : en 1999, on a recensé 1 500 associations agréées au titre de l'environnement parmi lesquelles plus de 300 avaient bénéficié de subventions pour 345 millions de francs.
Mais quels sont les critères d'éligibilité ? Il y a là une absence de lisibilité.
Les associations regroupent en effet en leur sein non seulement beaucoup de personnes de qualité mais également un grand nombre de démagogues irresponsables souvent rejetés par le suffrage universel, dont le seul but est de régler des comptes et de déposer plainte contre des élus locaux, alors que les moyens financiers des communes ne permettent pas à ces derniers de faire face à tout, tout de suite.
Par ailleurs, madame la ministre, les élus locaux que nous sommes quasiment tous dans cette assemblée ne peuvent assister sans protester à l'accroissement des prélèvements opérés sur les budgets des agences de l'eau, ce « processus portant atteinte au principe fondamental de l'autonomie de gestion des organismes de bassin ».
Il n'est pas admissible que, pour l'an 2000, on prélève 500 millions de francs pour alimenter le nouveau Fonds national de solidarité pour l'eau, lequel financera, entre autres dépenses, la maîtrise de la consommation d'eau dans le logement social. Par conséquent, les différents programmes des agences de l'eau prévus pour la période 1997-2001 devant permettre de financer un montant de travaux estimé à 105 milliards de francs devront être revus à la baisse.
Maire d'une commune de 2 000 habitants, mais la plus vaste des Alpes-Maritimes par son territoire, j'ai déjà fait réaliser une nouvelle station d'épuration ; une deuxième est en travaux, et je viens d'acheter les terrains d'une troisième. Comment voulez-vous, madame la ministre, que les collectivités locales rurales puissent financer ces travaux si l'aide de l'Etat, de l'agence de l'eau, des régions et des départements n'est pas massive et n'atteint pas 80 % de la dépense hors taxes ?
Ma critique portera également sur le problème du financement de la réduction des pollutions à travers le traitement des déchets ménagers et assimilés : 434 kilogrammes par habitant et par an, en moyenne, dans notre pays.
L'ADEME prévoit que les collectivités locales y consacreront 20 milliards de francs d'investissements jusqu'à l'échéance de 2002. Les maires sont conscients du problème, bien qu'un manque d'informations subsiste quant à l'application dans le temps de la loi du 13 juillet 1992 ayant transposé la directive européenne du 18 mars 1991.
Cependant, en mai 1999, l'ADEME a décidé unilatéralement de réviser à la baisse ses taux d'intervention avec effet rétroactif au 1er janvier 1999. En moyenne, les taux de subvention sont réduits de 38 % : sur les usines d'incinération, le taux est réduit à 5 %, et, sur les plates-formes machefer, à 20 % au lieu de 50 % en 1998. En même temps, l'ADEME va encaisser 400 millions de francs supplémentaires au titre de la TGAP.
Je suis heureux d'apprendre, madame la ministre, que vous avez pu obtenir ce jour une progression de 400 millions de francs de votre budget. L'ADEME va-t-elle augmenter son aide aux communes ? Nous aimerions connaître votre réponse sur ce point qui nous paraît très important.
La TGAP n'est qu'un impôt supplémentaire, alourdissant la fiscalité écologique et pénalisant les entreprises. La défense de l'environnement et votre budget en tireront peu de crédits, puisque les sommes ainsi collectées financeront la hausse du coût du travail résultant de la mise en place de la loi sur les 35 heures au travers du budget de la sécurité sociale.
Madame la ministre, après cet examen non exhaustif de votre projet de budget, je veux attirer votre attention sur quatre points.
Le premier concerne les parcs nationaux, en particulier celui du Mercantour dont je préside la commission permanente.
J'ai pris connaissance avec intérêt de la question qui vous a été posée par notre commission des finances sur les parcs nationaux et leurs objectifs, et de votre réponse. Il est bon que les parcs élaborent chacun un programme d'aménagement sur cinq ans, que l'on modernise les équipements situés en zone centrale, que l'on crée de nouveaux parcs, notamment en Guyane, département d'ailleurs méconnu, aux potentialités touristiques très importantes avec ses grands fleuves.
Mais les crédits affectés aux parcs nationaux sont insuffisants. Je vous rappelle que la loi du 22 juillet 1960 créant les parcs nationaux précise en son article 3 que « le décret de classement peut délimiter autour du parc une zone dite périphérique où les diverses administrations publiques prennent... toutes mesures pour permettre un ensemble de réalisations et d'améliorations d'ordre social, économique et culturel...» Or, depuis 1960 - cela ne date pas de votre ministère, je vous en donne acte - cette disposition est restée lettre morte, et cela continue.
Le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement met chaque année à la disposition de l'ensemble des zones périphériques des parcs nationaux 9 millions de francs - somme on ne peut plus symbolique que doivent s'arracher les sept parcs nationaux français - qui servent seulement à financer des actions telles que la sauvegarde du patrimoine naturel, la réhabilitation du petit patrimoine rural, des actions de communication-pédagogie et l'aménagement de grands sites, sans que quoi que ce soit soit prévu pour fertiliser ces zones périphériques en termes économiques et sociaux, comme l'a précisé la loi portant création des parcs nationaux.
En outre, les parcs nationaux ne sont pas pour l'instant intégrés aux contrats de plan Etat-région, d'où la nécessité de mettre en oeuvre un vrai programme pluriannuel pour la zone périphérique des parcs. Je sais que vous essayez de mettre en route ce programme. C'est ce que les élus des communes qui ont donné des territoires aux parcs vous demandent.
Je profite de cette intervention, madame la ministre, pour vous demander d'affecter des crédits significatifs afin de terminer l'aménagement de la maison du parc de Tende, commune dont je suis maire, et qui a tout de même donné plus de 5 000 hectares au parc national du Mercantour ; les travaux ont commencé voilà trois ans et ils traînent faute de crédits. J'espère que mon appel sera entendu !
Un deuxième point me préoccupe. Je vous ai adressé, le 28 juillet dernier, madame la ministre, une question écrite restée à ce jour sans réponse, concernant l'existence de bâtiments en ruines datant pour la plupart de la Seconde Guerre mondiale, qui défigurent le paysage de la vallée de la Roya, notamment en bordure de la route nationale 204, voie sur laquelle transite un flot de touristes très important venant non seulement d'Italie mais aussi de Suisse ou d'Autriche.
Tous ces bâtiments sont situés dans la zone périphérique du parc national du Mercantour sur la commune de Breil-sur-Roya et donnent aux touristes une image négative de l'entrée dans le territoire français. Ne vous semble-t-il pas souhaitable, madame la ministre, s'agissant de la zone périphérique du parc national, de charger le parc de se préoccuper de ce problème et de coordonner ces démolitions avec l'aide de la région, du conseil général et de la SNCF, propriétaire de ces biens puisqu'il s'agit d'anciens transformateurs électriques, en lui accordant pour ce faire des crédits spécifiques ?
D'autres orateurs avant moi ont évoqué la directive Habitat ou Natura 2000.
Ne pourriez-vous pas obtenir de l'Union européenne qu'elle précise aux décideurs locaux, notamment, quelles en seront les contraintes ? On ne peut, au cours de réunions de concertation, délivrer des chèques en blanc à l'administration !
Enfin, je terminerai - soyez rassurés, je serai bref - par le problème du loup que les éleveurs et les bergers du Mercantour, appuyés par la plupart des municipalités de montagne - et je préside aux destinées d'une municipalité de montagne depuis plus de trente ans - souhaiteraient mieux contrôler.
Je ne vous apprendrai pas qu'à ce jour ce sont plus de 5 000 brebis qui ont été tuées par les loups dans l'Arc alpin, dont la majeure partie dans les Alpes-Maritimes et un très grand nombre sur le territoire de ma commune, depuis leur réapparition en France, dans le Mercantour. Je ne suis pas de ceux qui demandent leur éradication, la convention de Berne assurant leur protection et cet animal sauvage méritant de vivre. Mais cette même convention, dans son article 9, permet de déroger à cette préservation pour prévenir des dommages importants aux cultures et au bétail.
Si la convention de Berne elle-même prévoit de telles atténuations à la protection des loups, pourquoi ne pas adopter une position de sagesse, qui serait de créer, pour ce qui est du Mercantour, une zone de 150 hectares clôturée dans laquelle le loup pourrait s'ébattre en toute liberté, la sécurité des élevages étant assurée au-delà ?
J'avais proposé cette solution de bon sens il y a trois ans déjà au conseil d'administration du parc national et tous les élus de la zone périphérique avaient voté une motion en ce sens.
Nous serons bien obligés, madame la ministre, d'adopter une telle démarche, faute de quoi les bergers feront des battues et personne n'osera les traduire en justice ou les condamner, même de façon symbolique, vous le savez fort bien !
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, le groupe des Républicains et Indépendants ne pourra pas voter le budget de votre ministère. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Lepeltier.
M. Serge Lepeltier. Madame la ministre, c'est en ayant à l'esprit la nouvelle dynamique dans l'opinion pubique, et dont nous nous réjouissons, des questions touchant à l'environnement qu'il nous appartient d'examiner le projet de budget que vous nous présentez.
Votre budget a toutes les apparences d'un bon budget. Tout d'abord, il est en hausse significative puisqu'il affiche une progression de 8,6 %.
Cette hausse permet la création de 140 emplois nouveaux, dont 54 postes dans le corps de l'inspection des installations classées, 36 dans les DIREN, ce dont on ne peut que se réjouir, et 50 dans l'administration centrale, ce qui peut-être nous pose plus de problème.
Cette création de postes répond à votre souhait de faire de votre ministère un ministère de plein exercice.
Ce choix, vous l'avez fait à l'évidence en ne voulant pas rester un ministre virtuel, ce qui ne correspond sûrement pas à votre personnalité, comme vous me l'aviez indiqué dans votre réponse l'année dernière.
Cette croissance des crédits nous réjouit puisqu'elle est surtout consacrée à la protection de la nature et des espaces naturels. Mais tout cela, même si ce n'est naturellement pas négligeable, ne doit pas masquer les faiblesses, voire les contradictions auxquelles est confrontée votre politique.
L'augmentation à laquelle je faisais référence doit tout d'abord être relativisée puisque votre budget, madame la ministre, ne représente, en dépit des efforts consentis, que 0,3 % environ du budget civil de l'Etat et reste l'un des plus faibles des pays de l'Union européenne.
M. René-Pierre Signé. C'est mieux qu'avant !
M. Serge Lepeltier. C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles votre politique, même si elle bénéficie sur le plan médiatique du caractère emblématique de votre personnalité, ne va pas assez loin dans certains cas en matière environnementale ou, plus grave, fait fausse route dans d'autres cas.
Je citerai brièvement deux exemples pour préciser les domaines dans lesquels elle ne va pas assez loin et un exemple pour rappeler ceux où elle fait fausse route.
Ces deux exemples concernent deux secteurs que je souhaite rappeler. Le premier a trait au bruit. Les nuisances sonores sont très légitimement considérées par nos concitoyens comme la cause principale d'insatisfaction à l'égard de leur cadre de vie et affectent principalement les catégories sociales les moins favorisées.
Dans le présent projet de budget, même s'il est vrai que les autorisations de programme en faveur de la lutte contre le bruit augmentent sensiblement, les dépenses ordinaires et les crédits de paiement alloués en ce domaine dépassent en l'état à peine 20 millions de francs, soit seulement 0,9 % des dépenses consacrées par le ministère de l'environnement à la prévention des pollutions et des risques.
C'est dire, madame la ministre, à quel point la lutte contre le bruit reste le parent pauvre de l'environnement et combien il est nécessaire d'agir pour en faire une véritable priorité nationale.
Chargée d'impulser une telle politique, vous venez, très récemment, de faire, avec le ministre de l'équipement, des transports et du logement, une communication relative aux bruits des transports terrestres. Je ne peux que m'en féliciter, même si je suis assez réservé sur les moyens dont le Gouvernement dispose pour l'application concrète d'un tel programme.
Vous venez, certes, de déposer un amendement de dernière minute proposant une rallonge budgétaire en faveur de l'ADEME, à hauteur de 300 millions de francs. Je le note naturellement avec intérêt, tout en vous remerciant de nous préciser la part qui pourrait être réservée dans ces crédits supplémentaires à la lutte contre le bruit.
Mon second exemple, dans un autre secteur, concerne la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.
Vous le savez, vous l'avez d'ailleurs rappelé, madame la ministre, lors de la conférence de Bonn, cette lutte est une priorité internationale et ce doit être une priorité nationale que de tenir nos engagements de Kyoto. Il faut aller vite. L'enjeu est clair : si l'on ne fait rien aujourd'hui, il deviendra de plus en plus difficile d'agir.
Quelque 20 % de la population du globe consomme, à elle seule, 80 % de l'énergie mondiale. La planète émet aujourd'hui six milliards de tonnes de carbone, elle en émettra vingt milliards en 2050 si nous ne faisons rien.
Face à un tel enjeu international, la France doit apparaître en pointe avec une politique très volontariste. Elle renforcerait ainsi son crédit auprès des pays émergents et retrouverait une place dans le concert des nations en jouant un rôle moteur dans le domaine de l'environnement.
Or, que constate-t-on ? De l'attentisme. Un programme national de lutte contre les gaz à effet de serre sans cesse annoncé mais toujours repoussé. On imagine aisément les luttes d'intérêt auxquelles ce programme doit faire face. Les derniers arbitrages tardent à intervenir et il ne faudrait pas que l'essentiel du plan, c'est-à-dire, en quelque sorte, tout ce qui est difficile à mettre en oeuvre ne soit écartée. Il ne faudrait pas que ce plan, au fur et à mesure des navettes entre les divers ministères, ne se réduise comme une peau de chagrin et qu'il ne devienne plus qu'un plan virtuel.
Que faire ? A mes yeux, ce plan, pour être efficace, devra forcément être multipolaire et toucher l'ensemble des secteurs concernés.
Où en est, madame la ministre, la question essentielle du réchauffement climatique sur laquelle, encore une fois, la France doit, sur le plan international, prendre des positions fortes ? Vous avez dans ce domaine, comme dans d'autres, un rôle à jouer, un rôle de sensibilisation, un rôle pédagogique pour que les populations se sentent très directement concernées et puissent progressivement changer leur comportement.
A ce sujet, je voudrais, vous faire une suggestion. A l'instar de ce qui existe en matière de défense nationale avec l'Institut des hautes études de défense nationale et en matière de sécurité intérieure avec l'Institut des hautes études de la sécurité intérieure, ne pourrait-on pas envisager la création d'un Institut des hautes études de l'environnement ? Placé sous l'autorité du ministère de l'environnement, cet institut pourrait avoir pour mission de réunir des responsables de haut niveau appartenant à la fonction publique et à tous les secteurs d'activité de la nation en vue d'approfondir leur connaissance en matière d'environnement par l'étude en commun des problèmes qui se posent dans ce domaine. Et c'est un ancien auditeur de l'IHEDN qui vous le dit !
Il s'agirait de promouvoir le plus largement possible à travers la société française une véritable culture de l'environnement, d'en développer le caractère transversal et, par là même, plus mobilisateur. J'aimerais, madame la ministre, connaître votre sentiment sur cette proposition.
Je voudrais terminer en citant un exemple, qui est d'ailleurs plus que cela, tant il est au coeur de votre politique, qui fait que, dans certains domaines, et notamment dans celui-ci, vous me semblez faire fausse route. Il s'agit de la TGAP.
Je ne veux pas trop insister, pusique beaucoup a déjà été dit dans ce domaine, mais simplement rappeler que ce n'est pas le principe d'une écotaxe qui est en cause - elle peut être utile dans certains secteurs - mais l'utilisation qu'on en fait.
Une écotaxe est une taxe qui prend pour principal objectif un objectif environnemental pour faire en sorte que les industries s'adaptent et aboutissent à une moindre nuisance en matière d'environnement. Pour cela, il faut donc que l'écotaxe soit directement ciblée et de façon précise sur les secteurs très - on va le dire comme cela - polluants, avec un taux suffisamment significatif pour qu'il ait une répercussion en matière de choix industriel. Or, la TGAP est en quelque sorte l'inverse de cette écotaxe.
Est-il en effet vraiment concevable qu'une taxe destinée à l'origine à lutter contre les nuisances se voit de facto assigner un objectif de rendement fiscal au risque évident de perdre une part de sa lisibilité et de son caractère éducaitf ?
Madame la ministre, ces quelques exemples ne peuvent que nous inciter à regretter que, pour le moins dans certains domaines, vous n'alliez pas assez loin et pas assez vite.
On ne peut que regretter que, malgré votre grande force de conviction, les arbitrages ne se fassent pas plus souvent en votre faveur.
Attention, madame la ministre, dans vingt ans, on ne jugera pas votre image, on jugera les changements structurels que vous aurez apportés à la politique environnementale. Je souhaite pour ma part, même si cela peut vous surprendre, que ce jugement soit positif, ce qui est loin d'être assuré aujourd'hui.
A vous donc d'en convaincre vos collègues et peut-être plus encore le Premier ministre.
C'est donc en ayant un peu l'impression de vous soutenir dans de nombreux cas que je voterai contre votre budget. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Exclamations sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en progression de 8,6 %, comme l'ont déjà signalé nombre de mes collègues, le budget du ministère de l'environnement connaît une hausse importante, qu'il convient de saluer, dans un contexte où le budget de la nation ne connaît qu'une augmentation de 0,9 %.
Cette progression annoncée bel et bien amorcée manifeste l'attachement de la majorité plurielle pour une politique environnementale ambitieuse.
Reste à s'interroger, madame la ministre, sur les axes de la politique que vous souhaitez conduire. Je le ferai en parcourant, au gré de quelques crédits, les priorités dont témoigne le document budgétaire de votre ministère. J'aborderai enfin les questions environnementales, qui nous semblent essentielles.
De prime abord et à l'inverse de bien des budgets qui nous sont présentés, on observe l'accroissement des moyens en personnel de votre ministère : 210 emplois, dont 140 créations de postes.
Or une politique environnementale efficace appelle le renforcement du nombre des emplois publics de ce secteur.
Et nous savons bien que l'effort devra être poursuivi afin que la législation écologique, notamment, bénéficie des moyens humains nécessaires à son application.
Nous nous réjouissons également de la création d'une nouvelle direction dite « des études économiques et de l'évaluation environnementale ».
Cette direction devrait permettre d'associer la politique et la réflexion environnementales à la politique économique.
La protection de l'environnement doit pouvoir s'apprécier en termes d'impact économique sans pour autant en être l'otage de l'économie.
Nous pensons, quant à nous, qu'une politique environnementale peut être génératrice non seulement d'emplois, mais également, et ce sera encore plus vrai dans les années à venir, génératrice de plus-values.
Nous souhaitons que cette nouvelle direction fournisse, dans une perspective de développement durable qui a notre soutien, un instrument d'expertise pour les politiques publiques.
La politique de recherche environnementale reste, à notre sens, le maillon à consolider.
Avec 2,1 % d'augmentation en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, l'effort en faveur de la recherche n'est pas de nature à permettre l'innovation nécessaire à la recherche écologique.
Des politiques publiques sont un instrument incontournable de la recherche dans bien des secteurs où l'on sait le peu de volonté de quelques grands groupes. Les énergies fossiles ou renouvelables, les modes de transport et l'eau en sont les exemples les plus remarquables.
S'agissant du programme « emplois-jeunes », votre ministère s'est fixé l'objectif de créer de 20 000 à 30 000 emplois durables. Est-ce à dire que ces emplois seront pérennisés au-delà des cinq ans prévus par le texte ?
S'ils sont pérennisés, ce que nous souhaitons, cela témoignera des besoins du secteur environnemental. Mais sous quelles formes le seront-ils ?
Les enjeux de l'écologie débordent le cadre strictement national. Les crédits de l'action internationale sont en progression de 11 %, ce dont nous nous félicitons, tout en rappelant qu'il reste beaucoup à faire ne serait-ce que pour amorcer des chantiers comme la biodiversité, les conventions « climats », etc.
J'en viens à présent à plusieurs questions qui nous semblent justifier l'existence d'un débat particulier, la dernière d'entre elles pouvant figurer au thème de la recherche publique.
L'Etat consacre 364 millions de francs à la politique de l'eau. Le projet de loi de finances crée un Fonds national de solidarité pour l'eau. Contrairement à notre collègue M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, nous ne pensons pas qu'une politique de l'eau nationale et une politique de l'eau décentralisée soient incompatibles.
Permettez-moi, à ce titre, madame la ministre, de mentionner le dépôt d'une proposition de loi sur l'eau par notre groupe, sur l'initiative de mon ami Robert Bret.
La gestion de l'eau figure au premier rang des préoccupations de nos compatriotes. De multiples initiatives associatives voient le jour pour dénoncer, avec raison, les coûts de la ressource, l'arbitraire du prix des abonnements de base, le quasi-monopole de quelques grands groupes qui réalisent d'importants bénéfices sur un bien commun indispensable à tous.
Lors d'une réunion de présentation de cette proposition de loi, nous avons associé des représentants des usagers, des membres des personnels et des élus. Notre proposition de loi découle de cette démarche. Madame la ministre, nous pensons que l'Etat se doit d'intervenir aujourd'hui dans la mise en oeuvre d'une politique nationale de l'eau. A cette fin, nous préconisons la création d'une Agence de l'eau. Faute de temps, je n'entrerai pas dans le détail. Mais je tiens ce texte à votre disposition, et je souhaite que ce débat soit ouvert au plus vite.
Comme l'a souligné notre rapporteur, non sans humour, nous sommes en l'an II de la taxe générale sur les activités polluantes. Mais, entre sa création et son application, combien la détournent ?
Pour mémoire, je rappellerai notre désaccord de fond sur le principe « pollueur-payeur », qui établit un véritable droit à polluer.
Ce principe posé, nous assistons à une extension de ce concept qui fait de chacun de nous un pollueur potentiel.
En cela, cette taxe nous éloigne déjà de la notion de développement durable, sauf à concevoir le développement sans l'homme.
Ainsi, l'utilisateur de produits lessiviels est un pollueur, l'agriculteur aussi, et aucune des activités humaines n'échappera dans les années à venir à l'extension de cette taxe.
En ce qui concerne les agriculteurs, qui sont aujourd'hui en plein désarroi face à la crise, face à une baisse durable des cours, j'invite le Gouvernement à reconsidérer, entre autres mesures nécessaires, les taxations environnementales qui les frappent. La majorité d'entre eux sont aujourd'hui dans une situation catastrophique, il faut en tenir compte.
J'ose espérer que la nomination d'un chargé de mission, d'un « M. Crise » auprès du préfet de la région Bretagne, contribuera à apaiser le climat qui règne actuellement et à rouvrir une brèche d'espoir. Il y a urgence car la situation financière des agriculteurs s'aggrave de jour en jour. Certains exploitants désespérés vont même jusqu'à mettre fin à leurs jours.
Une large majorité des agriculteurs accepte volontiers de contribuer à l'amélioration de l'environnement, ils l'ont déjà démontré ; encore faut-il que des revenus dignes de ce nom leur permettent de le faire !
On pourrait s'accommoder de la TGAP si celle-ci était utilisée au développement de la politique environnementale ; mais, au lieu de cela, ce nouvel impôt est affecté au budget de la nation, mieux, au financement des 35 heures via des réductions de cotisations sociales sur les salaires.
Une part des prélèvements de la TGAP pourrait conforter les crédits de l'ADEME dont l'insuffisance bloque la création d'un centre de tri départemental des déchets dans les Côtes-d'Armor. A cela s'ajoute la baisse de participation, soulignée par mon collègue M. Bernard Joly.
En bas de la chaîne, l'usager, du plus aisé au plus modeste, n'enregistrera pas les effets de la théorie du « double dividende », puisqu'il devra acquitter, à travers sa consommation, ce nouvel impôt.
J'en viens au troisième thème, la gestion des déchets radioactifs. Ces déchets nucléaires, ils existent, ils existeront pour de nombreuses années encore.
Où en sommes-nous aujourd'hui de la politique de recherche conduite en matière d'enfouissement des déchets ? Quand aurons-nous une définition précise de la perturbation dans les zones Natura 2000 ?
Le temps de parole qui nous est imparti, bien que supérieur à celui des années précédentes, ne nous permet pas d'aborder certains thèmes que nous aurions voulu évoquer.
Nous souhaiterions ainsi que la politique environnementale associe, plus qu'elle ne le fait aujourd'hui, notre représentation nationale.
Nous pensons, en outre, que le siècle à venir doit s'attacher, bien plus qu'il ne l'a fait jusqu'à aujourd'hui, au fait urbain.
L'environnement doit prendre en compte cette nouvelle dimension pour rendre à la ville de son humanité.
Ces observations faites, notre groupe soutiendra le budget que vous nous présentez, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Boyer.
Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au même titre que les crédits de l'aménagement du territoire, les crédits de l'environnement connaissent une augmentation majeure, avec une hausse de 8,6 %, c'est-à-dire une croissance quatre fois supérieure à l'évolution moyenne des dépenses de l'Etat.
Cela reflète de manière forte le caractère prioritaire de ce secteur pour le Gouvernement. Nous nous en félicitons.
Cela reflète également un nouveau pas vers un vrai ministère de plein exercice du fait du renforcement des moyens humains de ses services et de la création d'une direction consacrée aux études économiques et à l'évaluation environnementale.
Ce projet de budget s'articule autour de quatre axes majeurs qui ont été rappelés par les orateurs précédents.
Pour ma part, j'évoquerai trois aspects : la TGAP, l'eau et la maîtrise des pollutions, ainsi que le littoral.
La taxe générale sur les activités polluantes est, depuis sa création, un instrument de prévention des comportements polluants. Elle va par ailleurs permettre d'alléger les charges sociales, liant ainsi la lutte pour l'environnnement et la lutte contre le chômage. Au-delà du symbole, notons que les modifications de taux de la TGAP et l'extension de son champ d'application vont dans le bon sens.
L'an prochain, son assiette sera élargie, mais faisons très attention à ce que cette modification s'insère concrètement dans d'autres dispositifs. Je prendrai un exemple concret en citant ma région, la Bretagne, à laquelle M. Gérard Le Cam vient de faire allusion.
Des agriculteurs tentent de sortir de la logique productiviste développée jusqu'ici. Or, les coûts engendrés par les mises aux normes pèsent très lourd sur les budgets de leurs exploitations, dans un contexte de crise pour plusieurs secteurs de production, et même de situations dramatiques dans certains cas.
La TGAP doit donc être appliquée avec discernement, afin de ne pas pénaliser ceux qui tentent de faire évoluer notre modèle agricole.
Je parlais à l'instant de la Bretagne, et cela m'amène à évoquer la politique de l'eau. A ce propos, je me réjouis de la préparation d'une loi sur l'eau en 2001. Le Fonds national de l'eau et sa composante le Fonds national de solidarité pour l'eau, sont les prémisses.
Dans ma région, en particulier, nous savons à quel point la reconquête de la qualité est un enjeu majeur, vital pour notre avenir. Le constat s'impose : il existe un véritable état d'urgence. La Bretagne a le triste privilège d'avoir des eaux fortement polluées ; elle est aussi très attentive, notamment par le biais de ses associations et de ses collectivités territoriales, aux évolutions prises en compte pour sa reconquête. Le volonté des citoyens de s'emparer de ce sujet est déterminante.
Cette démarche existe aussi chez nos voisins européens, et le rapport de l'Agence européenne de l'environnement du 24 juin 1999 soulignait que l'état des lieux est préoccupant, malgré 315 directives en vingt-cinq années de politique environnementale communautaire. Cela m'amène, madame la ministre, à vous poser la question de l'harmonisation des volontés politiques en matière d'environnement pour l'ensemble des pays de l'Union européenne, les règles n'y étant pas forcément les mêmes, notamment en ce qui concerne les mesures correctives déclinées dans le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole.
Les collectivités locales montrent, elles aussi, leur volonté d'agir en ce domaine. Par exemple, les Etats généraux de l'eau se sont tenus dans mon département, le Finistère, en avril 1999. L'une de ses conclusions porte sur la prise en compte prioritaire du dossier de l'eau dans le prochain contrat de plan Etat-région. Elle a également mis en avant la nécessité de mener de multiples actions auprès des industriels, des agriculteurs, des associations, notamment, pour qu'ils coordonnent leur travail sur le terrain. Je suis certaine que, dans l'optique de la préparation de la loi sur l'eau, vous associerez à vos réflexions tous les acteurs qui oeuvrent sur ce sujet depuis de nombreuses années.
Je tiens également à évoquer le littoral, pour me féliciter de l'ouverture de cinq postes supplémentaires au bénéfice du Conservatoire du littoral, ce qui permettra de poursuivre la mise en place de meilleures conditions de gestion de son patrimoine, et ce en association étroite avec les collectivités territoriales. Il est cependant dommage que ses moyens n'augmentent pas en matière d'acquisition foncière. En Bretagne, chacun a en effet pu mesurer les bienfaits des acquisitions faites par le Conservatoire pour la protection des rivages.
Je souhaite enfin évoquer un problème relevant à la fois de la politique de la lutte contre les pollutions et de la politique de l'eau et du littoral, celui des algues vertes. Cette question se pose, chaque fois avec plus d'acuité sur les espaces littoraux bretons et nous semblons malheureusement bien impuissants face à ce phénomène grave, récurrent et dramatique pour notre environnement, mais également pour notre économie touristique.
Les communes littorales concernées, alors qu'elles ne sont que le dernier maillon de la chaîne, se sentent et sont réellement pénalisées de façon importante.
Malgré un réel effort pour limiter les apports en azote, les concentrations et les flux continuent d'augmenter.
Le contrôle des marées vertes sera une affaire de longue haleine. Nous avons besoin de l'aide accrue et constante de votre ministère dans ce domaine.
Je disais à l'instant que les questions d'environnement sont au coeur des préoccupations des Français. Mais les élus que nous sommes le savent bien, il faut dépenser des trésors d'énergie pour convaincre tous nos concitoyens de l'intérêt qu'il y a pour eux-mêmes, pour la collectivité et pour la société en général, à adopter des comportements écologiques.
Je salue l'objectif ambitieux de création d'emplois-jeunes que vous nous annoncez et, en tant qu'enseignante, je crois aussi beaucoup à l'éducation. Je pense que des actions faites en direction des jeunes s'imposent, car l'avenir passera par eux. Il me paraîtrait intéressant qu'avec votre collègue, ministre de l'éducation nationale, vous favorisiez des actions permettant une prise de conscience des jeunes et une éducation. C'est par là, j'en suis persuadée, que passent non seulement la réussite de la politique de l'environnement, mais aussi notre avenir. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu du temps qui m'est imparti, je limiterai mon propos au problème des déchets, à celui des boues des stations d'épuration et à celui des relations qu'entretiennent les services de l'Etat avec les acteurs locaux en charge de ces secteurs de notre politique environnementale.
Le Gouvernement - mais sans doute aucun gouvernement n'échappe-t-il à cette règle - fait valoir très largement les efforts qu'il consent en faveur de l'environnement. Mais on parle beaucoup moins, sauf quand c'est pour les mettre en accusation, des collectivités locales qui, à travers notre pays, s'investissent également dans ce domaine, d'une manière extraordinaire, notamment pour prendre en compte les problèmes liés aux déchets ménagers, aux déchets industriels banals et au traitement des eaux usées.
On pourrait citer dans cette enceinte - on devrait d'ailleurs le faire - des centaines d'exemples d'initiatives originales, innovantes, volontaristes, qui non seulement se traduisent par une réelle efficacité opérationnelle, mais encore conduisent, avec beaucoup de pédagogie, les hommes, les femmes et les jeunes vers une attitude plus responsable et plus citoyenne à l'égard de leur environnement.
Il a été décidé que le problème des déchets relevait de la compétence des collectivités locales. Elles ne sont pas, elles-mêmes à l'origine de la production de ces déchets. Il n'entre dans leur démarche aucune préoccupation mercantile. Pourtant, elles sont soucieuses du meilleur service public et du respect de la réglementation en constante évolution.
On leur impose des contraintes pour lesquelles on n'admet ni retard ni défaut.
On leur impose également des échéances, dans le temps, des quotas en termes de valorisation, des normes en matière d'impact sur l'environnement, des injonctions, des menaces également, y compris sur le plan pénal.
Je ne suis pas persuadé que l'on mesure toujours à leur véritable dimension les problèmes administratifs, juridiques, techniques, financiers et politiques, auxquels les élus ont à faire face pour atteindre les objectifs qui leur sont imposés et qu'ils ont, eux aussi, la volonté d'atteindre.
Parlons des difficultés administratives d'abord.
L'élaboration des plans départementaux d'élimination des déchets a pris des retards considérables, ce qui a conduit à différer des projets, à en modifier la consistance, à en redéfinir le plan de financement et, dans le même temps, à subir des admonestations pour un allongement des délais dont, pourtant, la responsabilité se situe le plus souvent ailleurs qu'au niveau des collectivités locales.
De nombreux projets sont aujourd'hui bloqués dans ce contexte de flou persistant.
J'en viens aux difficultés financières.
Il est vrai que la baisse de la TVA sur le traitement des déchets ménagers faisant l'objet d'un tri préalable a écrêté l'accroissement des dépenses et que la révision des barèmes d'Eco-Emballage et d'Adelphe a, elle aussi, apporté un certain soulagement.
Relevons, néanmoins, que la véritable explosion des dépenses liées aux services de l'eau, de l'assainissement et du traitement des déchets élargit singulièrement l'assiette sur laquelle est prélevée la TVA. Même au taux de 5,5 %, cela représente pour l'Etat des sommes qui sont considérables et qui ne cessent de croître.
En contrepartie des allégements acquis par les collectivités, les aides de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ont subi une chute spectaculaire, passant de 50 % à 20 % pour les déchetteries, de 50 % à 20 % pour les centres de tri, de 50 % à 30 % pour les dispositifs de collecte séparative, de 10 % à 5 % pour les équipements d'incinération avec valorisation énergétique.
En 1999, les investissements des collectivités locales se sont élevés à quatre milliards de francs environ au titre du traitement des déchets. En 2000, ils devraient se situer entre sept milliards et huit milliards de francs. Le volume de leur investissement s'accroît donc de près de 50 %, alors que, dans le même temps, les moyens d'intervention de l'ADEME augmentent dans une proportion sensiblement moindre, nonobstant l'amendement qui nous sera soumis tout à l'heure. Il y a là un recul difficilement acceptable.
On nous rétorque que l'Etat est dans l'impossibilité de faire davantage. Les collectivités territoriales pourraient tenir le même langage, d'autant plus que les mises aux normes diverses, la départementalisation des services d'incendie et de secours, le poids de l'action sociale et les coûts de fonctionnement engendrés par les exigences environnementales les placent dans une situation financière de plus en plus tendue. L'effort demandé est, en effet, énorme.
Après avoir évoqué les difficultés administratives et les difficultés financières auxquelles les acteurs de terrain sont confrontés, je voudrais évoquer celles qui sont liées aux problèmes techniques qui ne sont pas moindres.
Le parcours qui conduit de l'analyse de la situation aux choix stratégiques, à celui des équipements et à celui des sites d'implantation est long, difficile et semé d'embûches. L'expérience montre qu'il ne faut pas moins de dix ans pour mettre en oeuvre un dispositif multifilière complet et efficace de gestion des déchets.
Il arrive qu'un incident imprévu vienne perturber l'ordre des choses. Il faut donc trouver, dans l'urgence, des solutions de substitution.
Nous aimerions que, dans ces circonstances, les services de l'Etat s'emploient, dans un esprit de partenariat, à accompagner la recherche des élus locaux, en vue de trouver une voie qui permette de concilier les différents impératifs en jeu, plutôt que de se contenter de manier le bâton des contraintes réglementaires.
Avant de conclure, je voudrais évoquer encore le problème des boues des stations d'épuration, qui se pose en termes de plus en plus pressants, auquel aucune réponse technique n'est apportée et qui ne fait l'objet d'aucune inscription budgétaire spécifique.
En 1999, ce sont 850 000 tonnes de matière sèche qui seront retirées de nos stations. Compte tenu des exigences réglementaires, notamment en matière de traitement de l'azote et du phosphore, cette quantité s'élèvera, en 2005, à 1,3 million de tonnes, soit une augmentation de plus de 50 %.
Actuellement, de 20 % à 25 % des boues sont conduites en décharge, 60 % sont épandues et de 15 % à 20 % font l'objet soit d'une incinération spécifique, soit d'une co-incinération.
Le souci légitime de sécurité sanitaire et de traçabilité des produits alimentaires ne permet pas d'envisager que l'épandage puisse être considéré comme une solution pérenne. Il conviendrait me semble-t-il, d'accorder des moyens importants à la recherche des techniques les mieux appropriées.
Il faudra conduire cette recherche sans a priori , notamment à l'égard de l'incinération, que l'on a sans doute eu trop tendance à diaboliser, alors que c'était l'insuffisance des dispositifs de traitement des fumées qu'il convenait de condamner.
La coincinération des boues et des déchets ménagers après tri, ne nécessitant aucun apport extérieur d'énergie, semble constituer, aujourd'hui, une solution intéressante, de mieux en mieux maîtrisée et mettant en oeuvre des technologies relativement innovantes.
Sachant quel délai sépare la prise de décisions de la mise en marche des équipements, il me semble qu'il n'est plus permis d'attendre, faute de quoi nous risquerions, ensemble, de porter une lourde responsabilité à l'égard de nos concitoyens.
Compte tenu de l'insuffisance de l'accompagnement de l'Etat dans les combats que mènent les élus locaux au service de l'environnement, ainsi que pour les autres raisons invoquées par mes collègues, je confirme que le groupe du Rassemblement pour la République ne pourra pas voter le budget qui est soumis à son appréciation. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. René-Pierre Signé. C'est dommage !
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis d'observer, tout comme l'année passée, que l'environnement est de plus en plus consacré budgétairement, c'est-à-dire politiquement.
Votre opiniâtreté, madame la ministre, combinée à celle du Gouvernement, répond de manière forte aux préoccupations et aux attentes de nos concitoyens. La progression de 8,6 % des crédits de votre département ministériel ne dit pas autre chose. L'environnement accède ainsi à sa majorité politique.
C'est un fait établi : l'environnement n'est plus une administration de mission. Derrière cette affirmation, se trouve un véritable choix politique. Il est donc tout à fait logique et heureux que ses moyens humains et techniques et ses services déconcentrés soient renforcés.
Le projet de budget pour 2000 prévoit donc légitimement la création de 140 emplois nets et le transfert de 70 autres. Ils seront essentiellement consacrés à la mise en place d'une nouvelle structure au sein de l'administration centrale du ministère, la D4E, la direction des études économiques et de l'évaluation environnementale.
Cette direction se voit attribuer près de dix millions de francs de crédits pour assurer sa mise en place. Elle sera chargée de l'évaluation des politiques publiques ayant un impact sur l'environnement ou touchant le développement durable du territoire. Elle mènera également des missions de sensibilisation et de conseil auprès des acteurs socio-économiques. Cette direction permettra en somme d'affermir l'expertise globale, donc l'efficacité de la politique de l'environnement, que ce soit au niveau interministériel ou dans les négociations internationales. Rappelons à ce titre l'existence du volet « environnement » dans le nouveau cycle de l'OMC.
A propos de l'action internationale, je souligne l'effort particulier qui est fait dans la perspective de la présidence française au second semestre de l'an 2000. Il paraît, en effet, indispensable d'assurer la prise en compte des exigences environnementales au sein des instances européennes.
Dans un autre registre, l'augmentation de 13 % des dotations que le ministère de l'environnement consacre à la protection de la nature, des sites et du paysage mérite également d'être soulignée. Ces crédits atteignent environ 750 millions de francs.
Ainsi, le Fonds de gestion des milieux naturels progresse de 47 % par rapport au budget de 1999. Il s'agit de renforcer encore un peu plus le réseau des espaces protégés et des zones naturelles sensibles. Je suis tout à fait partisan d'une politique qui assure la préservation des milieux naturels et de la diversité biologique. Ce patrimoine constitue en effet un bien collectif essentiel, mais aussi une chance inestimable de développement écologique et économique du monde rural. L'environnement n'est plus un boulet pour l'économie, il en devient au contraire l'allié et le tremplin.
Les dotations affectées aux parcs naturels régionaux et aux conservatoires régionaux des espaces naturels augmentent également. Cela ne peut que satisfaire l'ensemble des trente-sept parcs naturels régionaux qui couvrent notre territoire. Je ne peux, étant moi-même président d'un parc, que m'en réjouir.
Dès leur création, les parcs naturels régionaux ont fait apparaître les liens qui unissaient l'environnement naturel et l'environnement socio-économique. L'émergence de bassins d'emploi et la mise en valeur du patrimoine écologique dans les zones rurales sont en effet au centre du développement durable de notre territoire, auquel participent les parcs naturels régionaux. Ils méritent donc d'être encouragés et rassurés, serais-je tenté d'ajouter, face à l'apparition des pays.
Un mot tout de même sur la TGAP. Cette taxe, fondée sur le principe de responsabilité du pollueur-payeur, permet d'adopter une démarche incitative, favorisant l'apparition d'une véritable conscience écologique dans notre pays. Cette ressource a été rattachée au budget de la sécurité sociale, afin de financer l'allégement des cotisations sociales, signe, s'il en était besoin, que l'environnement peut servir la solidarité nationale.
Avant de conclure, j'aimerais attirer votre attention sur la maîtrise du coût des déchets ménagers. Le coût de la collecte et du traitement des déchets ménagers a presque doublé depuis 1990. La modernisation de la gestion des déchets explique ce phénomène. Les collectivités locales sont très mobilisées. Il semblerait, malgré les efforts fournis - et le redéploiement de 300 millions de francs vers la politique des déchets témoignent que de tels effets existent - que l'ampleur des besoins nécessite des crédits supplémentaires.
J'aurais souhaité souligner, madame la ministre, la pertinence de nombreuses autres mesures de ce budget, à l'instar du Fonds national de solidarité pour l'eau, qui marque la véritable reconnaissance du secteur de l'eau, nouvel enjeu écologique, mais aussi géopolitique majeur. Ce budget suscite de façon générale mon adhésion ; je le voterai donc sans hésitation avec l'ensemble de mes collègues du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, comme bien d'autres nations développées et donc riches, notre société est confrontée à quatre enjeux majeurs : l'emploi, la solidarité nationale, l'environnement, qui résulte d'une prise de conscience tardive mais souhaitable du fait que notre monde est limité face à des moyens technologiques qui, eux, sont quasiment sans limite, et enfin, la compétitivité, qui doit concilier deux principes contradictoires, celui du toujours plus et donc toujours plus cher avec celui du toujours mieux et donc du toujours moins cher.

S'agissant de l'environnement, je ferai d'abord deux observations : premièrement, un véritable consensus se dégage sur les finalités ; deuxièmement, une divergence apparaît sur les modalités d'action. Je traiterai ensuite brièvement de la politique de l'eau.
Il y a un consensus sur les finalités.

Le bilan du travail législatif accompli depuis vingt-cinq ans est considérable. Du ministère de l'impossible décrit par Robert Poujade à celui d'aujourd'hui, il y a un monde ! Des lois sur les paysages, sur l'eau, l'air et les bruits ont été adoptées. Des organismes, des agences, des institutions et des administrations ont été créés. Des collectivités territoriales se sont mobilisées pour financer cette action. Désormais, les grands projets sont mieux étudiés, mieux intégrés et les populations sont davantage consultées.
Tout cela est l'oeuvre de tous les gouvernements successifs, nos concitoyens l'ont souhaité et accepté, et nous ne reviendrons jamais sur le passé.
Permettez-moi de citer un exemple parmi d'autres : à la suite de toutes ces mesures, un kilomètre d'autoroute coûte aujourd'hui deux fois plus cher qu'avant mais c'est une bonne chose, et nous devons l'accepter.
En revanche, des divergences notables sont apparues sur les modalités d'action.
Qu'attendons-nous ? Nous avons besoin de clarté et de lisibilité dans l'action. Nous aspirons à une plus grande concertation et à une meilleure sécurité juridique. Il faut concilier les obligations qui nous sont imposées avec les moyens financiers qui nous sont octroyés. Enfin, le contractualisation doit se développer.
Il faut une plus grande clarté et une meilleure lisibilité.
Prenez l'exemple de Natura 2000, qui a été lancé, arrêté, puis repris, et a jeté le trouble.
Pourquoi ? Parce qu'on a demandé aux élus et aux responsables de se prononcer sur des zonages de protection avant même de connaître les contraintes, les obligations et les compensations.
Il faut une plus grande concertation.
Aucun élu ne refusera de s'asseoir à une table pour discuter, mais cela à deux conditions : tout d'abord, que les jeux ne soient pas faits d'avance ; ensuite, que l'assemblée ne se transforme pas en tribunal contre les élus, d'où une aspiration profonde à la parité dans les organismes qui discutent, tels que le comité départemental des sites, perspectives et paysages, qui n'était par paritaire, qui l'a été, qui maintenant ne l'est plus, parité que nous avons obtenue pour les commissions locales de l'eau.
Nous aspirons à une meilleure sécurité juridique.
L'insécurité juridique pose un problème grandissant aux élus. Elle résulte de l'imprécision des textes, de l'intervention accrue des associations dites de défense, de l'extrême sévérité des juges ; la loi « littorale » est, à cet égard, un exemple tout à fait frappant.
Lorsque 100 % des ZAC sont annulées dans un département, c'est qu'il y a un petit problème : soit les élus sont tous des incapables, soit les textes sont mal faits, soit les juges sont trop sévères.
Les procédures d'enquêtes publiques sont à revoir : des dérives, que vous connaissez d'ailleurs, sont apparues et il faut noter des abus de la part des associations qui, dans le domaine financier, utilisent certaines pratiques totalement répréhensibles, qui pourraient être sanctionnées.
Il faudrait mieux concilier obligations et moyens financiers.
Nombre de mes collègues ont parlé des déchets. Les collectivités sont noyées sous les déchets et le coût des plans départementaux est exorbitant. On ne trouve pas de solution au traitement des boues et il n'y a pas assez d'argent pour faire face aux obligations.
Enfin, la contractualisation est à développer.
Ce matin, madame la ministre, j'ai évoqué le problème des schémas de mise en valeur de la mer. Voilà une intention louable qui a abouti à un échec patent. C'est dommage !
Je mentionnerai également - c'est un point de détail - l'article 49 de la loi « Barnier », qui a créé les taxes départementales de passage sur les ponts.
Dans mon département, nous sommes favorables à la création d'une telle taxe, qui implique que nous passions une convention d'objectifs pour les actions en faveur de l'environnement. Nous avons adressé à vos services des projets en ce sens. Malheureusement, nous n'avons jamais eu de réponse ; c'est bien dommage également !
J'en viens à la politique de l'eau, politique qui est à compléter.
Vous avez annoncé la réforme de la politique de l'eau le 27 octobre dernier. Depuis un an, nous débattons de l'eau avec l'idée que la TGAP allait être étendue aux redevances des agences comme vous en aviez exprimé la volonté. A cet égard, il est bon de dire clairement les choses.
Première observation, avec notre politique de l'eau, nous avons un acquis exemplaire à préserver. Les lois de 1964 et de 1992 ont été votées à la quasi-unanimité du Parlement et, comme je le disais ce matin à propos de l'aménagement du territoire, l'unanimité, c'est cela qui fait les bonnes lois !
Les agences de l'eau et les comités de bassin reposent sur trois principes auxquels maintenant nous tenons tous de façon très ferme : premier principe, la gestion par bassin, lieu de solidarité ; deuxième principe, le comité de bassin, lieu de concertation, petit parlement régional de l'eau ; enfin, troisième principe, le système de redevance est un moyen de mutualiser les ressources du bassin pour développer les investissements en faveur de l'eau.
Deuxième observation, l'effort d'investissement doit être poursuivi. Il n'y a pas de qualité sans investissement. La qualité a un coût, il faut le savoir et tirer les conséquences.
Le cinquième programme des agences avait coûté 40 milliards de francs ; le sixième programme, 90 milliards, le septième programme 105 milliards de francs. Nous allons en rester là, et, si vous maintenez ce système, la bataille de l'eau risque d'être gagnée dans les dix ans qui viennent. Toute réduction de cet effort serait contraire, je crois, à l'intérêt général.
Troisième observation, la politique de l'eau doit avoir un prolongement local avec la mise en oeuvre rapide des SAGE, les schémas d'aménagement et de gestion des eaux. D'ailleurs des SDAGE, les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux aux SAGE, il y a toute une philosophie d'application de la loi sur l'eau. Le SAGE, c'est la marche vers une meilleure gestion à la fois locale, globale, concertée et à long terme de la politique de l'eau ; c'est donc extrêmement important. A ce propos, madame la ministre, j'appelle votre attention sur trois points qui méritent d'être étudiés tout particulièrement.
Premier point, il faut améliorer le fonctionnement des commissions locales de l'eau. Actuellement, elles n'ont pas les moyens de leur action ni ceux de leur ambition.
Deuxième point, il faut mettre en oeuvre le schéma d'aménagement et de gestion des eaux par des contrats pluriannuels d'investissement. Vous ne réaliserez aucune politique de l'eau sans investissement.
Troisième point, il faut donner une prime aux investissements inclus dans ces schémas et inclus dans ces contrats.
Je reprends le cours de mes observations.
Quatrième observation : des avatars de la TGAP à la réforme des redevances, vous avez beaucoup évolué.
L'année dernière, cette taxe figurait à l'article 30 de la loi de finances pour 1999. Cette année, nous l'avons examinée non plus dans le cadre de la loi de finances, mais dans celui de la loi de financement de la sécurité sociale. Je peux vous dire que nombre de parlementaires ont estimé que le Gouvernement avait fait dans ce domaine une erreur. Changer de texte financier pour introduire ou développer la TGAP n'a pas été apprécié par tout le monde.
L'année dernière, le Gouvernement avait dit que la TGAP serait étendue au domaine de l'eau. Vous avez noté que la plupart des acteurs de l'eau étaient défavorables à cette mesure. Vous en avez tenu compte et nous devons vous en donner acte. En compensation, la ponction sur les agences a été accrue, mais la TGAP ne portera pas sur les redevances, lesquelles seront d'ailleurs réformées, vous l'avez annoncé.
Alors, maintenant, qu'en est-t-il de cette TGAP et de l'environnement ?
La TGAP a fait évoluer le principe : de pollueur-payeur on passe au producteur-payeur ou au consommateur-payeur, puisque le producteur répercute toujours son coût sur le consommateur.
Mais, à la limite, peu importe les principes, le fait est là. Il est quelque peu fâcheux que l'environnement impose des normes et des contraintes financières supplémentaires sans donner aux collectivités les moyens correspondants. Or le produit de la TGAP n'ira pas à l'environnement, il n'ira pas à ceux qui investissent dans l'environnement, voilà ce qui nous choque profondément. A ce propos, d'ailleurs, bien des personnes s'interrogent : Comment Mme Voynet, dont nous connaissons la caractère, la pugnacité et l'ardeur, a-t-elle pu accepter un tel arbitrage ?
Enfin, ma conclusion sera un appel à la raison et à la concertation.
Comme pour l'aménagement du territoire, une politique de l'environnement ne saurait réussir vraiment que si elle fait l'objet d'un accord général, d'un consensus, d'une adhésion à la fois des acteurs et des auteurs, je dirai même des assujettis. Plus il y aura de polémiques, plus les risques d'échec seront grands.
L'adhésion se gagne par la concertation.
Tout à l'heure, M. Gouteyron vous a adressé un appel à la concertation. En tant que président du groupe d'étude de l'eau du Sénat, je réitère ce même appel. Nous souhaitons que toutes les mesures prises dans le domaine de l'eau, comme dans le domaine de l'environnement, soient discutées, étudiées en commun entre le Gouvernement, le Parlement et toutes les instances concernées.
L'environnement est une politique à laquelle nous adhérons. Elle est le résultat d'une longue histoire. Je souhaite que l'avenir nous donne raison, et que le peuple français soit d'accord avec la politique de l'environnement menée, pour peu qu'il se sente acteur et concerné par elle. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la protection de l'environnement représente un enjeu considérable dans une société moderne, enjeu qui justifie l'existence d'un ministère de plein exercice en mesure de proposer une réflexion d'ensemble et des arbitrages significatifs pour la prise en compte d'un meilleur cadre de vie.
Le projet de loi de finances pour 2000 que vous présentez devant le Sénat, madame la ministre, répond parfaitement à cette ambition et traduit, en crédits et en emplois, une priorité affirmée en faveur des politiques de protection de la nature, de prévention des pollutions et des risques, de solidarité et de péréquation dans le domaine de l'eau.
Les crédits de l'environnement progressent, en effet, de 8,6 % par rapport à la loi de finances de 1999.
Le Premier ministre tient ainsi ses engagements dans la durée, puisque, déjà, l'année précédente, votre budget, avait enregistré une très forte hausse en réponse aux attentes concrètes de nos concitoyens.
Je consacrerai le temps qui m'est imparti à l'examen de deux projets collectifs à long terme : la prévention des risques naturels et la gestion des déchets ménagers.
Les graves inondations qui ont frappé ces derniers jours les départements de l'Aude, des Pyrénées-Orientales, du Tarn et de l'Hérault ont entraîné le décès de 31 personnes et occasionné des dommages estimés à ce jour à plus de 1 milliard de francs.
Grâce à l'efficacité des secours et des services de l'Etat, qui fut saluée unanimement, l'effort de solidarité nationale consenti par le Gouvernement permettra, nous l'espérons dans les plus brefs délais, de limiter la portée dramatique de ces catastrophes naturelles dans le sud de la France.
Je souligne avec satisfaction que la Commission de Bruxelles a indiqué qu'elle apporterait le soutien de l'Europe, dans le cadre des fonds structurels, pour la réparation des infrastructures agricoles et le renforcement du dispositif de prévention des risques d'inondation.
Vous avez rappelé récemment, madame la ministre, le principe de la législation en vigueur dans notre pays.
En vertu de l'application de la loi de 1987, modifiée en 1995, plus de 2 000 communes sont d'ores et déjà couvertes par un plan de prévention des risques, pour lesquels les crédits sont passés de 25 millions à 75 millions de francs entre 1993 et 2000. Ces plans doivent déboucher sur la maîtrise de l'urbanisation en zones inondables et concerner dans les mois et les années à venir, environ 10 000 communes.
En outre - et cela est extrêmement important - il faudrait que l'Etat impose aux compagnies d'assurances qu'une partie des 5 milliards de francs qu'elles versent chaque année pour l'indemnisation des sinistres soit affectée à la restauration des cours d'eau, à des programmes de construction de digues et d'aménagement de zones d'expansion pour l'écoulement des crues, car le constat qui, aujourd'hui, s'impose est contraire à l'intérêt général. Le même scénario se répète depuis les inondations de Nîmes, en 1998, et de Vaison-la-Romaine en 1992. Nous dépensons trop pour indemniser et pas assez pour prévenir.
A cet égard, nous enregistrons favorablement qu'un tiers des crédits qu'il est prévu d'allouer à l'environnement dans les prochains contrats de plan Etat-région, soit 1,8 milliard de francs, sera consacré à la prévention des risques naturels.
Par ailleurs, en ma qualité de sénateur de l'Hérault, je me réjouis naturellement de voir le Languedoc-Roussillon doté de 180 millions de francs, dont 40 millions de francs pour des travaux de protection et d'entretien dans les basses plaines de l'Aude, qui furent parmi les plus touchées lors des dernières intempéries.
Ce débat budgétaire est pour nous l'occasion de rappeler ces dispositions d'urgence et ces choix opportuns en souhaitant, madame la ministre, que la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire nous conduise à relever le défi de la prévention des risques naturels et à sensibiliser le public sur la base d'un développement durable et concerté au niveau des futurs « pays ».
Par ailleurs - et c'est le second point de mon intervention - vous n'êtes pas sans savoir que le délai imposé par la loi de 1992 relative à la gestion des déchets ménagers est un sujet d'inquiétude et une réelle préoccupation pour les nombreux partenaires de l'ADEME - aujourd'hui sur la sellette à juste titre - que sont les collectivités territoriales, auxquelles le législateur a confié la responsabilité de la collecte et du traitement. En ce sens, certaines tracasseries administratives devraient être évitées, si l'on souhaite que les objectifs de la réglementation soient atteints avant 2002.
Depuis 1993, 20 milliards de francs ont déjà été investis pour la suppression des décharges non autorisées et pour la mise en conformité des équipements avec la norme européenne relative au recyclage des déchets d'emballages ; 20 autres milliards de francs seront affectés, d'ici à 2001, à des projets de déchetterie, de tri sélectif et de valorisation des matériaux.
Cette évolution est le résultat de la politique conduite sur le terrain. Les conseils généraux et les communes, sous l'impulsion des syndicats intercommunaux, accomplissent depuis plus de vingt ans un travail considérable que nous devons saluer.
Il y a là un mouvement irréversible, qu'il est essentiel de consolider au moment où s'élaborent les schémas départementaux de traitement des déchets.
Avant de conclure, je souhaiterais attirer votre attention sur l'importance que revêt le design des colonnes et des conteneurs, qui doivent à la fois être visibles et s'intégrer dans le paysage des agglomérations ou des cantons ruraux. Un effort de recherche supplémentaire portant sur la forme et sur les couleurs de ce mobilier serait le bienvenu ; il pourrait donner lieu à une campagne de sensibilisation, notamment au niveau des syndicats intercommunaux et des districts qui souhaitent resserrer la cohésion géographique, économique et culturelle de leur territoire.
Voilà, madame la ministre, brièvement formulées, les quelques remarques et propositions que je tenais à vous soumettre.
Nous voterons votre budget, car il répond aux engagements qu'a pris le Premier ministre devant notre pays. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances pour 2000 consolide l'action entreprise par le Gouvernement en matière environnementale, lui confère une amplitude nouvelle et l'inscrit dans la durée. Les trois rapporteurs, quelle que soit la vigueur de leurs arguments, l'ont d'ailleurs noté, et je les en remercie.
Après une première étape de mise à niveau en 1999, le caractère prioritaire du budget de l'environnement est en effet confirmé pour 2000 : le budget du ministère affiche une progression de 8,6 % par rapport à sa dotation pour 1999, pour s'établir à 4 298 millions de francs, contre 3 957 millions l'an dernier.
Il est, de surcroît, complété par un instrument additionnel, qui revêt la forme d'une section d'un compte spécial du Trésor, dotée de 500 millions de francs : le Fonds national de solidarité pour l'eau, ou FNSE. Contrairement à ce qu'a affirmé M. Pierre Hérisson, le FNSE n'explique pas donc l'augmentation du budget de l'environnement, puisqu'il n'y figure pas.
Cette augmentation mérite évidemment d'être relativisée et appréciée à l'aune des sommes en jeu ; le budget du ministère de l'environnement ne réprésente en effet aujourd'hui que 0,25 % du budget civil de l'Etat.
Les crédits nouveaux seront ainsi mobilisés en faveur des actions suivantes : une réorientation de la politique menée dans le domaine de l'eau en direction d'un renforcement de la péréquation entre bassins et de la solidarité nationale ; un renforcement des moyens consentis à la gestion et à la valorisation des espaces et milieux naturels ; une prise en compte toujours accrue des mesures de prévention des risques naturels, industriels ou technologiques et des pollutions de toutes origines. Toutes ces politiques sont soutenues par la poursuite du renforcement du socle du ministère, qui trouve sa traduction dans des réformes de structure d'une grande ampleur.
Dans tous ces domaines, vous l'aurez noté, nous sommes en mesure d'afficher des créations d'emplois durables, décentralisés, rentables, qui correspondent souvent à de nouveaux métiers. Nous croyons beaucoup à la consolidation de ces nouveaux métiers dans le cadre du programme « nouveaux emplois, nouveaux métiers » et apportons beaucoup de soin à ne pas décrédibiliser ces nouveaux secteurs économiques par le souci de faire du chiffre. Gérard Le Cam a insisté à juste titre sur ce point.
Il se trouve que toutes les politiques que je viens de citer contribuent à la mise en oeuvre de la priorité du Gouvernement, à savoir la lutte contre le chômage et la création d'emplois.
J'en viens au projet de loi de finances proprement dit.
J'évoquerai d'abord, et bien qu'elle ne figure pas au budget de mon ministère, la création du Fonds national de solidarité pour l'eau, étape importante de la politique du Gouvernement dans le domaine de la protection de l'eau et des milieux aquatiques.
Ce fonds revêt, je l'ai dit, la forme d'une section d'un nouveau compte spécial du Trésor intitulé « Fonds national de l'eau », alimenté à hauteur de 500 millions de francs en 2000 par un versement des agences de l'eau. Il se substitue aux deux fonds de concours créés en 1997 et 1999, dont les montants étaient respectivement de 110 millions et 140 millions de francs. Il permettra de doubler la capacité d'intervention de la direction de l'eau.
Ce sont, hors redéploiements, 250 millions de francs de crédits nouveaux qui seront affectés à la politique nationale de l'eau en 2000. On est loin du droit de tirage illimité sur les agences dénoncé par M. Adnot.
Ce fonds contribuera au financement d'actions d'intérêt général au bénéfice du secteur de l'eau, au travers du soutien à la restauration des rivières et des zones d'expansion des crues, à la solidarité nationale dans des domaines comme l'habitat social et la connaissance de l'eau et des milieux aquatiques.
Ce sont là des missions d'intérêt général, communes à toutes les agences de l'eau. Je voudrais donc rassurer M. Jean Bizet et affirmer, après M. Raoult, notre attachement à celles-ci. Il s'agit ici de mettre en commun des moyens pour remplir des missions d'intérêt collectif, et non de taxer les agences de l'eau pour recentraliser la politique de l'eau.
L'année 2000 verra également, grâce à la création du Haut Conseil du service public de l'eau et de l'assainissement, la mise en place des instances de concertation que les élus locaux et les associations de consommateurs appelaient de leurs voeux.
L'ensemble des crédits consacrés à la politique de l'eau - protection de la ressource et protection des milieux - progresse ainsi de 48,5 % en 2000, conférant une dimension nouvelle à notre intervention.
J'entends, à cet égard, utiliser pleinement les contrats de plan pour mieux protéger, face aux risques d'inondations, les zones urbanisées et pour mieux entretenir les ouvrages de protection. Ainsi, 1,3 milliard de francs, sur les 3,8 milliards de francs que mon ministère contractualisera globalement au cours de la période 2000-2006, seront consacrés à ces actions.
La deuxième priorité de cet exercice, cette fois dans le secteur de la protection de la nature, des sites et des paysages, est le renforcement du réseau des espaces protégés, destiné à améliorer la protection des zones naturelles sensibles.
M. Bizet a évoqué un incident juridique récent. Cet incident n'aura pas de conséquences.
Comme vous le savez, le Conseil d'Etat a annulé une circulaire devenue en partie obsolète, qui visait à permettre la transmission rapide d'une liste de sites à la Commission européenne. Nous avions le choix entre deux solutions : soit nous exposer à une condamnation à l'échelon européen pour ne pas avoir respecté les prescriptions de la directive « Habitats » ; soit transmettre rapidement la liste des sites sans respecter totalement les termes d'un décret de 1995. J'ai décidé, avec l'accord du comité national de suivi et de concertation de Natura 2000, d'envoyer une première liste de sites, tout en sachant que le décret n'était pas complètement respecté. Nous avons ensuite procédé à une consultation site par site en respectant strictement les termes du décret et les formes de présentation des dossiers imposées par la Commission européenne, ce qui nous a conduits à retirer de la liste initialement transmise à Bruxelles un certain nombre de sites pour lesquels la consultation n'avait pas permis de confirmer notre intuition de départ.
Je crois pouvoir dire maintenant que ce dossier a redémarré dans des conditions satisfaisantes.
L'année 1999 a vu la contribution de la France à la mise en oeuvre du réseau Natura 2000 s'améliorer considérablement. Nous avons pu notifier 1029 sites, couvrant 4,9 % de la superficie du territoire. La Commission continue à penser que la France pourrait mieux faire. Un certain nombre de sites sont toujours en cours d'examen et correspondent d'ailleurs souvent à des demandes complémentaires d'acteurs locaux.
En vérité, il nous a fallu beaucoup de temps pour surmonter ce que M. Oudin a appelé le « trouble » suscité par l'interruption du processus : nous avons dû expliquer et démontrer que le choix d'une approche contractuelle et partenariale opéré par le Gouvernement pour la gestion des sites Natura 2000 nous permettrait de répondre aux demandes des collectivités locales, des acteurs locaux et des gestionnaires traditionnels de ces milieux.
La mise en place, l'an dernier, du fonds de gestion des milieux naturels, et son renforcement cette année, puisque ses moyens augmenteront de 27 % pour atteindre 242 millions de francs, nous aideront également.
Ce sont 52 millions de francs de moyens nouveaux qui seront consacrés à la préservation des espaces naturels et au développement des territoires, dont plus de la moitié est destinée au financement du réseau Natura 2000.
Je voudrais indiquer clairement que nous ne sommes pas encore dans une phase de gestion opérationnelle des sites ; nous sommes tout au plus dans une phase d'élaboration des cahiers d'objectifs. Ces moyens nous paraissent donc largement suffisants compte tenu de la possibilité de mobiliser des fonds au titre des programmes européens LIFE, qui ont été reconduits. Mais, dans l'avenir, nous assisterons à une montée en puissance des moyens destinés à la gestion de ces milieux.
Les dotations affectées aux parcs naturels régionaux et aux conservatoires régionaux d'espaces naturels augmentent également de manière sensible : de près de 10 millions de francs au total.
Les moyens consacrés au développement du réseau des espaces naturels protégés progressent pour leur part de 24 millions de francs pour s'établir à 436 millions de francs, au bénéfice tant des parcs nationaux, qui disposeront de 10 millions de francs de crédits nouveaux, que du Conservatoire du littoral, dont la dotation passera de 147 à 149 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, mesure incluant la création de cinq emplois au sein de cet établissement.
J'ai été un peu étonnée de l'intervention de M. Ambroise Dupont concernant les grands estuaires. En effet, vous le savez, le Conservatoire du littoral a d'ores et déjà acquis 58 768 hectares, ce qui paraît considérable. Cela permet de protéger à peu près 795 kilomètres de rivage préservés dans leur richesse naturelle.
Au cours de l'année 1998, le programme prévu a été respecté. Année après année, nous sommes en contact étroit avec le Conservatoire du littoral pour nous assurer que nous dégageons les moyens en investissements permettant de faire face aux dossiers parvenus à maturité. C'est le cas, cette année, d'un dossier très important, qui sera fort onéreux et qui appellera la mobilisation financière de l'Etat, via le Conservatoire, mais aussi celle des collectivités locales.
En 1999, nous avons considéré comme une priorité le fait de remédier à la précarité désastreuse des employés du Conservatoire. Les moyens dégagés en fonctionnement devraient nous permettre de répondre à cette priorité.
S'agissant des grands estuaires, ce ne sont pas les moyens financiers qui nous manquent pour permettre la gestion de certains sites par le Conservatoire. Il nous faut, au préalable, clarifier les enjeux liés à la vocation des grands estuaires.
Nous sommes en discussion depuis plusieurs années avec la Commission européenne, qui nous demande de placer en zone de protection spéciale une partie importante de l'estuaire de la Seine. Mais il s'agit d'un espace concerné par le projet « Port 2000 ». Nous ne sommes donc pas en train de chercher de l'argent pour protéger des sites : nous cherchons à clarifier une discussion sur le partage à faire entre la vocation économique de l'estuaire et sa protection.
Il en est de même pour l'estuaire de la Loire : l'extension du port de Donges est un enjeu qui suscite des discussions avec la Commission européenne.
Je voudrais aussi dire quelques mots de l'estuaire du Rhône. Malgré l'accumulation de mesures de discrimination positive et de protection, on peut estimer que la situation de la Camargue se dégrade plutôt au regard des espaces naturels. Je serai amenée à y revenir.
En tout cas, j'ai bien noté le plaidoyer non seulement de M. Ambroise Dupont, mais aussi de M. Balarello et de Mme Boyer en faveur du Conservatoire du littoral. C'est une structure à laquelle nombre d'élus sont légitimement attachés.
Selon une approche globalisée, les crédits consacrés à la protection de la nature enregistrent ainsi une croissance de 14,2 % en 2000, témoignant de notre volonté d'aller de l'avant en construisant une politique des espaces naturels qui s'inscrive dans la durée.
Le troisième pilier de l'intervention du ministère en charge de l'environnement est la prévention des pollutions et des risques. Le projet de budget initial pour 2000 enregistre dans ce domaine une croissance de 4,5 % de ses crédits en dépenses ordinaires et crédits de paiement, de 9 % en dépenses ordinaires et autorisations de programme. Cela traduit la conscience de nos responsabilités en matière d'actions préventives, gages d'une politique citoyenne.
Une politique efficace de prévention des risques suppose, au préalable, un niveau de connaissance pertinent tant des milieux que des méthodologies d'évaluation des risques. Aussi ai-je décidé, pour la seconde année consécutive, de renforcer les moyens de l'IFEN, l'Institut français de l'environnement, et de l'INERIS, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques.
L'IFEN, qui a pour mission de fournir des statistiques au ministère de l'environnement, disposera en 2000 d'un budget de fonctionnement de 30,8 millions de francs, en progression de 8 %, conforté par la création de cinq emplois nouveaux, tandis que ses crédits d'investissement connaîtront une croissance de 11 %.
Les moyens de l'INERIS progresseront également. M. Adnot a souligné la faiblesse de ces moyens. Je voudrais insister sur leur augmentation de 25 % en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, soit un accroissement de 27 millions de francs afin de développer les moyens d'études, de recherches et d'intervention dans le domaine des risques chroniques et accidentels, pour s'établir à 157 millions de francs en l'an 2000.
Comme vous, j'attends beaucoup de l'INERIS dans des domaines essentiels comme l'ecotoxocologie, la gestion des risques et les relations santé-environnement.
Le budget de l'ADEME se verra également conforté de manière très sensible. M. Hérisson n'est plus là, j'éprouve donc quelques scrupules à l'attaquer. Mais je vais le faire quand même, parce que, tout en sachant qu'on a le droit de tout dire à cette tribune, je ne suis pas certaine qu'il soit utile d'énoncer des contrevérités.
M. René-Pierre Pigné On lui transmettra !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et l'environnement. M. Hérisson a affirmé que l'ADEME était étranglée par la TGAP. Je crois utile de lui citer quelques chiffres. En effet, entre le budget de 1998 et celui pour 2000, les moyens de l'ADEME ont progressé de 36 %. J'irai un peu plus dans le détail, puisque la vivacité de son ton m'y invite : ont été affectés, en matière de déchets, 464 millions de francs d'aide en 1997 et plus d'1 milliard de francs en 1999, soit deux ans plus tard ; en maîtrise de l'énergie, 100 millions de francs en 1997 et 600 millions de francs en 1999 ; pour la politique du bruit, 42 millions de francs en 1997 et 85 millions de francs en 1999. Il n'y a vraiment pas à rougir du travail accompli par les agents de l'ADEME !
En ce qui concerne le bruit, M. Lepeltier a insisté sur l'urgence de conduire une politique dans ce domaine. Il s'agit, effectivement, d'une préoccupation pour nombre de Français et c'est le premier motif du courrier qui est adressé au ministère de l'environnement.
La lutte contre le bruit a mobilisé, année après année, le ministère de l'environnement. Mais les actions engagées par le passé ont été de peu d'envergure. Le caractère très interministériel et très transverssal de ces actions l'explique sans doute. A la suite du rapport Lamure, qui a permis d'identifier près de trois mille points noirs du bruit, j'ai entrepris de définir, avec le concours des autres ministres concernés - je citerai ici Jean-Claude Gayssot pour les transports et Louis Besson pour le logement - un programme d'action qui traduise la volonté du Gouvernement de changer d'échelle dans le traitement du problème. La communication que Jean-Claude Gayssot et moi-même avons présentée en conseil des ministres en témoigne.
Nous souhaitons traiter, sur dix ans, au moins deux cent mille logements subissant des nuisances sonores dues au réseau national d'infrastructures de transports. Ce programme, qui démarrera dè le début de 2000, montera en puissance régulièrement, mobilisant du côté de l'Etat des crédits routiers, des crédits ferroviaires et des aides aux logements.
Plusieurs régions ont souhaité contractualiser avec l'Etat une politique de lutte contre le bruit. Cette opportunité a été présentée par les préfets à la totalité d'entre elles, mais seules quelques régions ont souhaité la retenir.
En ce qui concerne les transports aériens, beaucoup de retard avait été pris dans la gestion des dossiers. Aujourd'hui, c'est l'ADEME qui est chargée de relayer cette politique que Aéroports de Paris s'est révelé incapable d'assumer. L'ADEME consacre à l'instruction des dossiers les moyens nécessaires au rattrapage du retard et elle redéploiera, si nécessaire, les moyens adéquats.
S'agissant de la politique des déchets, vous avez été nombreux à évoquer les difficultés financières auxquelles nous sommes confrontés en ce domaine. Mais, auparavant, je souhaite dire quelques mots sur cette politique proprement dite.
Monsieur Eckenspieller, vous avez évoqué le flou persistant dans le domaine des déchets et vous avez souhaité que l'Etat apporte aide et conseils aux collectivités locales, en se privant d'utiliser de façon trop exclusive le bâton, la norme, le règlement, la loi. C'est la politique que nous avons constamment suivie ! Nous avons souhaité apporter aux collectivité locales une aide individualisée. Chacun des plans départementaux de traitement des ordures ménagères a fait l'objet d'un examen précis, et non d'une simple circulaire générale, avec des suggestions, des préconisations et un suivi tout à fait consistant de la part de la Direction de la prévention des pollutions et des risques ainsi que de l'ADEME.
A ce jour, quatre-vingt-douze plans sont pratiquement en phase de finalisation et de révision. Mais je vous rappelle que nous partions d'une situation particulièrement néfaste, la plupart des départements ayant, jusqu'à une époque récente, limité leur travail à la mise en place d'un gros incinérateur ruineux par département. Cela ne constituait pas vraiment une politique.
Aujourd'hui, la plupart des départements sont engagés dans une politique cohérente : réduction des déchets à la source, collecte sélective, tri, valorisation des matières et valorisation énergétique, incinération des seuls déchets qui ne peuvent pas être valorisés et mise en décharge de déchets ultimes. C'est l'une des politiques dont je suis le plus fière. En deux ans et demi, nous avons réalisé un travail considérable et, aujourd'hui, rien ne permet de dire que le rendez-vous de 2002 ne sera pas tenu. Bien sûr, ce sera difficile et l'effort ne doit pas être relâché.
En ce qui concerne les ressources mobilisées par l'ADEME, j'ai évoqué avec beaucoup de liberté devant vous, comme devant l'Association des maires de France, par exemple, la nécessité de maintenir une intervention financière importante dans la période à venir. M. Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, s'est inquiété de la pérennité de ces ressources. Je crois pouvoir affirmer que nous sommes confrontés à une montée en puissance de la politique des déchets, qui est liée au rendez-vous de 2002, mais aussi à la proximité de rendez-vous électoraux dont l'importance n'échappe à personne. Je m'attends donc à la pousuite de cette montée en puissance pendant encore un an ou deux. Mais, ensuite, nous devrions voir les investissements se tasser. Telle est en tout cas l'interprétation de l'ADEME !
Utilisant ses ressources annuelles et les souplesses des redéploiements internes auxquelles l'autorise son statut, l'ADEME a été en mesure d'affecter, dès 1999, 1 130 millions de francs à la politique des déchets, pour une dotation initiale de 811 millions de francs.
Ce n'était pas suffisant. Elle a été conduite a réviser ses barèmes de subventions, tout en maintenant un barème d'intervention supérieur à ce qu'il était en 1997. Bien sûr, vous l'avez regretté ; MM. Joly et Eckenspieller ont notamment évoqué cette question.
Je crois que nous sommes plus près d'une politique responsable aujourd'hui que l'an dernier. En effet, certaines interventions étaient un peu excessives ; je pense, par exemple, aux barèmes de financement des déchetteries, qui n'était pas très responsabilisants pour les collectivités locales. On pouvait, dans certains cas, aboutir à un surfinancement qui incitait à mettre en place des équipements dont l'utilité n'était pas majeure.
Cela étant dit, les besoins sont importants. C'est pourquoi, en complément des 143 millions de francs de crédits nouveaux initialement inscrits dans le projet de loi de finances, j'ai proposé d'accroître les moyens d'intervention de l'établissement de 400 millions de francs pour faire face aux demandes de mises aux normes tant dans le domaine des déchets - plus 325 millions de francs - que dans celui de la protection contre les nuisances sonores : plus 75 millions de francs.
Un premier amendement, à hauteur de 100 millions de francs, a déjà été adopté par l'Assemblée nationale. Un second amendement vous est présenté ce jour, à hauteur de 300 millions de francs.
Je tiens à souligner que les aides directes de l'ADEME ne constituent pas la seule forme de soutien à cette politique. Nous avons, en effet, augmenté les contributions d'Eco-emballages et réduit, dès 1999, le taux de TVA applicable en matière de collecte sélective et de tri des déchets. Cette réduction de TVA aura un effet d'équivalent-subvention estimé à 500 millions de francs en 1999 et atteindra vraisemblablement 1 milliard de francs à 1,5 milliard de francs en année pleine. Pour résumer, le coût de la tonne triée aura baissé de 16 % en deux ans, ce qui n'est pas négligeable.
L'autre axe essentiel de notre action, sur lequel M. Vidal a insisté, concerne l'effort en faveur de la mise en place de nouveaux plans de prévention des risques naturels prévisibles, les PPR. Cet effort sera poursuivi. Nous avons franchi, au cours de l'été passé, le seuil des deux mille PPR que nous souhaitions respecter avant le 31 décembre.
Depuis mon arrivée au ministère de l'environnement, j'ai augmenté de 80 % environ les crédits consacrés à l'élaboration des PPR. J'entends poursuivre cet effort dans la durée et me fixe comme objectif l'approbation de cinq mille PPR en 2005. Ce chiffre peut paraître élevé eu égard aux difficultés de conduite de cet exercice sur le terrain, mais il est encore insuffisant si l'on considère que dix mille communes sont exposées, notamment, au risque d'inondations.
A cet effet, outre les moyens budgétaires traditionnels mobilisés en faveur de la prévention des risques et qui sont en forte augmentation, je souhaite, avec l'accord des autres ministres concernés, mettre le Fonds de prévention des risques majeurs à contribution pour le cofinancement des plans de prévention des risques naturels et prévisibles.
Cette opération trouvera également une traduction législative par amendement gouvernemental dans le cadre du collectif budgétaire déposé à l'Assemblée nationale. Elle permettra de développer la réalisation et l'approbation des plans sur les communes les plus exposées aux risques naturels à partir des disponibilités actuelles de ce fonds, alimenté par un prélèvement sur les polices d'assurance, à ressources constantes. Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, l'objectif est de disposer de moyens accrus pour prévenir et non pas toujours de moyens pour indemniser lorsque les dégâts sont survenus.
Alors que, sur le plan international, la conférence de Bonn vient de s'achever, j'entends consolider notre effort dans la lutte contre la pollution atmosphérique et la prévention de l'effet de serre. Les crédits consacrés en 2000 sur mon budget à la mise en oeuvre de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie s'élèveront à 241 millions de francs en dépenses ordinaires et en autorisations de programme, dont 14 millions de francs pour la réalisation d'études préalables à l'élaboration des plans prévus par la loi, comme les plans de déplacements urbains ; 55 millions de francs d'aide au fonctionnement des associations de gestion des réseaux de surveillance de la qualité de l'air ; 57 millions de francs de crédits d'études dans le domaine de la pollution de l'air ; enfin, 115 millions de francs pour la surveillance du niveau de pollution atmosphérique, notamment par le financement, par l'intermédiaire de l'ADEME, des équipements de surveillance de la pollution atmosphérique.
M. Lepeltier a plaidé en faveur d'une position forte de la France en matière de lutte contre l'effet de serre. Je dois vous dire, pour avoir lu une interview que vous avez donnée à un quotidien, monsieur le sénateur, que je ne suis pas aussi inquiète que vous quant à la position française : elle a été très forte à Kyoto et à Buenos Aires. Nous savions que la réunion de Bonn avait essentiellement pour objet de préparer la sixième conférence des parties : elle se tiendra l'an prochain à La Haye et nécessitera une mobilisation importante de notre part.
Je ne souhaite pas, cette année, me livrer à l'exercice trop rituel des effets d'annonce, mais le travail se poursuit en ce qui concerne le plan national de lutte contre l'effet de serre. Ce dernier présente d'ailleurs l'originalité d'être complémentaire à celui qui a été réalisé l'an dernier. Le plan national de lutte contre l'effet de serre existe déjà ! Il s'agit d'aller au-delà de ce qui a été décidé l'an dernier.
L'an dernier, vous vous en souvenez sans doute, nous avions souhaité retenir essentiellement des mesures bonnes pour l'emploi, bonnes pour l'économie et bonnes pour l'environnement ; c'est ce que l'on appelle des mesures win-win dans le jargon des négociations internationales où, malheureusement, le français n'a pas toute la place qu'il mérite.
Cette fois-ci, il s'agit d'aller au-delà et d'arrêter des dispositions qui, sans doute, ne feront pas plaisir à tout le monde. Par exemple, en matière routière, il faudra prendre le risque de fâcher M. Oudin, en taxant les émissions polluantes dans le domaine des transports, le secteur qui, à cette heure, inquiète le plus et la ministre de l'environnement et le ministre de l'équipement et des transports. Nous sommes en effet inquiets de l'explosion des émissions dans ce domaine, alors que le secteur industriel, celui de la production d'énergie, celui du logement et de l'immobilier en général, maîtrisent beaucoup mieux leurs émissions.
Le dernier axe, et non des moindres, est le renforcement des moyens du ministère, qui demeure une priorité.
J'ai bien entendu le plaidoyer de M. Adnot : moins d'administration centrale, plus de déconcentration. C'est un raisonnement qui tient évidemment plus facilement pour les grands ministères traditionnels que pour un petit ministère comme celui de l'environnement, dont l'administration reste indigente au regard de ses missions.
L'explosion des dépenses de fonctionnement que vous avez dénoncé monsieur Adnot, correspond non seulement à l'augmentation des moyens de ce ministère, mais également à un effort de transparence que vous saluerez avec moi : il s'agit de la budgétisation des primes des fonctionnaires. Cet effort de transparence se traduit par l'augmentation de près de 10 % des dépenses de fonctionnement que vous avez soulignée tout à l'heure.
Le renforcement de la place du ministère passe par une consolidation de ses moyens humains : 140 créations d'emplois, 70 transferts en provenance d'autres départements ministériels. Je remercie José Balarello d'avoir bien voulu reconnaître ici et les besoins et les efforts réalisés.
Les effectifs de mon ministère s'élèvent désormais à 2 760 agents, hors établissements publics, ce qui représente une croissance de 16 % sur les trois dernières années, alors que celle-ci s'élevait à 2 % sur les trois années précédentes.
L'efficacité d'une politique ne pouvant se mesurer à la seule aune des moyens financiers qui y sont consacrés, j'ai fait du renforcement des capacités d'expertise et d'évaluation des politiques publiques ma priorité pour l'an 2000 : mieux évaluer pour mieux gérer, pour être plus efficace et pour être plus rigoureux dans la dépense publique.
Cette orientation se retrouve dans ce qui constitue deux événements majeurs de la vie d'une administration avec, d'une part, la création d'une nouvelle direction d'administration centrale, d'autre part, la mise en place d'un service d'inspection de l'environnement.
Comme l'a souligné M. Raoult, la direction des études économiques et de l'évaluation environnementale sera un instrument d'expertise et d'aide à la décision en matière tant économique qu'environnementale. Mais nous devons faire davantage.
Je ne sais si le moment est venu d'annoncer la création d'un éventuel institut des hautes études de l'environnement. Monsieur Lepeltier, nous travaillions jusqu'à présent sur l'idée d'un institut ou d'un institut des hautes études mais du développement durable plutôt que de l'environnement, ce qui nous permettrait de mettre en cohérence le travail mené, par exemple, dans les domaines de la prévention de l'effet de serre, de la gestion des espèces naturelles ou de la gestion des risques. Mais rien n'est encore arrêté à cette heure, et je ne verrais que des avantages à ce que vous contribuiez à notre réflexion.
M. Le Cam a insisté sur l'effort de recherche. Les crédits inscrits au budget du ministère proprement dit ne témoignent pas réellement de l'ampleur des efforts de recherche, et le budget civil de recherche et développement est bien modeste. Cependant, de nombreux organismes et établissements publics développent, pour le compte de mon ministère, des programmes de recherche. C'est vrai, bien sûr, de l'ADEME, des agences de l'eau ou du muséum national d'histoire naturelle, mais c'est vrai aussi de l'INSERM, du CNRS, du CEA (Sourires) - vous pouvez sourire, le CEA travaille aussi pour le ministère de l'environnement ! - ainsi que de bien d'autres établissements publics.
Les différents services déconcentrés de mon ministère - DIREN, DRIRE, DSV - verront également leurs effectifs confortés afin d'accroître leur capacité d'intervention en matière environnementale, notamment dans les domaines de la prévention des risques et du contrôle des installations classées.
Enfin, 2000 marquera l'an II de la fiscalité écologique, dont je tiens à rappeler qu'elle constitue non pas un prélèvement supplémentaire, contrairement à ce qu'a dit M. Balarello, mais une façon différente de percevoir l'impôt et de répartir le poids des prélèvements obligatoires.
Elle contribue ainsi à réorienter la fiscalité en faveur de la protection de l'environnement, par le signal « prix » que permet d'adresser le niveau de la taxe. Ce signal en fait l'outil par excellence de l'application du principe pollueur-payeur. Il doit conduire à décourager les comportements polluants, à susciter une conscience écologique, comme l'a dit M. Signé, et non pas simplement à dégager les financements nécessaires à la réparation des dommages ou acheter le droit à polluer, comme l'a souligné M. Le Cam.
Je connais vos préoccupations sociales, monsieur Le Cam. Je suis convaincue que le choix qui consiste à privilégier, en ce qui concerne les pollutions, la prévention sur la réparation a aussi un effet social. Actuellement, on préfère équiper les stations d'épuration d'installations de déphosphatisation et de dénitratisation plutôt que d'agir en amont de la pollution. Malheureusement, le coût, considérable, est répercuté sur la facture des usagers modestes, usagers qui paient aujourd'hui l'essentiel des redevances.
En appliquant le principe pollueur-payeur à d'autres secteurs - le secteur industriel, c'est fait ; le secteur de l'agriculture, c'est en cours ; le secteur de la production énergétique, c'est en préparation - nous pourrons faire en sorte que l'usager domestique n'assume plus 60 % de la redevance, alors qu'il n'est responsable que d'une partie beaucoup plus modeste de la pollution.
L'affectation de la fiscalité écologique au projet de loi de financement de la sécurité sociale, par la réduction des prélèvements sur l'emploi qu'elle autorise, permet, d'autre part, de réorienter la fiscalité en faveur de l'emploi, constituant ce que nous qualifions le « second dividende ».
Je voudrais remercier les sénateurs qui ont tour à tour salué ma pugnacité, ma ténacité, mon ardeur - n'est-ce pas, monsieur Oudin ? - et je voudrais les rassurer complètement.
M. Jacques Oudin. Mais vous avez tout perdu !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Non, je n'ai pas « tout perdu » ! La TGAP n'est pas un impôt de rendement, ou alors nous sommes vraiment très mauvais, nous, c'est-à-dire non seulement le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement mais aussi Bercy !
Convenez-en avec moi : 500 millions de francs plus 300 millions de francs plus 200 millions de francs, cela fait un petit milliard de francs. C'est très insuffisant pour financer des mesures de baisse des charges en faveur des entreprises qui assument leurs responsabilités en termes de lutte contre le chômage et de création d'emploi. En réalité, il s'agit non pas de financer les 35 heures mais d'alléger des charges, mesure dont nous étions convenus qu'elle s'adressait prioritairement aux entreprises qui s'engagent dans les 35 heures.
M. Jacques Oudin. Ce n'est pas l'objet de cette discussion !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Mais si, monsieur Oudin. D'ailleurs, ce n'est pas moi qui ai la première abordé le sujet : c'est vous !
Aussi, loin d'être noyée dans le budget de l'Etat, la TGAP permet de diminuer les charges qui pèsent sur l'emploi. C'était un engagement pris par le Gouvernement : ne pas taxer plus, mais taxer différemment.
Si le budget de l'ADEME a été singulièrement augmenté - j'en ai fait la démonstration tout à l'heure - c'est aussi le cas du budget de mon ministère. Vous le voyez, il s'agit donc non pas d'abord, avant tout, et exclusivement de financer des projets de dépollution, mais bien de décourager les pollueurs.
Comme vous, je salue le caractère exemplaire de la TGAP sur les produits phytosanitaires. La taxation, strictement corrélée au potentiel polluant, ne manque pas de discernement. D'une part, les produits les moins polluants ne sont pas taxés, d'autre part, la somme est bien modeste, n'est-ce pas, monsieur Lepeltier ? Trois cents millions de francs, comparés aux 60 milliards de francs de primes agricoles annuelles, ce n'est peut-être pas suffisant pour dissuader les plus pollueurs.
Reste que cette taxe est exemplaire dans sa construction. En effet, celui qui choisira d'utiliser des classes moins polluantes de produits ne sera pas taxé. On peut donc imaginer que non seulement les industriels mais aussi les agriculteurs vont réorienter leur gamme vers les produits les moins polluants. Celui qui, en effet, choisirait les produits les plus polluants et donc les plus chers serait amené à en répercuter le coût sur le consommateur, lequel se détournerait de ces produits plus chers qui ne seraient pas synonymes de qualité meilleure.
Je crois donc que cette taxe n'est pas mauvaise en termes d'exemplarité écologique.
En revanche, je suis d'accord avec vous quand vous soulignez que le dispositif tel qu'il a été arrêté par l'Assemblée nationale concernant la taxe sur les lessives détergentes brouille le message. J'avais souhaité en effet que les lessives les plus polluantes, celles qui contiennent des phosphates, soient beaucoup taxées ; ce ne sera malheureusement peut-être pas le cas. Je regrette que les sénateurs n'aient pas pris l'initiative de déposer un amendement en ce sens ; il aurait été adopté, je n'en doute pas, par les différents groupes, ce qui nous aurait permis de rendre une inspiration plus écologique à cette taxe.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. A l'occasion de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale, nous avons supprimé cet article : il y aura donc discussion !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Très bien ! Alors, à vous d'en discuter !
En ce qui concerne les boues, sujet qui préoccupe nombre d'entre vous, notamment MM. Daniel Eckenspieller, Ambroise Dupont et Bernard Joly, j'espère que vous n'êtes pas dupes de l'attitude des grands groupes de l'agroalimentaire et de la grande distribution, qui préfèrent faire peser sur d'autres des contraintes à tonalité environnementale éventuellement coûteuses.
Imposer des cahiers des charges aux agriculteurs qui excluent les boues de façon totalement déconnectée de leur dangerosité réelle est un mauvais coup porté au monde agricole et aux élus qui essaient de les valoriser.
J'espère que vous n'êtes pas plus dupes de l'attitude d'une certaine partie du monde agricole. La négociation sur les boues avait un caractère éminemment politique, dans une logique de donnant-donnant : « Allez ! ne nous embêtez pas trop avec la TGAP, et on continuera à prendre vos boues ! »
Cela dit, je ne veux pas fuir la discussion. Je veux simplement rappeler qu'une nouvelle réglementation a été mise en place en 1997 qui donne des garanties de qualité des boues, de traçabilité, d'organisation et de suivi des épandages. Dans ces conditions, l'épandage agricole est une bonne pratique.
Dès février 1998, le ministère chargé de l'environnement a mis en place un comité qui associe l'ensemble des acteurs de la filière, des producteurs de boues aux consommateurs. Le comité national sur les épandages de boues a fait un gros travail. Il a réalisé une synthèse des connaissances scientifiques disponibles, il a pris en compte les conclusions d'un audit environnemental et économique comparant les différentes filières d'élimination et de revalorisation, et il a défini les conditions permettant de rétablir la confiance et la sérénité.
Il s'agit de conclure un accord national par lequel l'ensemble des acteurs concernés, y compris en aval de la production agricole, pourraient reconnaître l'intérêt et le bien-fondé de cette filière en agriculture. Une charte de qualité et un dispositif d'assurance des collectivités productrices de boues constituent des améliorations importantes.
Il y a certainement matière à aller plus loin, mais je voudrais tout de même relativiser quelque peu l'ampleur du problème.
Les boues des stations d'épuration urbaines ne représentent que 3 % du total des boues épandues sur les champs, et les stations d'épuration industrielles 3 % également. Donc, 94 % de ces boues viennent des déchets agricoles et des effluents d'épandage essentiellement. Des études connues montrent que l'immense majorité des métaux lourds transférés dans les sols par les déchets provient des effluents d'élevage. En tout cas, nous ne pouvons pas affirmer que les substances potentiellement à risque proviendraient exclusivement des boues de stations d'épuration urbaines ; c'est même rarement le cas !
Nous devons donc consentir un important effort d'explication à l'échelon local, sans pour autant surévaluer le risque lié aux boues.
Un mot encore concernant les entrées de ville. Je m'attendais, monsieur Ambroise Dupont, à ce que l'on aborde ce problème plutôt ce matin, lors de l'examen des crédits de l'aménagement du territoire. Je ne suis pas aussi certaine que vous que les professionnels de la grande distribution et de la publicité soient aujourd'hui plus sensibles à nos préoccupations. En tout cas, je voudrais ici insister sur le fait que les élus locaux sont en première ligne dans cette politique.
Avec la décentralisation, nombre de responsabilités en matière d'urbanisme, et des responsabilités importantes, leur ont été confiées. Je ne suis pas du tout hostile à l'idée de prendre ma part du fardeau, mais je ne vois pas bien comment mon ministère pourrait agir seul, alors que le développement anarchique des zones artisanales et commerciales se poursuit, que les cahiers des charges élaborés lors de l'installation de ces zones ne sont guère contraignants et que rien n'est fait par les élus locaux pour réglementer l'implantation des panneaux publicitaires, aujourd'hui abusive.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis bien consciente de n'avoir pas répondu à toutes vos préoccupations. Cependant, comme vous, d'ailleurs, je suis convaincue que je serai jugée sur le long terme, sur les actes et non sur les effets d'annonce, les sourires et l'image.
M. Jacques Oudin. Le sourire, c'est important !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. La création de la cinquième direction du ministère, la réforme de la politique de l'eau, la mise en place de la fiscalité écologique ou encore le travail accompli cette semaine à l'OMC, M. Bizet le confirmera, pour faire en sorte que l'environnement soit pris en compte, qu'il s'agisse du principe de précaution ou des accords multilatéraux sur l'environnement arrêtés dans le cadre des Nations unies, sont des éléments tout à fait importants.
Cela dit, je crois que le moment est venu de s'interroger sur les orientations et l'efficacité de la politique française en matière de protection de l'environnement.
Notre pays est doté d'un arsenal législatif très consistant. Nous disposons de grandes lois dont il m'arrive de penser qu'on ne les voterait plus aujourd'hui, à l'heure où tout obstacle aux projets locaux relatifs à l'activité économique, qu'il s'agisse de projets des collectivités territoriales ou des acteurs privés, fait scandale. Ainsi, je ne suis pas certaine que l'on pourrait voter la loi littoral, la loi montagne ou la loi sur la protection de la nature, mais je constate que cet arsenal législatif ne nous protège pas contre de nombreuses violations qui s'expliquent non pas seulement par l'absence d'agents dédiés à la police de l'environnement, mais aussi par une certaine indifférence, voire une certaine légèreté de nombre d'acteurs publics et privés.
Les moyens dégagés sont considérables, mais je remarque qu'il est plus facile de les mobiliser pour réparer que pour prévenir.
Je voudrais enfin évoquer les zonages, nombreux, et les mesures de discrimination positive. J'ai cité tout à l'heure le cas de la Camargue, mais bien d'autres sites sont en théorie protégés par des zonages qui peuvent parfois handicaper l'activité sans apporter le degré de protection souhaité.
Je suis d'autant plus à l'aise pour évoquer ces difficultés que ces outils ont été mis en place progressivement, sous des gouvernements de couleurs politiques fort variées, par stratification, sans que nous soyons en mesure d'évaluer complètement l'efficacité de ces moyens. Et je constate que la qualité de l'environnement continue à se dégrader, qu'il est de plus en plus souvent demandé à l'Etat de vider l'océan avec une petite cuillère et qu'à la détermination et à la vertu affichées dans les discours répond souvent la réticence dès qu'une action d'ampleur et d'envergure supposerait un bouleversement des comportements quotidiens.
Je souhaite que nous consacrions une partie de l'année 2000 à réfléchir à ces questions, pour que nous n'ayons pas à nous les poser de nouveau l'année prochaine.
Je conclurai mon propos en rassurant M. Gouteyron, qui a dû nous quitter. Je crois savoir qu'il doit assumer une lourde responsabilité dans les prochaines trente-six heures (Sourires) . Seules des contraintes d'agenda, liées non pas à la préparation de la conférence de Seattle, mais à la tenue d'un Conseil européen à Bruxelles et de la cinquième conférence des parties sur l'effet de serre à Bonn expliquent que je n'aie pu venir plancher devant la commission des affaires culturelles du Sénat. Mais j'espère que vous ne doutez pas que je me plierai de bonne grâce à l'exercice l'année prochaine. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 219 277 846 francs. »