Séance du 2 décembre 1999







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : II. - Secrétariat général de la défense nationale.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits demandés pour l'an 2000 s'élèvent à 156,320 millions de francs. Ils sont en hausse de 19,46 % par rapport aux crédits votés pour 1999.
Cette augmentation intervient après plusieurs années de diminutions importances, consécutives à la réforme du SGDN entreprise en 1995, réforme qui avait également réduit son format, le faisant passer de 503 emplois budgétaires à 218 en 1998. En 2000, son effectif remontera à 241 emplois.
Les dépenses ordinaires progressent de 10,63 % pour permettre la création de sept postes budgétaires et la remise à niveau des moyens de fonctionnement de plusieurs services. Une cellule de surveillance et d'alerte, chargée de lutter contre les intrusions et attaques informatiques, sera créée. Les moyens du service central de sécurité des systèmes d'information, le SCSSI, et les directions en charge du contrôle des exportations et du programme civil de défense, le PCD, seront également renforcés.
Pour les dépenses en capital, l'année 2000 marque une inflexion importante, avec 33 millions de francs de crédits de paiement, soit une progression de 70,3 %.
Les autorisations de programme sont en hausse de 138 %, avec 50 millions de francs. Le PCD en est le principal bénéficiaire. Ces mesures nouvelles sont destinées au réseau RIMBAUD et à l'équipement relatif à la lutte antiterroriste nucléaire, biologique et chimique, ou NBC. Le reste des crédits est partagé entre le centre de transmission gouvernemental, pour l'amélioration de ses équipements, et le SCSSI, pour accompagner sa montée en puissance.
Même si la dotation de l'Institut des hautes études de la défense nationale, l'IHEDN, érigé en établissement public administratif en 1997, ne relève plus stricto sensu de ce budget, sa tutelle est toujours confiée au SGDN. L'ambition de la réforme était de redéfinir ses objectifs et de le doter d'une autonomie de gestion permettant une clarification de son financement. Toutefois, il continue de dépendre, pour près des trois quarts de ses moyens en matériels et en effectifs, d'autres d'administrations.
Sur le plan des effectifs, le SCSSI est dans une situation analogue, puisqu'il dépend pour un tiers d'emplois mis à disposition par le ministère de la défense. Il faut se féliciter que cette proportion se soit inversée - dans le sens de l'amélioration, bien sûr - au fil des années.
Depuis la loi de finances pour 1980, la totalité de l'effort budgétaire consacré par l'ensemble des ministères civils à la défense civile de la nation est récapitulée dans un « jaune budgétaire ».
En 2000, cet effort s'élèvera à 8 843,4 millions de francs, soit une très nette augmentation, de 7 %. La plus grande part en est fournie par le ministère de l'intérieur, qui représentait, en 1999, 74 % du total ; 32 000 de ses agents participent en effet à la défense civile.
Après cette présentation des moyens, je souhaiterais vous faire part de mes principales observations.
En premier lieu, j'insisterai, comme l'a souhaité la commission, sur la nécessité d'améliorer la clarification du financement de l'IHEDN.
Si le SGDN lui-même est l'instrument privilégié du Premier ministre pour l'exercice de ses responsabilités, il est également conduit à travailler en liaison étroite avec la présidence de la République.
Concentré autour de cinq directions et recentré sur ses missions et attributions, le SGDN assure des tâches de gestion permanentes. Il s'agit, pour l'activité interministérielle, de la veille, du secrétariat et de la coordination dans tous les domaines de la défense et de la sécurité. Le SGDN a également la charge de la sécurité des systèmes d'information, du contrôle des transferts d'armement et de la protection du secret de défense.
Son nouveau secrétaire général, M. Jean-Claude Mallet, s'attache à centrer prioritairement l'activité du SGDN sur les tâches de conception et d'impulsion. Il est ainsi constitué des équipes « à la demande », à l'instar des cellules créées pour la crise du Kosovo ou pour le passage à l'an 2000.
Le rôle du SGDN est maintenant réaffirmé et confirmé, tant par les nouveaux moyens mis à sa disposition que par les appels renouvelés à sa compétence. Assurant la préparation et le secrétariat du comité interministériel du renseignement, le CIR, il est sollicité dans la gestion de crises internationales. Ainsi, à l'occasion du conflit du Kosovo, ses fonctions de synthèse, d'évaluation et de mise en valeur du renseignement dans le processus de décision politique ont été, c'est le moins que l'on puisse dire, confirmées.
En matière tant de sécurité informatique - mission confirmée par le discours du Premier ministre prononcé à Hourtin cet été - que de lutte contre le risque terroriste et la prolifération NBC ou de réforme de notre politique de défense dans sa dimension européenne, le SGDN est repositionné comme lien de convergence de la sécurité intérieure et extérieure.
Pour cet ensemble de raisons, ses moyens doivent être à la hauteur de l'importance des missions qui lui sont confiées, d'autant qu'ils resteront modestes au regard de la masse budgétaire correspondant à ses domaines d'intervention.
Prenant en compte ses capacités nouvelles, en particulier pour le programme civil de défense, la commission des finances, suivant la proposition de son rapporteur spécial, vous propose d'adopter les crédits du secrétariat général de la défense nationale. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la nature des menaces qui pèsent sur notre sécurité évolue très vite, cela a été dit et répété ici.
La professionnalisation des armées est engagée. Avec elle, nous vivons la fin de la conscription. Dans ce contexte, l'IHEDN, au conseil d'administration duquel j'ai l'honneur de représenter la Haute Assemblée, voit son rôle apparaître en pleine lumière.
Jusque-là, qui disait sécurité pensait surtout défense. Le jeune appelé découvrait la nation et sa sécurité à travers l'armée.
L'IHEDN avait alors naturellement vocation à situer l'armée dans la nation et à rappeler sans cesse qu'elle ne peut servir la sécurité du pays hors d'un contexte de mobilisation nationale.
Plus que jamais aujourd'hui, les problèmes de sécurité concernent l'ensemble des Français. Avec la fin du service national et une menace moins exclusivement militaire, nous devons désormais aussi veiller à ce que le pays n'oublie pas son armée. Il fallait évidemment que cela soit dit le jour anniversaire de la bataille d'Austerlitz !
Le rôle de l'Institut me semble donc plus important que jamais, à la fois pour souder notre armée et le pays civil et pour rappeler que l'armée n'est pas seule garante d'une sécurité qui ne peut être que « nationale».
L'Institut est devenu un établissement public. M. le rapporteur spécial le rappelait à l'instant, c'était nécessaire. Dans ce nouveau cadre, le rôle de son conseil d'administration consiste, bien sûr, à administrer mais aussi, et d'abord, à veiller à ce que l'Institut prenne en compte l'élargissement de sa mission.
Il doit, de manière toujours plus évidente, favoriser toutes les occasions de rencontre entre civils et militaires, entre cadres des secteurs public et privé. Il doit s'adresser à nos compatriotes de tous âges, prioritairement aux plus jeunes, et à nos compatriotes de toutes les régions.
Ce qui est vrai en France doit être également vrai pour l'Europe.
Il n'a échappé à personne que l'on parle de politique extérieure et de « sécurité » commune et non de politique extérieure et de « défense » commune. L'Institut doit largement s'ouvrir sur nos partenaires de l'Union qui adoptent la même logique que nous au regard de leur sécurité. Cet engagement, calé sur une forte exigence de qualité, représentera un enrichissement pour tous. De plus, en développant les échanges entre les acteurs de la sécurité des Etats membres, il créera ces liens de complicité qui font vraiment vivre l'Union européenne.
Aujourd'hui, l'Europe, c'est aussi l'élargissement vers des candidats préoccupés de sécurité au moins autant que de prospérité. Nous devons partager avec eux l'idée que la sécurité, ce n'est pas uniquement la défense, et que, la défense, ce peut être d'abord l'Union européenne, même si cela reste, bien entendu, dans l'OTAN, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord.
Il est important que nos voisins de l'Est européen comprennent dès maintenant nos ambitions dans ces domaines de la défense et de la sécurité et que nous percevions mieux nous-mêmes leurs attentes. Quelle meilleure manière de préparer l'avenir commun que de leur proposer de partager, dès maintenant, des formations et d'échanger des réflexions ?
J'en reviens aux missions traditionnelles de l'établissement. Elles seront d'autant mieux assurées qu'il restera performant dans le domaine scientifique. Il est connu que l'enseignement supérieur est plus efficace lorsqu'il est assuré en liaison étroite avc la formation continue et la recherche. C'est vrai aussi dans les domaines militaires ou stratégiques.
J'évoque ce sujet fondamental et qui appelle une vraie réflexion, monsieur le ministre, parce qu'il a été soulevé - de manière beaucoup trop improvisée, d'ailleurs - lors du dernier conseil de l'établissement.
De même que notre enseignement supérieur militaire a le souci de rester en ligne avec les derniers développements scientifiques dans tous les domaines qu'il approche, l'Institut doit veiller soigneusement à rester en prise directe avec la recherche, notamment dans le domaine géostratégique.
Par ailleurs, l'effort engagé en France à cet égard doit être soutenu, amplifié et sans doute mieux coordonné. Tout cela n'implique pas, me semble-t-il, que l'Institut, partie prenante évidente, gère en direct une responsabilité de recherche. Son statut ne le met pas en situation de bien le faire et il faut veiller à conserver un bon équilibre entre ses activités actuelles sans s'exposer au risque de les voir subordonnées à une nouvelle activité scientifique nécessairement accaparante. Les établissements qui sont capables de mêler la recherche à d'autres activités voient d'ailleurs leur réputation d'ensemble immédiatement calée sur la seule qualité de leurs prestations scientifiques.
Pour que l'Institut conserve sa réputation dans ses domaines d'activité actuelle, une réputation qui doit lui permettre de répondre à une attente renforcée du pays et de s'ouvrir sur l'Europe, il faudrait qu'il atteigne d'emblée dans le monde de la recherche un niveau d'excellence et un volume d'activité qui en fassent une référence inconstestable sur le continent.
Tant que cela ne sera pas possible, je préfère personnellement qu'il continue à conforter en priorité ses équilibres, avec un budget qui doit poursuivre sa progression dans un contexte d'autonomie et de clarification qui confirme une très forte liaison avec le ministère de la défense.
Afin que l'action engagée puisse être poursuivie et développée aussi vite, aussi bien et aussi largement que possible, et comme nous y invite notre excellent rapporteur spécial, M. Michel Moreigne, je voterai ce projet de budget. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, le secrétariat général de la défense nationale assure pour le Premier ministre et au bénéfice des plus hautes autorités de l'Etat la coordination interministérielle dans le domaine de la défense et de la sécurité.
Le secrétariat général concentre son action sur l'animation du processus de décision interministérielle dans le domaine de la sécurité et sur la prise en compte, au niveau du Premier ministre, d'un certain nombre de fonctions qui appellent une centralisation ou un suivi interministériel permanent, en particulier le contrôle des exportations, la lutte contre la prolifération, la protection et la modernisation des transmissions gouvernementales.
L'action du secrétariat général doit tenir compte des évolutions les plus récentes de l'environnement stratégique, diplomatique et technologique. Des risques nouveaux pour notre sécurité sont apparus au premier plan.
Le Gouvernement a souhaité donner un nouveau départ à l'institution. Le budget pour 2000 inverse la tendance à la baisse constatée ces dernières années et soulignée par M. le rapporteur spécial. Entre 1995 et 1999, les effectifs budgétaires sont passés de 518 à 234 agents et le budget de 228 millions de francs à 131 millions de francs, alors même que le service central de la sécurité des systèmes d'information lui était rattaché le 1er janvier 1999.
Le budget qui vous est proposé pour 2000 augmente de près de 20 %, pour s'établir à 156 millions de francs.
Les moyens nouveaux, en termes d'effectifs mais aussi de crédits d'équipements, sont pour l'essentiel concentrés sur trois priorités.
La première est la sécurité des systèmes d'information, qui représente à elle seule plus des deux tiers de cet accroissement, comme le Premier ministre l'a annoncé à Hourtin le 26 août dernier lors de l'université d'été de la communication.
Le secrétariat général doit assumer une mission d'impulsion, de coordination et d'expertise dans les domaines de la sécurité informatique, de la cryptologie, de la lutte contre les intrusions et les malveillances informatiques et de la protection des réseaux de l'administration et du service public.
La deuxième priorité est le contrôle des transferts de technologies sensibles et des exportations de matériels de guerre.
Enfin, la troisième priorité est la relance du programme civil de défense, qui fait l'objet d'un effort pour être en mesure de répondre au risque que représente le terrorisme nucléaire, bactériologique et chimique. Dans ce domaine, les capacités de l'Etat doivent être à la fois renforcées, coordonnées et bien orientées. Le secrétariat général anime à cette fin des instances interministérielles où l'emploi de ces crédits, qui sont des crédits d'investissement à caractère incitatif, est débattu en fonction des nécessités de prévention ou d'action opérationnelles.
Pour conclure, je veux répondre à M. Badré, qui est intervenu à propos de l'IHEDN - sujet qui lui tient particulièrement à coeur - on le comprend, que j'ai été très attentif, tout comme l'ensemble du Gouvernement, au rôle que cet établissement public est appelé à jouer, aussi bien à l'échelon national que dans ses relations avec ses homologues au sein de l'Union européenne face à l'évolution de notre défense et de la conscription.
M. le ministre de la défense aurait été plus compétent que moi pour vous répondre directement à cet égard, mais je tiens à rappeler au Sénat les données chiffrées.
L'IHEDN est un établissement public inscrit sur le budget des services généraux du Premier minitre. Il reçoit, en recettes, 9,6 millions de francs de subventions de l'Etat. Il possède 2,3 millions de francs de ressources propres, auxquelles s'ajoutent des contributions en nature essentiellement en provenance du ministère de la défense, qui peuvent être évaluées à 29 millions de francs.
Tels sont les éléments que je suis en mesure d'apporter à la Haute Assemblée pour répondre à votre souhait de clarification. (Applaudissements.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le sécrétariat général de la défense nationale et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 11 656 084 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 50 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 25 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les autorisations de programmes et les crédits de paiement figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le secrétariat général de la défense nationale.

III. - CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL