Séance du 1er décembre 1999







M. le président. Nous avons terminé l'examen des articles constituant la première partie du projet de loi de finances pour 2000.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la première partie, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui me l'ont demandée pour expliquer leur vote.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat, décidée le 2 novembre 1999 par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de dix minutes - ce qui ne veut pas dire qu'il y a obligation de les consommer - à l'exception de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, qui ne dispose que de cinq minutes.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais tout d'abord, comme il est habituel de le faire, remercier très vivement tous les participants à ces longues séances et, en premier lieu, la présidence qui, avec beaucoup de bienveillance, nous a permis de franchir les différentes étapes. Je remercie M. le secrétaire d'Etat Christian Pierret qui, par sa connaissance intime des rouages parlementaires et budgétaires, par sa disponibilité et par sa gentillesse, nous a été d'un concours très précieux. Je remercie également le président Lambert, qui a bien voulu soutenir avec beaucoup d'efficacité la commission et son rapporteur général, et qui a pris une part décisive dans le débat.
Je voudrais aussi remercier l'ensemble de nos collègues, les groupes de la majorité, bien entendu, de leur soutien amical, mais également les groupes de l'opposition, car je crois pouvoir dire que, comme il est habituel de le faire dans cette enceinte, nous nous sommes efforcés de confronter nos vues dans un respect mutuel.
Mes chers collègues, nous achevons donc la discussion des articles fiscaux de cette première partie du projet de loi de finances : plus de trente heures de débat, quelque 300 amendements. La commission des finances et le Sénat ont été en mesure, durant ce long exercice, de présenter et de faire adopter un certain nombre d'idées et de préconisations qui nous paraissent importantes.
Pour nous, le premier aspect, le plus essentiel, c'est la baisse des prélèvements obligatoires, qui est un impératif. Dans ce cadre, nous avons fait des avancées significatives. Certaines d'entre elles ont même rencontré un écho positif auprès tant du Gouvernement que de l'opposition sénatoriale.
Lorsque je regarde l'inventaire des mesures qui nous ont été présentées tout à l'heure, avant la suspension, par M. Christian Pierret, j'observe que tout cela a un sens et que les diverses réductions de fiscalité portant sur les différents impôts peuvent fort bien esquisser ce que serait l'orientation d'une nouvelle politique fiscale.
Certes, en termes d'ordre de grandeur, vous avez pu noter que nous avions adopté un amendement qui est plus significatif encore que les autres, du moins par son volume : c'est l'amendement instaurant le taux réduit de TVA pour la restauration, dont le coût s'élève à 22 milliards de francs. Il s'agit d'un vote auquel nous avons voulu donner une portée publique, en insérant cette disposition dès l'examen de la première partie du projet de loi de finances. Si nous mettons à part ces 22 milliards de francs, je puis dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que tout ce que nous avons voté est réalisable si nous voulons assurer une meilleure maîtrise des dépenses publiques.
L'impact budgétaire de toutes ces mesures a donc été matérialisé par l'amendement du Gouvernement sur l'article d'équilibre, que nous venons d'adopter.
Vous le savez, cet exercice est parfois un peu difficile à présenter ou à saisir compte tenu des contraintes juridiques issues de l'ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances. En effet, nous devons gager toute baisse d'un impôt par la hausse équivalente d'un autre impôt.
Au-delà de ces obstacles formels ou de ces difficultés d'interprétation liées aux textes, tels qu'ils s'imposent à nous, je voudrais exprimer une obsession qui nous a hantés tout au long de ces débats : la clarté. Nous sommes attachés à un budget lisible et compréhensible autant que faire se peut. C'est pourquoi nous avons notamment refusé le transfert de près de 40 milliards de francs de droits sur les tabacs vers le fonds de compensation des 35 heures dont le contenu et les objectifs nous paraissent très flous. Nous avons insisté sur le caractère souvent très artificiel de la délimitation entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.
Mais plus que les montants arithmétiques exacts résultant de nos votes et tels qu'ils figurent dans l'amendement du Gouvernement que nous avons examiné tout à l'heure, c'est l'orientation générale qu'il faut retenir. Nous avons choisi de faire diminuer les charges pesant sur les Français et sur l'économie. Nous avons essayé, en nous inspirant de cette orientation et avec la volonté de réduire les prélèvements obligatoires, de corriger la copie du Gouvernement, sans avoir ni l'ambition ni la possibilité de la réécrire. Mais, à lui, s'il le souhaite, de retenir de nos idées celles qui lui sembleront aller dans le sens de l'intérêt général ; à lui, en somme, de prendre ses responsabilités.
L'adoption des crédits de la première partie interviendra dans quelques instants. Tout à l'heure, à la fin de la matinée, nous commencerons l'examen des dépenses budgétaires fascicule par fascicule. Là aussi, nous avons émis des recommandations. Nous avons adopté des critères permettant d'opérer une certaine classification parmi la gestion des différents ministères. Ces critères sont simples et clairs. Je les rappelle en quelques mots : qualité de la gestion publique, soin apporté à maîtriser les dépenses de fonctionnement, prise en compte des observations formulées par le Sénat et par les différents corps de contrôle, diminution des dépenses courantes, priorité aux dépenses régaliennes - qui sont au coeur des compétences et des responsabilités éternelles de l'Etat - et effort pour préparer l'avenir par le moyen des dépenses d'investissement.
Toutes ces orientations, que la commission des finances vous proposera de traduire en actes lors de l'examen des différents fascicules budgétaires, nous conduiront soit à approuver, soit à rejeter des budgets.
Ces budgets qui ne répondent pas à nos critères et que nous serons amenés à rejeter, si vous suivez la commission, représentent globalement, en mesures nouvelles, près de 41 milliards de francs.
Mes chers collègues, il convient, et c'est une conviction forte de la commission, de mettre fin à cette triste exception française marquée par un niveau historiquement élevé de prélèvements destinés à financer des dépenses sans cesse plus rigides et dont la baisse est de plus en plus difficile.
Grâce à ces discussions, malgré les arcanes que nous devons traverser et en dépit de la technique qui ne facilite pas toujours la communication, il s'agit d'adresser à l'opinion publique un signal clair concernant notre détermination et notre volonté de moderniser l'Etat, son fonctionnement et son mode de gestion, et ainsi de préparer les enjeux de l'avenir. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le rapporteur général, soyez assuré que la présidence a été très sensible aux compliments que vous avez cru devoir lui adresser.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je serai bref.
Je souhaite, d'abord, m'associer aux compliments et aux remerciements que vient d'adresser M. le rapporteur général. A l'évidence, il n'a oublié qu'une personne : lui-même. Aussi, je veux me faire l'interprète de la Haute Assemblée pour lui dire à quel point le travail qu'il a accompli a été remarqué et combien sa compétence, qui était déjà bien connue dans cette assemblée, a été utile aux délibérations du Sénat. Je souhaite lui renouveler très chaleureusement tous mes compliments, tous mes remerciements et aussi toute ma confiance.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je veux également vous remercier. Vous avez fait en sorte que ce lieu soit un lieu de démocratie. Vous avez respecté les points de vue des uns et des autres, quand bien même vous ne les partagiez pas. Vous avez contribué à faire de ce lieu non pas un lieu de spectacle, oserai-je dire, mais un lieu où, avec l'Assemblée nationale, se décide l'avenir de la France.
Faisons en sorte, mes chers collègues, que les décisions engageant l'avenir du pays se prennent dans ces lieux, car c'est là que souffle l'esprit de la démocratie en France, c'est là que siège la représentation des Français.
Faisons en sorte que ce soit ici, au Sénat, et à l'Assemblée nationale que se décide l'avenir de la France, et pas ailleurs, pas dans les studios de télévision, pas dans les journaux, quels qu'ils soient.
M. Michel Charasse. Et pas dans les palais de justice !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. monsieur le secrétaire d'Etat, ce qui nous sépare, c'est la conception que nous avons de la bonne utilisation de cette chance - nous nous en réjouissons, parce qu'elle sert le pays - que nous offre la croissance.
Faites en sorte que les réformes de structure qui sont indispensables pour que la France gagne puissent être engagées le plus rapidement possible, car, lorsque vous analyserez ce que vous aurez fait au Gouvernement, ce dont vous serez le plus fier, c'est d'avoir fait accomplir à notre pays les progrès qui sont indispensables, et ces progrès ne seront possibles que lorsque le soutien de la croissance le permettra.
Ce soutien de la croissance est au rendez-vous. Profitez-en, car la France en a besoin et, encore une fois, cela peut passer vite !
Le véritable message du Sénat, c'est que ces réformes de structure sont urgentes et que, même s'il est dans l'opposition, vous le trouverez toujours à vos côtés pour mener à bien les réformes indispensables pour le bien de la France et des Français. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Braun.
M. Gérard Braun. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme le rappelait M. Josselin de Rohan la semaine dernière, une bonne loi de finances doit obéir à certains principes : la baisse des prélèvements obligatoires, le meilleur contrôle de la dépense publique, la réduction du déficit budgétaire et de l'endettement. Or, le projet du budget pour 2000 ne manifeste pas la volonté du Gouvernement de tout mettre en oeuvre pour atteindre ces objectifs.
Nous avons regretté, lors de la discussion générale, que le Parlement ne soit pas en mesure d'exercer dans de bonnes conditions sa mission de contrôle de l'action du Gouvernement par le biais d'un état consolidé des recettes issues des prélèvements obligatoires et de leur affectation.
Sur l'initiative de notre commission des finances, sous l'impulsion de son président et du rapporteur général, auxquels j'adresse mes plus vives félicitations pour l'ampleur et la qualité du travail accompli, le texte qui résulte de nos votes, sur le volet recettes du budget, se trouve dépouillé de toutes les dispositions malencontreuses qu'il recelait.
En matière d'impôt sur le revenu, les amendements que nous avons défendus ont un point commun, celui d'alléger la charge fiscale supportée par nos concitoyens assujettis à cet impôt.
Ainsi, nous avons mis fin à l'anomalie constituée par le plafonnement, à un niveau trop bas, de la déductibilité du salaire du conjoint d'artisan ou de commerçant.
Nous nous félicitons que le Sénat ait adopté notre proposition favorable aux familles dont les deux parents travaillent et dont les enfants n'ont pas de place en crèche. Ces familles bénéficieront d'une réduction d'impôt plus importante pour l'emploi d'un salarié à domicile chargé exclusivement de la garde des enfants de moins de trois ans.
Nous avons constaté, à l'occasion de l'examen de cet amendement, que le Gouvernement et sa majorité s'étaient retrouvés pour s'opposer à cette mesure pourtant favorable aux familles qui ne sont pas les plus aisées, contrairement à ce que pensent certains de nos collègues.
Parce qu'il faut ouvrir de nouvelles pistes en faveur des investissements dans les PME, nous avons proposé de mettre en adéquation les risques pris par les investisseurs et l'avantage en impôt qui résulte de cette prise de risques.
Ainsi, les plafonds de la réduction d'impôt pour les souscripteurs au capital des PME ont été doublés. Sur cette proposition, comme sur celle tendant à relever les taux, que nous représenterons sur les articles non rattachés de la deuxième partie, le Gouvernement a manifesté son hostilité.
Notre collègue Jacques Oudin s'est donc légitimement interrogé sur la volonté du Gouvernement de mettre en place les conditions d'un bon développement des PME.
Pour la TVA, le Sénat a obtenu des avancées importantes. Ainsi, sur la mesure relative à la baisse du taux de TVA sur les travaux dans les logements, de notables précisions ont été apportées ce qui permettra plus d'efficacité dans l'application de cette mesure, sans aucun risque d'interprétation.
Il en va ainsi, notamment, des travaux réalisés dans les parties communes d'immeubles d'habitation, des travaux d'enlèvement des flocages contenant de l'amiante et des réparations et installations de meubles meublants.
Notre débat sur la TVA applicable au secteur de la restauration a été à la hauteur des enjeux en cause en termes d'emplois et d'activité. Sur ce dossier, la position du Gouvernement n'a pas été clarifiée, et les intérêts du secteur de la restauration ont été bien mal défendus, au niveau européen, par nos ministres, en dépit de tous les discours.
Le vote que le Sénat a exprimé sur l'amendement de Joseph Ostermann, visant à baisser le taux de TVA sur les prestations de restauration à consommer sur place, doit être analysé comme un soutien à l'engagement pris par le Gouvernement de faire de ce dossier une priorité absolue.
Je rappelle ici que deux autres priorités ont d'ores et déjà été inscrites par le Gouvernement pour le prochain budget : l'impôt sur le revenu et la taxe d'habitation.
La multiplication des priorités fiscales aura pour conséquence évidente d'en limiter l'impact sur nos compatriotes ; il convient de s'en inquiéter dès maintenant et d'être vigilants dans l'avenir.
Nous avons souhaité accélérer la suppression complète du droit de bail payé par les locataires, en l'instituant dès l'imposition des revenus de 2000 et non sur deux ans, comme le voulaient le Gouvernement et sa majorité plurielle. Sur le même sujet, la double imposition subie par les propriétaires bailleurs en 1998 sera intégralement compensée dès l'an prochain, grâce au Sénat.
Notre groupe a tenu à alerter le Sénat sur la situation des professions libérales, trop souvent oubliées ces dernières années, dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, par exemple. Nous aurons l'occasion de revenir sur la situation de ces professionnels en deuxième partie, à l'occasion de l'examen du déjà célèbre article 57.
Les épargnants ne seront plus soumis à l'ostracisme qui touchait les titulaires de PEA et de contrats d'assurance « DSK » en les empêchant d'investir dans ce cadre dans des sociétés ayant leur siège hors de France. Désormais, cette possibilité d'investissement est ouverte sur des sociétés ayant leur siège dans l'Union européenne.
Sur l'initiative de notre collègue Yann Gaillard, spécialiste des questions relatives au marché de l'art, le régime de l'art ancien sera calqué sur celui qui est applicable à l'art contemporain, pour inciter les entreprises à constituer de véritables collections. La contrainte d'exposition des oeuvres, qui jouait le rôle de frein pour les investissements, serait remplacée par une obligation de prêt limitée à trois ans.
Sur le dossier très important de la fiscalité agricole, nous ne pouvons que regretter le renvoi qui a été opposé à nombre de nos amendements vers un futur projet de loi sur ce sujet, après que le tant attendu rapport de Mme Marre sera rendu. Nous en sommes maintenant à deux lois de finances, deux collectifs budgétaires et une loi d'orientation agricole sans évolution de fond de la fiscalité agricole. Nous ne saurions attendre plus longtemps.
Notre collègue René Trégouët nous a proposé de réduire sensiblement le coût de l'accès au réseau Internet dans les zones rurales, où sa présence est souhaitable et nécessaire.
Les débats qui nous ont retenus sur les transferts massifs de ressources entre le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale ont permis de stigmatiser l'attitude du Gouvernement, qui, en agissant ainsi, brouille la vision que le Parlement devrait avoir des finances publiques et remet en cause les règles de l'annualité et de l'universalité du budget.
Sur les finances locales, enfin, les propositions de notre commission des finances ont permis d'améliorer sensiblement les choses et de rendre ce projet de loi de finances plus acceptable pour les collectivités locales, ce que, à l'évidence, il n'était pas au début.
Le groupe du Rassemblement pour la République votera les articles de la première partie tels qu'ils résultent de nos votes. Nous poserons ainsi les fondements d'une politique alternative. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici donc parvenus au terme de l'examen des articles de cette première partie de la loi de finances, et le moins que l'on puisse dire est que le texte qui nous est parvenu de l'Assemblée nationale a subi quelques modifications.
Toutefois, avant de revenir sur ces modifications et le sentiment qu'elles m'inspirent, comme aux autres membres de notre groupe, vous me permettrez d'inscrire les termes de cette discussion budgétaire dans un contexte économique et social qui nous impose d'y revenir.
Ce projet de loi de finances s'inscrit dans un contexte de croissance économique qui a d'ailleurs comme prolongement naturel de voir déposés des collectifs budgétaires autrement moins négatifs que ceux que nous avons connus entre 1993 et 1996.
Cette situation est intéressante à plus d'un titre.
La philosophie générale des lois de finances des gouvernements Balladur et Juppé, accordant la priorité à l'offre et multipliant les dispositions fiscales favorables aux plus hauts revenus comme aux entreprises, accompagnées d'une remise en question de la qualité de la protection sociale, des droits des salariés, d'une définition étroite de l'aménagement du territoire, a conduit, dans son exécution, à des moins-values fiscales, à des déficits sans cesse plus importants, qui continuent d'ailleurs de peser sur la capacité de la dépense publique à répondre aux besoins collectifs.
En effet, la croissance n'a jamais été au rendez-vous des politiques que vous avez menées et soutenues, chers collègues de la majorité sénatoriale.
Nous avons connu les prélèvements arbitraires, les annulations de crédits, les déficits cumulés et la hausse des prélèvements obligatoires, notamment des plus injustes. Exactement tout le contraire de ce que vous affichez dans votre expression et vos amendements !
Le contexte est donc, aujourd'hui, tout à fait différent et la croissance est au rendez-vous.
Est-ce à dire, pour autant, que tout est parfait ?
Pour notre part, malgré quelques avancées positives dans le texte initial et au cours du débat, nous pensons qu'il y a nécessité de travailler encore et toujours dans un certain nombre de directions que chacun connaît : justice fiscale, amélioration de la redistribution et renforcement de l'efficacité économique de notre système de prélèvements.
Il importe de se demander si d'autres priorités ne peuvent être fixées à l'allocation des ressources publiques, comme d'ailleurs à la définition même de nos taxes et impôts, qui doivent, plus encore qu'avant, favoriser les comportements vertueux des agents économiques et pénaliser les gâchis de richesses réelles.
Car les besoins demeurent forts.
Malgré la croissance, malgré les créations d'emplois, notre pays compte encore plus de deux millions et demi de chômeurs et des millions de travailleurs précaires, confrontés à l'incertitude du lendemain.
Notre pays recèle tant de pauvreté, tant de précarité, tant de misère qu'il importe d'oeuvrer à une plus juste répartition des fruits de la croissance, qui sont, soit dit en passant, les fruits du travail des femmes et des hommes salariés, des créateurs de richesses de ce pays.
Nous pensons d'ailleurs qu'il est plus que temps que cette croissance profite au plus grand nombre, et non, comme cela est apparemment trop le cas, d'abord aux actionnaires des entreprises, qui surfent sur cette vague de prospérité économique relative.
Notre point de vue est qu'il n'y a pas d'opposition irréductible entre croissance de la dépense publique et réduction du déficit public, la réponse aux besoins collectifs permettant de pousser aussi la croissance économique.
La meilleure observation en est d'ailleurs fournie par cette année 1999, où il suffit que la croissance soit soutenue pour que le collectif budgétaire enregistre une nouvelle réduction de ce déficit.
Dépenser plus et mieux, messieurs de la majorité sénatoriale, pour répondre aux besoins collectifs forts qui s'expriment, par exemple parmi les gens privés d'emploi, peut participer à la réduction du déficit en créant un levier pour les recettes fiscales.
Dans ce contexte, permettez-moi donc de dire ici à quel point il m'est apparu indécent que les groupes de la majorité, rapporteur général et ancien ministre des finances en tête, nous justifient encore aujourd'hui l'existence du dispositif d'options d'achat d'actions, qui est l'une des démonstrations les plus choquantes de cette confiscation de la richesse créée.
Les sommes astronomiques qu'a touchées M. Jaffré après avoir échoué dans le licenciement des salariés d'Elf-Aquitaine demeurent un scandale pour nos concitoyens.
Qu'on le veuille ou non, l'intérêt des actionnaires, dans une société anonyme par actions, est irréductiblement contradictoire avec celui des salariés, et c'est un état de fait qui alimentera encore quelque temps le débat.
En jetant un regard rétrospectif sur ce qui a été voté par la Haute Assemblée, ou plutôt par sa majorité, on est quelque peu étonné de la dimension qu'ont prise les choses. Je ne résiste pas à l'envie de les citer.
Vous avez décidé de supprimer le droit de bail en totalité dès 2000, faisant ainsi gagner plus de 3 milliards de francs aux propriétaires immobiliers,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Aux locataires !
M. Thierry Foucaud. ... et aux professionnels de la location industrielle et commerciale.
Vous avez modifié l'impôt sur le revenu en adoptant des mesures de réduction de la cotisation des revenus les plus élevés au travers du relèvement du quotient familial ou de la réduction des taux d'imposition. C'est bien entendu le taux marginal qui vous intéresse le plus.
Vous avez opté pour la pérennisation du dispositif des options d'achat d'actions. Je ne reviendrai pas sur cette question et ne ferai que souligner l'exemplarité de votre sollicitude pour les plus hauts revenus.
Que dire encore de votre position sur l'impôt de solidarité sur la fortune ? Il est d'ailleurs toujours remarquable de constater le caractère intarissable, dans cette assemblée, des propositions concernant cet impôt, que nombre d'entre vous voudraient purement et simplement faire disparaître.
Sur cette question, il est clair que les parlementaires les plus attentifs de la majorité parlent d'expérience et souhaitent nous faire partager la souffrance des 175 000 contribuables de cet impôt qui gagnerait à voir s'accroître son rendement.
Pour cet impôt, on n'est jamais, au sein de la majorité sénatoriale, à un ou deux milliards de francs de réduction près !
Je peux encore souligner que la démarche de la majorité sénatoriale intègre aussi une volonté de favoriser toujours plus les revenus du capital.
C'est ce que montre d'ailleurs à bon escient le débat important que nous avons eu sur la taxe Tobin, débat qu'il faudra bien prendre en compte, comme il faut écouter toutes celles et tous ceux qui ont manifesté samedi dernier contre la logique libérale de l'OMC et qui le font encore à Seattle.
En définitive, l'examen de cette première partie de la loi de finances nous offre une première opportunité : celle de constater, une fois de plus, que le débat d'idées n'a pas encore tout à fait disparu de notre assemblée et que les préoccupations existentielles que l'on pourrait avoir sur le sens de l'engagement politique n'ont pas lieu d'être.
Si être de droite, dans cette assemblée, a un sens, être de gauche et attaché à des valeurs de progrès en a aussi un. Le fait est que cette discussion a abondamment montré que la conception qui animait la commission des finances était somme toute assez simple : faire bénéficier des fruits de la croissance ceux qui en profitent déjà beaucoup, tandis que le plus grand nombre doit attendre le bon vouloir des premiers pour voir sa vie quotidienne s'améliorer.
Les moins-values fiscales qui sont enregistrées au terme de la discussion ont un coût : celui de la réduction des dépenses publiques - au niveau des engagements de 1999 - qui permettra de maintenir l'objectif de réduction des déficits inscrit dans l'article d'équilibre.
Comment allez-vous vous en sortir, une fois sacrifiées les 35 heures sur l'autel de l'allégement de l'ISF ou de la taxation des plus values ?
Où allez-vous encore opérer des réductions, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale ? Sur le revenu minimum d'insertion ? Sur la construction de logements neufs ? Sur les emplois de fonctionnaires ?
Qu'il me soit cependant permis de faire état de la contribution de notre groupe à la discussion, puisque certains de nos amendements ont été retenus.
Je tiens, en conclusion, à remercier non seulement M. le secrétaire d'Etat pour la qualité de ses interventions et pour sa franchise dans le débat, mais aussi le personnel du Sénat.
Mesdames, messieurs de la majorité, je me permets de vous souhaiter bien du courage et du plaisir pour votre exercice de rééquilibrage du projet de loi de finances ! Nous ne voterons pas cette première partie de la loi de finances, modifiée par la droite sénatoriale, qui nous paraît injuste, inéquitable et inefficace. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Emmanuel Hamel. Mauvais jugement !
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici parvenus à la conclusion de l'examen de la première partie du projet de budget pour 2000. A la suite d'un long débat, où chacun a pu librement exprimer son opinon, nous avons tous constaté l'incompatibilité notoire entre la position gouvernementale et les propositions apportées par la majorité sénatoriale.
Ainsi, deux philosophies se sont affrontées : d'une part, celle du Gouvernement, selon laquelle on peut poursuivre sur la voie de l'aggravation des prélèvements fiscaux ; d'autre part, celle de la majorité sénatoriale et de la commission des finances selon laquelle il ne peut y avoir de hausse des impôts quand la conjoncture économique est favorable à leur diminution.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut s'interroger sur le fait que la France est l'un des pays de l'Union européenne où la dépense publique et la pression fiscale sont les plus élevées.
Voilà quelques jours, notre collègue Paul Girod n'avait pas hésité à parler de « budget en trompe-l'oeil ». L'opposition quasi constante entre vos propositions et celles de la commission des finances illustre parfaitement les divergences de points de vue.
Or, nous le craignons, l'occasion va être manquée de ne pas utiliser la manne des recettes supplémentaires pour remettre à flot la compétitivité globale de notre pays. En majorant ses dépenses prévues dans la seconde partie du projet de loi de finances, la France risquerait de faire exception pour caracoler toujours en tête des grands pays pour la dépense publique et la lourdeur des prélèvements obligatoires.
C'est pourquoi on peut d'ores et déjà se féliciter de l'action du Sénat en faveur d'une diminution générale du poids fiscal. La discussion au sein de la Haute Assemblée a permis d'alimenter la réflexion et le débat sur l'ensemble des domaines de la fiscalité : que ce soit celle des personnes ou celle des entreprises, il nous incombait d'attirer l'attention de tout un chacun sur l'exception fiscale française.
Mais, en dépit des quelques améliorations apportées par le Sénat, l'urgence de la situation préconise d'autres réformes, telles que la réduction des cotisations sociales des employeurs sur les bas salaires, la valorisation de l'activité, l'incitation au travail et à l'investissement, etc. La liste des nouvelles mesures fiscales est loin d'être exhaustive.
Pour 2000, les dispositions fiscales ont fait l'objet d'appréciations différentes entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement.
Pour ce qui concerne l'impôt sur le revenu, le Sénat s'est appliqué à ne pas réduire les capacités financières des familles, qui demeurent le véritable socle de la solidarité dans notre pays.
En matière de fiscalité des entreprises, le Sénat a su montrer sa détermination à diminuer la pression fiscale qu'elles subissent.
En matière de fiscalité du patrimoine, le Sénat s'est opposé à toute mesure qui tendrait à accentuer ses aspects confiscatoires.
Ces divergences ont conduit les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen à s'exprimer différemment : d'un côté, les sénateurs radicaux socialistes entendent donner la priorité aux options gouvernementales ; à l'opposé, la majorité du groupe approuve les propositions de la commission des finances, très bien présentées par son président et par son rapporteur général, ainsi que les modifications apportées par la majorité sénatoriale.
Certes, on peut redouter que, lors d'une prochaine lecture, l'Assemblée nationale ne soit tentée de balayer certaines de nos modifications. Néanmoins, la majorité sénatoriale, en exerçant pleinement son droit d'amendement sur les mesures nouvelles, s'en tiendra, j'imagine, au vote positif selon les propositions de la commission des finances.
Nous souhaitons sincèrement que le Gouvernement comprenne, avant qu'il ne soit trop tard, que la hausse excessive des prélèvements ne constitue qu'une fausse solution. C'est tout le contraire qu'attendent nos concitoyens. S'ils peuvent comprendre qu'en période de crise ou de récession ce n'est guère possible, ils n'accepteront plus, à l'avenir, de se sentir dépossédés. Sans changement de mentalité, il ne peut y avoir de véritable réforme. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à l'issue de ce long débat sur la partie recettes du projet de loi de finances pour 2000, il nous appartient de nous prononcer par un vote sur l'acte politique majeur qu'est le budget.
Auparavant, je tiens à m'associer aux remerciements déjà exprimés à l'endroit tant de M. le président de la commission des finances et de M. le rapporteur général que de l'ensemble du personnel, de la présidence, de tous nos collègues qui sont intervenus dans ce débat toujours courtois et de haut niveau et, bien sûr, de M. le secrétaire d'Etat, qui a toujours répondu avec la plus grande attention à toutes nos demandes d'où qu'elles viennent et qui a ainsi montré une compétence et un brio que nous connaissions depuis longtemps. L'important était que nous soyons le mieux informés possible au moment d'aborder cet acte politique dont je parlais voilà quelques instants.
Le budget pour 2000 présenté par le Gouvernement est un bon budget. Il se caractérise en effet par la poursuite de la baisse du déficit budgétaire, par une dépense publique maîtrisée, par des allégements d'impôts conséquents - 40 milliards de francs. En cela, il poursuit la mise en oeuvre de la nouvelle politique économique menée depuis l'été 1997.
Cette politique, comme l'a bien montré notre collègue Bernard Angels, repose sur le tryptique croissance, confiance, activité, conditions indispensables pour accompagner l'emploi. Elle a permis à notre économie de sortir des années de marasme et de retrouver une croissance soutenue, supérieure à celle de ses principaux partenaires européens, alors qu'avant 1997 elle était inférieure. Cette réussite a été saluée de toute part - il suffit d'ailleurs de lire la presse ces jours-ci - et les derniers résultats sur l'évolution du chômage - 26 000 demandeurs d'emploi en moins le mois dernier - confirment une fois de plus le bien-fondé de cette politique.
Il n'y a guère que nos collègues de la majorité sénatoriale pour croire, ou sembler croire, que la croissance n'est pas là et que ce gouvernement ne serait pour rien dans ces excellents résultats économiques. Que n'avons-nous pas entendu l'an dernier à cette même époque lorsque Dominique Strauss-Kahn avait affiché un taux de croissance de 2,7 % pour cette année. Eh bien ! constatons que, pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement avait raison et que, chers collègues, vous avez tort. La croissance, cette année, devrait finalement atteindre les 2,7 % prévus, alors même que le Gouvernement n'avait pu intégrer dans ses prévisions le ralentissement mondial de l'hiver dernier, le fameux trou d'air.
Cette politique a également permis de remettre nos comptes publics sur de bons rails. La meilleure preuve en est que, l'année prochaine, les charges de la dette baisseront de 2,5 milliards de francs. Il faut remonter à de très nombreuses années en arrière pour retrouver un résultat semblable. Avec 1,8 % de déficit public l'année prochaine, nous serons toujours en phase avec notre programme pluriannuel de réduction des déficits.
Cette réduction du déficit a pourtant été jugée insuffisante par M. le rapporteur général. Je crois, pour ma part, que cette critique oublie que la France est partie d'un niveau de déficit élevé par rapport à de nombreux pays européens qui avaient maîtrisé mieux qu'elle leurs comptes publics dans les années 1993-1996.
De plus, cette critique m'étonne au vu de l'ensemble des propositions de M. le rapporteur général ou de la majorité sénatoriale qui ont été adoptées par la Haute Assemblée et qui entraîneront une forte aggravation du déficit.
Je rappellerai les principales dispositions : modification de l'indexation de l'impôt sur le revenu ; augmentation du plafond de l'avantage fiscal résultant d'une demi-part de quotient familial ; doublement du plafond de la réduction d'impôt pour les souscriptions au capital des PME ; passage au taux réduit de TVA de plusieurs nouveaux produits ; exonération nouvelle des droits de mutation ; suppression de la réduction du taux de l'avoir fiscal ; rétablissement de l'indexation de l'ISF ; et j'en passe.
Si j'ai bien compris votre chiffrage, monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit là de près de 40 milliards de francs de dépenses supplémentaires ou de recettes en moins.
Quant au paquet de cigarettes à 60 francs, je crois que c'est particulièrement significatif.
Cette année, la majorité sénatoriale a abandonné son idée de proposer des réductions de dépenses. Il est vrai que cela mettait trop en lumière l'absence des propositions économiques alternatives ou, plutôt, en soulignait trop certaines !
Toutefois, pour garder un minimum de sérieux, la majorité sénatoriale a supprimé le financement des exonérations de charges sociales afin de compenser une partie de cette aggravation. Monsieur le rapporteur général, cela réduit le déficit budgétaire, mais pas le déficit public. Cela ne change donc rien.
Cette position m'étonne. Mais vous n'êtes plus, mes chers collègues, à une contradiction près.
En revanche, vos propostions sont moins surprenantes : il s'agit, dans la plupart des cas, d'une forte réduction des impôts pour les Français les plus aisés. C'est là un choix clair, mais ce n'est pas le nôtre.
Les baisses d'impôts doivent concerner tous les ménages, en premier lieu les plus modestes, afin de soutenir la demande et la croissance.
Vos positions démagogiques, pour reprendre votre expression, monsieur le rapporteur général, vous les avez également défendues à propos des finances locales. Alors que ce gouvernement fait largement plus que les précédents en faveur de nos collectivités locales - rappelons-nous, mes chers collègues, du pacte dit « de stabilité » de M. Juppé - la majorité sénatoriale a souhaité se lancer dans le « toujours plus », encore une fois en totale contradiction avec ses positions sur la maîtrise des finances publiques.
Cette première partie de loi de finances n'a donc désormais plus rien à voir avec le projet équilibré voté par l'Assemblée nationale. Le groupe socialiste votera donc contre cette première partie, certain toutefois que l'Assemblée nationale, grâce à sa majorité plurielle, saura rétablir ce budget dans ses équilibres et ses priorités qui sont celles dont la France a besoin. Les résultats économiques le démontrent un peu plus chaque jour, ces résultats économiques qui sont au service de l'emploi et du bien-être de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Monsieur Sergent, il m'est agréable de vous adresser mes plus vifs remerciements pour les propos aimables que vous avez cru devoir adresser à la présidence.
La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, tout d'abord, je tiens à féliciter, au nom de mon groupe, la commission des finances, son président M. Alain Lambert, et son rapporteur général, M. Philippe Marini, pour la très grande qualité de leur travail. J'ai pu également apprécier la courtoisie de M. le secrétaire d'Etat.
La discussion sur la partie fiscale du budget a été particulièrement dense. Des débats très approfondis et de qualité se sont engagés sur des sujets divers.
Beaucoup traduisaient des réactions à des propositions du Gouvernement : évolution de la TVA dans le cadre européen, statut fiscal des associations, taxe professionnelle ou fiscalité de l'environnement. D'autres résultaient d'initiatives du Sénat, que ce soit à propos d'impératifs de clarification fiscale, de l'indispensable réforme de l'impôt sur le revenu ou de l'épargne salariale.
La majorité sénatoriale, de concert avec la commission des finances, a de nouveau fait preuve, cette année, d'un incontestable sens des responsabilités et d'une vision prospective de ce que doit être la fiscalité de demain, à savoir « une fiscalité compétitive au service de l'emploi », comme l'indique le titre d'un excellent rapport de notre collègue et ami, le président Alain Lambert.
Les principales propositions adoptées par le Sénat ont effectivement pour objet de lutter contre le chômage, un chômage qui touche encore dans notre pays 11 % de la population active, ne l'oublions pas. Je pense en particulier aux amendements de la commission des finances encourageant la transmission des entreprises ou diminuant la fiscalité sur les activités libérales.
D'une manière générale, les prélèvements obligatoires restent trop élevés en France, et c'est le devoir de notre Haute Assemblée d'indiquer des voies de réforme.
Du fait que 60 % des prélèvements obligatoires figurent dans la loi de financement de la sécurité sociale, une vision consolidée des deux budgets, budget de l'Etat et budget social, est une nécessité. Elle a été rappelée à plusieurs reprises par notre majorité.
D'importantes évolutions sont possibles dans le sens de la simplification et de l'allégement, par exemple pour la TVA, dont les règles sont trop complexes et souvent arbitraires. J'espère à ce propos que le Gouvernement entendra enfin l'appel du Sénat en faveur des activités de restauration et agira concrètement dans le sens d'une adaptation de la dernière directive européenne définissant les activités à haute intensité de main-d'oeuvre bénéficiaires du taux réduit.
La modernisation de la fiscalité ainsi que la réduction des dépenses doivent être les deux priorités de notre pays. C'est ce qui ressort du récent rapport du FMI sur la situation économique de la France. Ce document déplore pour notre Etat « une maîtrise insuffisante de la croissance des dépenses publiques » et « le caractère trop gradualiste de la stratégie des réformes ».
Effectivement, si la France veut réduire de façon significative le chômage et se rapprocher de la situation de nos partenaires hollandais ou britanniques, il lui faut insuffler plus de liberté dans l'économie. Tel est et sera l'objectif majeur de la majorité sénatoriale au cours du débat budgétaire.
J'évoquerai pour conclure les problèmes qui intéressent tout particulièrement les élus locaux : d'une part, la tentation forte de laisser les collectivités locales à l'écart du partage des fruits de la croissance, et, d'autre part, la place exorbitante que prennent, par rapport à la fiscalité locale, les dotations de l'Etat, dont les taux de progression et la pérennité ne manquent pas de susciter des inquiétudes légitimes.
Le Sénat a proposé des améliorations sensibles. Nous avons notamment obtenu le vote d'un amendement présenté par notre collègue M. Michel Mercier et tendant à réévaluer de façon substantielle la compensation de la baisse des taux des droits de mutation.
Plusieurs amendements concernant les groupements de communes à taxe professionnelle unique et défendus par M. Yves Fréville ont également été adoptés. Ces dispositions, et bien d'autres encore, viennent utilement corriger des lacunes existantes et, je l'espère, devraient être définitivement adoptées à l'issue de la navette.
Le groupe de l'Union centriste votera donc la première partie du projet de budget pour l'année 2000, ainsi amendée. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Delaneau.
M. Jean Delaneau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en écho à l'intervention de notre collègue M. Alain Lambert, président de la commission des finances, dans la discussion générale du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j'interviens à l'occasion des explications de vote sur la première partie du projet de loi de finances, à la fois en tant que président de la commission des affaires sociales du Sénat et au nom du groupe des Républicains et Indépendants du Sénat.
Le projet de loi de finances pour 2000 porte en effet la marque du projet de loi de financement de la sécurité sociale, du moins dans la mouture présentée par le Gouvernement pour ces deux textes.
Je ne rappellerai pas les différents transferts financiers, en dépenses comme en recettes, qui s'opèrent ainsi, non pas tant entre l'Etat et la sécurité sociale qu'entre le budget de l'Etat et un fonds qui est lui-même un « intrus » dans les lois de financement : le fonds de financement des 35 heures.
Je comprends dans ces conditions que M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances aient insisté l'un et l'autre dans la discussion générale, comme l'avait fait M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis du projet de loi de financement, sur la nécessité d'une forme de consolidation ou d'une agrégation des comptes publics.
C'est un excercice difficile, comme le note l'excellent rapport de notre collègue M. Philippe Marini.
Il faut toutefois prendre garde aux conséquences que pourrait entraîner une telle démarche si elle devait conduire le Parlement à voter les comptes des différentes caisses de sécurité sociale ou, pire encore, au nom de l'unité ou de l'universalité, à faire de la protection sociale un tout indéterminé.
Ce serait en effet marcher à grand pas vers une étatisation de la sécurité sociale alors même que nous avons voulu affirmer récemment notre attachement au paritarisme et notre confiance dans la démarche conventionnelle.
L'exercice deviendrait encore plus délicat s'il s'agissait d'y inclure les finances locales, car nous ne sommes pas moins attachés à l'autonomie de nos collectivités locales. J'observe d'ailleurs sur ce dernier point que, dans le domaine fiscal, cette autonomie se réduit comme une peau de chagrin. Nous en avons eu des exemples tout à l'heure.
En réalité, il faut avant tout mettre l'accent sur la cohérence entre les deux projets de loi et les moyens de la garantir. Je me réjouis, à ce stade du débat, que les votes du Sénat, sur proposition de ses deux commissions, y soient finalement bien parvenus.
Les comptes sociaux ont existé avant les lois de financement, la dérive des dépenses aussi, de même que l'affectation d'impositions diverses. Ainsi, la taxe sur les contrats d'assurance automobile créée en 1967 et la contribution sociale de solidarité sur les sociétés créée en 1970, rapporteront près de 25 milliards de francs en 2000, ce qui n'est pas négligeable.
Avant les lois de financement, il n'y avait pas de fractionnement de l'examen des comptes publics, car il n'y avait guère d'examen public des comptes sociaux.
Les lois de financement de la sécurité sociale constituent donc un progrès décisif, un acquis essentiel et elles facilitent grandement cette vue exhaustive des comptes publics que chacun souhaite.
Elles sont ainsi un instrument de transparence dont il convient de s'inquiéter qu'il soit aujourd'hui dévoyé, quatre ans seulement après sa mise en place.
Quelle est en effet la vraie question qui se pose et que révèle la coexistence de deux textes financiers ?
Elle est simple : qui fait quoi et avec quel argent ?
La réponse aujourd'hui est pour le moins confuse, elle échappe à toute logique et relève parfois du bricolage financier. Je ne citerai que quelques exemples.
Côté dépenses, quelle est la frontière entre la solidarité et l'assurance ? Vaste et délicate question s'il en est, dont le Gouvernement s'attache à brouiller la réponse.
Pourquoi l'allocation de parent isolé relève-t-elle du budget de l'Etat ? Tout simplement parce que le Gouvernement - un an après l'avoir décidée - a dû renoncer à la mise sous condition de ressources des allocations familiales au profit d'un plafonnement du quotient familial.
Il fallait donc, par la budgétisation de l'allocation de parent isolé, neutraliser cette recette supplémentaire dont l'Etat bénéficiait tout d'un coup et ce rétablissement de charge pour la branche famile. C'était en 1999.
Pour 2000, pourquoi le Gouvernement s'aperçoit-il que la majoration de l'allocation de rentrée scolaire doit relever désormais de la branche famille et qu'il importe de débudgétiser cette prestation ? C'est bien sûr parce que la branche famille fait apparaître des excédents qu'il convient de ponctionner.
Quelle logique préside à ces deux décisions prises à une année d'intervalle ? Aucune à l'évidence, sinon l'appréciation que porte le Gouvernement sur l'état des fonds de tiroir.
Côté recettes, la sécurité sociale - par opposition à l'unité du budget de l'Etat - est le domaine par excellence des affectations, précisément parce qu'il existe non pas un budget social mais des caisses et des branches ; je crois d'ailleurs que c'est bien ainsi.
Encore faut-il que ces affectations aient un sens.
Il y aurait ainsi une logique forte à affecter les droits sur les tabacs et les alcools - on a vu tout à l'heure que, grâce aux décisions du Sénat, ils allaient prospérer - à l'assurance maladie. Je dis bien à l'assurance maladie et pas aux 35 heures. L'assurance maladie supporte en effet le coût du tabagisme et de l'alcoolisme, et je ne serais pas peiné de voir l'Etat cesser, pour boucler ses fins de mois, de compter sur les « pratiques addictives » de nos concitoyens.
Y a-t-il une logique à affecter au fonds de réserve pour les retraites, comme vient de le faire le Gouvernement, un prélèvement sur les revenus de l'épargne ? Je n'en vois aucune, et je n'ai d'ailleurs pas entendu le Gouvernement prétendre qu'il y en avait une, je ne l'ai pas non plus entendu défendre les mérites de la taxation de l'épargne individuelle au profit d'une forme d'épargne collective obligatoire.
Côté recettes et côté dépenses, on cherchera vainement la logique du fonds de financement des 35 heures. Il s'agit de débudgétiser la compensation de la ristourne dégressive, d'affecter parallèlement au fonds de financement les droits sur les tabacs, d'y ajouter, côté dépenses, le coût du projet de loi 35 heures, et d'y affecter, côté recettes, des droits sur les alcools, la taxe générale sur les activités polluantes, majorée et étendue pour l'occasion, une contribution sur le bénéfice des sociétés et la taxation des heures supplémentaires, et ... de mélanger le tout !
Il faut que votre majorité fasse preuve de beaucoup de bonne volonté, monsieur le secrétaire d'Etat, pour voir là une réforme « d'ampleur » de l'assiette des cotisations patronales ou même, simplement, pour prétendre qu'il y a une logique à débudgétiser les exonérations de charges sociales décidées par l'Etat et à prévoir pour leur financement une collection d'impôts nouveaux et de recettes de poche.
Le Gouvernement a trouvé au Sénat une commission des affaires sociales et une commission des finances parfaitement unanimes pour condamner cette machine déréglée, car je crois que nos deux commissions sont avant tout soucieuses de la cohérence des deux projets de loi.
Il serait heureux que nos deux commissions organisent conjointement, au printemps, un débat d'orientation sur les finances publiques dans leur ensemble.
Il faudra bien alors que le Gouvernement, par la voix conjointe des ministres compétents, présente et justifie, dans un document que je n'hésiterai pas à qualifier cette fois de « consolidé », la cohérence des orientations retenues pour nos finances publiques, ainsi que l'a demandé la majorité du Sénat par un amendement déposé par notre groupe.
Approuvant pleinement les modifications substantielles apportées à la première partie du projet de loi de finances sur proposition, notamment, de notre commission des finances, dont je tiens à saluer le travail remarquable, le groupe des Républicains et Indépendants votera cette première partie ainsi amendée.
Je remercie toutes celles et tous ceux, de M. le président et M. le secrétaire d'Etat à tous les collaborateurs et personnels de cette assemblée qui ne pourrait fonctionner sans eux, du travail qu'ils ont accompli. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur Delaneau, la présidence vous remercie de vos amabilités, auxquelles elle a été sensible.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2000 s'achève. Nos débats ont été particulièrement denses et riches. S'ils furent parfois passionnés, ils sont toujours restés courtois et empreints de sérieux.
Je crois être l'interprète de tous les sénateurs et de toutes les sénatrices, monsieur le secrétaire d'Etat, en disant que vous avez grandement contribué à l'excellent déroulement de cette discussion. Au-delà de la performance technique, vous avez toujours manifesté de réelles capacités d'écoute, en dépit des divergences, normales dans une démocratie, qui vous ont opposé à la majorité sénatoriale. Mes collègues et moi-même avons été sensibles à vos évidentes qualités de tolérance, qualités que nous apprécions beaucoup dans cette enceinte.
Les parfaites conditions de déroulement de cette première étape du budget sont également à mettre au crédit de toutes celles et tous ceux qui sont intervenus dans le débat, au premier rang desquels je tiens à saluer M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances, dont il convient de souligner, pour l'un comme pour l'autre, la compétence, la combativité et la disponibilité.
Le Sénat s'apprête à adopter, au terme d'un dialogue républicain qui l'honore, une première partie raisonnable et responsable. Il a ainsi entendu apporter sa contribution à une meilleure gestion de nos finances publiques.
Les délais que nous nous étions fixés ont été respectés. Souhaitons qu'il en soit de même pour l'examen des fascicules budgétaires que nous allons entamer dès ce matin.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord, par des remerciements très sincères et des compliments sur la qualité du travail auquel j'ai participé au nom du Gouvernement, qualité dont l'honneur vous revient tout entier, à vous dire combien j'ai apprécié de présenter, pour la première fois dans ma vie publique, le texte précis des articles de la loi de finances devant la Haute Assemblée. Ce fut pour moi un moment privilégié, moi qui suis un habitué du travail parlementaire et qui, voilà quelques années, ai eu l'occasion de présenter devant une autre assemblée trente-six projets de loi de finances, projets de loi de finances rectificative ou projets de loi de règlement.
Je dois dire que jamais - le mot n'est pas trop fort, je le ressens comme tel - je n'ai éprouvé autant de satisfactions intellectuelles qu'ici, au cours de ces trois jours devant la Haute Assemblée. Je vous le dis parce que j'y ai trouvé expertise, sens de l'écoute, volonté d'un travail parlementaire approfondi, capacité d'opposer des idées sans jamais se départir de la courtoisie. J'ai trouvé en vous-même, monsieur le rapporteur général, en vous-même, monsieur le président de la commission des finances, en vous tous, mesdames, messieurs les membres du Sénat, des interlocuteurs avec qui j'ai, pour certains, de nombreuses divergences et, pour d'autres - je pense aux groupes de la majorité plurielle qui sont ici la minorité - beaucoup de convergences et une communauté de projets. Jamais je n'ai rencontré cette qualité ni cette capacité à travailler vraiment pour la République et pour la démocratie ; je tiens à vous en remercier.
J'adresse avec déférence mes remerciements à la présidence pour la bienveillance et la cordiale autorité avec laquelle elle a exercé ses fonctions. Je tiens tout particulièrement à souligner combien il m'a été agréable de trouver ce soir, pour présider cette séance si tardive et malgré ses charges si lourdes, un Vosgien au perchoir de la Haute Assemblée. Je tiens à vous remercier. (Très bien ! sur de nombreuses travées.)
Je sais que les remerciements que vous avez adressés, au nom de vos groupes respectifs, tout comme M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances, aux collaborateurs du Sénat valent également pour les collaborateurs du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Tout à fait !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... qui ont aussi, avec une grande conscience professionnelle, une grande probité intellectuelle et une très grande capacité d'expertise,...
M. Michel Charasse. Absolument !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... aidé le Gouvernement et donc accompagné le travail collectif que nous avons mené les uns et les autres. (Applaudissements.) Ils méritent effectivement vos applaudissements.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, je tiens à dire combien votre expertise remarquable, exceptionnelle, a permis que se déroule dans cet hémicycle un débat d'une très grande qualité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'adoption du projet de budget est un acte majeur de la vie politique. C'est l'occasion pour moi d'un rappel - rassurez-vous, il sera très cursif à cette heure tardive - de la politique menée par le Premier ministre, Lionel Jospin, depuis 1997.
En cette dernière année du xxe siècle, une politique budgétaire doit d'abord être, je crois, une politique au service de l'emploi et de la justice sociale. Le socle de cette politique, c'est la croissance, une croissance durable. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes attachés à mettre en oeuvre le fameux « 4 C » de Dominique Strauss-Kahn, à savoir confiance, consommation, croissance et création d'emplois.
La dynamique de notre politique, c'est d'abord le partage des fruits de la croissance. Ce pari, mesdames, messieurs les sénateurs, est en train de réussir. L'économie française a créé 650 000 emplois marchands depuis l'été 1997. Nous avons pris appui sur cette croissance pour faire reculer le chômage, dont le taux, qui s'établissait à 12,6 % au mois de juin 1997, est aujourd'hui de 11 %. On a compté 28 000 chômeurs en moins au cours du dernier mois.
Dans le même temps, nous avons accru significativement le pouvoir d'achat des ménages, en particulier des plus modestes.
Le projet de budget pour 2000 s'inscrit dans cette logique de solidarité. Les deux tiers des marges de manoeuvre sont affectés à des baisses d'impôt, il faut le redire : 40 milliards de francs au total, dont une trentaine en faveur des ménages.
Avec la baisse de la TVA sur les travaux concernant les logements, la baisse de ce qu'on appelle les frais de notaire, les allégements décidés ont pour objectif premier la création d'emplois.
Les dépenses sont, pour leur part, stabilisées en volume et font l'objet de redéploiements importants - 34 milliards de francs, c'est courageux - au profit de nos priorités : l'emploi, la justice sociale, les dépenses d'avenir que sont l'éducation, la recherche, les services publics, la justice et la sécurité, priorités auxquelles tous nos concitoyens doivent avoir un égal accès.
Le déficit budgétaire - c'est très significatif - baisse de 20 milliards de francs, comme les années précédentes, soit un besoin de financement associé des administrations publiques, les APU, de 1,8 % du produit intérieur brut. La baisse importante réalisée depuis 1997, 1,7 point du PIB, l'une des plus fortes de l'Union européenne - j'insiste sur ce point - se traduit par un résultat essentiel : le poids de la dette publique dans la richesse nationale sera en légère baisse l'an prochain pour la première fois depuis vingt ans, diminuant ainsi les charges qui pèseront sur nous et sur nos enfants dans le futur.
Le budget adopté par le Sénat révèle une approche très différente de celle que je viens de résumer à grands traits et qui est l'approche du Gouvernement. Je voudrais souligner la différence qui existe entre le Gouvernement et sa majorité, d'une part, et la majorité du Sénat, d'autre part.
Celle-ci a cru devoir remettre en cause des mesures phares, de celles qui donnent un sens à une loi de finances. Je songe, par exemple, au fonds d'allégement des charges sur les bas salaires : vous avez refusé l'affectation de la TGAP et des droits sur les tabacs aux allégements de cotisation sociale. Je pense aussi aux mesures destinées à rééquilibrer la fiscalité des sociétés, en particulier la baisse de l'avoir fiscal à 40 %, adoptée sur l'initiative du groupe communiste républicain et citoyen à l'Assemblée nationale.
A l'inverse, vous avez adopté des mesures tous azimuts, imprudentes à mon sens au regard des règles européennes en matière de TVA, éloignées de la logique claire du Gouvernement, logique ciblée, elle, sur la création d'emplois.
En matière d'impôts sur le revenu, vous avez indexé le barème sur la croissance économique, ce qui constitue un avantage accordé aux contribuables les plus aisés.
J'ajoute que nos débats de ce soir peuvent paraître incomplets, car nous n'avons pas, à ce stade, modifié le plafond des dépenses. Or le compte rendu des débats de votre commission des finances fait apparaître que celle-ci a rejeté un nombre important de budgets, parmi les plus prioritaires aux yeux du Gouvernement, en particulier ceux qui concernent l'emploi et la solidarité, l'éducation nationale et la recherche, l'environnement et l'aménagement du territoire, l'innovation industrielle.
L'effet de ces rejets serait, par exemple, l'impossibilité de financer 100 000 emplois-jeunes supplémentaires prévus en 2000, la remise en cause de la réforme de la couverture maladie universelle, le blocage des moyens de la prévention des risques, alors que nous sommes tous très sensibles à ce qui vient de se passer dans le sud de la France.
Au total, les propositions adoptées sur l'initiative de la commission des finances du Sénat me paraissent aller à l'encontre des priorités que le Gouvernement met en oeuvre depuis deux ans et demi avec l'assentiment des Français et auxquelles vous continuez à vous opposer.
Cependant, nos débats - et ce sera ma conclusion - auront permis d'éclairer la teneur et la profondeur de nos divergences. Mais permettez-moi de me féliciter de leur qualité, qui doit beaucoup à votre compétence et à la précision de vos interventions, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général. (Applaudissements.)
M. le président. Merci, monsieur le secrétaire d'Etat, des félicitations amicales que vous avez adressées au Sénat, aux sénatrices et aux sénateurs.
Permettez-moi de vous demander de bien vouloir faire partager à tous les membres du Gouvernement les appréciations élogieuses et justifiées que vous portez sur les travaux de la Haute Assemblée. Vous venez de confirmer que notre institution est bien indispensable à l'équilibre des pouvoirs publics. Vous en avez été un excellent avocat, et je vous en remercie. (Applaudissements.)
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2000.
Je rappelle que, en application des articles 47 bis et 59 du règlement, il est procédé de droit à un scrutin public ordinaire lors du vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances de l'année.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 21:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 318
Majorité absolue des suffrages 160219
Contre 99

La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

10