Séance du 3 décembre 1999







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les transports terrestres, les routes et la sécurité routière.
La parole est à M. Cazalet, rapporteur spécial.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les transports terrestres. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les moyens de paiement demandés pour les transports terrestres atteignent 45,3 milliards de francs en 2000 et sont stables par rapport aux crédits votés en 1999. Ils représentent toutefois une part croissante des crédits des transports, en raison de la forte diminution des crédits pour les routes.
Les dépenses ordinaires, qui représentent 97,5 % des crédits des transports terrestres, sont pratiquement stables.
Les dépenses en capital, très minoritaires dans le budget, augmentent du fait de la rebudgétisation du fonds pour l'aménagement de l'Ile-de-France.
Le budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, est donc un budget de continuité.
Certes, les crédits budgétaires ne retracent pas l'ensemble de l'effort de l'Etat en faveur des transports terrestres. Il faut leur ajouter 2,8 milliards de francs du fonds d'investissement du transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, qui est un compte spécial du Trésor, et surtout la dotation en capital de 12 milliards de francs à Réseau ferré de France, RFF, prélevée sur les recettes de privatisation.
Mais, au total, l'effort de l'Etat en faveur des transports terrestres s'élèvera à 60,1 milliards de francs pour 2000, soit une légère diminution par rapport à 1999.
Vous nous annoncez que les contrats de plan Etat-région pour la période 2000-2006, en cours de négociation, donneront la priorité au réseau ferroviaire. Nous voulons bien le croire mais, pour l'instant, le budget pour 2000 n'est pas à la hauteur de ces annonces.
Par ailleurs, des inquiétudes se sont manifestées sur la pérennité du FITTVN.
Dans son rapport sur l'exécution du budget de 1998, la Cour des comptes est très critique sur le fonctionnement de ce compte spécial du Trésor. Elle observe, par exemple, que le compte finance des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'action du fonds, tel que défini par le législateur, à savoir « la réalisation d'infrastructures fluviales, ferroviaires, de transport combiné et de routes ».
Je ne parlerai pas des virulentes critiques du rapport de la mission d'évaluation et de contrôle menée par l'Assemblée nationale, qui va jusqu'à proposer de supprimer ce fonds.
Monsieur le ministre, vous savez que ce fonds, créé par l'article 37 de la loi d'aménagement du territoire de 1995, répond à un besoin essentiel, à savoir le développement de nouvelles infrastructures. Toutefois, ce fonds a été détourné de son objet et vise désormais à compenser les défaillances du budget des transports terrestres.
Je voudrais donc, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez précisément quelles sont vos intentions concernant la pérennité et l'emploi de ce fonds.
J'en viens à la SNCF, dont l'avenir, deux ans après l'importante réforme qui lui avait permis de se redresser, suscite des inquiétudes. Ces dernières sont de deux ordres : d'une part, il s'agit de la capacité de la SNCF à parvenir à retrouver un équilibre d'exploitation, et donc à maîtriser son endettement ; d'autre part, il s'agit des menaces sur la compétitivité de l'entreprise.
L'année 1998 a été apparemment marquée par une amélioration de la situation courante de l'entreprise. Le résultat net de l'exercice s'est en effet amélioré. Pour 1999, la SNCF prévoit un résultat net positif.
Le bon résultat d'exploitation de la SNCF, en 1998, s'explique par des efforts en faveur de la clientèle et les effets de la Coupe du monde de football. Cependant, cette amélioration s'explique entièrement par la progression du trafic TGV et des lignes internationales, alors que la fréquentation des trains rapides nationaux diminue, ce qui traduit un important déséquilibre dans les performances de la SNCF.
De plus, les charges pesant sur la SNCF se sont accrues en 1999. Les barèmes des redevances d'infrastructures versées par la SNCF à RFF ont été relevés. Le nouveau barème conduit à un montant prévisionnel de redevances de près de 10 milliards de francs, contre 6 milliards de francs auparavant.
Le ministère fait savoir que « l'Etat s'est engagé à garantir à la SNCF des concours supplémentaires pour l'aider à faire face à ces augmentations sans compromettre son équilibre ». Or le Gouvernement fait peser de nouvelles charges sur la SNCF, alors même que son redressement n'est pas assuré.
Pour l'avenir, le développement de la SNCF semble en effet bridé par plusieurs éléments.
Tout d'abord, les difficultés persistantes de l'entreprise dans sa gestion du dialogue social pourraient continuer à grever le résultat de la SNCF. En effet, la SNCF a enregistré 180 000 jours de travail perdus en 1998, ce qui représente 40 % des jours de grève au niveau national. On peut rappeler, à ce sujet, que, le 11 février dernier, le Sénat a adopté une proposition de loi tendant à assurer un service minimum en cas de grève dans les services et les entreprises publics.
Ensuite, un accord national a été signé le 7 juin 1999 sur l'application des 35 heures. Son coût pourrait être de l'ordre de 1,5 milliard de francs pour l'entreprise. La conséquence directe des 35 heures sera un retour à la hausse du nombre d'agents de la SNCF, après plusieurs années d'effort de compression des effectifs.
Vous vous êtes félicité, monsieur le ministre, de constater que la SNCF sera la seule entreprise ferroviaire européenne à voir ses effectifs progresser dans les années à venir. Il y aura ainsi 6 000 créations d'emplois. Il n'est pas certain que cette « performance » facilite le développement de la SNCF, dans un contexte d'ouverture européenne.
En effet, en matière de fret ferroviaire et de transport combiné, deux éléments clefs pour l'avenir de la SNCF en Europe, les résultats de l'entreprise et les moyens budgétaires ne sont pas à la hauteur des déclarations du Gouvernement.
Des mesures ont été prises en 1998 et en 1999 pour ouvrir le réseau ferroviaire français à l'Europe. Un décret permet désormais aux entreprises ferroviaires d'accéder au réseau ferré national. Un corridor de fret Est-Ouest a également été ouvert en 1999.
Dans ce contexte d'ouverture, la SNCF risque de ne pas être prête pour faire face au défi européen dans les années à venir.
Le transport de fret a en effet légèrement reculé en 1998, année de croissance soutenue, en raison d'une tension sur les moyens de production qui entraîne une dégradation de la qualité du service. L'activité fret recule encore de 4,7 % au premier semestre 1999. Alors que l'activité économique et les échanges sont à un point exceptionnellement haut, il n'est pas normal que la SNCF enregistre d'aussi mauvaises performances.
Aujourd'hui, l'objectif de doublement du trafic fret d'ici à 2010 est inaccessible. Seule la réalisation d'infrastructures importantes, comme l'a souligné la commission d'enquête du Sénat, permettrait de répondre à cet objectif.
Or les moyens d'investissement en faveur du transport combiné sont dérisoires : les dotations du FITTVN au transport combiné représentent seulement 120 millions de francs pour des chantiers de transport combiné.
J'en viens maintenant à l'expérience de régionalisation des transports de voyageurs.
Cette expérimentation confirme son succès. Le trafic régional progresse deux fois plus vite dans les sept régions volontaires que dans les autres régions.
Sur l'initiative du Sénat, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 a prolongé l'expérimentation jusqu'au 31 décembre 2001.
Devant notre commission, monsieur le ministre, vous avez annoncé que le transfert de compétence aux régions en matière de transport de voyageurs « devrait être intégré » dans le projet de loi « Urbanisme, habitat et déplacement ». Je souhaiterais que vous nous apportiez des précisions sur ce point, par exemple sur les délais que vous estimez nécessaires pour la généralisation du transfert de compétence, les moyens transférés et la réversibilité du dispositif.
Enfin, j'aborderai deux derniers sujets : les transports en Ile-de-France et le transport fluvial.
Pour 2000, la contribution de l'Etat au fonctionnement des transports en Ile-de-France régressera de 3,9 %. L'Etat profite ainsi de l'augmentation des contributions des usagers et de la part employeurs ainsi que de la hausse du trafic, qui permet l'amélioration des recettes commerciales.
En matière d'investissement, les dotations de l'Etat serviront, au moins en partie, à la poursuite des opérations du XIe Plan avant d'être consacrées aux opérations du XIIe Plan, qui restent à préciser.
Pour la première fois, en 2000, la contribution de l'Etat sera versée directement au syndicat des transports parisiens, qui conclura des contrats avec les entreprises comprenant des engagements sur le niveau du service rendu. Je salue cette opération de contractualisation, mais il conviendra d'être vigilant sur sa mise en oeuvre.
Pour conclure, je rappellerai que la dotation destinée aux voies fluviales pour 2000, soit 500 millions de francs, bien qu'en progression, est à peine suffisante pour maintenir le réseau en l'état.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oh !
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. En matière de grands projets, la priorité a été clairement donnée au projet Seine-Nord. Vous avez confié début 1999 au conseil général des ponts et chaussées une mission d'évaluation du projet et de proposition d'un scénario d'aménagement. Il importe que ces études aillent vite et qu'enfin un plan de financement puisse être établi. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Berchet, rapporteur pour avis.
M. Georges Berchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les transports terrestres. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget des transports terrestres pour 2000 s'inscrit dans un contexte résolument européen, et je n'évoquerai que les problèmes d'actualité.
En ce qui concerne la SNCF, vous trouverez tous les éléments chiffrés dans mon rapport écrit.
L'expérimentation des services régionaux de voyageurs dans sept régions volontaires devrait, sauf décision contraire, s'achever en 1999. Le Limousin n'en aura pas longtemps bénéficié...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est reporté !
M. Georges Berchet, rapporteur pour avis. Il semblerait, monsieur le ministre, que vous envisagiez de généraliser et de pérenniser cette régionalisation. Mais ne pensez-vous pas qu'il conviendrait de dresser préalablement un bilan en tenant compte des densités démographiques, fort variables, et de la répartition géographique des agglomérations desservies ?
En effet, les régions volontaires présentent, à n'en pas douter, des caractéristiques favorables à ce type d'expérimentation, et les résultats devraient être largement pondérés.
Les trafics voyageurs et marchandises évoluent positivement. L'activité fret s'est stabilisée à plus 0,1 % en raison des mouvements sociaux survenus en fin d'année 1998. Le trafic combiné représente aujourd'hui plus de 25 % du trafic fret de la SNCF.
Monsieur le ministre, vous auriez retenu l'objectif de doubler en dix ans le trafic fret ferroviaire. C'est une très belle perspective, dont nous souhaitons la réussite.
La SNCF s'apprêterait à se lancer dans un véritable programme de reconquête du fret. Des décisions devraient être incessamment rendues publiques. Qu'en sera-t-il ?
Le Conseil européen du 6 octobre dernier a décidé la mise en place d'un « réseau européen de fret ferroviaire » qui devrait employer toutes les lignes de fret appropriées ainsi que l'accès aux principaux terminaux et ports. Déjà, plus de la moitié du trafic fret en France est international.
Le tragique accident du tunnel du Mont-Blanc du 24 mars 1999 et l'incendie, le 9 octobre dernier, d'un poids lourd transportant des matières radioactives - américium - sur l'autoroute A 31, près de Langres, en Haute-Marne, ont jeté le trouble dans l'opinion en démontrant une lacune manifeste dans la législation sur les transports à risque.
Or, 600 000 détecteurs de fumée contenant de l'américium sont vendus chaque année en France. Il est permis de se demander si les conditions de transport des matières radioactives et des produits chimiques sont toujours bien connues, définies, autorisées et coordonnées. On peut parfois en douter !
Le développement du fret ferroviaire et la mise en place de corridors concourent à une plus grande sécurité sur les routes et sous les tunnels.
Il convient de souligner la décision que vous avez prise, monsieur le ministre, en ce qui concerne la mise en sécurité du transport sous les tunnels routiers et ferroviaires. N'est-il pas à craindre que le crédit réservé à cet effet - 2 milliards de francs, je crois - soit insuffisant pour la mise en oeuvre rapide de cette mesure ? RFF pourra-t-il intégrer ce crédit dans son programme d'investissement, sans procéder à des restrictions dans d'autres domaines ?
La Commission des Communautés européennes a introduit dans son livre blanc, en juillet 1996, la notion de « corridor de fret ». Il s'agit d'un ensemble de sillons construits d'un commun accord et permettant une circulation transfrontalière continue et performante des trains de fret sur un axe international.
Il existe actuellement un seul corridor de fret passant par la France. Il a été dénommé « Belifret » et passe par un axe nord-sud reliant Anvers à Milan. Il dessert notamment Luxembourg et Lyon. Cet axe connaît une montée en puissance de son trafic.
Un second corridor est-ouest est en cours de négociation.
En ce qui concerne le réseau à grande vitesse, mon rapport écrit en détaille les perspectives de développement.
Votre rapporteur se permet de relever avec satisfaction que vous avez bien voulu, monsieur le ministre, affirmer la vocation internationale de la ligne Paris-Bâle en retenant le principe de son électrification rapide ou prochaine, ainsi que nous vous l'avions suggéré.
Les études de financement sont en cours, et une participation de l'Etat de 25 % du montant des travaux est attendue.
La liaison Dijon-Calais, par laquelle transite le fret transManche-Méditerranée, devrait également être électrifiée. Elle constitue la colonne vertébrable de la Haute-Marne et un vecteur économique qui irrigue les sites industriels de la vallée de la Marne ainsi que la plate-forme multimodale de Chalindrey, inscrite au contrat de plan.
Ne conviendrait-il pas, monsieur le ministre, d'évoquer, en matière d'électrification, la suppression du monopole d'EDF et l'inscription dans la loi de la SNCF et de RFF en tant que « clients éligibles » ? Cela ne conduira-t-il pas ces deux établissements à lancer un appel d'offres international pour la fourniture d'énergie à un coût le plus avantageux possible ?
Ne serait-il pas hautement souhaitable que RFF procède très rapidement - plus rapidement qu'à l'heure actuelle - à la réalisation des actifs immobiliers déclassés, afin de ne pas laisser sa dette s'accroître ?
Monsieur le ministre, soucieux d'harmoniser les actions de la SNCF et de RFF, vous avez eu la sagesse de les faire « chapeauter » par le conseil supérieur du service public ferroviaire, présidé par M. Jean-Jacques Filleul. L'unicité des transports ferroviaires est ainsi préservée. Ils peuvent maintenant s'ouvrir vers l'Europe et s'intégrer au réseau international sans problème d'interopérabilité.
J'en viens à la RATP.
L'évolution du trafic est globalement positive. De nouvelles lignes ont été mises en service, notamment Météor, et la modernisation des équipements - wagons, tractions et autos - se poursuit. Tous les détails figurent dans mon rapport écrit.
Quant aux conflits collectifs, signalons une fois encore que, grâce à la compréhension de M. le président de la RATP et des syndicats, dès l'apparition des tensions - et avant que la grève soit déclenchée - s'ouvre une période de discussions préalables permettant de résoudre les problèmes.
Cette procédure « d'alarme sociale » paraît avoir démontré son efficacité : le nombre de jours de travail perdus pour fait de grève est en diminution.
Enfin, en ce qui concerne les aides de l'Etat aux transports collectifs en zone rurale et en zone urbaine, il convient de se référer à mon rapport écrit.
La commission des affaires économiques et du Plan a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits des transports terrestres dans le projet de loi de finances pour 2000. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les routes et la sécurité routière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget des routes pour 2000 se caractérise par une diminution de 9,5 % des crédits de paiement, ce qui les porte à 6,4 milliards de francs, mais aussi par une progression de 7,1 % des moyens d'engagement, qui atteignent 7,1 milliards de francs.
Ces crédits sont complétés par ceux du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, dont les dotations destinées aux routes diminueront de 3,9 % pour 2000, pour s'établir à 1,5 milliard de francs.
Au total, même après la prise en compte des dotations du FITTVN, les crédits destinés aux routes sont en repli pour 2000. Ce repli s'explique en partie par la transition entre l'achèvement du XIe Plan et le commencement du XIIe Plan. Les moyens d'engagement, qui traduisent le lancement de programmes nouveaux pour les années à venir, sont en effet en nette augmentation.
J'en viens maintenant à mes principales observations sur le budget des routes.
Première observation : l'an 2000 sera une année de transition avec la première mise en oeuvre des nouveaux contrats de plan Etat-région pour la période 2000-2006.
Le XIe Plan, élaboré pour la période 1994-1998 et prolongé jusqu'à la fin 1999, prévoyait une enveloppe globale de 65,4 milliards de francs pour les routes, dont 27,4 milliards de francs à la charge de l'Etat, hors investissements concernant l'exploitation routière.
Au 31 décembre 1999, ce programme aura été réalisé à 82,7 %, c'est-à-dire que la part « Etat » aura représenté environ 23 milliards de francs contre 27,4 milliards de francs prévus initialement.
Lors du comité interministériel d'aménagement du territoire du 23 juillet 1999 à Arles, le Premier ministre a annoncé une enveloppe de 95 milliards de francs pour les contrats de plan Etat-région 2000-2006, dont 20,6 milliards de francs consacrés par l'Etat au réseau routier, y compris les investissements concernant l'exploitation routière. Cette dotation est notablement plus faible que celle qui était prévue dans le XIe Plan. Une seconde enveloppe vient toutefois d'être décidée : la dotation de l'Etat s'élèvera en définitive à 120 milliards de francs, dont moins du quart pour la part routière, soit moins de 30 milliards de francs, ce qui est à comparer aux 27,4 milliards de francs prévus dans les contrats de plan précédents.
Pour la première année du XIIe Plan, c'est-à-dire 2000, les volets routiers des contrats de plan Etat-région seront dotés de 3,65 milliards de francs en autorisations de programme, ce qui représente une progression de 543 millions de francs, soit 17,56 %, par rapport à 1999.
Deuxième observation : le programme d'investissements routiers sera réduit en 2000.
Les opérations d'investissement seront réduites en 2000, aussi bien sur le réseau national non concédé que sur le réseau autoroutier concédé. En 1998, 390 kilomètres de voies nouvelles avaient été ouvertes sur le réseau national non concédé ; 383 kilomètres le seront en 1998, et 328 kilomètres en 2000. Sur le réseau autoroutier non concédé, 159 kilomètres avaient été ouverts en 1998 ; 101 kilomètres le seront en 1999, et 25 kilomètres en 2000. Enfin, sur le réseau autoroutier concédé, 293 kilomètres ont été mis en service en 1998 et 143 kilomètres en 1999 ; 153 kilomètres le seront en 2000.
Cette réduction brutale des nouvelles mises en service s'explique par une réduction des moyens, mais également par le fait, comme cela a été vu, que l'année 2000 est une année charnière entre la fin du XIe plan et le début du XIIe plan.
Il s'agit également d'une période de transition due au changement de mode de financement du système autoroutier concédé et à l'attente des résultats de la négociation menée par le Gouvernement français avec la Commission européenne de Bruxelles pour obtenir un allongement indispensable de la durée des concessions.
Troisième observation : les dotations pour l'entretien du réseau routier national doivent être revalorisées.
Le problème de l'entretien du réseau routier national est devenu crucial. La faiblesse des crédits budgétaires affectés à l'entretien des routes engendre des surcoûts supplémentaires, liés aux nécessaires opérations de rénovation. Le ministère de l'équipement, des transports et du logement note que « compte tenu du niveau des dotations d'entretien qui permettent de satisfaire un entretien préventif sur les deux tiers du réseau, des besoins de plus en plus importants apparaissent au titre des programmes de réhabilitation-renforcement. »
Des études ont été menées sur le réseau national et les ouvrages d'art, qui ont permis de conclure que 11 % des voies nécessitaient des interventions lourdes, les travaux les plus importants devant porter sur le réseau autoroutier non concédé. De plus, il apparaît que la structure de 18 % des ouvrages d'art est atteinte, dont 5 % gravement, ce qui implique que des travaux soient réalisés d'urgence. Au total, un programme complet de réhabilitation coûterait 15 milliards de francs.
Après une revalorisation l'an dernier, les moyens d'entretien pour 2000 sont stables et s'élèvent à 2,6 milliards de francs. Il en est de même pour les moyens consacrés à la réhabilitation et au renforcement, qui atteignent 433 millions de francs.
En revanche, les dotations affectées à la rénovation des ouvrages d'art progressent de manière sensible en autorisations de programme ; il faut s'en féliciter. Notons en particulier les travaux de rénovation du pont d'Aquitaine sur la Garonne, à Bordeaux.
Le renforcement des crédits d'entretien alloués au secteur routier est un objectif prioritaire, la faiblesse des dotations conduisant immanquablement à une dégradation du patrimoine, ce qui engendre à terme des dépenses bien plus élevées pour l'Etat.
A cet égard, il est légitime de s'interroger sur l'arrêt du développement du système autoroutier concédé. Toutes les études montrent en effet que seul le réseau autoroutier concédé bénéficie d'un entretien adéquat, alors que le réseau autoroutier non concédé souffre immanquablement de la faiblesse des moyens de l'Etat. La notion d'itinéraire doit être prise en compte, monsieur le ministre, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler à plusieurs reprises.
Quatrième observation : la situation des sociétés d'économie mixte concessionnaire d'autoroutes reste préoccupante.
L'endettement des SEMCA atteint 154 milliards de francs au 31 décembre 1998. Il progressera jusqu'en 2004, en raison du lancement des sections prévues dans les conventions de concession actuelles, pour se résorber ensuite.
Selon le ministère de l'équipement, des transports et du logement, les études financières à long terme montrent que les sociétés d'autoroutes pourront rembourser leur dette avant la fin de la concession - ce qui représente 170 milliards de francs sur quinze ans - à l'exception de deux sociétés : la société française du tunnel routier de Fréjus, la SFTRF, et la société des autoroutes Paris-Normandie, la SAPN.
Des solutions devront donc être trouvées : reprise de la dette non apurée par la société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France pour la SAPN, et recapitalisation et allongement de la concession avec ou sans adossement à une autre société pour la SFTRF.
Il faut une fois de plus souligner l'excellence du système de l'adossement et la forte contribution des sociétés concessionnaires d'autoroutes aux recettes budgétaires de l'Etat. Entre 1994 et 1998, les tranferts financiers fiscaux et non fiscaux - remboursement anticipé des avances de l'Etat, fonds de concours - du secteur autoroutier vers l'Etat ont représenté plus de 34 milliards de francs.
Il est à craindre que, dans l'avenir, l'abandon du système de l'adossement ne conduise l'Etat à débourser des sommes importantes pour subventionner les nouvelles opérations autoroutières, ce qui ne pourra que freiner le programme autoroutier français.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé le dépôt, avant la fin de l'année, d'un projet de loi réformant les sociétés concessionnaires d'autoroutes. L'examen de ce projet de loi nous fournira l'occasion d'aborder toutes ces questions.
Je traiterai maintenant du budget de la sécurité routière.
Tout d'abord, et ce sera ma première observation, il faut un budget prioritaire pour l'an 2000. Les crédits consacrés à la sécurité routière progresseront de 17 % pour 2000, pour atteindre 534 millions de francs.
L'augmentation des dotations a pour objet de traduire les priorités du comité interministériel pour la sécurité routière du 2 avril 1999, qui a décidé que la sécurité routière serait une grande cause nationale en 2000.
Le budget affiche donc deux priorités : la communication et l'action locale, d'une part, la formation des conducteurs, d'autre part.
Les moyens affectés à la communication - presse, relations publiques, campagnes publicitaires - sont renforcés afin de lancer des campagnes nationales importantes. Par ailleurs, les moyens consacrés à la politique locale de sécurité routière et aux actions déconcentrées auront pour objet de mobiliser les collectivités locales et un nombre plus important d'associations. Enfin, les moyens engagés en faveur de la formation des conducteurs seront accrus.
S'agissant de l'exploitation des routes, l'année 2000 sera marquée par la mise aux normes des carrefours à feux et la mise en oeuvre du schéma directeur d'exploitation des routes. Les crédits consacrés à ce poste s'élèveront à 318 millions de francs, soit une hausse de 4 %.
Je me félicite de l'accent mis, en 2000, sur la sécurité routière. C'est d'autant plus nécessaire que les résultats de la France en matière de sécurité routière sont déplorables. Il serait toutefois souhaitable que les moyens nouveaux, essentiellement des moyens de communication, fassent l'objet d'une étude d'impact précise.
Les seuls moyens d'information et de communication ne suffisant pas, l'année 2000 devrait être également l'occasion d'accentuer les sanctions en matière d'infraction à la sécurité routière.
Ma deuxième observation porte sur le renforcement de l'arsenal répressif.
Les résultats de la France en matière de sécurité routière ont été catastrophiques en 1998. La France se situe à la troisième place dans l'Union européenne pour le nombre d'accidents corporels, derrière l'Allemagne et la Grande-Bretagne, mais au premier rang pour le nombre de tués. La France a été, en 1998, le pays qui a connu la plus forte hausse du nombre de tués, 6 %, alors même que la plupart des autres pays européens enregistraient des diminutions, de 14 % pour l'Autriche, de 9 % pour l'Allemagne, de 8 % pour la Finlande, de 7 % pour le Danemark.
L'année 1999 a été celle de la prise de conscience des efforts à réaliser.
La loi du 18 juin 1999 portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions pour agressions sur les agents du réseau de transport public de voyageurs a introduit une nouvelle série de dispositions destinées à améliorer les comportements sur les routes.
Elle a notamment créé une sanction pour récidive de grand excès de vitesse : trois mois d'emprisonnement et 25 000 francs d'amende.
Le comité interministériel de la sécurité routière, qui s'est tenu sous la présidence de M. le Premier ministre, a également préconisé le renforcement des contrôles routiers et des sanctions.
Les effectifs des unités spécialisées de gendarmerie nationale affectés à la sécurité routière seront accrus de 250 militaires afin de répondre à l'objectif d'accroître de 10 % le temps réservé aux contrôles routiers. Les unités polyvalentes de la police nationale seront aussi mobilisées. Au total, 160 millions de francs seront consacrés à un plan d'équipement des forces de l'ordre en moyens modernes de contrôle. Enfin, des plans départementaux de contrôle seront élaborés sous l'autorité des préfets.
Il faut noter qu'au-delà du renforcement de l'appareil répressif le comité interministériel sur la sécurité routière a souhaité que des efforts soient réalisés sur la formation. Des protocoles avec les assureurs devraient permettre d'organiser des rendez-vous d'évaluation pour les conducteurs novices. De plus, des plans de prévention des risques routiers seront mis en oeuvre dans les entreprises et les services de l'Etat.
Ma troisième observation porte sur l'accent mis sur la sécurité des infrastructures après l'accident du tunnel du Mont-Blanc.
Après l'accident du 24 mars 1999, une circulaire interministérielle a demandé aux préfets de procéder à un diagnostic de sécurité des tunnels routiers du réseau routier national d'une longueur supérieure à un kilomètre.
Sur la base de ces diagnostics, un comité d'évaluation a remis un rapport le 20 juillet 1999. Les préfets de département ont dû établir, pour le 15 septembre 1999, un inventaire général des actions à engager pour chaque tunnel ainsi qu'une estimation et un échéancier des réalisations.
S'agissant de la remise en service du tunnel du Mont-Blanc, le coût des travaux préalables à la réouverture du tunnel s'élève à 1,3 milliard de francs. Le financement de ces travaux et la répartition de leur prise en charge fera l'objet d'un protocole entre les deux sociétés concessionnaires d'autoroutes française et italienne.
Il faut noter que 75 millions de francs sont prévus au fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, pour la mise en sécurité des tunnels routiers de plus d'un kilomètre. J'avais souhaité, devant la commission des finances, que cet effort soit complété par une dotation pour les autres tunnels routiers.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez annoncé, mercredi dernier, en conseil des ministres, des mesures en faveur des tunnels routiers de plus de 300 mètres et des tunnels ferroviaires. Les évaluations de vos services montrent qu'il faudra 2 milliards de francs pour mettre la mise en sécurité de tous les tunnels. J'aimerais que vous nous indiquiez selon quel échéancier vous comptez débloquer les sommes nécessaires à la réalisation de ces travaux.
Par ailleurs, le comité interministériel pour la sécurité routière a annoncé la mise en oeuvre d'actions visant à l'amélioration des infrastructures, sans que l'on connaisse les projets de financement. Le critère de la sécurité routière sera prioritairement pris en compte dans la sélection des projets entrant dans le cadre des contrats de plan Etat région et des programmes d'action cofinancés.
A propos de la sécurité routière, j'insiste sur le fait que les efforts en faveur de l'entretien des structures routières sont essentiels pour garantir la sécurité des usagers. Il importe donc qu'au-delà des actions sur les comportements des actions déterminées soient menées quant à la sécurité des structures.
Mes chers collègues, la commission des finances vous demande de rejeter les crédits de l'équipement, des transports et du logement.
Je précise toutefois qu'à titre personnel - mais cela ne surprendra personne - je voterai ces crédits. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Gruillot, rapporteur pour avis.
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commisison des affaires économiques et du Plan, pour les routes et les voies navigables. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen de ce projet de budget pour 2000, il me revient de donner un avis, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur trois sujets : la sécurité routière, les routes et les voies navigables.
Monsieur le ministre, dès votre entrée en fonctions, vous vous êtes fait le champion de la sécurité routière. Vous avez bien fait. La route tue et blesse plus en France qu'ailleurs, toutes les études le prouvent.
Sous votre impulsion, les choses semblent s'améliorer ; tous nos concitoyens prennent conscience de ces difficultés. Malheureusement, nombre d'entre eux retrouvent leur individualisme et leur incivisme lorsqu'ils sont au volant.
Toutes les enquêtes le montrent, dans 95 % des accidents, des facteurs humains sont en cause, les principaux étant la vitesse et l'alcool.
Les documents budgétaires témoignent de la priorité qui est accordée à la sécurité routière - elle enregistre une augmentation de 17 % - pour en faire une grande cause nationale de l'année 2000. Nous en prenons acte.
Mais, monsieur le ministre, les enquêtes sur les accidents de la route nous montrent aussi que, dans 47 % des cas, la qualité des infrastructures, dans leur conception ou dans leur état d'entretien, peut être incriminée.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. Malheureusement, dans ce domaine, votre budget est en régression par rapport aux années précédentes, qui nous avaient déjà donné, pourtant, pas mal d'inquiétudes.
La route est mal aimée. Pour le démontrer, je ne citerai que quelques chiffres.
Dans le budget 2000, la route ne reçoit que 1 123 millions de francs en crédits d'entretien. Cette somme, qui est la même somme que l'année dernière, est très insuffisante, alors que la croissance de la circulation est constante.
Elle ne reçoit que 5,1 milliards de francs de crédits de paiement pour les dépenses en capital, soit une diminution de 13 % par rapport au budget précédent. Ce chiffre est significatif de la volonté de l'Etat, même s'il est un peu camouflé par l'augmentation importante des autorisations de programme.
Même si l'on ajoute aux crédits d'Etat la dotation route du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, en baisse de 4 % par rapport à 1999, les investissements routiers nous semblent les laissés-pour-compte de ce budget.
Certes, un rééquilibrage entre la route et les autres modes de transport est indispensable, mais il doit s'opérer non pas en retirant des crédits à la route, mais en dotant davantage les autres modes de transport.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est ce que je fais !
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. Parmi ceux-ci, la voie d'eau...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Pour la voie d'eau aussi !
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. Parlons-en ! Elle est confiée maintenant à Voies navigables de France.
VNF a la charge d'entretenir les quelque 7 000 kilomètres de voies d'eau existantes - la plupart d'entre elles sont en très mauvais état - et d'assurer la préparation de l'avenir avec le grand gabarit. Là encore, les moyens financiers ne sont pas à la hauteur des enjeux.
VNF vit de ses ressources propres - taxes hydrauliques, péages et autres ressources du domaine confiés par l'Etat - estimées à environ 660 millions de francs pour 2000, et des dotations de l'Etat qui proviennent du FITTVN ainsi que celles des collectivités territoriales.
Ces crédits, même s'ils progressent d'année en année,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ah !
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. ... sont notoirement insuffisants pour que puissent être assurées les missions d'entretien, de modernisation et de mise en place du grand gabarit.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il faut voir ce que j'ai trouvé !
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. De cette manière, nous ne sommes pas à la veille de pouvoir disposer, là où c'est possible, d'un réseau de transport fluvial moderne, qui, pourtant, déchargerait bien nos routes et autoroutes, comme c'est le cas dans d'autres pays voisins.
La commission des affaires économiques et du Plan du Sénat a toujours suivi avec beaucoup d'intérêt le problème des infrastructures de transport.
Ces dernières conditionnent très largement la vitalité et le développement économique, donc l'emploi, et elles sont en même temps l'un des meilleurs vecteurs d'aménagement du territoire. En effet, elles permettent de désenclaver certains territoires, et donc de les ouvrir au développement, ou d'en désengorger d'autres, leur permettant aussi une meilleure respiration.
Par ailleurs, nous devons maintenant raisonner notre aménagement du territoire en jouant notre meilleure intégration possible dans l'Europe.
Notre position géographique fait de nous un pays de transit entre l'Europe du Sud, la Grande-Bretagne, l'Europe centrale et germanique, mais elle nous laisse aussi à l'ouest d'un dispositif qui se déplace progressivement vers l'est avec l'arrivée de nouveaux pays. Prenons garde, monsieur le ministre, de ne pas nous laisser isoler.
Là encore, la réponse se situe en grande partie dans les infrastructures de transport. Il semble indispensable de disposer rapidement de schémas globaux qui répondent à ces aspirations en utilisant le plus possible l'intermodalité. Nous sommes tous d'accord sur ce point.
Monsieur le ministre, nous souhaitons que, dans cet esprit, la politique de transport de notre pays soit plus clairement définie pour l'avenir immédiat et pour le moyen terme.
En conclusion, au regard des crédits présentés et des projets avancés, votre commission des affaires économiques et du Plan estime que ce budget fait apparaître de nombreuses incertitudes et qu'il comporte autant d'ambiguïtés que d'atermoiements inquiétants en matière de politique des transports. Il prépare mal l'avenir de notre pays et sa pleine intégration européenne. Il n'accompagne pas suffisamment le redressement économique qui est générateur d'emplois.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires économiques et du Plan a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits des routes et voies navigables dans le projet de budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement pour 2000. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente.)