Séance du 17 novembre 1999







« 1° Il est inséré un article 235 ter ZC ainsi rédigé :
« Art. 235 ter ZC . _ I. _ Les redevables de l'impôt sur les sociétés sont assujettis à une contribution sociale égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au I de l'article 219 et diminué d'un abattement qui ne peut excéder 5 000 000 F par période de douze mois. Lorsqu'un exercice ou une période d'imposition est inférieur ou supérieur à douze mois, l'abattement est ajusté à due proportion.
« La fraction mentionnée au premier alinéa est égale à 3,3 % pour les exercices clos à compter du 1er janvier 2000.
« Sont exonérés les redevables ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions de francs. Le chiffre d'affaires à prendre en compte s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. Le capital des sociétés, entièrement libéré, doit être détenu de manière continue, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes conditions dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques. Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 1 bis de l'article 39 terdecies entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds.
« II. _ Pour les entreprises placées sous le régime prévu à l'article 223 A, la contribution est due par la société mère. Elle est assise sur l'impôt sur les sociétés afférent au résultat d'ensemble et à la plus-value nette d'ensemble définis aux articles 223 B et 223 D.
« III. _ Pour les entreprises placées sous le régime prévu à l'article 209 quinquies , la contribution est calculée d'après le montant de l'impôt sur les sociétés, déterminé selon les modalités prévues au I, qui aurait été dû en l'absence d'application de ce régime. Elle n'est ni imputable ni remboursable.
« IV. _ Les avoirs fiscaux ou crédits d'impôt de toute nature ainsi que la créance visée à l'article 220 quinquies et l'imposition forfaitaire annuelle mentionnée à l'article 223 septies ne sont pas imputables sur la contribution.
« V. _ Elle est établie et contrôlée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.
« VI. _ Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »
« 2° Il est inséré un article 1668 D ainsi rédigé :
« Art. 1668 D . _ I. _ La contribution sociale mentionnée à l'article 235 ter ZC est recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.
« Elle est payée spontanément au comptable du Trésor chargé du recouvrement des impôts directs, au plus tard à la date prévue au 2 de l'article 1668 pour le versement du solde de liquidation de l'impôt sur les sociétés.
« Elle donne lieu au préalable à quatre versements anticipés aux dates prévues pour le paiement des acomptes d'impôt sur les sociétés de l'exercice ou de la période d'imposition. Le montant des versements anticipés est fixé à 3,3 % du montant de l'impôt sur les sociétés calculé sur les résultats imposables aux taux mentionnés au I de l'article 219 de l'exercice ou de la période d'imposition qui précède et diminué d'un montant qui ne peut excéder celui de l'abattement défini au premier alinéa du I de l'article 235 ter ZC.
« Lorsque le montant des versements anticipés déjà payés au titre d'un exercice ou d'une période d'imposition en application du deuxième alinéa est égal ou supérieur à la contribution dont l'entreprise prévoit qu'elle sera finalement redevable au titre de ce même exercice ou de cette même période, l'entreprise peut se dispenser du paiement de nouveaux versements en remettant au comptable du Trésor chargé du recouvrement des impôts directs, avant la date d'exigibilité du prochain versement anticipé, une déclaration datée et signée.
« Si la déclaration mentionnée à l'alinéa précédent est reconnue inexacte à la suite de la liquidation de la contribution, la majoration prévue au 1 de l'article 1762 est appliquée aux sommes non réglées.
« II. _ Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »
« 3° Au premier alinéa de l'article 213, après les mots : "la contribution temporaire mentionnée à l'article 235 ter ZB", sont insérés les mots : " , la contribution sociale mentionnée à l'article 235 ter ZC". »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 91 est déposé par M. Louis Boyer et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° 114, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le deuxième alinéa du texte présenté par le 1° de l'article 3 pour l'article 235 ter ZC du code général des impôts, de remplacer le taux : « 3,3 % » par le taux : « 5 % ».
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Charles Descours, rapporteur. C'est un amendement de conséquence par rapport à la position qui vient d'être adoptée par le Sénat sur l'article 2.
Nous considérons que la contribution sociale sur les bénéfices est une imposition supplémentaire. Nous ne pouvons pas admettre cette mise en cause de la compétitivité de nos entreprises.
Je tiens à rappeler que le rendement de la CSB devrait être de plus de 4 milliards de francs en 2000 et concernerait 4 000 entreprises. Mais le plan de financement à moyen terme prévoit un rendement de 12 milliards de francs. C'est donc un prélèvement considérable qu'il faudrait opérer, ce qui supposerait de relever le taux de cette contribution, probablement jusqu'à 10 %, ou d'abaisser le chiffre d'affaires à partir duquel les entreprises en seraient redevables.
On voit bien que le Gouvernement veut nous faire entrer dans une mécanique infernale d'augmentation des prélèvements sur les entreprises. Nous ne pouvons que proposer la suppression d'un tel article parce que nous sommes contre toute augmentation des prélèvements sur les entreprises, eu égard au niveau que ceux-ci ont atteint.
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer, pour défendre l'amendement n° 91.
M. Louis Boyer. Notre préoccupation est la même que celle que vient d'exprimer M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 114.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement porte sur la question de la définition de la quotité de la contribution des entreprises au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, dont chacun s'accorde à reconnaître qu'il tend à être insuffisant.
En effet, l'article 3, dans sa rédaction actuelle, tend à la mise en place d'une contribution fondée sur une majoration de 3,3 % du montant de l'impôt sur les sociétés dû par les entreprises assujetties, et cela au bénéfice du fonds de financement.
Cette majoration intervient, il convient de le rappeler, au moment où disparaît la majoration exceptionnelle de l'impôt sur les sociétés instituée par la loi portant diverses mesures d'urgence à caractère fiscal et financier, adoptée au cours de l'été 1997.
Cette majoration dégagerait en 1999, dernière année d'application, un produit d'environ 12,4 milliards de francs.
Eu égard à son taux - 10 % - on peut donc naturellement déduire que la contribution définie à l'article 235 ter ZC du code général des impôts, qui procède d'ailleurs des mêmes conditions d'application que la majoration de 1997, serait d'un rendement égal au tiers de la somme perçue par l'Etat en 1999, soit un peu plus de 4,1 milliards de francs.
La majoration du taux de la contribution que nous proposons permet donc d'espérer un rendement d'environ 6,2 millards de francs.
Encore convient-il de souligner que l'exécution budgétaire de 1999 devrait amener une légère modification du montant définitif de la majoration due en vertu de la loi de 1997 et donc une modulation à la hausse du produit de la contribution créée par la présente loi de financement en 2000.
Nous nous devons de préciser que la majoration du taux de la contribution pourra permettre soit de faire évoluer les autres paramètres de financement de la réforme des cotisations patronales, soit de modifier les critères d'intervention de ce fonds, soit encore d'accroître les capacités de financement des prestations sociales.
La contribution que prévoit de mettre en place ce projet de loi de financement de la sécurité sociale présente, malgré tout, le défaut de suivre assez précisément les contours de l'impôt sur les sociétés, dont le rendement, même s'il s'est accru ces dernières années, en raison bien sûr de la situation financière florissante des entreprises, demeure toutefois encore par trop éloigné de la réalité des profits réalisés.
On peut donc s'interroger sur l'opportunité de remettre en question l'économie générale de notre impôt sur les sociétés afin d'accroître le rendement de la contribution et d'en diversifier, à l'avenir, les usages.
En tout état de cause, et en l'attente de cette nécessaire remise en question, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter l'amendement n° 114.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 114 ?
M. Charles Descours, rapporteur. Compte tenu de ce que j'ai dit sur l'accroissement des charges des entreprises, il est évident que la commission est opposée à cet amendement. Cela étant, je pense que la suppression de l'article 3 le rendra sans objet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 5 et 91 ainsi que sur l'amendement n° 114 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure, je ne souhaite pas une augmentation cette année de la contribution sociale sur les bénéfices. J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 114.
Je suis également opposée aux amendements de suppression.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 5 et 91.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Madame le ministre, donner et retenir ne vaut : on votera dans la loi de finances une baisse de 10 % de l'impôt sur les sociétés alors qu'on l'aura augmenté auparavant de 3,3 % pour certaines entreprises.
Mais, sans entrer dans ce débat d'ordre général, je souhaite formuler trois remarques.
Premièrement, si nous adoptons l'article 3, nous créons un double effet de seuil, d'une part, sur le chiffre d'affaires et, d'autre part, sur l'abattement de 5 millions de francs.
S'il est logique d'imposer les bénéfices - et je parle en mon nom personnel - je ne vois aucune raison de créer des effets de seuils sur la taille des entreprises, au risque d'inciter les petites et moyennes industries à ne pas grandir, alors que nous savons très bien que ce sont ces entreprises-là qui doivent se développer dans notre pays.
Deuxièmement, avec l'article 3, nous offrons à la sécurité sociale la recette la plus volatile qui soit : au cours des dernières années, le montant de l'impôt sur les sociétés a d'abord diminué de près de moitié puis a quasiment été doublé, passant de 100 milliards de francs à 200 milliards de francs. Qu'arrivera-t-il si nous retenons une telle ressource pour la sécurité sociale ? Quand les affaires marcheront bien, en haut de cycle, l'Etat n'aura pas à apporter sa participation, et tout ira bien. En revanche, lorsque les affaires seront moins florissantes, et cela peut arriver, il faudra recourir à d'autres impôts d'Etat. Bref, il ne s'agit pas d'une ressource stable.
Troisièmement, madame le ministre, j'aurais compris que vous nous proposiez la valeur ajoutée comme assiette, mais des substituts aussi dérisoires à une taxe sur la valeur ajoutée, faits d'un mélange d'impositions, d'une part, sur les heures supplémentaires, représentant la partie « travail » de la valeur ajoutée, d'autre part, sur les bénéfices de certaines entreprises, ne me paraissent véritablement pas à la hauteur du problème. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye. Bravo !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. La démonstration de M. Fréville n'est pas totalement convaincante.
M. Dominique Braye. Mais si !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Permettez que je réponde à M. Fréville !
M. Alain Joyandet. Ne nous regardez pas si méchamment ! Soyez plus décontractée, madame la ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, il est très désagréable d'entendre toujours la même personne, dès que j'ouvre la bouche, faire des remarques, alors que nous ne l'entendons jamais donner son avis sur le fond !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. M. Braye interviendra sur l'article 4.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Tant mieux, cela me permettra de lui répondre sur le fond !
Monsieur Fréville, le Gouvernement s'est précisément efforcé d'éviter les effets de seuil. Certes, la contribution s'applique dès que le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de francs, mais n'oubliez pas l'abattement de 5 millions de francs sur les bénéfices. Donc, par définition, l'effet de seuil est supprimé.
C'est le cumul de ces deux conditions qui empêche l'effet de seuil que vous dénoncez de manière, je dois le dire, peu convaincante.
M. Dominique Braye. Quand je vous dis qu'il y a des usines à gaz, mon cher collègue !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?..
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 5 et 91, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 est supprimé et l'amendement n° 114 n'a plus d'objet.

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