Séance du 17 novembre 1999







« Art. L. 551-1 . - Le montant des prestations familiales est déterminé d'après des bases mensuelles de calcul revalorisées par décret, une ou plusieurs fois par an, conformément à l'évolution des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances pour l'année civile à venir.
« Si l'évolution constatée des prix à la consommation hors tabac est différente de celle qui avait été initialement prévue, il est procédé à un ajustement destiné à assurer, pour l'année civile suivante, une évolution des bases mensuelles conforme à l'évolution des prix à la consommation hors tabac. »
« II. - Les dispositions du I entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2000.
« Pour l'année 2000, il est fait application du mécanisme d'ajustement découlant du deuxième alinéa de l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale au titre de l'évolution constatée en moyenne annuelle de l'indice des prix hors tabac de l'année 1999. Le montant des bases mensuelles issu de ce calcul est majoré, à titre exceptionnel, de 0,3 %. »
Sur l'article, la parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Les articles 7, 8 et 9 forment un tout. Pour autant, je serai aussi concis que possible.
Madame la ministre, vous n'avez consacré qu'un paragraphe à la politique familiale dans votre intervention hier. Vous vous contentiez d'indiquer que vous en poursuivrez la rénovation. C'est pourquoi il ne me semble pas inutile de m'interroger sur ce que doit être une vraie politique familiale.
Une vraie politique familiale se doit d'être tout d'abord globale, c'est-à-dire une politique qui prend en compte aussi bien les paramètres économiques que les paramètres sociaux et, enfin, la dimension culturelle de la famille au regard tant de sa structure que de ses missions, notamment sur le plan éducatif.
Une vraie politique familiale se doit aussi d'être universelle, c'est-à-dire qu'elle doit concerner toutes les familles, je dis bien « toutes ». S'il est indéniable que certaines, les plus modestes, doivent bénéficier d'une attention particulière, les autres, plus aisées, ne doivent pas pour autant être laissées de côté.
Asseoir une politique familiale sur des niveaux de ressources pour justifier certaines mesures restrictives, c'est aller radicalement à l'encontre de ce principe d'universalité.
Une vraie politique familiale doit permettre de concilier la vie professionnelle et la vie familiale.
L'assouplissement du temps choisi, et j'insiste sur le terme « choisi », doit être la première des ambitions. M. le Président de la République a d'ailleurs récemment rappelé que « 80 % des femmes en âge de travailler exercent un métier. C'est une aspiration très profonde. Elle n'est pas négociable. »
Toutefois, lorsque les femmes souhaitent se consacrer à leurs enfants, il faut leur en donner les moyens ; c'est la liberté de choix.
Mes propos ne relèvent pas de la polémique partisane. Ils traduisent, en effet, ce que pensent l'ensemble des familles. Il n'y a pas un iota entre la définition que je viens d'exposer et celle de l'Union nationale des associations familiales qui, je le rappelle, est l'interlocuteur privilégié des pouvoirs publics aux termes de la loi elle-même.
Les principes étant posés, que dire de la voie dans laquelle vous vous engagez ?
Si je ne doute pas de vos ambitions, peut-être pas trop éloignées des nôtres au fond, tout au moins si l'on en juge par vos déclarations, encore que la priorité accordée au PACS par rapport à d'autres mesures favorables aux familles pourrait m'en faire douter, nous divergeons en tout cas sur les moyens à mettre en oeuvre.
Face aux mesures que vous proposez pour la branche famille, c'est plutôt la déception qui l'emporte du côté des familles.
Vous annoncez un excédent de 1,41 milliard de francs, mais il s'agit - nous l'avons dénoncé suffisamment ici - d'un artifice. M. le rapporteur, notamment, a indiqué qu'il visait à masquer un excédent spontané réel de 6 milliards de francs.
En effet, vous effectuez un certain nombre de ponctions à la source.
Ainsi, un milliard de francs ont été détournés vers le fonds de réserve pour les retraites, lui-même privé de recettes affectées au financement des 35 heures. En définitive, indirectement ce sont donc les familles qui financeront la réduction du temps de travail. J'ajoute que vous rompez délibérément avec la règle de la séparation des branches, règle d'or des lois de financement de la sécurité sociale.
En outre, 2,5 milliards de francs passent à la trappe par la débudgétisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire - vous l'avez d'ailleurs indiqué très clairement tout à l'heure - le financement de celle-ci étant mis en définitive à la charge de la CNAF, puisque vous en faites une allocation. Mais il est vrai qu'il est facile d'être généreux avec l'argent des autres.
Finalement, il reste seulement 1,41 milliard de francs pour l'élaboration d'une vraie politique familiale.
Les dispositions que vous proposez ne sont pas mauvaises en soi, mais elles sont par trop timides au regard de ce qui aurait pu être fait à partir de cet excédent spontané de 6 milliards de francs.
Certes, on peut apprécier le coup de pouce de 0,3 % accordé aux prestations familiales et prévu à l'article 7. Cependant, l'article 8, présenté comme une avancée sociale, constitue en réalité un recul par rapport à la loi de 1994 relative à la famille qui prévoyait avant le 31 décembre 1999 le recul à vingt-deux ans de l'âge limite pour l'ouverture des droits. Je suis surpris, madame la ministre, que vous ne vous tourniez pas vers moi en entendant mes propos.
Certes, je connais vos arguments concernant cette fameuse loi de 1994. Il est vrai que les dépenses constatées la première année se sont avérées supérieures à celles qui étaient prévues initialement. Mais je me permets de vous faire remarquer que ce dépassement était essentiellement imputable au succès extraordinaire de l'allocation parentale d'éducation qui a dépassé toutes les prévisions, ce qui prouve que cette mesure répondait bien à un besoin profond de nos concitoyens, puisque plus de 500 000 familles en ont alors bénéficié. En outre, elle avait entraîné d'importantes économies pour l'indemnisation du chômage.
Enfin, l'article 9 institue la garantie de ressources pour la branche famille, point qui a beaucoup été évoqué tout à l'heure. Je constate que, pour le moment, vous vous livrez au contraire, comme M. le rapporteur l'a dit, à un « siphonnage » des excédents de la branche famille.
Aussi, vous comprendrez, madame la ministre, que les mesures que vous proposez ne soulèvent pas un grand enthousiasme de notre part. C'est d'autant plus grave que les 6 milliards de francs d'excédent spontané vous en auraient donné les moyens !
Vous comprendrez également que, dans ces conditions, nous attendions avec impatience l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale de la proposition de loi sur la famille que le Sénat a adoptée en juin dernier. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Dans leurs missions quotidiennes, les caisses d'allocations familiales - dont relèvent 10 millions d'allocataires - servent une multitude de prestations, mais elles développent aussi des services aux usagers, tel le réseau d'aide aux parents destiné à conforter leur rôle éducatif.
Face aux demandes sociales toujours plus fortes auxquelles elles doivent faire face en raison de l'augmentation du nombre de personnes en difficulté, qui vivent en grande partie grâce aux prestations d'aide sociale, mais aussi du fait de l'accroissement et de la complexité des allocations distribuées, de nombreuses caisses sont aujourd'hui au bord de l'asphyxie, principalement parce que, dans le même temps, leurs effectifs n'ont pas évolué.
Le système informatique des caisses d'allocations familiales n'est, bien sûr, pas sans défaut et sa mise en place a nécessité du temps. Toutefois, il faut admettre qu'il n'a fait qu'aggraver et révéler une situation déjà tendue, faute de personnels suffisants pour aller au-devant des allocataires et pour les accueillir dans des conditions satisfaisantes, compte tenu des nouvelles missions qui incombent aux caisses.
Le résultat, nous le connaissons tous depuis les dysfonctionnements de cet été, notamment en région parisienne, et singulièrement à Paris où j'ai eu l'occasion de me rendre sur place pour constater ce qu'il en était.
Des courriers sont traités avec deux mois de retard. De nombreux dossiers sont en souffrance. Des personnels sont exposés à la violence, à l'incompréhension des familles allocataires, pour lesquelles les versements retardés, interrompus, sont extrêmement pénalisants. Il arrive que la CNAF fournisse à certaines familles 80 % de leur budget !
Autant dire que, pour les personnes les plus fragilisées, les ruptures de paiement sont autant d'obstacles qui compromettent le maintien dans le logement, la vie au quotidien tout simplement.
Madame la ministre, pour mettre en oeuvre la politique sociale, familiale que le Gouvernement s'est fixée, les caisses d'allocations familiales comme les caisses primaires d'assurance maladie sont des maillons essentiels. Il convient d'entendre les inquiétudes des personnels et de donner rapidement aux caisses les moyens humains et les ressources suffisantes pour qu'elles remplissent pleinement leurs missions, ô combien utiles.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Tous deux sont présentés par Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 116 a pour objet :
I. - De rédiger comme suit le texte présenté par l'article 7 pour l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale :
« Art. L. 551-1 - Le montant des prestations familiales est déterminé d'après des bases mensuelles de calcul revalorisées par décret, une ou plusieurs fois par an, conformément à la progression générale des salaires moyens ou du salaire minimum interprofessionnel de croissance. »
II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, insérer après le I de l'article 7 un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Le taux de la cotisation prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est relevé à due concurrence des pertes de recettes résultant de la modification du montant des prestations familiales visé à l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale. »
L'amendent n° 117 vise :
I. - Dans le second alinéa du texte proposé par le paragraphe I de l'article 7 pour l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale, à remplacer les mots : « différente de » par les mots : « supérieure à » ;
II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, à insérer après le I de l'article 7 un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant de la modification de la base de calcul de l'ajustement visé au second alinéa de l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale sont compensées à due concurrence par le relèvement du taux de la cotisation prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Borvo, pour présenter ces deux amendements.
Mme Nicole Borvo. L'article 7 fixe les règles de revalorisation des bases mensuelles fondant le calcul des prestations familiales et détermine ainsi l'évolution du pouvoir d'achat des familles.
Le Gouvernement fait le choix de pérenniser l'indexation du montant des prestations familiales sur l'indice des prix. De surcroît, il reconduit un mécanisme de réajustement mis en place par la loi de 1994 relative à la famille et permettant de corriger, de compenser le trop-perçu d'une année sur l'autre du fait d'une surévaluation de l'inflation.
Bien que vous conserviez ainsi, madame la ministre, une certaine marge de manoeuvre de l'évolution des prestation s'agissant, il n'en demeure pas moins que le dispositif choisi peut se révéler pénalisant pour le budget familial.
En 1996, alors que l'indice des prix atteignait à peu près 1,9 %, la droite, qui prétend être seule capable de mener une politique généreuse en faveur des familles, n'a-t-elle pas usé de ce mécanisme pour « geler » l'évolution des prestations ?
Je vous concède que, cette année, le taux de revalorisation des bases mensuelles, au regard d'une application à la lettre de la règle posée, aurait dû être de 0,2 %.
Au 1er janvier 2000, le Gouvernement a décidé une majoration exceptionnelle de 0,3 %. S'agit-il d'un véritable coup de pouce, comme cela a été dit, ou d'un simple correctif destiné à rendre moins choquant un dispositif qui n'est pas bon ?
Les familles subiront une baisse de leur pouvoir d'achat, l'évolution prévisionnelle des prix pour 2000 étant de 0,9 % et celle du PIB de 1,2 %.
Pour l'ensemble des allocataires des caisses, notamment pour le tiers d'entre eux qui disposent d'un revenu mensuel inférieur à 4 200 francs, cette décision, vous l'avouerez, n'est pas très positive.
La croissance est là, et je m'en réjouis. Il est juste que les familles bénéficient des fruits de celle-ci. L'équilibre de la branche et la confirmation de l'excédent donnaient une marge de manoeuvre plus large pour mener une politique qui soit réellement en faveur des familles.
Ne pouvant nous satisfaire de cette situation, nous proposons, par amendements, d'indexer les prestations familiales non sur l'évolution des prix, mais sur celle du salaire moyen, ce qui a le double avantage d'assurer la progression du pouvoir d'achat des familles, dont les besoins sont croissants, et de mettre fin au débat sur le mécanisme pervers de régularisation. M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Chérioux, permettez-moi de vous redire que, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1997, le déficit de la branche famille s'élevait à 14,5 milliards de francs. Certes limité à 500 millions de francs en 1995, le dérapage entraîné par l'application de la loi « famille » atteignait 5,6 milliards de francs en 1998.
Si je rappelle ces chiffres, c'est pour mettre en évidence la difficulté de l'exercice qui consiste à faire des prévisions. C'est aussi pour montrer qu'une réforme comme celle que nous présentons, qui sera financée à hauteur de 85 % d'ici à cinq ans - je fais évidemment allusion à la baisse des charges sociales - est difficilement critiquable.
Pour revenir aux amendements n°s 116 et 117, le Gouvernement n'y est pas favorable.
Madame Borvo, le Gouvernement a apporté un complément de 0,3 % au-delà de la revalorisation des prix cette année. Cela peut évidemment vous paraître insuffisant ; je ne pense pourtant pas qu'il soit possible d'aller plus loin.
Depuis deux ans, nous avons arrêté des priorités dans la branche famille avec les associations familiales, dont M. Chérioux me dit qu'elles ne sont pas satisfaites - on peut toujours demander plus ! - et les organisations syndicales.
Elles ont souhaité que l'allocation de rentrée scolaire bénéficie cette année à tous les parents. Cette mesure a été mise en oeuvre dès la rentrée dernière.
Elles ont souhaité que les allocations familiales soient prolongées jusqu'à l'âge de vingt ans et les compléments jusqu'à vingt et un ans.
Elles ont également souhaité que les modes de garde pour les enfants des familles les plus défavorisées fassent l'objet d'un effort très important. Nous avons donc accordé un milliard de francs en 1998 et 700 millions de francs cette année à la caisse d'action sociale de la CNAF.
Ces mesures ont été retenues au détriment d'une revalorisation plus importante des allocations familiales. Vous avez le droit de le regretter. Si, comme tout le laisse à penser, les résultats sont meilleurs dans les années qui viennent, sans doute pourrons-nous aller plus loin.
Le Gouvernement n'est pas favorable à ces amendement, qui tombent par ailleurs sous le coup de l'article 40.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Si l'article 40 s'applique, nous ne saurions être plus royalistes que le roi !
MM. Jean Chérioux et Alain Vasselle. Est-il évoqué ou invoqué ?
M. le président. Madame la ministre, pouvez-vous être plus précise ? Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je répare immédiatement mon imprécision : j'invoque l'article 40, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 est-il applicable, monsieur Joyandet ?
M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il l'est, monsieur le président !
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 116 et 117 sont irrecevables.
Par amendement n° 118, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - De supprimer la première phrase du second alinéa du II de l'article 7.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter, in fine, l'article 7 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recette résultant de la suppression de l'application pour 2000 du mécanisme d'ajustement découlant du second alinéa de l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale est compensée à due concurrence par un relèvement du taux de la cotisation prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. »
Madame Borvo, compte tenu de la décision qui vient d'être prise, je suppose que cet amendement n'a plus d'objet.
Mme Nicole Borvo. Effectivement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 118 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 7

M. le président. Par amendement n° 119, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :