Séance du 30 novembre 1999







M. le président. « Art. 21. - I. - L'article 45 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986) est ainsi modifié :
« 1° Les B et C du I sont abrogés ;
« 2° Au 1° du VII, les mots : "au double du montant" sont remplacés par les mots : "au montant" ;
« 3° Il est ajouté un VIII ainsi rédigé :
« VIII. - Les titulaires d'autorisations délivrées en application des articles L. 33-1 ou L. 34-1 du code des postes et télécommunications relatives à des réseaux ou services de télécommunications à caractère expérimental autorisés pour une durée inférieure à trois ans sont exonérés des taxes prévues aux A et F du I et au VII du présent article. »
« II. - L'exonération prévue au 3° du I du présent article est applicable à compter du 1er janvier 1998. Les sommes qui ont été acquittées au titre des taxes dues en 1998 et 1999 par les titulaires des autorisations délivrées en application des articles L. 33-1 ou L. 34-1 du code des postes et télécommunications, relatives à des réseaux ou services de télécommunications à caractère expérimental autorisés pour une durée inférieure à trois ans, leur sont reversées. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-154, MM. Emin, Pépin et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent :
I. - Avant le 2° du I de cet article, d'insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Le 1° du A du I est ainsi rédigé :
« 1° Le montant de la taxe est fixé à 3 centimes par habitant. »
II. - De compenser la perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus, à due concurrence, par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Par amendement n° I-254, MM. Trégouët, Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong et Joyandet proposent d'insérer, après le premier alinéa du I de l'article 21, dix alinéas ainsi rédigés :
« 1° A. - Le 1° du A du I est ainsi rédigé :
« 1° Le montant de la taxe résulte du produit entre le nombre d'habitants d'une zone géographique et le coût unitaire par habitant des licences d'opérateur.
« Les zones géographiques retenues pour les réseaux sont :
« - tout ou partie d'une unité urbaine d'au plus 100 000 habitants,
« - un département,
« - une région,
« - cinq régions,
« - plus de cinq régions.
« Le coût unitaire par habitant est de 0,03 franc.
« Les réseaux utilisant exclusivement des capacités de télécommunications par satellite acquittent une taxe forfaitaire d'un montant de 250 000 francs. »
La parole est à M. du Luart, pour présenter l'amendement n° I-154.
M. Roland du Luart. Mes collègues Jean-Paul Emin et Jean Pépin m'ont demandé de défendre en leur nom cet amendement, qui a pour objet d'attirer l'attention du Sénat et du Gouvernement sur le coût des communications pour l'accès au réseau Internet dans les zones rurales : ils considèrent que ce coût est trop élevé en raison d'un manque de concurrence.
Nous souhaitons pouvoir modifier le système car la distorsion de concurrence provient du fait que, dans les zones comptant au plus 100 000 habitants, le coût est de un franc par habitant alors que, dans certaines autres zones, il est de 5,8 centimes pour une couverture nationale. Cela prouve bien que les zones rurales sont défavorisées par cette taxe !
Accepter notre amendement permettrait de ramener la taxe de constitution de dossier à 3 centimes par habitant quelle que soit la zone couverte et de parvenir ainsi à une certaine équité sur l'ensemble du territoire. Les PME pourraient ainsi mieux équiper leurs sites dans les zones rurales.
Nous considérons que cette mesure pourrait avoir, à terme, un impact positif sur les recettes de l'Etat grâce au développement d'activités nouvelles liées à Internet.
M. le président. La parole est à M. Trégouët, pour défendre l'amendement n° I-254.
M. René Trégouët. Cet amendement a exactement le même objet, monsieur le président.
Il est vrai que les petites et moyennes entreprises qui veulent accéder à des licences connaissent actuellement un réel problème. En effet, comme vient de le dire notre collègue Roland du Luart, le coût qu'elles doivent supporter est beaucoup trop élevé. Au demeurant, aucune licence locale n'a été demandée à l'ART, l'autorité de régulation des télécommunications, depuis l'instauration de cette mesure, ce qui montre bien qu'il y a un vrai problème.
Comme l'a dit M. du Luart, les coûts dépassent un franc par habitant dans le monde rural alors qu'une licence au niveau national représente 3,5 millions de francs, donc à peine six centimes par habitant.
Je vous demande donc, en adoptant cet amendement, de bien vouloir établir une certaine équité dans la concurrence pour l'accès à la boucle locale, ce qui est extrêmement important pour l'accès à Internet.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements n°s I-154 et I-254 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ces deux amendements tendent à porter le taux de la taxe de constitution de dossier à trois centimes par habitant quelle que soit la zone couverte par les réseaux de communication.
Les auteurs de ces amendements estiment que les taux actuels pénalisent l'accès au réseau Internet dans les zones rurales. Il convient toutefois de rappeler que la loi de finances de 1998 a abaissé le montant de cette taxe de 200 000 francs à 50 000 francs pour la couverture la plus restreinte, tandis que la même taxe était portée de 200 000 francs à 1,750 million de francs pour une couverture d'au moins cinq régions.
Par ailleurs, l'article 21 du présent projet de loi de finances réduit de moitié le montant de la taxe de gestion et de contrôle acquittée par les titulaires des autorisations.
Les dispositions actuelles ne semblent donc pas inadaptées, mais la commission des finances souscrit bien volontiers aux objectifs visés par les auteurs des amendements.
Sur le plan technique, il est cependant sans doute nécessaire d'obtenir quelques précisions du Gouvernement afin de connaître - nous n'avons pas beaucoup d'éléments sur ce sujet - quel serait le coût estimé d'une telle mesure.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Les opérateurs sont soumis à deux taxes : la taxe de constitution de dossier et la taxe annuelle de gestion et de contrôle.
Monsieur Trégouët, le Gouvernement est favorable au dégroupage de la boucle locale, je l'ai annoncé ce matin en ce qui concerne Internet à haut débit. C'est une mesure dont la portée est immense, puisqu'elle établit sur une boucle locale la technologie ADSL - asynchronous digital subscriber line , pardonnez-moi, monsieur Hamel - avec une véritable concurrence, c'est-à-dire une véritable ouverture par rapport à l'ancien monopole de l'opérateur historique. Depuis ce matin, l'appel d'offres est donc ouvert, sous certaines conditions, pour certaines fréquences : vous avez satisfaction.
Les amendements qui ont pour objet de modifier la structure des taxes risquent d'aboutir à une complexification du dispositif actuel et de sa gestion alors que les opérateurs ont besoin de lisibilité pendant la période qui couvre leur autorisation.
Comme M. le rapporteur général l'a fort élégamment rappelé, le Gouvernement a déjà allégé très significativement le dispositif en vigueur, puisque nous avons divisé par deux la taxe de gestion et de contrôle due chaque année par l'ensemble des titulaires d'autorisation et que nous avons aussi pris en compte l'objectif de développement des réseaux locaux à travers l'exonération des réseaux expérimentaux qui concernent notamment la boucle locale radio, dont je viens de parler.
Au total, les allégements décidés par le Gouvernement sont très importants puisqu'ils contribuent à diminuer les taxes de près de 90 millions de francs en 2000, le produit de ces taxes étant ramené à un total d'environ 80 millions de francs. Le niveau des taxes sera donc ainsi faible par rapport aux coûts de développement des nouveaux réseaux.
Avec cet article 21, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, le Gouvernement entend accompagner le développement du secteur des télécommunications, qui contribue fortement à la croissance de notre économie et qui représente déjà 5 % de notre produit intérieur brut. En croissance de plus de 10 % par an, il est certainement une source potentielle forte d'emplois.
C'est pourquoi je pense, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous devriez tenir compte de nos efforts, de l'ouverture à la concurrence, du fait que nous encourageons volontairement ce secteur. Dans ces conditions, peut-être pourriez-vous retirer vos amendements, monsieur du Luart, monsieur Trégouët ?
M. le président. Monsieur Trégouët, maintenez-vous l'amendement n° I-254 ?
M. René Trégouët. M. le secrétaire d'Etat nous a dit qu'il avait fait une annonce ce matin concernant l'ADSL et le dégroupage. Je considère que c'est une très bonne nouvelle pour la concurrence sur la boucle locale en France.
Il aurait toutefois fallu qu'il aille au terme de son raisonnement ! Je me suis d'ailleurs permis de lui envoyer ce jour une question écrite pour connaître exactement la portée de sa décision. Je souhaite en effet savoir dans combien de temps l'ADSL sera disponible dans le monde rural, car nous savons tous combien le large débit est important en la matière.
J'ai eu l'occasion de poser la question récemment à M. Michel Bon, président de France Télécom, et je crois que la concurrence va pouvoir s'exprimer assez rapidement dans les villes de France. Mais qu'en est-il, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'accès dans le monde rural en France ? Dans cette assemblée, qui se préoccupe beaucoup des questions d'aménagement du territoire, nous aurons certainement l'occasion d'en reparler bientôt, car nous sommes en train de créer un déséquilibre supplémentaire entre le monde urbain et le monde rural. En effet, grâce au dégroupage que vous nous avez annoncé, monsieur le secrétaire d'Etat, l'ADSL pourra utiliser les fils de cuivre partout dans le monde urbain, mais aucun programme n'est prévu pour le monde rural.
L'amendement n° I-254 n'a d'autre objet que de tenter de favoriser l'accès à Internet pour le monde rural, surtout compte tenu de la décision que vous avez prise aujourd'hui.
Il faut rééquilibrer notre territoire ! Quand on constate qu'à ce jour aucune licence locale n'a été demandée à l'ART pour accéder à Internet dans le monde rural, on se rend compte qu'il y a là un réel problème !
Est-il normal que seuls des opérateurs de grande taille, disposant des sommes suffisantes, puissent accéder au marché national tandis que, dans le même temps, on ne peut accéder localement à Internet ?
Je trouve que c'est regrettable, et c'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je maintiens mon amendement.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. La meilleure des mesures que nous ayons prises, monsieur Trégouët, c'est la baisse des tarifs d'accès à Internet. La France a aujoud'hui le tarif le plus bas, exception faite d'un de nos partenaires de l'Union européenne. En effet, cent francs pour vingt heures d'Internet, c'est un des tarifs les meilleurs, et cela s'adresse aussi au monde rural
J'habite personnellement un village de 400 habitants et je suis connecté au réseau Internet en débit simple. J'estime que, cent francs pour vingt heures, c'est un tarif extrêmement attractif, qui emporte d'ailleurs l'adhésion de l'ensemble des internautes et de leurs associations.
Quant à l'ADSL et à son développement dans le monde rural, il faut rappeler que le haut débit permet de passer de quelques kilobits à un, voire deux mégabits par seconde dans la transmission des données. Cela signifie que, avec l'ADSL, Internet peut être un instrument de travail pour les entreprises grâce à la transmission à haut débit de données interentreprises. Cela modifie en effet complètement le paysage industriel français !
L'ADSL sera ouvert à environ 200 grandes connurbations en France avant la fin de l'année 2000 ou vers le milieu de l'année 2001. Mais, vous le savez, monsieur le sénateur, cette technologie suppose de nombreux investissements. C'est pourquoi, dans un premier temps, l'investissement sera réalisé là où les clients sont les plus nombreux. Dans un second temps, le monde rural sera atteint par le haut débit et pourra bénéficier des facultés décuplées qu'il offre par rapport aux possibilités techniques d'aujourd'hui.
Le coût de l'accès à Internet demeure cependant la principale préoccupation des internautes. Or nous avons franchi, à cet égard, grâce à des tarifs accessibles à tous, une étape extrêmement importante qui place la France parmi les meilleurs pays dans ce domaine.
M. le président. Monsieur du Luart, votre amendement est-il maintenu ?
M. Roland du Luart. Je retire mon amendement au profit de celui de M. Trégouët.
M. le président. L'amendement n° I-154 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-254, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 21, ainsi modifié.

(L'article 21 est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3