Séance du 3 décembre 1999







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'équipement, les transports et le logement : III. - Transports : 4. - Transport aérien et météorologie, et budget annexe de l'aviation civile.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme c'est l'habitude, je commencerai par vous exposer le projet de budget annexe de l'aviation civile pour 2000.
Avec une masse de 8,7 milliards de francs, ce projet de budget constitue l'instrument principal d'intervention des pouvoirs publics dans le secteur du transport aérien.
Mes chers collègues, 8,7 milliards de francs, c'est beaucoup puisque, à titre d'illustration, cela représente près de 15 % du chiffre d'affaires d'Air France ; 8,7 milliards de francs, c'est beaucoup, puisque c'est à additionner à l'ensemble des crédits publics mobilisés pour financer les infrastructures aériennes ; 8,7 milliards de francs, c'est beaucoup, puisque la contrepartie en est, pour la quasi-totalité, une série de prélèvements supportés par les usagers des transports aériens ; 8,7 milliards de francs, c'est enfin beaucoup, puisque c'est à comparer aux 7,2 milliards de crédits du budget pour 1995.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est en progrès !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Il faut donc toujours veiller, monsieur le ministre, à ce que le budget annexe, qui est un élément important des charges supportées par les compagnies aériennes - et leurs clients, ne l'oublions pas - connaisse une évolution modérée.
Est-ce le cas en 2000 ? Misant sur les apparences, vous nous invitez, monsieur le ministre, à répondre par l'affirmative, puisque, en affichage, les crédits du budget annexe seraient stabilisés en 2000. Vous mettez encore en évidence la baisse des taux des redevances de navigation aérienne. Vous insistez, enfin, sur le maintien dans leur état des taux sur la taxe de l'aviation civile.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est vrai !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Je crains de devoir nuancer quelque peu ce tableau, au risque d'en altérer l'harmonie.
Vous savez bien, monsieur le ministre, que la progression des crédits du budget annexe pour 2000 est minorée par une série de transferts à destination d'autres budgets.
Vous savez aussi, monsieur le ministre, que la décrue des tarifs des prélèvements que vous exigez des usagers et clients du transport aérien dissimule mal une augmentation réellement consistante de ces prélèvements. Ceux-ci s'accroissent en fait de 5,1 %, la manne des trop-perçus constituée hier vous permettant d'affecter aujourd'hui une certaine modération, une modération assez « optique », si je puis dire.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est honnête, quand même.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, les apparences sont pour vous, je le reconnais bien volontiers, d'autant plus que nous ne savons rien des variations de la part cachée de la fiscalité qui pèse sur le transport aérien, celle qui correspond notamment à la taxe d'aéroport.
Comme nous l'avions prévu, la représentation nationale est entièrement privée d'informations sur l'impact réel de cette taxe. Sur ce sujet, une réponse d'attente a été apportée à mon questionnaire budgétaire. Les « voies et moyens » ne recensent pas le produit de la taxe d'aéroport - il devrait être important - alors que cette annexe au projet de loi de finances nous informe, et c'est heureux, de l'évolution de la redevance due par les employeurs de main-d'oeuvre étrangère - 21 millions de francs - ou encore de celle de la taxe de protection des obtentions végétales - 3 millions de francs.
C'est la conséquence de la bénédiction donnée à la taxe d'aéroport par le juge constitutionnel, que l'on a connu mieux inspiré dans sa défense des droits du Parlement et plus attentif à faire respecter certains principes que je qualifierai de supérieurs.
Et pourtant, monsieur le ministre, vous devez connaître les produits de cette taxe. Vous êtes, en effet, en mesure d'inscrire pour l'an prochain une dotation de 84 millions de francs au titre des mécanismes de péréquation qu'elle comporte. Je souhaiterais des explications, et j'ajoute que les compagnies aériennes et les collectivités locales en attendent aussi.
Du côté des dépenses, le budget annexe est d'abord marqué par le dynamisme prévisible des dépenses de personnel, qui représentent près de la moitié des crédits. Le protocole triennal de novembre 1997 induit une augmentation autonome des charges de personnel de 13 % en trois ans par rapport au niveau initial - en trois ans, monsieur le ministre - à quoi s'ajoutent les mesures générales concernant la fonction publique.
Encore faut-il observer que nous n'avons pas encore pris la mesure du coût de ce protocole, puisque le temps de formation reporte l'effet budgétaire des recrutements nombreux qu'il comporte.
Les charges de remboursement des emprunts, qui ont augmenté de plus de 62 % en deux ans, s'élèvent à 542 millions de francs, et elles vont encore croître dans l'avenir.
Enfin, les investissements physiques qui, l'an dernier, avaient chuté, reprennent leur essor, ce qui est logique compte tenu des programmes en cours.
Face à cette augmentation inéluctable des charges, la destinée du budget annexe était des plus incertaine.
La situation s'est grandement améliorée de ce point de vue. Nous nous en félicitons et je crois, monsieur le ministre, que le Sénat vous a aidé à convaincre certains de la nécessité, jugée contre nature par la direction du budget, de « nettoyer » le budget annexe de l'aviation civile en créant un compte spécial du Trésor dont nous réclamions l'instauration depuis déjà longtemps.
Vous le savez, monsieur le ministre, votre budget souffre cependant d'une infirmité redoutable, puisque ses principales ressources, les redevances aéronautiques, le laissent hors d'état d'assurer un financement fiable de ses dépenses.
C'était d'abord la conséquence de l'inscription, dans ce budget annexe, de crédits qui n'avaient rien à y faire, et le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, que je viens d'évoquer, a permis d'arranger les choses, reconnaissons-le. C'était aussi la rançon d'un droit des redevances extrêmement sophistiqué, qui reste un obstacle à la solidité juridique du financement du budget annexe de l'aviation civile. Il faudra certainement améliorer cette situation ; nous vous transmettrons nos propositions.
Mais, dès ce soir, j'ai une autre suggestion à vous faire, monsieur le ministre, dont le principe appellera de ma part des approfondissements que j'entends entreprendre au cours de l'an prochain.
Monsieur le ministre, le budget annexe de l'aviation civile finance, avant tout, à côté d'autres missions de nature régalienne, le contrôle aérien, qui consiste, par nature, en une activité de prestations de services. Les moyens de cette mission sont issus de prélèvements payés par les usagers, qu'il s'agisse des redevances de navigation aérienne proprement dites ou des taxes.
Or j'entends souvent, comme nombre d'entre vous aussi, des commentaires pas toujours amènes sur les performances opérationnelles du contrôle aérien ou sur son efficience. En tout cas, la direction générale de l'aviation civile appartient par excellence à cette catégorie d'administrations qui, au service d'un public qui les finance, doivent se montrer attentives à la qualité du service qu'elles rendent, mais aussi à son efficience.
M. Jacques Oudin. C'est vrai !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Vous en êtes conscient, puisque, aussi bien, l'an dernier, devant ces mêmes travées vous aviez évoqué des gains de productivité que vous aviez vous-même, monsieur le ministre, chiffrés à 5 %.
Pour ma part, je préfère l'expression « gains d'efficacité »,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Moi aussi ! (Sourires.)
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. ... mais nous sommes là déjà dans la lexicologie.
Les caractéristiques de l'activité de la direction générale de l'aviation civile que je viens de rappeler, de même que le fonctionnement, actuellement peu satisfaisant, des instances de concertation invitent à souhaiter, pour cette direction, la mise en chantier d'une charte d'objectifs et de moyens.
Une telle démarche a été entreprise par la direction générale des impôts et il serait pour le moins paradoxal qu'une administration dont l'essence est de rendre des services n'emprunte pas cette voie.
Il convient donc de réfléchir à la substance même d'une telle charte. Selon moi, elle devrait comporter deux séries de dispositions. Les unes porteraient sur des objectifs clairs et quantifiés en termes de qualité de service, assortis d'indicateurs. Les autres, de nature financière, devraient programmer, sur le moyen terme, les gains d'efficacité de la direction générale de l'aviation civile et leur destination.
En tant que rapporteur spécial, je souhaite inscrire mes prochains travaux de contrôle et d'évaluation dans le cadre de cette approche. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour lui faire bon accueil.
Je voudrais à présent consacrer quelques observations aux crédits du transport aérien.
La commission des finances s'est attachée, au cours de l'année 1999, à clarifier les tenants et les aboutissants d'une union européenne de l'aéronautique. L'année en cours a été une année faste de ce point de vue.
Nous avons pourtant, les uns et les autres, senti le vent du boulet, lorsque le rapprochement entre British Aerospace et DASA a failli se nouer sans nous.
Chacun ici se souvient de cet épisode.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Tout à fait !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Mais nous avons su réagir. Je tiens à vous féliciter, monsieur le ministre, d'avoir contribué à la privatisation d'Aérospatiale, sans laquelle rien n'aurait été possible ! (Sourires.)
M. Henri Weber. Il y a de quoi !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Je serai un peu moins malicieux, monsieur le ministre,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je vois !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. ... et un peu plus grave pour évoquer quelques aspects des rapprochements entre Dassault Aviation, Lagardère SCA et Aérospatiale qui ont abouti à la constitution de notre champion national.
Nous nous sommes attachés, dans nos travaux, à élucider la question essentielle de savoir si les intérêts patrimoniaux de l'Etat avaient été respectées à ces différentes occasions.
Notre conclusion est que, dans l'ensemble, ce fut bien le cas, surtout si l'on songe à ce qu'aurait été l'avenir d'une Aérospatiale isolée.
Mais des interrogations persistent. Comment, d'abord, justifier que, du jour au lendemain, les comptes d'une entreprise publique puissent subir des révisions aussi importantes que celles qui ont concerné Aérospatiale ? Comment les comptes de cette entreprise ont-ils pu être certifiés aussi longtemps sans observations ?
Quel prix l'Etat a-t-il obtenu en contrepartie de l'abandon des droits de vote double qu'il détenait dans Dassault ? Quelles sont les clauses de préemption concédées à cette entreprise ? Voilà quelques questions que nous sommes en droit de nous poser.
La consolidation de l'industrie aéronautique européenne a donc franchi une nouvelle étape majeure avec l'annonce de la création d'EADS, issue de la fusion entre Aérospatiale-Matra et DASA, puis, depuis hier, je crois, CASA.
Nous devrons nous poser les mêmes questions que celles dont nous avons cherché les réponses lors des alliances nationales. Mais nous nous réjouissons déjà d'une fusion qui devrait à l'évidence renforcer la compétitivité de l'aéronautique européenne et que nous avions appelée de nos voeux, vous vous en souvenez certainement, monsieur le ministre.
Cette fusion donnera sans doute un nouvel élan à Airbus qui, malgré ses succès commerciaux, qui ne peuvent que nous réjouir, a besoin de se muscler face à Boeing, dont les déconvenues récentes ne doivent pas entretenir l'illusion de faiblesses autres que passagères.
Nous pouvons espérer également que l'entreprise européenne se lance enfin dans le projet de gros porteur A 3XX qui m'est cher et dont, parfois de manière un peu isolée, j'ai toujours défendu l'idée.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Moi aussi !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Vous aussi, monsieur le ministre, je vous en donne acte !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'aviation civile. Moi aussi !
M. Henri Weber. Ne m'oubliez pas ! (Sourires.)
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. M. Le Grand a été aussi l'un de ses défenseurs. Je l'en félicite !
Ce projet est d'ailleurs de simple bon sens. Nous ne saurions abandonner le monopole sur le quart du marché de l'aviation commerciale à un concurrent qui peut ainsi, à partir des marges qu'il dégage avec le 747, se livrer à une concurrence des prix agressive sur les autres segments de l'offre.
Votre budget, monsieur le ministre, comporte une provision pour ce projet. Je m'en réjouis. Lorsque je vous en avais reproché l'absence l'an dernier, vous l'aviez alors justifiée par le défaut d'un lancement officiel de ce programme. Bien que la situation subsiste cette année, elle a cessé d'être une justification à l'abstinence. Tant mieux ! C'est un signal politique fort que vous adressez et nous verrons bien si le renoncement à l'abstinence se traduira effectivement par une consommation des crédits.
Nous l'espérons, mais nous comptons sur vous pour convaincre les gouvernements partenaires de manifester le soutien public dont nous avons besoin.
A ce sujet, je voudrais répéter que le système de soutien public à l'aéronautique qui prévaut en Europe doit être musclé.
Il le faut, d'abord, pour répondre à la concurrence qu'exercent les soutiens américains.
Il le faut aussi pour adapter notre système à l'intégration de l'industrie aéronautique en Europe.
Il le faut, enfin, pour rénover un mode d'intervention qui concernera désormais de plus en plus des entreprises privées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'en étais remis à la sagesse de la commission des finances s'agissant des crédits du budget annexe de l'aviation civile et je l'avais invitée à voter les crédits du transport aérien et de la météorologie.
La commission a décidé de rejeter les crédits du budget annexe de l'aviation civile. Je crois que si nous avions pu voter sur les crédits du transport aérien en tant que tels, notre recommandation aurait été favorable. Mais nous ne le pouvons pas, la recommandation de la commission des finances devant porter sur l'ensemble des crédits de votre ministère.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'aviation civile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le rapport parfaitement exhaustif de M. Collin, sauf peut-être pour mettre l'accent sur quelques-unes de ses remarques.
Monsieur le ministre, voilà quelques mois j'étais rapporteur du texte qui a créé l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires. J'avais déploré, au passage, la faiblesse des sommes qui y étaient consacrées - cinq millions de francs - par rapport à celles qui sont allouées aux autres autorités de contrôle. Nous nous étions néanmoins prononcés en faveur de la création de cet organisme.
J'attire votre attention sur le fait qu'il ne reste plus que quarante jours très exactement, dont un bon nombre sont fériés, avant la date limite pour sa mise en place et sur le fait qu'aucun texte d'application n'est encore publié. Telle était ma première observation.
La particularité du transport aérien, qui consiste à faire payer aux usagers, par redevances ou taxes affectées, des dépenses aussi régaliennes que la lutte anti-terroriste ou la protection contre les incendies sur les aéroports, vient à nouveau d'être remise en cause par une lettre du Conseil d'Etat, en dépit de la loi de validation que nous avions adoptée l'an dernier.
Notons, au passage, la créativité du juge administratif, qui se fonde sur le droit à un procès équitable, posé par la Convention européenne des droits de l'homme, pour réfuter la validation ! Comme on dit en Normandie, il y aurait à dire. (Sourires.) Quoi qu'il en soit, je regrette que les sommes qu'il faudra débourser n'apparaissent pas au budget de l'Etat.
Ces deux observations, ajoutées à celles de M. Collin, m'amènent à vous demander s'il ne serait pas préférable de revenir à l'ancien périmètre du budget annexe de la navigation aérienne.
J'en viens aux retards qui ont été évoqués tout à l'heure. Permettez-moi de vous donner quelques chiffres simplement destinés à illustrer mon propos, en prenant l'exemple de la Lufthansa, qui n'est pas une compagnie française.
Cette dernière dispose de 270 appareils qui ont passé l'an dernier 11 200 heures de vol en attente dans l'espace aérien allemand, brûlant 26 200 tonnes de kérosène et dégageant 82 600 tonnes de dioxydes de carbone à cette occasion !
Ajoutez à Lufthansa toutes les compagnies aériennes et vous obtiendrez non seulement le nombre d'heures de retard, mais également la surconsommation de kérosène et la production de CO² qui nuit à l'environnement. Les 26 200 tonnes consommées par Lufthansa engloutissent le double des économies réalisées grâce aux efforts de gestion effectués par la compagnie.
Que comptez-vous faire pour essayer d'améliorer l'espace aérien ?
Les observations formulées aujourd'hui même par la Commission de Bruxelles vont dans le même sens. Il est urgent d'intervenir.
Je n'ignore pas la complexité du sujet, qui englobe l'espace aérien militaire et un certain nombre d'autres paramètres, tels que la transformation des contrôleurs aériens en ingénieurs. Il n'en est pas moins urgent d'amener l'espace aérien européen au minimum au même niveau de desserte et d'organisation que l'espace aérien américain, qui, bien que plus grand, fonctionne mieux.
En ce qui concerne les aéroports, la place aéroportuaire de Paris a accueilli 63,5 millions de passagers en 1998. On attend une croissance de 8,3 % de ce chiffre en 1999 et de 5 % environ pour 2000. La question du troisième aéroport dans le grand bassin parisien devra donc un jour être posée !
J'ai participé avec l'ancien ministre Jacques Douffiagues à une mission sur ce sujet. Vous savez qu'entre la décision politique de construire un aéroport et son inauguration, il s'écoule une trentaine d'années. L'évolution rapide de ce mode de transport ne devrait-elle pas nous inciter à accélérer le processus ou, à tout le moins, à poser la question ?
Permettez-moi de vous dire au passage que la limitation à 250 000 mouvements sur la plate-forme d'Orly me paraît très pénalisante et pas nécessairement fondée.
Grâce à l'ACNSA et à un certain nombre de mécanismes d'observation dont nous disposons maintenant, pourquoi ne pas retenir le bruit comme phénomène limitatif sur l'occupation des aéroports ? Pourquoi ne pas étendre à Orly ce qui a été fait à Roissy, c'est-à-dire définir des limites en termes de niveau de bruit global ? (Mme Beaudeau fait un signe d'approbation.)
Nous avions attiré votre attention l'année dernière, monsieur le ministre, sur l'évolution d'Air France à l'égard des diverses alliances qui étaient en train de se conclure avec Delta Airlines, Korean Airlines et Aeromexico, et qui laissaient encore un peu de place pour d'autres alliances. Nous avions souligné l'intérêt de constituer le triptyque Amérique - Asie - Europe tout en nous demandant s'il était encore temps. Qu'en est-il ?
Il est aujourd'hui urgent qu'Air France se positionne pour atteindre la taille critique des grandes alliances internationales et assurer ainsi son avenir.
Air France et Delta Airlines se sont associés.
Pour Aérospatiale Matra, la concrétisation de la fusion annoncée avec DASA risque de se heurter, quoi qu'on en dise, à l'obstacle que représente aux yeux de nos partenaires la participation de l'Etat français dans le nouvel ensemble.
Or, tout retard sera préjudiciable à la transformation d'Airbus en société de plein exercice et au lancement du gros porteur A 3XX. M. le rapporteur spécial est intervenu sur le sujet tout à l'heure.
Réjouissons-nous au passage que l'Espagnol CASA ait récemment rejoint l'ensemble EADS.
Cela étant, il y a urgence à évoluer. On l'a dit tout à l'heure, Boeing a quelques difficultés. Mais il ne faudrait pas que l'arbre cache la forêt. Airbus a encore devant lui un grand avenir à condition de se doter des moyens nécessaires.
En conclusion, la commission des affaires économiques et du Plan s'en remettra à la sagesse du Sénat.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 12 minutes ;
Groupe socialiste : 10 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 6 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le ministre, payant ce soir de ma personne mon attachement à l'intermodalité, je suis très heureux d'être l'un des passagers de ce vol de nuit que nos excellents rapporteurs, Yvon Collin et Jean-François Le Grand, viennent de faire à l'instant décoller.
Je voudrais les remercier de la qualité de leur rapport, de l'aspect à la fois analytique et aérien - si j'ose dire ! - de leurs propos, des réflexions qu'ils instruisent et y ajouter la mienne.
Je traiterai, d'abord, des transports aériens.
L'ouverture du capital du groupe Air France est, comme vient de le dire Jean-François Le Grand, un pas dans une bonne direction. Un pas, sûrement. Mais un pas n'est pas une enjambée. Et je vous pose la question : est-ce suffisant ?
Nous sommes ainsi confrontés à cette récurrente interrogation : n'allons-nous pas causer de graves problèmes à la compagnie en la maintenant dans une position exceptionnelle d'entreprise publique ?
Force est de constater que, même si cette compagnie est aujourd'hui dirigée par un excellent président, M. Spinetta, même si la prise en capital a aujourd'hui cessé d'être déterminante, les verrous des Etats n'apportent pas au groupe Air France l'assistance dont il aurait besoin dans la recherche de ses alliances. La preuve en est - et cela vient d'être dit - qu'il n'a toujours pas complété ses alliances avec l'Asie, même si les accords ont été scellés, et qu'il n'a pas encore de partenaire européen à part entière.
Avant-hier déjà, souvenons-nous, la compagnie Iberia refusait de développer un partenariat avec Air France, préférant finalement une solution anglo-américaine avec British Airways et American Airlines.
Hier encore, souvenons-nous le récent accord enfin conclu avec Delta Airlines ne provoquait pas d'autres nouvelles alliances pourtant vitales pour faire face aux groupes One World, Star Alliance, Atlantic Excellence ou encore Wings.
Toutefois, j'ai parfaitement confiance, au-delà de mes propos : les choses iront vers le meilleur.
Cette stratégie d'alliances internationales est indispensable dans la mesure où le transport aérien du futur, avec la libéralisation totale, n'aura plus rien à voir avec ce qu'il était au cours des vingt ou trente dernières années.
Sans doute peut-on penser qu'une ouverture plus large du capital, même si la conclusion d'alliances n'en dépend pas complètement, donnerait à Air France les armes dont disposent déjà la grande majorité de ses concurrents dans le paysage extrêmement mouvant du transport aérien mondial.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ils licencient, eux !
M. François Gerbaud. Tout à l'heure, nous avons évoqué, à propos du ferroviaire, la nécessité de mettre au point les schémas de services collectifs dans le cadre de l'article 41 de la loi d'orientation. Je n'y reviens pas, si ce n'est pour dire, après vous, monsieur le ministre, qu'il faut prévoir la même chose pour le monde aérien, c'est-à-dire instaurer une politique de complémentarité et de coopération des réseaux des transports, de coordination de leur exploitation et d'optimisation des réseaux et équipements existants.
Alors que le trafic aérien mondial régulier, exprimé en passagers-kilomètres transportés, a crû de plus de 3 % à l'international par rapport à 1997 et de près de 2 % pour les vols intérieurs, alors que l'année 1998 a vu une augmentation du trafic de fret international, avec une hausse de 1,3 % du tonnage transporté, mais une stagnation en termes de tonnes-kilomètres transportées, qu'envisagez-vous, que faites-vous, monsieur le ministre, pour anticiper sur la capacité nécessaire des infrastructures ?
Quand on sait - et qui le saurait mieux que vous ? - que les deux plates-formes, Roissy et Orly, seront à saturation dès 2003 et non, comme on l'avait prévu, en 2007, quelles mesures d'anticipation à court, à moyen et à long terme peut-on envisager ?
Les 55 millions de passagers à Roissy vont donc être vite atteints, comme vous l'avez vous-même confirmé. Si nous voulons donner - nous le souhaitons tous - à cet aéroport toutes les chances d'être le très grand hub passager de demain, pourquoi ne pas commencer, dès maintenant, à transférer de Roissy tous les vols cargo qui peuvent trouver des plates-formes d'accueil ailleurs ?
Quelles mesures pensez-vous mettre en oeuvre pour développer les plates-formes que peut constituer le réseau aéroportuaire de province et, ainsi, lentement, désencombrer Roissy et Orly, les maintenant dans leur vocation principale ?
Je vous prie de m'excuser de parler des affaires de mon pays et de mon département, mais il se trouve qu'elles s'insèrent là dans une réflexion nationale.
C'est dans la perspective que je viens d'évoquer que l'aéroport Marcel-Dassault de Châteauroux-Déols a signé un partenariat avec Aéroports de Paris et l'aéroport de Washington. Ce partenariat inédit devrait contribuer de façon significative à accroître encore le développement de l'activité fret de l'aéroport de Châteauroux-Déols, en constante progression depuis plusieurs années.
A ce titre, je souhaite rappeler qu'en 1998 le taux de croissance de l'activité globale de cette plate-forme était de 25 %, tandis que le fret, lui, augmentait de 45 %.
Pour les cinq premiers mois de 1999, les chiffres confirment cette tendance, avec, fin mai, une croissance des tonnages de marchandises générales et du chiffre d'affaires de 50 %.
Aux traditionnels vols charters s'ajoutent aujourd'hui des vols réguliers répétés, tels que ceux qui sont opérés par la compagnie turque MNG ou par Air Gabon.
Les autres activités industrielles de l'aéroport de Chateauroux-Déols - la maintenance et la peinture aéronautiques, le stockage d'avions et l'entraînement des pilotes - devraient également se trouver très dynamisées par ce partenariat, qui constitue ainsi la validation de la stratégie développée par cet aéroport pour se positionner, depuis plusieurs années, aux yeux de tous, comme l'aéroport « tout cargo » de Paris.
Pour faire face à la croissance de son activité, les points forts de cet aéroport - vous les connaissez, monsieur le ministre, puisque vous nous avez fait l'honneur de venir, un jour, dans notre département - sont les suivants : une longueur de piste de 3 500 mètres, une flexibilité en termes d'horaires et de slots, la rapidité de la liaison autoroutière avec la capitale, l'économie de ses tarifs, autant de réponses efficaces aux attentes de certaines compagnies aériennes de fret. Il n'est d'ailleurs pas, lui, la « danseuse » d'un conseil général !
C'est ici qu'apparaît l'utilité essentielle d'un schéma des plates-formes logistiques et des terminaux du transport combiné. Mettre en cohérence les demandes des régions et clarifier les rôles des différents intervenants nécessite, à l'évidence, une sélection et une hiérarchisation des différentes plates-formes respectant les stratégies affichées par les régions et s'intégrant dans une cohérence européenne.
L'analyse des organisations retenues par nos voisins européens, en particulier par l'Allemagne et l'Italie, fait apparaître deux logiques que l'on doit rendre complémentaires, en France, pour éviter de les voir s'affronter en concurrentes.
D'abord, une logique de polarisation tendant à concentrer les flux autour des grands terminaux européens du transport combiné, capables de capter le fret des grandes zones de production et de consommation du pays, afin de l'expédier à plus de 400 kilomètres vers d'autres grandes zones logistiques de France et d'Europe.
Ensuite, une logique d'essaimage articulée sur la notion de réseaux, permettant de redistribuer le fret collecté autour des grandes zones de production afin d'irriguer l'ensemble du territoire à partir de chantiers de dimension plus modeste au centre d'une zone de chalandise de quarante à cinquante kilomètres de rayon.
Dans le transport aérien, comme d'ailleurs dans tous les modes de transport, l'Etat, monsieur le ministre, doit proposer au pays une vision cohérente et pérenne du système de transport s'articulant au carrefour de quatre politiques : le développement économique, l'aménagement et le développement du territoire, le transport et, bien évidemment, l'environnement.
Il serait dramatique que la France devienne, par l'inertie des acteurs institutionnels, un simple pays de transit et qu'on laisse échapper cette opportunité unique d'accroître la compétitivité nationale et de contribuer au développement local des régions les mieux situées face aux grands flux européens et mondiaux.
Je terminerai mon propos, monsieur le ministre, en abordant la problématique du renouvellement des concessions aéroportuaires.
A la suite du rapport de l'inspection générale des finances du mois de mai dernier sur les chambres de commerce et d'industrie, et face au vide juridique dans lequel se trouvent de nombreux aéroports - arrêtés d'acceptation temporaire, AOT, concessions échues, etc. - Matignon a pris la décision de renouveler les concessions de trente-huit aéroports sur la base du cahier des charges type 1997 pour des durées de trois à cinq ans, exceptionnellement davantage - vous l'avez confirmé pour Satolas - pour des cas dûment justifiés.
Compte tenu du fait que les vides juridiques posent un certain nombre de problèmes d'exploitation, notamment pour le recours aux emprunts, et compte tenu du délai nécessaire à la négociation de ces concessions par les préfets, qui vont recevoir mandat du Gouvernement, Matignon a pris de nouvelles décisions le 13 octobre 1999, à la suite d'une réunion interministérielle. Ces décisions sont les suivantes.
Les aéroports sous concession ou AOT actuellement en vide juridique se verront signifier par le préfet un prolongement de leur concession ou AOT actuel jusqu'au 31 décembre 1999.
Pour ces mêmes aéroports et ceux dont la concession ou l'AOT arrive normalement à échéance à cette même date du 31 décembre 1999, il est demandé au préfet de se rapprocher des gestionnaires d'aéroport pour leur suggérer de prendre une délibération afin de prolonger la concession ou l'AOT dans les mêmes termes jusqu'au 30 septembre 2000.
Au-delà de ces échéances, la question du renouvellement de ces concessions a été examinée par les chambres de commerce et d'industrie gestionnaires, qui ont adopté les décisions suivantes.
Le renouvellement des concessions pour une durée courte sur la base du cahier des charges type 1997 ne peut être envisagé qu'avec le retrait des clauses « risques et périls ».
Dans le cas contraire, la concession sur la base de ce cahier des charges type 1997 ne peut être envisagée que pour une durée d'au moins quinze ans, qui correspond à l'économie même de ce texte.
Pour les gestionnaires d'aéroport qui détiennent une créance sur l'Etat au titre des avances remboursables, la discussion sur le renouvellement des concessions ne peut être envisagée que si ces avances ont été au préalable réglées par l'Etat.
Quelle est, monsieur le ministre, votre position devant cette problématique ?
Cette réforme correspond-elle réellement aux besoins de l'activité, quand on sait qu'une concession à court terme conduira à une inadaptation structurelle des aéaroports, et donc à trois ou cinq ans de retard sur les besoins ?
La situation de la France ne pourrait-elle pas conduire à faire l'économie d'une telle décision ?
Pour terminer, j'aimerais qu'un instant nous rêvions ensemble.
Tout à l'heure, Yvon Collin a évoqué l'existence future, et bientôt scellée dans le marbre de la décision, de l'A 3XX. Je suis heureux à l'idée qu'un jour, monsieur le ministre, bientôt, dans le courant de l'année, nous pourrons apprécier, à Toulouse, dans une maquette grandeur nature, ce que sera ce grand avion, celui-là même qui est porteur de tous nos espoirs. C'est là le signe d'avenir que je livre à notre commune réflexion. (Applaudissements).
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Le budget annexe de l'aviation civile se distingue, cette année, par une relative stabilité des crédits, évalués à environ 8,7 milliards de francs.
Il est à noter que la capacité d'autofinancement s'est sensiblement redressée, puisqu'elle est en hausse de plus de 72 millions de francs. On peut regretter, par conséquent, que les crédits budgétaires alloués aux transports aériens et à la construction aéronautique n'aient pas connu, quant à eux, une évolution plus favorable.
Toutefois, une avance remboursable de 240 millions de francs est inscrite en faveur de la construction du futur gros porteur A 3XX. Cela ne peut que conforter la progression d'Airbus Industrie dans une période où la concurrence avec Boeing fait rage.
A cet égard, monsieur le ministre, peut-on savoir dans quelle proportion nos partenaires européens intéressés par ce projet participeront à son financement dans la mesure où vos collègues allemand et britannique disaient conditionner leur engagement à la privatisation totale de la composante française d'Airbus ?
Cette pression exercée sur la France - ne faudrait-il pas plutôt parler de chantage ? - avait, en réalité, pour objectif de nous jeter dans une fausse alternative : ou bien l'isolement de notre pays, avec la perspective d'une alliance British Aerospace et DASA, ou bien la « fuite en avant » libérale, avec une intégration-fusion des opérateurs nationaux poursuivant une stratéagie de guerre économique avec le géant américain Boeing Mac Donnel Douglas.
A l'issue de longues tractations desquelles les salariés, ainsi d'ailleurs que la représentation nationale, ont été exclus, le Gouvernement a fait le choix de la fusion entre Aérospatiale et Matra puis avec Dasa, pour parvenir à la constitution d'EADS, au sein duquel la place de la France est réduite, et particulièrement celle de l'Etat, qui, dorénavant, ne dispose plus que de 15 % du capital du nouveau groupe.
Cela pose, pour l'avenir, la question de l'emploi dans ce secteur, de la transformation probable du statut d'Airbus et, plus largement, celle du rôle que la puissance publique veut se donner dans une industrie pourtant en pleine croissance et stratégique sur le plan international.
Peut-être pourriez-vous nous apporter, monsieur le ministre, des éclaircissements utiles sur le sens de l'intervention publique après cette restructuration à l'échelle européenne ?
Je l'ai évoqué il y a un instant, les prévisions sur l'évolution du trafic aérien pour la décennie à venir sont prometteuses, ce qui a pour effet d'aiguiser les conditions de la concurrence entre les compagnies européennes et américaines.
La situation de la compagnie nationale Air France s'améliore, malgré les mauvais présages que nous promettaient certains de nos collègues de la majorité sénatoriale (M. le rapporteur pour avis s'exclame), regrettant le maintien de l'entreprise dans la sphère publique.
Cela montre que, lorsque l'Etat ne recule pas devant ses responsabilités d'actionnaire, en recapitalisant, au besoin, en développant les infrastructures aéroportuaires, en favorisant le dialogue social au sein de l'entreprise nationale, et sans pour autant renier ses missions en termes d'aménagement du territoire et d'environnement, le secteur public est à même de progresser, de surmonter la vague libérale, particulièrement virulente dans ce secteur, et d'envisager des partenariats nouveaux.
Ce budget en témoigne, avec les moyens supplémentaires dégagés en faveur de la création d'emplois nouveaux, que ce soit à la direction générale de l'aviation civile, la DGAC, ou au contrôle de la navigation aérienne.
De même, monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à relancer notre politique aéroportuaire, ce qui est indispensable si l'on veut faire face à l'afflux de nouveaux passagers.
Cela impose non seulement de réfléchir à une meilleure cohérence entre les plates-formes de Paris et de province, mais aussi de veiller à la prise en compte, dans les choix qui seront faits, des préoccupations environnementales.
En tout état de cause, il ne peut être question, comme d'aucuns n'hésitent pas à l'envisager, de mettre en cause le caractère public d'Aéroports de Paris, qui constitue le meilleur gage de la sécurité des passagers au moment justement où l'établissement public Aéroports de Paris, particulièrement l'aéroport Paris - Charles-de-Gaulle, concentre sur lui la plus grande part du trafic international.
Sur ce point auquel mes collègues Hélène Luc et Odette Terrade sont particulièrement sensibles, les propositions que vous avez annoncées à l'issue de la table ronde sur le devenir d'Orly montrent qu'il est possible de conjuguer développement et réduction des nuisances sonores, monsieur le ministre.
Encore faut-il ne pas oublier la juste répartition de ces retombées économiques, tant il est vrai que les inégalités sont particulièrement fortes entre les communes riveraines, dont certaines ne tirent que les avantages fiscaux de la présence de l'aéroport d'Orly, alors que d'autres n'en subissent que les inconvénients. Sans attendre la publication du rapport introduit dans la loi de finances, pouvez-vous nous préciser vos intentions en ce domaine ?
Pourriez-vous nous indiquer également quelles dispositions pourraient être prises pour remédier aux retards permanents des vols qui concentrent sur eux la réprobation des usagers ?
Enfin, on observe depuis plusieurs années une succession d'accords bilatéraux entre les Etats membres de l'Union européenne et les Etats-Unis qui tendent à accélérer la déréglementation dans des proportions plus ou moins fortes selon les pays.
Or la perspective annoncée d'un espace commun des transports aériens ne peut que nous inquiéter s'il s'agit de généraliser au niveau européen les accords à « ciel ouvert » conclus jusqu'à présent.
Il est par conséquent plus que jamais indispensable de promouvoir, au sein de l'Union européenne, une véritable politique commune de transport aérien à même de favoriser le rapprochement et la coopération entre compagnies européennes et non leurs affrontements, qui feraient alors le jeu des compagnies nord-américaines.
De quelle manière, monsieur le ministre, comptez-vous mettre à profit la période durant laquelle la France assurera la présidence de l'Union européenne pour inverser cette course effrénée à la libéralisation et pour proposer des mesures tendant à l'harmonisation par le haut des politiques sociales, des conditions de travail et des normes environnementales dans le cadre communautaire ?
Pour l'heure, et compte tenu des aspects prometteurs de ce projet de budget, nous voterons les crédits consacrés à l'aviation civile. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année 1999 a été importante pour le transport aérien et l'aviation civile.
Sur le plan national, l'activité législative a été dense, signe de l'attention que porte le Gouvernement aux questions aériennes et aéronautiques. Plusieurs lois ont été votées.
La loi du 29 mars 1999, relative aux enquêtes techniques sur les accidents dans l'aviation civile, d'apparence très technique, présente néanmoins un intérêt certain pour chacun d'entre nous : en améliorant le fonctionnement de ces investigations, elle améliore la sécurité aérienne ; en prévoyant la publicité des rapports d'enquête, elle conforte la démocratie.
La loi du 12 juillet 1999, qui a créé l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, était très attendue des riverains des grands aéroports. Sa promulgation avait été promise lors de l'annonce de la construction de deux pistes supplémentaires à l'aéroport de Roissy. C'est désormais chose faite. La mise en place de cette autorité constitue une avancée importante dans la lutte contre les nuisances sonores aux abords des aéroports, d'autant que ses pouvoirs sont réels : pouvoirs de contrôle, de recommandations, d'information, de prescription de règles, mais aussi et surtout de sanctions. En commission, monsieur le ministre, vous nous avez indiqué qu'elle serait en place pour le 12 janvier 2000. Nous sommes sûrs qu'elle se mettra rapidement au travail. Je note avec satisfaction que le budget pour 2000 prévoit la mobilisation de 5 millions de francs pour son fonctionnement.
Plus généralement, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer où en est l'application de cette loi et de ses textes réglementaires, notamment ceux qui sont relatifs au code de l'urbanisme ? Je pense, par exemple, à l'obligation faite au bailleur d'indiquer dans le contrat de location que le bien loué est situé dans une zone couverte par un plan d'exposition au bruit. Les règles d'urbanisme se révèlent en effet bien souvent des outils très efficaces pour éviter ou du moins minimiser les nuisances sonores liées au trafic aérien. Il ne faut donc pas retarder leur mise en oeuvre.
Toujours à propos de cette loi, j'aimerais savoir si les commissions consultatives de l'environnement, véritables organes de concertation sur le plan local, sont en place dans chacun des neuf plus grands aéroports, comme l'impose désormais la loi.
Enfin, la loi de finances pour 1999 a profondément modifié le système de taxes et de redevances aériennes. Je n'entrerai pas dans le détail de ce dernier dans la mesure ou MM. les rapporteurs en ont longuement parlé. Je note simplement que les moyens mis par ce budget à la disposition de l'aviation civile devraient permettre à cette dernière d'accompagner la croissance du trafic, de répondre aux impératifs de sécurité, sans pour autant peser sur les compagnies aériennes et les passagers.
Le Gouvernement a fait le choix juste et sage de la modération fiscale, puisqu'il a annoncé pour 2000 une réduction des tarifs des redevances dues par les compagnies aéariennes et qu'il n'a pas modifié les taux de la taxe d'aviation civile.
L'année 1999 a aussi été une année faste pour la filière aéronautique. En Europe, le fait marquant - d'autres l'ont dit avant moi à cette tribune - a été la fusion d'Aérospatiale-Matra et de DASA, que vient de rejoindre le groupe aéronautique espagnol CASA. Avec la naissance de ce groupe franco-allemand devenu aujourd'hui franco-allemand-espagnol, c'est la construction d'un véritable pôle européen de l'aéronautique civile et militaire qui se profile. Je salue là l'action du Gouvernement qui, dès 1997, a voulu et su porter un projet européen pour préserver notre potentiel industriel national dans le secteur de l'aéronautique et de la défense.
La partie n'était pourtant pas gagnée d'avance : voilà quelques mois, une fusion anglo-allemande entre DASA et British Aerospace et un isolement de notre industrie aéronautique étaient tout à fait possibles. Fort heureusement, c'est un tout autre scénario qui s'est joué grâce à votre action, monsieur le ministre, et à celle de l'ensemble du Gouvernement.
Ce fut tout d'abord le rapprochement d'Aérospatiale et de Matra au printemps dernier, puis, le 14 octobre, l'annonce par Lionel Jospin et Gerhard Schroder de la fusion entre Aérospatiale-Matra et DASA pour créer la société EADS, la société européenne d'aéronautique de défense et spatial. Hier, enfin, c'était au tour de José Maria Aznar d'apporter le groupe espagnol CASA à la société ainsi constituée.
La création de cette entité était indispensable si l'on voulait qu'un jour l'industrie européenne soit en mesure de faire jeu égal avec les grands groupes américains. EADS sera désormais le troisième groupe mondial du secteur aéronautique et spatial, et le premier groupe au niveau européen.
La création de cette entité devrait donner un nouveau souffle au consortium Airbus Industrie, dorénavant détenu à 80 % par EADS. Airbus devrait donc bénéficier tout à la fois d'une conjoncture plutôt favorable - au cours des vingt prochaines années, les compagnies aériennes devraient prendre livraison d'environ 17 000 appareils - et des perspectives offertes par la création d'EADS. La réalisation du gros porteur d'Airbus, l'A 3XX paraît désormais tout à fait envisageable. A ce propos, je salue la décision du Gouvernement de mobiliser dans ce projet de loi de finances des avances remboursables pour le développement de cet avion.
M. François Gerbaud. Très bien !
M. Henri Weber. La mise en oeuvre de cet accord va cependant inévitablement entraîner des restructurations, voire des délocalisations ou de nouvelles localisations de sites industriels. Sur ces questions, soyez-en sûr, monsieur le ministre, nous resterons vigilants.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Bravo !
M. Henri Weber. Sur le plan mondial, 1999 a aussi été, pour le transport aérien, une année remarquable, la croissance du trafic aérien ayant dépassé les prévisions les plus optimistes. Les retards importants et un service de moindre qualité ont néanmoins constitué le revers de la médaille, comme l'a rappelé M. le rapporteur pour avis.
Le transport aérien est victime en quelque sorte de son succès. Le phénomène n'est pas franco-français. On le constate partout.
Il est donc urgent, pour y remédier, de prendre des mesures sur le plan international, sous l'égide d'Eurocontrol. Que pensez-vous, monsieur le ministre, des propositions faites par Mme Loyola de Palacio, au nom de la Commission européenne, en vue de doter à terme l'Union européenne d'un ciel non plus fractionné en quinze espaces autonomes, mais unique, et dont la gestion serait harmonisée et intégrée.
Au niveau national, le ministère des transports a engagé avec les autorités militaires des négociations pour libérer des couloirs au profit du transport civil, négociations que je souhaite voir aboutir rapidement. Par ailleurs, la création nette de 180 emplois dans la navigation aérienne pour faire face au développement de l'activité et aux besoins de formation est une excellente chose. J'avoue à ce propos ne pas bien comprendre l'obstination avec laquelle la commission des finances de la Haute Assemblée, suivie en cela par la majorité sénatoriale, refuse, année après année, d'adopter les crédits finançant les charges de personnels, alors que, dans le même temps, elle déplore les dysfonctionnements et les retards.
Au cours de l'année 1999, les alliances dites « stratégiques » se sont poursuivies dans le transport aérien. Ces alliances sont incontournables pour éviter aux compagnies aériennes de disparaître. Elles seules leur permettent d'augmenter leur chiffre d'affaires, d'accroître substantiellement leurs moyens sans avoir trop à investir, notamment en bénéficiant de la flotte d'autres compagnies, et d'avoir accès à des destinations qu'elles ne pourraient autrement desservir. Elles peuvent ainsi offrir à leurs clients une gamme de destinations très larges et des produits extrêmement complets.
Air France a su tirer partie de cette situation. Je constate, comme mon prédécesseur à cette tribune, que le statut public de notre compagnie de transport aérien et l'ouverture maîtrisée de son capital ne l'ont pas empêchée de nouer une grande alliance avec la compagnie américaine Delta Airlines. Cette alliance doit être maintenant consolidée par la recherche de nouveaux partenaires, européens et asiatiques. Ainsi, Air France sera en mesure de proposer des produits vers l'ensemble des destinations les plus courues.
Enfin, avant de conclure, je souhaiterais aborder la question du transport aérien en termes d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement.
Si j'ai évoqué précédemment la pollution sonore provoquée par le transport aérien, je n'ai pas parlé de pollution atmosphérique. Avec l'engorgement de l'espace aérien et les retards qui s'ensuivent, cette question devient préoccupante. M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan note que les attentes supplémentaires dans le ciel ont coûté à Lufthansa, l'année dernière, une consommation supplémentaire de carburant de plus de 26 000 tonnes, soit près de 83 000 tonnes de gaz carbonique supplémentaire rejeté dans l'atmosphère.
Par ailleurs, des études montrent que, sur des distances courtes, l'avion consomme quatre fois plus d'énergie que le train.
Dès lors, je me demande s'il ne serait pas souhaitable que le schéma des services collectifs de transport de voyageurs, prévu par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et actuellement en cours d'élaboration, veille davantage à une meilleure complémentarité entre ces deux modes de transports pour les distances inférieures à 800 kilomètres afin d'éviter ainsi l'exacerbation de la concurrence entre eux. L'atmosphère s'en porterait mieux, et nous aussi. Cela doit être possible : des partenariats se nouent actuellement entre la SNCF et les compagnies aériennes. L'établissement public Aéroports de Paris souhaite aussi mettre en oeuvre des synergies avec le train : depuis le 28 novembre, Thalys relie Roissy à Bruxelles en une heure quinze contre une heure cinquante auparavant.
Mouvements de concentration, restructurations, alliances, hausse du trafic et des bénéfices : tous ces phénomènes qui témoignent de la vitalité du transport aérien et de la filière aéronautique ne doivent pas nous conduire à oublier les effets négatifs qu'ils peuvent induire : engorgement du ciel, retards, désorganisaiton du trafic, risque de multiplication des incidents ou, plus grave, des accidents, course effrénée à la productivité au détriment des salariés et des conditions de travail, détérioration de l'environnement.
Sur toutes ces questions, le Gouvernement a la volonté d'agir. Sur tous les grands dossiers aéronautiques et aériens, il a su faire prévaloir l'intérêt général, il a su définir et développer une stratégie industrielle au service de l'emploi, au service d'un développement durable. Il a aussi su démontrer, aussi bien pour Air France que pour AEDS, que l'actionnariat public était gage d'efficacité dès lors qu'il était porté par une volonté et une stratégie politiques fortes.
Monsieur le ministre, c'est donc sans hésitation que le groupe socialiste votera les crédits du transport aérien. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans mon intervention, je me bornerai à évoquer, d'une part, certains aspects du transport aérien en France et, d'autre part, la situation particulière de Strasbourg, ville européenne.
Dans leurs rapports de grande qualité, les rapporteurs ont évoqué les problèmes liés à l'encombrement de l'espace aérien. Ainsi, notre collègue Jean-François Le Grand relève que l'aéroport d'Orly, par exemple, est saturé, le plafond des créneaux disponibles ayant été atteint dès 1995.
Je ne méconnais pas les efforts qui sont engagés pour maintenir un haut niveau de sécurité aérienne, ce qui est évidemment impératif et prime bien d'autres considérations. Il n'en est pas moins vrai que la situation ainsi créée entraîne des retards de plus en plus fréquents, des suppressions de vols parfois impromptues et, à certains moments, une irritation croissante de la part des usagers.
Les causes qui expliquent les retards vont de la saturation de l'espace aérien aux conditions atmosphériques plus ou moins difficiles, des problèmes liés à la régulation aérienne aux mouvements des personnels au sol ou de ceux des services de contrôle de sécurité, de contraintes liées au partage de l'espace aérien entre les vols civils et les vols militaires au manque de synchronisation constaté relativement fréquemment entre l'arrivée de certains vols et la présence des services d'accueil d'Aéroports de Paris.
Je ne sous-estime pas les diverses raisons qui peuvent expliquer ces situations dues aussi à l'accroissement considérable du trafic aérien, mais il est indispensable qu'en contrepartie les usagers soient systématiquement et mieux informés et qu'ils soient considérés en toutes circonstances comme des clients que, en une période caractérisée par une concurrence accrue, rien ne lie durablement à une même compagnie.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je suis d'accord !
M. Daniel Hoeffel. Je me félicite avec les rapporteurs de l'achèvement du processus de redressement d'Air France et je suis, comme eux, heureux des efforts qui ont été réalisés dans un contexte difficile.
Mais je suis témoin dans ma région d'un « ripage » d'usagers, pour des raisons qualitatives, des aéroports de Paris vers ceux de Francfort et de Zurich.
J'ai pu constater, dans certains pays d'Europe centrale, un transfert de clientèle des compagnies françaises vers des compagnies étrangères et une insuffisante prise en considération par certaines de nos agences à l'étranger des impératifs de la concurrence.
Je tiens à rendre hommage au travail, à la conscience et à la compétence de l'immense majorité des personnels d'Air France et d'Aéroports de Paris ; il serait dommage que des exceptions à la règle - et il y en a - viennent ternir cette impression globale positive à laquelle nous sommes profondément attachés.
Le deuxième volet de mon intervention, monsieur le ministre, concerne la situation spécifique de Strasbourg, siège - faut-il le rappeler ? - du Conseil de l'Europe, du Parlement européen et de la Cour européenne des droits de l'homme.
Aucune implantation d'institution ne pouvant jamais être considérée comme définitive, tout doit être mis en oeuvre pour faciliter l'accès des parlementaires et des délégués venant de toute l'Europe à Strasbourg.
J'ai trop souvent des échos, et de manière directe, des récriminations et critiques - nous devons les prendre au sérieux - dont la France est l'objet au sein des institutions européennes alors que notre pays a voulu que ces institutions s'implantent à Strasbourg et que les présidents et gouvernements successifs se sont battus et se battent pour qu'il en soit ainsi.
Les décisions prises en faveur du TGV Est constituent une bonne réponse, mais l'amélioration des liaisons aériennes ne représente pas moins une autre priorité.
Or, c'est dans ce contexte qu'est intervenue, cet été, la suppression brutale par Air France de la liaison aérienne Berlin-Strasbourg, au moment même où Berlin était consacrée capitale de l'Allemagne et où le Parlement européen s'installait dans son nouveau siège à Strasbourg.
Si l'on ajoute à cela la suppression, cet été également, de la liaison aérienne assurée par Air Liberté entre Paris et Strasbourg, nous réunissons tous les éléments donnant le sentiment à nos partenaires européens que nous ne portons pas à leurs attentes justifiées l'attention qu'elles méritent.
La solution à ces problèmes n'est, certes, pas aisée, malgré les efforts conjoints de l'Etat et des collectivités territoriales. Mais, à l'heure de l'ouverture de l'espace aérien, de l'internationalisation et de la concurrence, elle doit être trouvée et elle peut être trouvée, je le crois, dans un cadre européen et dans une saine émulation. Le problème revêt une urgence évidente. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à saluer le caractère sérieux et la qualité de vos interventions sur ce sujet à la fois important et complexe.
Avec l'accélération des échanges mondiaux, le secteur aérien est un des atouts majeurs d'une puissance industrielle économique et touristique comme la France.
La dimension internationale et concurrentielle est caractéristique du transport aérien. Mais je n'aurais garde d'oublier ses autres dimensions, qui relèvent du développement durable : l'aménagement du territoire, le développement économique, l'emploi et, bien entendu, l'environnement - M. Weber a insisté sur ce point.
Comme vous le savez, ce secteur est en pleine croissance, et cela n'est pas sans poser des problèmes d'adaptation et des problèmes de moyens matériels et humains pour maintenir le très haut niveau de sécurité qui caractérise l'aviation civile française et européenne.
Cela implique une recherche permanente de qualité dans la gestion du trafic, les prestations commerciales et la construction aéronautique, autant de problèmes qui ont été évoqués par MM. les rapporteurs et d'autres orateurs.
Chacun connaît la place particulière, en France et en Europe, de la construction aéronautique civile et son importance pour l'emploi, pour le développement technologique et l'équilibre du territoire. Tout le monde sait les succès d'Airbus - la presse s'en fait régulièrement l'écho.
Les chefs de gouvernement français et allemands ont annoncé, le 14 octobre dernier à Strasbourg, la prochaine fusion entre Aérospatiale-Matra et Dasa, entreprise allemande. La nouvelle structure, appelée EADS, constitue une étape réelle dans le regroupement des capacités aérospatiales civiles et militaires, permettant d'aller vers un grand groupe européen capable de rivaliser avec ses concurrents américains.
Cette opération, qui n'était pas gagnée d'avance, renforce dans une certaine mesure l'axe franco-allemand et souligne que la place d'un actionnaire public a finalement été considérée par nos partenaires allemands non pas comme un obstacle, un handicap, mais comme un atout et un facteur de stabilité pour l'avenir, comme l'a indiqué M. Weber dans son intervention.
J'ajoute que la participation de l'Etat dans EADS s'est accompagnée de garanties, notamment pour les décisions stratégiques et les cessions éventuelles.
M. Lefebvre a relevé que cette opération s'est faite sans que les salariés concernés ni les représentants de la nation en aient été informés. C'est vrai. Mais dès lors qu'il s'agit d'une fusion entre groupes présents sur les marchés financiers, à laquelle se greffent des problèmes d'actionnariat, certains éléments de caractère très confidentiel doivent être préservés jusqu'au terme de l'opération, sauf à être passibles d'une intervention de la justice.
Quand vous me demandez, monsieur Lefebvre, avec beaucoup de pertinence, comment il se fait que vous n'ayez pas été informés plus tôt de cette fusion et pourquoi vous n'avez pas pu en débattre au préalable, je vous réponds, pour l'honnêteté du débat, que le Président de la République, M. Chirac, le Premier ministre, M. Jospin, côté français, M. Blair côté britannique et M. Helmut Kohl - chancellier à l'époque - côté allemand, avaient annoncé en décembre 1997 - tout le monde a pu le lire dans toute la presse - que l'objectif était d'aller vers le regroupement civilo-militaire de la construction aéronautique européenne.
Nous ne pouvons donc pas dire, honnêtement, les uns ou les autres, que ce projet de fusion était un véritable coup de tonnerre, une révélation soudaine ! Autant je comprends le souci que vous avez exprimé, autant je prétends que ce projet s'inscrivait dans une démarche qui avait été annoncée plus d'une année à l'avance, mais qui effectivement n'était pas gagnée, comme vous l'avez dit.
L'intégration de l'industrie aéronautique civile et militaire européenne s'est poursuivie par le regroupement avec CASA, qui rejoint la nouvelle structure EADS.
On peut s'interroger sur la manière dont les choses vont se passer. Vous connaissez le système : sur les 100 % du capital total, 40 % étaient sur les marchés financiers et 60 % étaient partagés par moitié entre la partie allemande et la partie française. Comme la partie française est, pour une part, privatisée avec Aérospatiale, qui est passée en dessous des 50 %, ainsi que vous l'avez dit, il s'avère que, dans le nouvel ensemble, 15 % restent à l'actionnaire public français. Mais ce n'est pas parce qu'il y a eu une réduction du capital public, c'est parce que l'ensemble a été multiplié par deux : nous sommes passés, en quelque sorte, de 30 % chez nous à 15 % sur un ensemble qui vaut deux fois plus.
Que devient CASA dans cette affaire, me direz-vous ? Sa participation est de l'ordre de 6 % ou 7 %, mais ce n'est pas sur la partie allemande ou française ; CASA intervient en récupération sur les marchés financiers, c'est-à-dire que nous aurons non plus 40 % sur les marchés financiers, mais 34 %. Cela ne remettra pas en cause les garanties qui ont été obtenues pour la partie française en ce qui concerne la maîtrise et la gestion de la nouvelle société.
Les crédits dont je disposerai en 2000 en matière d'appui à l'industrie aéronautique permettront d'aider nos entreprises à réaliser leurs actions de recherche et de développement.
Monsieur Collin, je vous ai bien entendu. L'an dernier, vous m'aviez demandé pourquoi nous ne consacrions pas de l'argent à la recherche-développement concernant l'A 3XX. Vous avez cité la réponse que je vous avais faite, à savoir que rien n'était décidé. Mais votre citation était incomplète : j'avais ajouté que nous aurions pris toutes les dispositions nécessaires si cela avait été décidé ! Il est vrai qu'on n'est pas obligé d'expliciter longuement les réponses du ministre l'année précédente !
Cela dit, reconnaissez avec moi que j'avais raison...
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Je l'ai dit !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... et que l'analyse faite par le Gouvernement était fondée. Quand je propose que les avances soient inscrites dans le budget pour 2000, ce n'est pas parce que les choses sont acquises, c'est parce que je pense que cela peut contribuer à les faire avancer. Ce qui est fait au bon moment a plus de chances de réussir que ce qui est entrepris trop tôt ou trop tard. La vie va peut-être nous donner raison dans quelques jours !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Nous le souhaitons !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ainsi sont poursuivis les deux grands programmes de l'hélicoptère EC 165 et les nouvelles versions - 500 et 600 - de l'Airbus A 340, mais aussi le projet A 3XX, pour lequel nous avons prévu, dès 2000, une dotation de 240 millions de francs ; vous l'avez souligné, messieurs les rapporteurs.
Le lancement de l'A 318, avion bimotorisé de 107 places, a été décidé ; nous avons obtenu que la SNECMA et General Electric participent à sa motorisation, ce qui donnera du travail à nos entreprises. Pareil avec l'A 3XX - s'il est lancé. Je suis de ceux qui pensent qu'il faut le lancer...
M. François Gerbaud. Bien sûr !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... et qu'il faut que la décision soit prise de la manière certes la plus sérieuse et la plus rigoureuse, mais aussi la plus rapide.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Avec l'A 318, l'A 3XX, l'avion de 600 places et l'avion cargo de très grande dimension, la gamme Airbus nous permet d'affronter la compétition à armes égales avec notre concurrent américain.
Petite nuance avec ce que disait M. Weber : non seulement cela ne se traduira pas par des réductions d'activité, d'effectifs ou de localisations, mais cela nous apportera un « plus » dans tous les cas... en particulier à Toulouse.
M. Henri Weber. Nous en acceptons l'augure !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce projet de gros porteur me paraît indispensable à la poursuite du développement d'Airbus.
Autre acteur économique d'importance dont vous avez parlé : la compagnie nationale Air France, envers laquelle l'Etat a une responsabilité particulière en tant qu'actionnaire. Je vous remercie, monsieur Le Grand, à ce propos, d'avoir parlé d'Air France comme d'une compagnie nationale. Vous avez utilisé ce terme fort opportunément !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. C'était un lapsus ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur Lefebvre, comme vous l'avez souligné, Air France connaît en 1998-1999 un résultat d'exploitation positif et, sans se réjouir des malheurs des autres, il est tout de même agréable de constater qu'il est de plus en plus en augmentation au contraire de ses concurrents. En effet, je le lisais ce matin, British Airways prévoit encore plusieurs centaines de licenciements.
Nous ne connaissons donc pas la situation que certains prévoyaient - je ne les citerai pas pour ne faire de tort à personne - au moment où nous avons maintenu Air France dans le secteur public tout en réalisant l'ouverture de son capital.
J'en profite pour dire à MM. Le Grand et Gerbaud que le redressement est donc bien là et que le maintien de la compagnie dans le secteur public n'a pas été un handicap, bien au contraire. Cela a été un atout, pour la raison que je donnais tout à l'heure, et c'est un élément qui participe à la stabilité.
Certes, les actions d'Air France n'ont pas, au moment de l'ouverture du capital, augmenté de 80 % ou 100 %, comme ce fut le cas pour British Airways.
M. François Gerbaud. Je n'ai pas dit le contraire !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je le reconnais, monsieur Gerbaud.
Les actions de British Airways ont connu une telle augmentation, mais, ensuite, elles n'ont fait que décroître. Celles d'Air France n'ont progressé que de 20 %. Vous me direz que c'est toujours plus que l'augmentation du livret A... C'est quand même moins que ce que d'autres pouvaient espérer d'une libéralisation complète !
Toujours est-il que la compagnie est solide. De plus, cela prouve qu'elle peut avoir un projet industriel, économique et social, créer des emplois et, du fait de l'actionnariat public, donner une certaine confiance à l'actionnariat privé dans ce domaine.
Il est vrai que cela ne s'est pas fait en un jour. Il faut reconnaître que le gouvernement précédent avait injecté 20 milliards de francs dans le capital d'Air France et que, dans le même temps, on avait assisté au licenciement de 9 000 salariés. Il y a eu aussi la fusion avec Air France Europe et Air Charter à la fin de 1998.
Pour faire face à la montée en puissance des alliances déjà constituées, Air France a décidé de bâtir à son tour une « alliance globale ». Vous avez évoqué la question.
Il est absolument nécessaire aujourd'hui, non seulement en Europe mais dans le monde, de conforter des alliances. Toutes les compagnies le font, et c'est tout à fait justifié.
C'est une alliance qui va au-delà de simples accords de partage de codes, comme cela a pu se faire ou se fait encore dans certains cas. Elle permet d'offrir aux passagers, sous une marque unique, un réseau mondial constitué par l'ensemble des réseaux de chaque partenaire.
Dans cette perspective, Air France, une compagnie que l'on disait incapable de passer une alliance globale de cette dimension si elle restait dans le secteur public, a signé récemment, le 22 juin 1999, un accord avec la ou l'une des plus grandes compagnies du monde, Delta Air Lines. Il s'agit d'un accord exclusif afin de créer avec d'autres partenaires une alliance globale dans le transport aérien.
Vous me direz que ce n'est pas suffisant. Mais il s'agit tout de même d'un sérieux point d'appui pour ne pas en rester là.
Comme vous l'avez indiqué, messieurs les rapporteurs, messieurs les sénateurs, il faut aller au-delà. Dans un premier temps, les deux membres fondateurs ont été rejoints, le 13 septembre 1999, par la compagnie mexicaine Aeromexico. Il convient de poursuivre dans cette voie.
On pourrait citer d'autres cas, avec les Chinois, ou en Angola...
La forte croissance du trafic aérien de 4 % à 5 % en moyenne par an dans les vingt prochaines années est bénéfique, bien entendu, pour les compagnies aériennes, notamment pour la compagnie nationale Air France, mais elle est aussi génératrice de dysfonctionnements et de problèmes de nuisances qu'il nous appartient de surmonter.
Les retards aériens dont vous avez tous parlé, notamment MM. Lefebvre, Hoeffel et Weber, ont des origines multiples. Je tiens à donner quelques explications.
D'abord, il faut saluer la compétence et la qualité des contrôleurs du ciel de notre pays, qui font un travail extraordinaire. C'est M. Gerbaud, je crois, qui a parlé de l'accord passé avec les organisations syndicales des contrôleurs aériens en novembre 1997. Regardez la qualité du travail de ces personnels, leur sens du service public.
Cela ne veut pas dire qu'il ne faut plus discuter pour faire évoluer certains aspects, pour trouver des moyens plus efficaces de fonctionnement.
J'ai entendu, dans quelques interventions, une petite musique qui consiste à se demander si les problèmes rencontrés ne seraient pas dus à tels ou tels salariés du secteur public. Ne nous retournons pas contre ceux qui sont le meilleur atout pour faire avancer les choses et résoudre les problèmes qui se posent aujourd'hui.
Je n'en disconviens pas, il existe des problèmes.
La croissance du trafic aérien, qui a été de 8 % en France, dépassant largement ce qui était prévu, ainsi que les opérations militaires et humanitaires qui ont eu lieu dans les Balkans ont perturbé le trafic dans notre espace aérien. Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez toujours la possibilité, quand des problèmes se posent, de voir avec les services directement concernés comment on a pu en arriver là.
Nous sommes confrontés à un problème réel : l'espace aérien civil s'est rétréci pendant toute cette période en raison de l'activité militaire et humanitaire. Avec la fin de ces interventions, nous en sommes grosso modo revenus à la situation antérieure, qui n'est pas pour autant satisfaisante dans la mesure où les retards restent très importants.
Il convient de poursuivre l'action engagée tout en gardant un haut niveau de sécurité. En effet, c'est un point important. On pourrait, de temps en temps, se demander s'il ne convient pas d'accélérer le rythme de décollages et d'atterrissages des avions. Je réponds non. Il faut conserver des règles strictes de sécurité, même si cela pose d'autres problèmes, comme ceux que vous avez soulignés.
Nous procédons à des recrutements complémentaires de contrôleurs aériens et réalisons des investissements importants.
Les discussions concernant l'utilisation de l'espace aérien entre les autorités militaires et civiles se poursuivent. Nous avons déjà avancé, mais je crois que nous allons encore progresser dans ce domaine pour obtenir une ouverture un peu plus grande de l'espace aérien civil.
Sur le plan européen, la France coopère activement avec ses voisins au sein d'Eurocontrol. Cette coopération est fondamentale pour obtenir les améliorations indispensables à l'échelle européenne.
La nouvelle convention Eurocontrol confère à cette organisation des pouvoirs d'initiative renforcés. Elle vise à régler un problème de coordination et des problèmes techniques. C'est à ce niveau européen qu'il faut travailler.
La dégradation observée en 1999 a engendré, à l'évidence, une insatisfaction des passagers.
A ce sujet, M. Hoeffel a évoqué le problème de l'information. Le retard est déjà un problème. Au moins devons-nous respecter les passagers et les usagers en leur donnant toute l'information. Cela me paraît tout à fait évident.
Un groupe de travail a été constitué, monsieur Hoeffel, au sein du comité des usagers du transport aérien, précisément pour étudier les mesures susceptibles d'améliorer la situation. La critique est facile, mais on a souvent du mal à aller au-delà.
Récemment, des travaux ont été engagés pour analyser les causes des retards de certaines liaisons. Je pense à la liaison Orly-Nice. Des actions de communication seront très prochainement lancées à l'intention des passagers de cette ligne.
Par ailleurs, des informations seront diffusées sur la question des retards par le biais de la lettre aux passagers aériens, diffusée actuellement à 400 000 exemplaires dans les aéroports français.
J'ai proposé, dès l'été dernier, à la signature de tous les acteurs concernés - compagnies aériennes, aéroports... - une charte sur le traitement des passagers en situation de crise.
Cette convention, qui a pour l'instant été signée par une vingtaine de compagnies aériennes, a pour objectif de permettre aux passagers et au public qui se trouvent dans les aéroports de disposer de toutes les informations utiles qu'ils peuvent souhaiter en cas de situation difficile, en particulier en cas de retard.
A ce propos, je ne vois pas, messieurs Le Grand et Collin, ce que pourrait apporter une séparation juridique des services de contrôle aérien, sinon de nouveaux problèmes, de nouvelles rigidités, qui viendraient s'ajouter aux difficultés présentes. Ce n'est pas parce que l'Angleterre l'envisage, à l'instar de ce qu'elle a fait pour les chemins de fer, qu'il faut suivre son exemple.
L'organisation actuelle permet de financer les investissements par emprunt, et donc de les programmer avec la souplesse nécessaire. Dans le domaine de la sécurité, les performances des services français sont au même niveau que celles de leurs voisins.
Je voudrais que vous compreniez que les retards dus aux encombrements de l'espace aérien ont les mêmes causes et appellent les mêmes solutions dans tous les pays européens, quel que soit le statut interne des services de contrôle aérien.
Cela étant, aucune preuve n'a été apportée à ce jour qu'une séparation entre le régulateur et le fournisseur de services de contrôle permette de mieux agir sur les retards et garantisse mieux la sécurité. Dans ce domaine relevant de l'organisation interne des Etats, le principe de subsidiarité doit être maintenu.
M. Hoeffel a posé des problèmes de fond mais aussi des problèmes concrets concernant le droit communautaire.
Je veux lui dire que le droit communautaire a posé le principe général du libre accès des transporteurs aériens aux liaisons intracommunautaires.
L'accès ou le retrait d'un transporteur de la liaison Paris-Strasbourg relèvent, depuis le mois de janvier 1993, de la seule décision que celui-ci prend en regard de son seul intérêt économique et financier. Je puis néanmoins, monsieur le sénateur, vous assurer de l'intérêt particulier que le Gouvernement, qui tient à ce que le Parlement européen demeure à Strasbourg, porte à la desserte aérienne de cette ville.
Je vous indique à ce propos qu'Air France utilise sur cette ligne des appareils d'une plus grande capacité. Au total, l'augmentation du nombre de sièges offerts par Air France sur la liaison entraîne un trafic supérieur à celui qu'Air Liberté assurait antérieurement.
L'extension de l'aéroport de Paris - Charles-de-Gaulle, avec deux nouvelles pistes, s'est accompagnée, vous l'avez dit, de la mise en place de mesures contre les nuisances sonores et de la création, par la loi, de l'ACNUSA, l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, dont M. Le Grand a parlé.
Je confirme que cette autorité sera opérationnelle, monsieur Le Grand, au début du mois de janvier 2000. Le projet de décret est en cours de transmission au Conseil d'Etat. Cette autorité fonctionnera dans les termes et aux dates prévus par la loi.
Monsieur Weber, je tiens à vous assurer que les commissions consultatives de l'environnement des neuf principaux aéroports que vous avez cités sont en place et qu'elles fonctionneront, comme je l'ai souhaité lors de la discussion de la loi portant création de l'ACNUSA.
J'avais entamé un large débat sur l'avenir de l'aéroport d'Orly et de sa zone d'activité afin de redonner à celui-ci une dynamique de croissance. A l'encontre de son déclin, j'ai proposé vingt mesures qui sont en cours de mise en oeuvre.
Ainsi, pour améliorer la synergie entre les deux aéroports, j'ai souhaité la création d'une gare de TGV à Rungis - La Fraternelle, permettant une liaison rapide et directe entre Orly et Roissy. Croyez-moi, cela changera la donne quand il ne faudra plus qu'une demi-heure pour aller d'Orly à Roissy, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, comme vous le savez !
J'ai pris des engagements auprès des riverains et des communes limitrophes de Roissy, car je sais les problèmes qui se posent et les inquiétudes suscitées par le développement du trafic aérien.
J'ai également proposé des mesures concernant les communes de la zone d'Orly, visant à répartir les ressources engendrées par l'aéroport, mesures complexes dont je puis vous dire qu'elles seront bientôt mises en oeuvre. Nous veillerons à ce que le dispositif soit opérationnel en 2000, comme je m'y étais engagé.
Vous avez évoqué, monsieur Weber, la question de la complémentarité entre transports aérien et ferroviaire pour une distance inférieure à 800 kilomètres. Au-delà des chiffres, l'idée me paraît tout à fait pertinente.
J'ai le plaisir de vous annoncer que les autorités américaines et françaises ont paraphé, le 21 octobre dernier, un amendement à l'accord aérien franco-américain. Ce n'est pas un accord de ciel ouvert, mais un accord bilatéral avec avantages réciproques.
Cet additif du 21 octobre dernier permet de proposer aux passagers des services intermodaux train/avion sous un numéro de vol unique entre les Etats-Unis et la France, ce qui va tout à fait dans le sens de ce que souhaitez.
Cette clause, la première du genre, permet de valoriser aux Etats-Unis notre réseau ferré à grande vitesse.
Permettez-moi d'ajouter quelques mots sur le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA. Il a fait couler beaucoup d'encre l'an dernier.
Le FIATA a été mis en place pour répondre aux décisions du Conseil d'Etat. Avec la nouvelle taxe d'aéroport, les gestionnaires d'aéroports disposent désormais de ressources juridiquement sûres pour financer les tâches de sûreté qui leur incombent.
Par ailleurs, à compter de 2000, nous parachevons le dispositif, comme je l'avais dit l'an passé, pour lui donner plus de transparence. Le FIATA reprendra les dépenses directes de l'Etat en matière de sûreté précédemment inscrites dans le budget annexe de l'aviation civile et recevra une part plus grande de la taxe de l'aviation civile : 22 % contre 10 % en 1999, le reste de cette taxe allant au budget annexe.
Le projet de budget du FIATA s'établit ainsi à 361 millions de francs. Il dispose, je vous le rappelle, de financements sur certaines lignes de l'aménagement du territoire.
Je reviens quelques instants sur la question de M. Collin concernant les redevances de la navigation aérienne et l'arrêt du Conseil d'Etat du 20 mai 1998.
Cet arrêt a annulé les arrêtés fixant, pour les années 1991 à 1996, les taux de la redevance pour services terminaux de la navigation aérienne au motif qu'avait été pris en compte, pour déterminer l'assiette de la redevance, le coût des services qui relevaient des missions d'intérêt général et ne pouvait être de ce fait financé au moyen de redevances ; il fallait donc que ce soit par le biais de la fiscalité. Ces missions sont la sécurité, l'incendie et le sauvetage.
Nous avons tiré les conséquences de cette décision pour l'avenir en créant, en 1999, une taxe d'aviation civile et une taxe d'aéroport et, pour le passé, une validation a été proposée et acceptée par le Parlement.
Comme vous l'avez rappelé, par une lettre du 28 mai 1999, le président de la section des études et du rapport du Conseil d'Etat a attiré mon attention sur les conséquences à tirer de la décision du Conseil d'Etat, estimant que la loi de validation ne s'applique pas aux contentieux ouverts entre 1996 et 1997 car elle serait contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, notamment au principe du procès équitable.
Les demandes des redevables pourront être satisfaites dès lors qu'elles respectent les prescriptions relatives au droit de recours.
En outre, je répondrai à M. Le Grand que le nouveau système de financement mis en place au 1er juiller 1999 prévoit désormais un financement par des ressources fiscales issues du transport aérien. Les redevances aéroportuaires validées jusqu'à cette date par la loi du 2 décembre 1998 ont été réduites pour chaque aéroport de la fraction qui servait précédemment au financement des missions considérées. Un équilibre est en train de se réaliser. Le changement de système de financement a été mis en oeuvre de la façon la plus neutre possible, et c'est cela qui est important pour le transport aérien.
Globalement, le niveau des ressources du budget annexe de l'aviation civile est stabilisé, voire réduit pour certaines d'entre elles, afin de ne pas peser excessivement sur le coût du transport aérien et de ne pas pénaliser l'usager. Le niveau de la taxe de l'aviation civile, dont le produit sera, en 2000, de 1,4 milliard de francs est inchangé.
Le taux de la redevance de route sera diminué de près de 9 % et le taux de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne de 1,70 %.
Je voudrais préciser à M. Collin que l'accroissement de près de 30 % des crédits budgétaires de la navigation aérienne entre 1994 et 2000 est à rapprocher de la production des services.
Pendant cette période, les unités de service payantes ont progressé de plus de 42 % avec une augmentation prévisible en 1999 de 7,5 % pour les services de route et de 5,5 % pour les services terminaux.
Par ailleurs, de 1994 à 2000, le taux unitaire de la redevance de route a été ramené, en francs courants, de 439,35 francs à 358,18 francs, ce qui représente une baisse de plus de 18 %.
Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous constatez que l'aviation civile maîtrise ses coûts, qui progressent de 3,1 % globalement en 2000, tout en faisant face à une très vive croissance du trafic - de 7 % en France.
Pour autant, les moyens mis à la disposition de la navigation et du contrôle aérien sont revalorisés pour permettre d'assurer un haut niveau de sécurité.
Ainsi, les dépenses de personnel, qui s'élèvent à 4,36 milliards de francs, progressent de 3,9 %, ce qui permettra de créer 180 emplois pour faire face au développement de l'activité, aux besoins de formation et aux départs en retraite. En outre, je viens d'obtenir 30 recrutements supplémentaires au titre de l'année 1999.
Enfin, nous bouclons ce budget annexe de l'aviation civile par le maintien de la subvention du budget général - 215 millions de francs, en incluant le budget de l'ACNUSA - et un emprunt de 830 millions de francs, égal à celui de 1999. Nous nous plaçons ainsi dans une perspective de plafonnement de l'endettement du budget annexe à 5,7 milliards de francs à compter de 2003. Nous sommes, de ce point de vue, dans une situation maîtrisée.
Je pense que l'organisation actuelle est la bonne. Cette administration a su faire face avec efficacité, compétence et rapidité, et dans la sécurité, à une croissance très forte du trafic aérien. Il ne me semble pas possible, comme vous le proposez, monsieur Le Grand, de séparer, dans ce domaine, les fonctions d'opérateur de celles de régulateur, tant les deux activités sont liées.
Il faut, dans ce secteur où les exigences de sécurité sont très fortes, qu'il y ait un responsable unique de l'activité et une centralisation des compétences.
Pour finir, je dirai que l'augmentation très forte du trafic aérien, depuis plusieurs années, nécessite des efforts considérables de la part des Etats pour maintenir le niveau de sécurité.
La France a pris la mesure du problème. Les dispositions envisagées seront-elles suffisantes ? C'est l'un des points très importants pour l'avenir du transport aérien, sur lequel il convient de faire porter davantage la réflexion et notre capacité d'anticipation.
Monsieur Le Grand, vous m'avez interrogé - vous n'êtes pas le seul à avoir posé cette question - sur les projets du Gouvernement concernant le troisième aéroport parisien.
La croissance attendue du trafic à l'horizon 2020, notamment au niveau intra-européen, à partir des aéroports de province, conduit à examiner à titre de précaution les conditions dans lesquelles, le moment venu, il conviendra de développer les capacités d'accueil des aéroports. Mais cela ne concerne pas que Paris. Vous avez posé la même question, monsieur Gerbaud, à propos de Châteauroux.
Les schémas de services de transports doivent être l'occasion d'afficher les projets prioritaires pour lesquels des actions sont à entreprendre pour assurer les niveaux de services attendus. Je pense, notamment, à l'éventualité d'un troisième aéroport pour le grand bassin parisien, à la perspective de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes pour le Grand-Ouest, à la recherche d'un site pour un nouvel aéroport toulousain, à la démarche de précaution pour l'aéroport de Lyon-Satolas qui s'est traduite par l'approbation de l'avant-projet de plan de masse, etc.
M. Lefebvre souhaite, à juste titre, qu'une meilleure cohérence soit assurée entre les aéroports parisiens et ceux de province. Les schémas de services seront l'occasion de travailler à cette cohérence. Par ailleurs, je lui confirme que, comme pour Air France, le caractère public d'Aéroports de Paris ne sera pas remis en cause. Le nouveau président a reçu mission du Gouvernement de mener une réflexion stratégique dans le cadre des priorités que nous devons fixer. Ces priorités portent, notamment, sur l'amélioration de la qualité de service, le respect de l'environnement, le développement du dialogue et le renforcement maîtrisé des activités à l'international.
J'aborderai enfin, bien que personne ne l'ait évoqué, le budget pour 2000 de Météo-France.
Hors dotation aux investissements, ce budget s'élève à 1,647 milliard de francs, ce qui représente une hausse de 0,80 % par rapport à 1999.
C'est donc un budget en légère progression, qui va notamment permettre un maintien des effectifs. S'y ajoutent les mesures prises pour préparer l'avenir : je pense au financement de la contribution française au programme EUMETSAT, l'organisation européenne pour l'exploitation de satellites météorologiques, pour les satellites météorologiques européens - 220 millions de francs - et à un effort d'équipement, en particulier l'achat d'un avion de recherche atmosphérique.
Globalement, le budget de la météorologie progressera de 6,02 %, et je m'en félicite, compte tenu du rôle croissant de Météo-France.
J'en arrive à ma conclusion.
Monsieur Lefebvre, vous doutiez d'une péréquation équitable des retombées du développement des plates-formes aéroportuaires. Des engagements ont été pris, je l'ai dit, et ils seront respectés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, un problème, qui pourtant a fait parler cet été, n'a pas été évoqué par vous, faute de temps : je veux parler de l'accueil des handicapés.
Je m'étais engagé à ce qu'un code de bonne conduite soit élaboré. J'ai missionné à cet effet un ingénieur général de l'aviation civile, qui vient de me rendre son rapport. Une négociation ultime est en cours avec les associations de handicapés et les compagnies aériennes. Je serai en mesure, dès le début de l'année prochaine, de rendre publiques les modalités concrètes de ce code de bonne conduite.
Encore une fois, je me félicite, mesdames, messieurs les sénateurs, de la qualité de vos itnerventions sur ce budget très important pour la France. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur celles du groupe socialiste.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant le transport aérien et la météorologie, inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement », seront mis aux voix aujourd'hui même, à la suite de l'examen des crédits affectés à la mer.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 1 201 471 218 francs. »