Séance du 17 novembre 1999






FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'efforcerai, avec Dominique Gillot, de répondre à vos questions, interpellations ou remarques.
Tout d'abord, je voudrais souligner quelques points d'accord avec votre rapporteur, M. Descours, sur le redressement des comptes et sur la situation économique.
Il est reconnu dans le rapport de la commission que les comptes de la sécurité sociale se sont redressés, cela étant dû à une croissance des recettes que vous attribuez, pour partie, aux mesures de redressement qui ont été prises, notamment la loi de financement de la sécurité sociale de 1998, et, pour partie, à la croissance économique.
Si à la fois votre rapporteur et MM. Huriet et Bimbenet le disent, c'est sans doute qu'il y a une réalité à ne pas voir uniquement dans la croissance - du reste, le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale l'a dit également - le redressement des comptes de la sécurité sociale. MM. Domeizel et Autain ont insisté longuement sur les raisons qui ont conduit à la réduction de ce déficit.
Monsieur le rapporteur, vous expliquez la croissance économique par le fait que la demande intérieure, à la fin de l'année 1997, c'est-à-dire après le changement de Gouvernement, a pris le relais de la demande extérieure. Vous notez même ceci dans votre rapport : « Contrairement aux "reprises" du début et du milieu des années quatre-vingt-dix interrompues immédiatement, l'année 1997 a été suivie par deux années de croissance relativement forte. »
Vous vous félicitez de cette vigueur de la demande intérieure. Il est vrai qu'elle nous met à l'abri des effets du ralentissement de l'économie mondiale - nous l'avons vu au moment des crises asiatique et russe.
S'agissant plus particulièrement de l'année 2000, vous relevez - je le dis, car une fois n'est pas coutume - la prudence des prévisions de croissance, donc de recettes du Gouvernement - habituellement, on nous reproche d'être trop optimistes, alors que les prévisions des deux années passées ont été respectées - en citant les chiffres nettement supérieurs du bureau d'information et de prévision économique, le BIPE, et de l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE.
De même vous soulignez que, selon les instituts indépendants, le chômage va continuer à baisser sensiblement.
Par conséquent, fort logiquement, vous concluez que les prévisions macroéconomiques du Gouvernement pour 2000 sont « tout à fait réalisables ».
Vous relevez que la croissance de la masse salariale reste forte en 1999 et 2000, bien que la croissance du produit intérieur brut soit inférieure à celle de 1998. Vous en déduisez que la croissance française est devenue plus riche en emplois et vous y voyez un effet positif des allégements des charges sociales.
Je considère, pour ma part, que ces constats sont autant d'hommages à l'action du Gouvernement...
M. Charles Descours, rapporteur. Et à celle des précédents gouvernements !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce n'est pas ce que vous écrivez !
Ces constats, dis-je, sont autant d'hommages à l'action du Gouvernement, qui a su soutenir la consommation, rétablir la confiance, mener une politique active de l'emploi - réduction de la durée du travail, emplois-jeunes, soutien aux nouvelles technologies -...
M. Charles Descours, rapporteur. C'est de la macroéconomie !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je suis en train de dire que nous sommes d'accord, monsieur le rapporteur ! Je commence par un hommage à votre clairvoyance sur la politique que nous menons et sur ses résultats ! Alors, ne vous contredisez pas vous-même !
Les dernières prévisions de l'OCDE pour 2000 et 2001 viennent conforter cet hommage puisque, avec une croissance moyenne de 2,95 % et un taux de chômage ramené en dessous de 10 % à la fin de 2000 - c'est ce que prévoit cet organisme - la France serait en tête des grands pays de l'OCDE. En particulier, le taux de chômage baisserait de 40 % de plus que dans le reste des pays de l'Union européenne.
M. Charles Descours, rapporteur. Nous sommes honnêtes ! J'espère que vous le serez aussi !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais cet hommage a seulement pour objet, si je puis dire, de préparer une critique du Gouvernement sur la maîtrise des dépenses. A cet égard, je souhaite rappeler quelques données à MM. Descours et Louis Boyer.
Sur deux ans, en 1998 et 1999, les dépenses d'assurance maladie devraient augmenter de 7,1 %, soit un niveau équivalent à celui de la croissance du produit intérieur brut.
On ne constate pas, je l'ai dit hier, le dérapage massif que certains se complaisent à décrire. On observe simplement, dans un pays développé - et c'est bien normal - des dépenses de santé qui s'accroissent parallèlement à la richesse nationale. Habituellement, vous le savez, ces dépenses augmentent plutôt davantage.
Par ailleurs, la croissance des dépenses de santé s'infléchit - bien entendu, des progrès restent à faire - de 4 % en 1998 et de 3,1 % en 1999. Les chiffres publiés lundi par la CNAMTS indiquent une progression, sur les neuf premiers mois de l'année, égale à 2,7 % sur le champ de l'ONDAM. Nous pourrions donc obtenir un résultat meilleur que la prévision ; mais il convient de demeurer prudent en matière.
Autre signe d'infléchissement : si l'ONDAM devrait, pour le régime général, être dépassé de 10,6 milliards de francs fin 1999, monsieur Huriet, 8,3 milliards de francs sont imputables à l'année 1998 et 2,3 milliards de francs « seulement » - si je puis dire - à l'année 1999. D'ailleurs, je devrais dire 1,3 milliard de francs, car, au titre de l'année 1999, la contribution de l'industrie pharmaceutique, de l'ordre de 1 milliard de francs, va être versée au budget de la sécurité sociale.
En donnant ces chiffres, je fais moi-même la démonstration de l'intérêt du « rebasage » de l'ONDAM. En effet, quelle serait l'utilité de fixer des objectifs sur des résultats qui n'auraient pas été rétablis en fonction de la réalité ? Cela aurait peu de sens, vous le reconnaîtrez, y compris pour l'analyse de ce qui est en train de se passer.
Cette année, les dépenses sont conformes à l'objectif pour l'hôpital, les cliniques et les honoraires des médecins. C'est dire combien l'objectif fixé par le Parlement est considéré par le Gouvernement comme devant être atteint, et nous avons pris des mesures pour qu'il en soit ainsi.
Sur les neuf derniers mois, la progression des honoraires des médecins est nulle. Nous laissons donc à la CNAMTS une situation en ordre, que nous devons d'ailleurs aux mesures correctrices prises, le plus souvent, je l'ai dit, en accord avec les spécialistes concernés.
Madame Borvo, si je me réjouis de ces résultats en matière de maîtrise des dépenses, c'est parce que, comme vous, je pense que le rétablissement de l'équilibre de la sécurité sociale, voire l'apparition d'un excédent, doit nous permettre non seulement d'améliorer la prise en charge de soins qui sont actuellement mal remboursés - je fais allusion, bien entendu, à l'optique et aux prothèses dentaires, domaines dans lesquels nous allons, vous le verrez, progresser très rapidement - mais aussi de prendre en compte des besoins nouveaux ; je pense aux nouvelles maladies, notamment à celles qui sont liées au vieillissement de la population.
Il reste que certains postes subissent encore des évolutions trop rapides.
S'agissant des biens médicaux, nous proposons une réforme de même nature que celle qui a été entreprise pour les médicaments, c'est-à-dire que nous allons analyser les prix et les taux de remboursement en fonction du service médical rendu, qu'il s'agisse des prothèses ou des fauteuils roulants.
En ce qui concerne les médicaments, si la croissance est encore importante aujourd'hui, elle s'est infléchie, puisqu'elle est passée de 8 % en 1998 à 5 % en 1999. Les chiffres qui viennent d'être publiés par un organisme international montrent que la France connaît la progression la plus faible des pays les plus développés, lesquels enregistrent une hausse de 8 % en moyenne. Celle-ci s'établit en effet à 10 % en Allemagne et à 12 % aux Etats-Unis, contre 5 % en France. Cela ne correspond pas encore à notre souhait, mais nous progressons, et nous pouvons affirmer que ces résultats sont largement dus à la politique structurelle qui a été engagée : le développement des médicaments génériques, l'harmonisation des prix des équivalents thérapeutiques et la réévaluation des médicaments en fonction du service médical rendu.
C'est donc dans ce contexte, meilleur que celui de l'an passé, que nous pouvons aborder sous un jour nouveau les dispositifs de régulation.
J'ai entendu vos critiques sur le « rebasage », pour reprendre la terminologie qui s'est malheureusement imposée. Il s'agirait d'un « artifice » selon M. Descours, d'une « logique d'occultation » pour M. Oudin.
Je remarque par ailleurs que M. Descours a indiqué hier, comme il l'avait écrit voilà quelques jours dans la presse médicale - heureusement, il ne tient pas deux discours - qu'il souhaitait que ce « rebasage » ait néanmoins lieu. Il a indiqué clairement qu'il n'était pas contre cette remise à zéro,...
M. Charles Descours, rapporteur. ... que je n'étais pas contre, à condition que...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous lis !
... qui devait « s'accompagner de mesures tendant à financer le déficit de l'assurance maladie ».
Pour ma part, je ne fais jamais de citation tronquée, monsieur Descours !
M. Charles Descours, rapporteur. Oh !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est pourquoi je cite vos propos jusqu'au bout.
M. Charles Descours, rapporteur. Sauf pour les avis du Conseil d'Etat !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le « rebasage » consiste simplement à apprécier le respect des objectifs votés par le Parlement par rapport aux résultats de l'année passée et non par rapport aux résultats cumulés de l'ensemble des années passées. C'est d'ailleurs ce qui se pratique pour les grands agrégats économiques, notamment pour le budget de l'Etat. Ne pas « rebaser » conduirait d'ailleurs à désespérer les professionnels de santé.
Le dérapage s'élevait à 8,3 % en 1998, contre 1,3 % seulement en 1999, et il sera peut-être réduit à zéro en 2000. Pourtant, nous aurions toujours ces milliards de francs derrière nous, qui finalement décourageraient même ceux qui ont envie de dégager des résultats.
Par conséquent, ne désespérons pas les professionnels. Soyons capables d'analyser, année par année, les évolutions, pour prendre éventuellement les mesures nécessaires - que j'essaierai d'ailleurs de vous communiquer.
Pour financer les déficits du précédent gouvernement, il a fallu créer la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, et la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, que les Français paieront jusqu'en 2014, vous l'avez dit, monsieur Descours. Eh bien ! nous n'aurons pas recours à ce moyen ! Le déficit est supporté en trésorerie par le régime général et nous sommes convaincus que les excédents à venir, du fait du redressement des comptes, permettront de l'absorber.
Alors, pour que soient recevables vos critiques à notre encontre s'agissant de la maîtrise des dépenses, encore faudrait-il, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, que vous avanciez des propositions. L'année dernière, vous proposiez des reversements individualisés ; ils ont disparu cette année et nous nous en félicitons. Mais que mettez-vous à la place ?
M. Charles Descours, rapporteur. Vous aussi, vous proposez des reversements collectifs !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, je vous ai écouté ! Ayez la gentillesse de faire de même !
M. Charles Descours, rapporteur. Je vous réponds !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Que proposez-vous cette année ? Vous vous bornez à indiquer, dans l'un des amendements présentés, que la convention prévoit des outils de maîtrise médicalisée des dépenses. Jusque-là, nous ne pouvons qu'être d'accord, c'est d'ailleurs ce que nous faisons. Il n'est pas nécessaire de légiférer à cet effet car la loi en vigueur le permet.
En revanche, vous supprimez toutes les dispositions qui pourraient concrètement inciter les médecins à s'associer à cette maîtrise médicalisée : les contrats de bonne pratique et les accords de bon usage des soins.
Votre démarche relève donc de l'intention, vertueuse, je le concède, mais elle reste purement incantatoire.
Le second alinéa de cet amendement tend à mettre en place un dispositif que je n'ai pas bien compris, car il ne débouche sur rien. Vous dites que si, sur l'année n, il y a un dépassement, on établit, l'année n +1, des contrats régionaux. De ces contrats, on ne nous dit rien, sinon qu'ils devraient permettre de réagir à un dépassement une fois l'année écoulée. Comment ? Par quelles mesures ? Nul ne le sait !
Vous prévoyez, toujours en année n +1, un bilan de ces contrats en fin d'année. Le dépassement de l'année n +1, est donc déjà bien loin. Si rien n'a alors changé, quelles conséquences concrètes va-t-on en tirer ? Mystère ! Vous ne faites aucune proposition particulière ; à aucun moment on n'intervient pour faire respecter l'ONDAM.
J'ai entendu M. Huriet dire que nous ne considérions pas l'ONDAM comme un objectif. Si, nous considérons l'ONDAM comme un objectif ! C'est la raison pour laquelle j'ai été amenée à prendre un certain nombre de décisions - je vais y revenir. A la demande de la CNAMTS et de ses partenaires, nous donnons à cette caisse les moyens, aujourd'hui, de prendre des décisions en cours d'année pour, justement, faire en sorte que l'ONDAM soit respecté.
En juin 1998, nous avons constaté une forte progression des honoraires de certains spécialistes, par exemple des radiologues. Qu'aurais-je dû faire si j'avais appliqué le dispositif que vous proposez ? J'aurais dû attendre le début de l'année 1999 pour étudier la question et pour demander que le problème soit réglé au moyen des contrats régionaux. Quels contrats régionaux ? Sur quelle base ? Qui les élabore ? Je l'ignore !
Ces contrats seraient entrés en application au mieux au second trimestre 1999. Leur bilan aurait été dressé en mars 2000, c'est-à-dire deux ans après le dérapage. Eh bien ! moi, pendant ce temps-là, j'ai agi ! D'ailleurs, si je ne l'avais pas fait, vous me l'auriez reproché : vous m'auriez demandé quelle est l'utilité de voter un ONDAM si vous ne faites rien pour le faire respecter ? » Eh bien ! j'ai tenté de le faire respecter !
M. Charles Descours, rapporteur. Vous l'avez « rebasé ».
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, je l'ai fait respecter, puisque, cette année, les radiologues, les cardiologues, les laboratoires biologiques, les dentistes, les cliniques, ont effectué des reversements à la sécurité sociale. Ceux-ci ont permis d'éviter le dérapage des honoraires des spécialistes, qui aurait perduré si j'avais appliqué le système que vous proposez.
Monsieur Descours, j'entends déjà les critiques que vous m'auriez adressées si nous n'avions pas pris les mesures que nous avons arrêtées.
Dans le fond, le dispositif que nous proposons - puisque vous ne nous faites pas confiance ! - c'est celui que suggérait très récemment M. Balladur dans Impact Médecin Hebdo du 15 octobre 1999 : « Je souhaite que, par la voie conventionnelle, les partenaires sociaux et les médecins définissent les seuils au-delà desquels, dans les limites financières déterminées chaque année par le Parlement, les taux de remboursement et les lettres clés seraient amenés à varier. »
M. Jacques Barrot disait aussi, dans Le Quotidien du Médecin du 17 février 1998 : « Nous avons imaginé le système des reversements d'honoraires, mais ce n'est pas le seul. On peut imaginer des lettres clés flottantes ou tout autre dispositif. L'important c'est d'avoir un mécanisme qui empêche de se retrouver comme autrefois dans des situations de déficit chronique. »
Eh bien ! c'est ce que nous faisons : nous donnons la possibilité à la CNAMTS, comme elle le souhaite, d'agir sur l'ensemble des paramètres - la nomenclature, les bonnes pratiques, l'élaboration et la mise en place de réseaux, le niveau des honoraires - afin que l'ONDAM soit respecté.
A cet égard, je suis étonnée de constater qu'au moment même où nous proposons à la CNAM, qui l'avait demandé, d'être autonome précisément pour ce qui est de la médecine, au moment même où nous lui donnons les moyens complets d'intervention dans ce domaine - je l'espère par la voie conventionnelle ou, à défaut, sous sa propre responsabilité - certains, comme M. Trucy, mais aussi comme vous, monsieur Descours, me disent : « Vous voulez agir seule. Vous voulez étatiser. »
Nous avons été amenés à agir seuls cette année parce que l'ordonnance Juppé ne permettait pas à la CNAM d'agir : à défaut d'autres accords avec les spécialistes, la CNAM était dépourvue de tout moyen pour faire respecter l'ONDAM.
Nous allons donc, cette année, donner à l'ensemble des professionnels de la médecine de ville la possibilité de négocier avec les caisses et de trouver les moyens de régulation.
D'ailleurs, cela peut jouer dans les deux sens. Ainsi, la convention des généralistes, qui, l'année dernière, a donné lieu à une augmentation de la lettre clé, n'a pas entraîné de dérapages et les objectifs fixés ont été parfaitement respectés.
Donc, nous réformons le système par la loi en portant le débat devant le Parlement, monsieur Descours. D'ailleurs, je me suis toujours réjouie que les ordonnances Juppé aient prévu ce débat indispensable sur les grandes orientations en matière financière comme en matière de politique de santé. J'ai dit hier que Dominique Gillot et moi-même souhaitions instituer un débat annuel, avant l'été, sur les grands objectifs de santé publique.
S'agissant des honoraires des médecins, si leur progression est nulle sur neuf mois, le Gouvernement y est effectivement pour quelque chose : c'est bien en travaillant avec les professionnels de santé, en signant des accords avec un certain nombre de professionnels que nous avons effectivement réussi à inscrire notre démarche dans une logique de travail en collaboration - dorénavant, ce sera avec la CNAM - que ce soit sur la nomenclature, sur les bonnes pratiques mais aussi sur des reversements, lorsque cela s'avère nécessaire, sous une forme ou sous une autre.
La liste des professionnels avec lesquels nous avons conclu est longue. Elle témoigne de la confiance retrouvée d'un corps médical que nous avions, à notre arrivée, trouvé braqué.
Concernant les médecins spécialistes, nous avons agi parce que nous étions contraints de le faire devant les dérapages constatés. Nous proposons, cette année, de donner à la CNAM, et pour la première fois, une responsabilité pleine et entière, dans des conditions claires et lisibles par tous, respectant ainsi ce qui avait été demandé, du moins sur ce point particulier, dans le cadre du plan stratégique.
Nous entendons, comme le souhaite M. Autain, donner sur ces bases une nouvelle vigueur au dialogue conventionnel. En procédant ainsi, monsieur Giraud, nous ne cloisonnons pas notre système de santé, au contraire, nous clarifions les responsabilités et nous nous donnons les moyens de développer les réseaux et les complémentarités sur le terrain.
En accordant ainsi une large délégation à la CNAM, nous montrons notre confiance dans le paritarisme, pas par des mots, pas par des slogans, mais bien dans la réalité des choses.
Ainsi, monsieur Descours, monsieur Boyer, vous qui nous reprochez de ne pas avoir assez tenu compte du plan stratégique de la CNAM, que proposez-vous d'en retenir ? En tout cas pas ce que nous proposons ici, c'est-à-dire de lui donner la responsabilité totale dans le cadre de la médecine de ville. Et pourquoi allez-vous voter contre la disposition qui organise un meilleur suivi des gros consommateurs, disposition qui figurait dans le plan de la CNAM ?
J'ai bien noté, en tout cas, que M. Cabanel se félicitait que nous n'ayons pas suivi la CNAM en matière de thermalisme !
M. François Autain. Et pour cause !
M. Charles Descours, rapporteur. Moi aussi, je m'en félicite, car je suis du même département, tout comme M. le président !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ne nous faites pas, alors, des reproches contradictoires !
Je voudrais préciser à M. Cabanel, en réponse à sa question, que l'arrêté qui prolonge la dispense d'entente préalable n'est pas rétroactif, bien évidemment. Mesdames, messieurs les sénateurs, j'essaie de faire des textes qui soient conformes à la Constitution ; on peut parfois se tromper, mais, en l'occurrence, cela n'a pas été le cas. (Sourires.)
Notre ligne de conduite pour l'assurance maladie repose sur la clarification des compétences, le développement des outils structurels et le dialogue avec les professionnels. La loi de modernisation du système de santé, que nous discuterons en l'an 2000, approfondira encore l'effort entrepris ; mais le chemin parcouru est important.
Je voudrais revenir d'un mot sur le médicament, car M. Autain a posé une question tout à fait importante pour l'avenir de la sécurité sociale. Un laboratoire pourrait en effet s'abstenir de demander le remboursement de certains médicaments pour faire pression sur les pouvoirs publics. Nous le voyons actuellement à propos d'un médicament antigrippe. Il est vrai qu'à partir du moment où le non-remboursement permet de faire de la publicité, certains laboratoires ne demandent pas le remboursement, obtiennent l'autorisation de mise sur le marché, développent la communication qu'ils souhaitent, puis font pression sur les pouvoirs publics pour que le remboursement soit accordé, mais à un tarif qui, parfois, ne correspond pas à leur apport.
Ce médicament a suscité un débat très important. Alors que l'autorisation de mise sur le marché a été accordée à l'échelon européen, certains pays, comme la Grande-Bretagne, se refusent à mettre ce médicament sur le marché, car il présente, semble-t-il, des problèmes pour certaines populations et le service médical rendu n'apparaît pas évident.
Je n'en dirai pas plus, car nous attendons l'avis de la commission de transparence. Mais je crois que la question, qui est un peu la même que celle qui se pose aujourd'hui pour les pilules de troisième génération, mérite approfondissement.
Pour ce qui est des pilules de troisième génération, nous n'arrivons pas à en faire baisser le prix, un prix qui, à l'évidence, nous dit le rapport Spira, n'est pas justifié par l'apport en termes de contraception ou de réduction des effets secondaires. Nous n'avons aucune raison de rembourser des pilules qui n'offrent pas un apport médical supérieur par rapport aux pilules des générations antérieures. Pourtant, leur coût est aujourd'hui huit à dix fois supérieur. Et les laboratoires, par le biais des plannings familiaux ou autres, les distribuent aujourd'hui gratuitement, se ménageant ainsi une clientèle captive, et font de la publicité, ce que ne peuvent pas faire les autres.
A nous de prendre la mesure des problèmes de plus en plus importants qui se posent en la matière.
J'en arrive à la politique hospitalière.
M. Descours comme M. Francis Giraud nous ont reproché de ne pas nous préocupper de la politique hospitalière. Je veux leur rappeler que ce sont eux qui, en 1997 et en 1998, ont souhaité un ONDAM réduit par rapport aux propositions du Gouvernement, au motif qu'il fallait faire des économies sur l'hôpital. (M. Charles Descours, rapporteur, fait un signe de dénégation.)
Mais si, monsieur Descours !
M. Charles Descours, rapporteur. Je n'ai jamais dit cela !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais, vous avez, semble-t-il, rompu avec cette tradition cette année, et croyez bien que je m'en réjouis.
Pour répondre à M. Trucy, j'indiquerai, comme je l'ai dit à de nombreuses reprises, que je n'ai jamais suivi les propositions de la CNAM en ce qui concerne la politique hospitalière. J'ai toujours pensé que ce n'était pas en posant une règle de trois, dans un bureau, que l'on ferait évoluer la recomposition hospitalière. Il faut au contraire partir des besoins de la population, des bassins de vie, et analyser les besoins de santé, comme nous l'avons fait dans les schémas régionaux d'organisation sanitaire. D'ailleurs, je remercie M. Descours d'avoir salué cette action.
Forts de ce qui est actuellement réalisé avec les schémas régionaux d'organisation sanitaire, nous devons de plus en plus agir à l'échelon régional pour faire évoluer l'hôpital public comme le secteur privé avec les besoins et l'évolution des techniques, et pour réduire les inégalités.
La qualité et la sécurité des soins est l'un des trois axes de notre politique hospitalière. C'est l'attente de nos compatriotes, qui s'est exprimée, avec juste raison, lors des états généraux de la santé.
L'accrédition, maintenant opérationnelle, doit permettre de s'assurer de cette qualité. Quarante établissements se sont déjà engagés dans la méthode mise en place par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES ; deux cents devraient l'être à la fin de l'an 2000. Je confirme ces chiffres à M. Descours.
Nous renforçons également notre politique de sécurité sanitaire. Des normes techniques et sanitaires en matière de périnatalité et d'urgence ont été élaborées pour garantir un niveau de sécurité homogène dans l'ensemble des établissements et, comme vous le savez, la lutte contre les infections nosocomiales a été renforcée par la loi du 1er juillet 1998.
Nous avons développé des recommandations de bonne pratique sur les greffes, le sang et les médicaments, pour contribuer à accroître la sécurité de leur utilisation. Des moyens ont été prévus et viennent d'être intégrés aux ARH, les agences régionales de l'hospitalisation, dans le cadre de la procédure budgétaire.
La réduction des inégalités est le deuxième axe de notre politique hospitalière.
J'ai parlé, dans mon discours introductif, de la montée en charge des permanences d'accès aux soins de santé destinées à accueillir les plus démunis.
Je rappelle que la réduction des inégalités entre les régions est également prioritaire. Nous avons fait le choix de déléguer une fraction très importante des dotations, à hauteur de 2,24 % cette année sur les 2,5 % de l'ONDAM. La politique de réduction des inégalités est donc poursuivie.
Si le projet de loi de financement de la sécurité sociale est adopté, les taux en métropole, que nous avons, à la demande des deux assemblées, communiqués avant le débat, varieront de 1,25 % à 3,8 %, afin de poursuivre l'effort engagé pour rattraper le retard accumulé par certaines régions.
Mais, au sein même des régions, il existe aussi des inégalités entre établissements, et nous devons, là aussi, les réduire. A cet effet, nous avons demandé aux ARH de s'appuyer sur les outils de connaissance de l'activité des établissements de santé que sont les programmes de médicalisation du système d'information, ou PMSI. Ces outils se perfectionnent et se développent dans des secteurs nouveaux. Parallèlement, comme vous le savez, nous engageons des travaux pour expérimenter la tarification à la pathologie, qui devrait, à terme, permettre de comparer ce qui est comparable, tout en maintenant des crédits spécifiques pour l'hôpital, car nous savons que celui-ci remplit des tâches de service public. En effet, il ne sélectionne pas ses malades ni les pathologies qu'il traite, il assure des missions de formation et de recherche, et tout cela doit, bien évidemment, être pris en compte dans les enveloppes.
J'en viens au troisième axe de notre politique, qui concerne l'adaptation de l'hôpital aux besoins.
Je ne reviendrai pas sur les schémas régionaux d'organisation sanitaire, les SROS. Les urgences, la périnatalité, la cancérologie ont fait partie des priorités nationales, qui ont été largement complétées. Par exemple, dix SROS comportent un volet spécifique pour assurer l'accès aux soins des personnes en situation de précarité. De même, de nombreux SROS redéploient aujourd'hui les unités de soins de suite ou de réadaptation pour mieux les répartir géographiquement. D'autres traitent les problèmes d'alcoolisme dans certaines régions particulièrement concernées.
Les SROS permettent également le développement d'activités nouvelles ou insuffisamment représentées. Tel est le cas du maintien de l'insuffisance rénale chronique, des soins palliatifs ou du traitement de la douleur, sur lesquels nous commençons à généraliser un certain nombre de pratiques. De même, les alternatives à l'hospitalisation figurent souvent dans les priorités, ce qui devrait nous permettre de rattraper notre retard en la matière.
Ainsi, notre politique hospitalière est, me semble-t-il, cohérente, efficace et déterminée. Elle part des besoins de santé. Elle vise à atteindre la meilleure qualité et, surtout, à donner à tous nos concitoyens, partout où ils se trouvent, l'assurance d'être traités de la même manière en fonction de l'état de gravité ou d'avancée de la maladie.
J'en viens à la réforme des cotisations patronales.
Comme l'a souligné François Autain, la réforme des cotisations patronales est un dispositif essentiel pour l'emploi. J'avoue que je ne comprends pas bien l'opposition systématique de la majorité sénatoriale,...
M. Charles Descours, rapporteur. Et d'une partie de la majorité plurielle !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... sauf à croire qu'il s'agit d'une opposition de principe.
M. François Autain. Ils sont souvent sectaires !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Descours, comme votre collègue Jean-Pierre Fourcade, vous vous dites favorable aux allégements de charges sur les bas salaires. Or, lorsque vos amis étaient aux responsabilités, vous avez sans cesse repoussé cette réforme pourtant nécessaire.
M. François Autain. Absolument !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Aujourd'hui, alors que le Gouvernement soumet au Parlement un dispositif qui exonère 85 % des cotisations patronales par rapport au SMIC, qui concernera les deux tiers des salariés - ceux qui se situent en deçà de 1,8 fois le SMIC - et qui, après prise en compte du financement des 35 heures, conduira à une baisse du coût du travail de 5 % en deçà de 10 000 francs par mois, alors donc que le Gouvernement vous soumet un tel dispositif, vous qui, ici-même, en juin 1998, avez voté une proposition de loi allant dans le même sens, vous vous y opposez !
M. Dominique Braye. Eh oui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Comprenne qui pourra !
M. Dominique Braye. Eh oui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En plus, ce qui n'a pas été le cas ni lorsque vos amis étaient au pouvoir ni en juin dernier, lorsque vous avez présenté cette proposition de loi, cette fois-ci, nous avons le financement.
M. Dominique Braye. Avec quels moyens !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je relève une autre incohérence entre les discours et les actes, monsieur Descours.
Vous vous déclarez d'accord pour ne pas asseoir les prélèvements sociaux uniquement sur les salaires. Pourtant, lorsque le Gouvernement propose enfin au Parlement un dispositif, qui, à prélèvement globalement constant, allège de 25 milliards de francs les charges qui pèsent sur les salaires, en les transférant sur les revenus du capital et sur les entreprises capitalistiques, vous décidez de supprimer les articles 2, 3 et 4 du projet de loi, qui organisent précisément cet élargissement d'assiette.
M. Dominique Braye. Mais non !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Autant je peux comprendre la remarque de Mme Borvo quand elle estime qu'avec 7,5 milliards de francs en 2000, dont 4,3 milliards de francs sur les bénéfices, ce n'est encore qu'un petit pas...
M. Dominique Braye. Il faut bien leur donner quelques satisfactions, car vous leur faites avaler beaucoup de couleuvres !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je note que ce sont toujours les mêmes sénateurs qui font des remarques ! Il est regrettable, monsieur Braye, que vous ne fassiez pas une grande intervention, qui me permettrait enfin de comprendre quelles sont vos idées en matière de sécurité sociale ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye. Il faut bien, je le répète, donner des satisfactions aux membres de votre majorité, pour les couleuvres que vous leur faites avaler !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, il se trouve que cela fait trois ans que je me bats pour faire en sorte que l'assiette des cotisations sociales aille au-delà des seuls salaires. Que vous ne soyez pas d'accord, monsieur le sénateur, chacun appréciera, notamment les commerçants et les artisans, ainsi que les entreprises de services, qui attendent cette réforme depuis maintenant trente ans. (M. Dominique Braye s'esclaffe.) Et je ne vois pas pourquoi je ne dirais pas au groupe communiste républicain et citoyen, qui soutient la même idée que moi, comme l'ensemble des partis de la majorité, quand je partage et quand je ne partage pas son point de vue.
Nous sommes, nous, au moins d'accord sur l'essentiel. Tout le monde ne peut pas en dire autant ! (Sourires sur les travées socialistes.)

Ce qui vous gêne, peut-être, ...
M. Dominique Braye. Non, cela m'amuse !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... c'est que nous abordons effectivement l'ensemble des paramètres susceptibles de diminuer le chômage, sous tous leurs aspects et, je dois le dire, sans dogmatisme.
Nous abordons à la fois les nouveaux emplois, les nouvelles technologies, les emplois-jeunes, la réduction de la durée du temps de travail, le soutien à la consommation des ménages et, aujourd'hui, la baisse des charges, mais une baisse par élargissement de l'assiette des cotisations, qui, contrairement à ce qui a été fait par le passé, sera contrôlé. En effet, dans le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail - je vais encore vous faire plaisir en disant que c'est le groupe communiste qui a déposé les amendements concernant cette disposition - le Gouvernement s'est engagé - l'ensemble du Sénat pourrait d'ailleurs en être d'accord car cet engagement est sain pour la démocratie - à mesurer les effets et les contreparties en matière d'emploi de l'utilisation des fonds publics. Puisque nous baissons les charges, nous faisons un rapport pour expliquer au Parlement comment l'argent public a été utilisé et quels ont été les résultats en matière d'emploi.
M. Guy Fischer. La droite n'a jamais voulu le faire !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je préfère écouter les 830 000 entreprises de l'UTA, l'Union professionnelle artisanale, qui, par l'intermédiaire de leurs représentants, saluent cette réforme « qui répond enfin à l'urgence de réduire le coût du travail dans les entreprises de main-d'oeuvre ».
En ce qui concerne les circuits de financement, je voudrais d'abord saluer l'innovation en matière de vocabulaire. Nous avions beaucoup entendu parler d'usines à gaz, formulation reprise par MM. Oudin et Descours. M. Delaneau a parlé de « plomberie », M. Fourcade de « raffinerie ». Je constate que l'opposition nationale est toujours prête à innover pour qualifier ce qui, à mon avis, n'est jamais qu'une usine à emplois, car notre objectif est bien de créer des emplois.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. On verra !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Tout le monde l'a compris, vous tentez, en l'occurrence, de faire un procès en sorcellerie financière, et je reprends, là encore, les propos de M. Autain.
De quoi s'agit-il d'autre, en effet, quand ces critiques viennent d'une opposition nationale qui a créé, lorsqu'elle était aux responsabilités, en 1994, le Fonds de solidarité vieillesse, qui était financé - excusez du peu ! - par une partie de la CSG, par les taxes sur les alcools, par la taxe sur la prévoyance et les produits financiers et par la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés ? En matière de complexité, nous sommes à bonne école...
M. Charles Descours, rapporteur. Mais vous continuez !
M. Dominique Braye. Vous en rajoutez !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... et nous avons de grands maîtres !
De quoi s'agit-il d'autre quand M. Lambert parle d'argent détourné du fonds de réserve pour les retraites, alors que les ressources qui devaient provenir du FSV viendront de la sécurité sociale, et de manière plus assurée puisqu'il y a transfert de recettes ?
De quoi s'agit-il d'autre quand M. Oudin prétend que nous avons utilisé les 14 milliards de francs d'excédents potentiels de la sécurité sociale pour financer des dépenses nouvelles, alors que nous les mobilisons principalement pour alimenter le fonds de réserve pour les retraites ?
De quoi s'agit-il d'autre quand M. Descours continue de prétendre qu'il y a une contribution indirecte de la sécurité sociale au financement de la réforme des cotisations patronales,...
M. Charles Descours, rapporteur. Oui, je continue !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... alors qu'elle contribue au fonds de réserve pour les retraites ?
Mais, si vous n'êtes pas d'accord, il faudra le dire aux Français, car nos concitoyens, qui attendent une réforme de nos systèmes de retraite,... M. Dominique Braye. Ils attendent toujours !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... attendent de la solidarité nationale qu'elle soit capable d'avoir un fonds de réserve pour les retraites à la hauteur des problèmes qui sont soulevés.
M. Dominique Braye. On en est loin !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Certes, mais c'est mieux que lorsqu'il n'y avait rien !
M. Charles Descours, rapporteur. On en reparlera !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. De quoi s'agit-il d'autre quand MM. Oudin et Lambert prétendent qu'il y a un trou dans le financement de la réforme des cotisations patronales de 20 milliards de francs dès 2001, qui conduirait à un triplement de la CSG, à un quadruplement de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, et à un doublement des droits sur les alcools ?
La réalité, c'est qu'il n'y a pas de prélèvement nouveau global, ni sur les entreprises ni sur les ménages.
S'agissant des entreprises, la contribution sociale sur les bénéfices sera reversée aux entreprises de main-d'oeuvre. Il s'agit donc d'un pur rééquilibrage. En ce qui concerne les ménages, les droits sur les alcools ne sont pas augmentés, ils sont simplement transférés du FSV vers le fonds de baisse des charges. Il en va de même pour le tabac.
Enfin, je ne peux vous laisser dire qu'il y aurait douze prélèvements nouveaux depuis 1997, dont cinq qui figureraient dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Je souhaiterais les reprendre successivement.
Pour ce qui est des droits sur les tabacs, il s'agit d'un transfert du budget de l'Etat vers celui de la sécurité sociale, ce qui est d'ailleurs pertinent sur le principe, vous en conviendrez.
Quant aux droits sur les alcools, il s'agit, là encore, d'un transfert, et j'attends que l'on m'explique en quoi il est plus logique que ces droits soient affectés à des validations de points de retraite plutôt qu'au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales.
La contribution sur les bénéfices se substitue à la surcontribution sur l'impôt sur les sociétés, mais elle vient abonder la sécurité sociale, et c'est une grande première.
La TGAP était affectée au budget de l'Etat ; elle est simplement transférée et élargie à 1,3 milliard de francs en l'an 2000.
Quant à la contribution concernant les heures supplémentaires, elle ne s'applique qu'aux entreprises qui ne seront pas à 35 heures, et a donc vocation à disparaître.
MM. Lambert, Delaneau et Oudin, j'entends votre demande d'une meilleure articulation de la présentation des finances sociales et des finances de l'Etat. Justement, en créant ce fonds de baisse des charges, nous visons une plus grande transparence et une plus grande clarification. Nous pourrons, chaque année, ensemble, dans un débat démocratique, mesurer les contreparties en termes d'emplois de ces réductions de charges. Cela fait longtemps que les Français attendent qu'on leur dise comment sont utilisées ces réductions de cotisations sociales.
J'en viens à la politique familiale.
Beaucoup d'entre vous se sont inquiétés de la politique familiale du Gouvernement. Je remercie d'abord M. Chabroux de l'avoir soutenue en soulignant qu'elle était organisée autour d'une exigence de justice et de solidarité. En effet - il a eu raison de le dire - cette politique repose sur une méthode : la concertation avec le mouvement familial et les partenaires sociaux, matérialisée chaque année par la réunion de la conférence de la famille.
Ainsi, chaque année, nous définissons avec eux des priorités, à la suite d'ailleurs du travail que Mme Dominique Gillot avait fait à la demande du Premier ministre lorsqu'elle était député. Nous arrêtons des mesures et nous les soumettons au Parlement lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je rappelle les progrès réalisés depuis deux ans : l'allocation de rentrée scolaire étendue à toutes les familles d'un enfant ; la réévaluation des loyers-plafond des allocations de logement familial ; le bénéfice des majorations pour âge ouvert aux titulaires du revenu minimum d'insertion ; l'augmentation du budget d'action sociale de la CNAF - 1 milliard de francs l'année dernière, 700 millions de francs cette année - pour soutenir le développement des structures d'accueil des enfants ; le prolongement du bénéfice des prestations familiales à vingt ans pour toutes les familles ; le prolongement à vingt et un ans de l'âge limite pour bénéficier de l'allocation de logement et du complément familial.
Il y a donc bien une vraie politique familiale qui se construit dans la durée et dans la concertation, et qui s'appuie, à la différence de ce qui s'est passé précédemment, sur des comptes de la famille qui sont aujourd'hui équilibrés.
En effet, lorsque j'entends sur certaines travées demander la prolongation à vingt-deux ans de toutes les prestations familiales, je demande : comme financez-vous cette mesure ? On ne peut à la fois demander une maîtrise des dépenses et proposer, à l'instar de la loi Balladur, des engagements sans prévoir leur financement.
M. Dominique Braye. Et le projet de loi sur les 35 heures ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je dirai à M. Jean-Louis Lorrain que, en vue de la prochaine conférence de la famille, nous travaillons, à la demande des associations, sur deux grands thèmes : la simplification des aides à la famille, dont il a parlé, et les aides au logement.
J'en viens aux retraites.
M. Vasselle nous a reproché, une fois encore, de ne pas aller assez vite. Ainsi que je l'ai déjà dit et le Premier ministre s'est lui-même exprimé sur ce sujet à plusieurs reprises, le Gouvernement est évidemment conscient qu'une réforme des systèmes de retraite s'impose, afin de consolider les régimes par répartition qui vont connaître, comme on le sait, des difficultés à partir de 2005.
Nous souhaitons respecter la méthode que le Premier ministre a définie et qui est la suivante : d'abord, le diagnostic - il est réalisé - ensuite, le dialogue - nous y sommes - enfin, des décisions - il les annoncera au début de l'année prochaine.
Nous suivons cette méthode et ce calendrier sans succomber aux appels de ceux qui voudraient que nous prenions immédiatement des mesures, sans d'ailleurs nous préciser lesquelles, ou de ceux qui nous conseillent de repousser indéfiniment le problème. Vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement.
Négocier, se concerter, ce n'est pas temporiser. Ce sont d'ailleurs les mêmes qui parlent d'étatisation et de non-négociation qui nous demandent aujourd'hui de prendre des décisions sans cette concertation.
D'ores et déjà, le fonds de réserve pour les retraites a été constitué - je rassure M. Descours : je comprends qu'il ne lise pas tous les jours le Journal officiel ; moi-même, je ne le fais pas - contrairement à ce qu'il a dit, et ce depuis le décret du 24 octobre. Les décrets et arrêtés fixant le principe des 2 milliards de francs ont été publiés, et la somme versée à ce fonds dès le 29 octobre.
Comme je l'ai dit dans mon discours introductif, les ressources de ce fonds devraient dépasser légèrement les 20 milliards de francs à la fin de l'année prochaine, au titre même de la loi de financement de la sécurité sociale.
Je me réjouis que les excédents de la C3S et le FSV puissent effectivement aboutir à ce fonds de réserve. Ainsi, nous préparons bien l'avenir. Il est préférable d'accumuler ces réserves pour les retraites, plutôt que de les maintenir, comme le propose le président Delaneau, au sein de la CNAVTS.
Ce fonds de réserve va être mis en place sous la surveillance des partenaires sociaux et, sans doute, des représentants du Parlement. C'est un des thèmes que nous examinons actuellement avec l'ensemble des organisations patronales et syndicales. Les sommes vont être placées. Elles vont être surveillées, si je puis dire, et c'est bien normal, puisqu'il s'agit d'argent qui appartient à l'ensemble des Français.
Je veux remercier M. Domeizel d'avoir souligné que nous avons progressé sur la CNRACL. L'Etat, et je m'en félicite, partagera avec la collectivité et les hôpitaux l'effort pour assurer l'équilibre en 2000 et en 2001. Ce n'est pas parce que des réformes structurelles devaient êtres apportées que nous ne devions pas nous préoccuper du déficit. Vous avez eu raison de le souligner, monsieur Domeizel, il fallait avoir le courage de prendre ces mesures. Tous ceux qui ont le sens des responsabilités partagent dans les collectivités locales votre analyse.
Comme M. Domeizel, je m'étonne des propos tenus par M. Jean Boyer sur les retraités. Je rappelle que leur pouvoir d'achat a augmenté de 1 % sur deux ans. Certes, cette hausse peut paraître insuffisante. Si la situation de la sécurité sociale était meilleure, si le problème des retraites était derrière nous, peut-être pourrions-nous envisager une hausse plus importante. Mais je rappelle, comme l'a fait M. Domeizel, que, entre 1993 et 1997, les prélèvements pesant sur les retraités ont augmenté de 4,2 %, à savoir une hausse de 1,3 % de CSG en 1993, de 1,2 % de cotisations maladie et de 0,5 % de CRDS en 1996, de 0,2 % de cotisations maladie et de 1 % de CSG en 1997 sans revalorisation des retraites. Je veux bien que des critiques soient émises, mais encore faudrait-il se les appliquer à soi-même. Une progression de 1 % du pouvoir d'achat n'est peut-être pas énorme mais, par rapport à la situation précédente, elle est inégalée, et j'emploie ce terme à dessein compte tenu de celui qui a été utilisé par M. Jean Boyer sur la situation actuelle.
M. Domeizel a eu raison d'insister sur le bien-fondé de la modification des règles en matière de pension de réversion que nous avons mise en place l'année dernière ainsi que sur la revalorisation de ces pensions.
Enfin, j'ai annoncé une augmentation de 1 % du minimum vieillesse.
Je terminerai en apportant quelques réponses àM. Fischer sur les retraites. Il le sait mais je souhaite le rappeler : la volonté du Gouvernement est d'abord de renforcer les retraites par répartition. Aujourd'hui, dans notre pays, plus personne n'ose soutenir que la retraite par capitalisation réglerait des problèmes que la retraite par répartition ne saurait résoudre. Les mêmes difficultés se poseraient, mais nous n'aurions pas la solidarité entre les générations ni la solidarité résultant des minima. La première volonté du Gouvernement est donc de faire en sorte que la retraite par répartition soit consolidée. C'est sur ce thème que le Premier ministre s'exprimera.
Par ailleurs, nous nous sommes engagés à abroger la loi Thomas. Ce sera chose faite dans le DMOS du printemps.
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'engagement est pris et sera respecté.
Cela ne signifie pas qu'il ne faille pas aider ceux qui le souhaitent à mettre en place des fonds d'épargne salariale à moyen et long termes. Toutefois, ces fonds doivent être différents de ceux que prévoyait la loi Thomas. Aux termes de ce texte, seuls certains salariés, je pense par exemple aux cadres, pouvaient bénéficier du dispositif, en transférant parfois une partie de leur salaire sur des fonds de pension, leur permettant ainsi de ne pas verser de cotisations sociales, ce qui posait un problème à la sécurité sociale et aux retraites par répartition. Cette loi leur octroyait des avantages fiscaux exceptionnels.
La réflexion que nous engageons est d'une tout autre nature. MM. Balligand et De Foucauld travaillent actuellement sur le thème de l'épargne salariale. L'idée est la suivante : lorsqu'une personne le souhaite, et le choix doit être individuel, elle doit pouvoir disposer d'une épargne salariale à moyen et long termes, ouverte à tous avec les mêmes avantages fiscaux, dès lors que les règles d'utilisation sont collectives et que l'utilisation est collective. Si nous parvenons à instituer, par exemple, des fonds locaux de développement pour aider les petites et moyennes entreprises, pour favoriser le développement d'activités nouvelles et qui répondent à un certain nombre de règles tendant à la sécurité financière de ces fonds ouverts à tous - alors qu'aujourd'hui seuls ceux qui ont les moyens trouvent des placements à moyen et long termes offrant des avantages fiscaux - nous permettrons à chacun de pouvoir souscrire une épargne salariale à moyen et long termes pour conforter sa retraite et nous contribuerons au développement économique de notre pays, et non au développement de placements financiers ayant pour seul objet d'aider des catégories qui sont déjà parmi les plus privilégiées. C'est la raison pour laquelle la loi Thomas ne correspondait absolument pas à nos objectifs. Aujourd'hui, nous travaillons sur un autre terrain.
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais dire. J'ai été un peu longue, mais ce débat n'a de sens que s'il nous permet de nous expliquer.
Loin de moi l'idée que tout est résolu - j'ai d'ailleurs énoncé les chantiers qui nous attendent, pour que notre sécurité sociale soit en équilibre et pour que les excédents à venir nous permettent de répondre aux attentes des Français en matière d'aide aux familles et de remboursement des soins - notamment pour les plus démunis et les personnes âgées.
C'est vers ces objectifs que tendent l'ensemble des propositions contenues dans ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier à mon tour celles et ceux d'entre vous qui ont su dépasser le nécessaire débat sur les équilibres budgétaires pour traiter des thématiques de santé publique et d'action sociale qui en constituent le fondement.
J'ai noté avec intérêt que la plupart des questions qui m'ont été posées, qu'il s'agisse de prévention ou de réduction de la mortalité évitable, ou encore d'actions en matière de handicap, se rapportent directement à des politiques de santé publiques qui constituent les priorités que le Gouvernement entend mettre en oeuvre.
Vous confirmez ainsi l'intérêt de ce rendez-vous annuel qui permet l'ouverture d'un débat, certes partiel, mais cependant utile, à l'occasion de l'article 1er du PLFSS pour 2000.
A cet égard, je ne partage pas les réserves de Mme Borvo, qui déplore la faible portée du rapport annexé à l'article 1er de la loi. Au contraire, grâce à cet article, le Gouvernement peut rappeler le sens de l'action qu'il conduit en soulignant les différentes priorités politiques mises en oeuvre et en affichant des perspectives pour l'année qui vient.
Concernant la santé, tout d'abord, M. Giraud m'a interrogée sur les modalités de renforcement de la surveillance de la grossesse par une consultation systématique de prévention pour les femmes enceintes.
L'objectif visé par la politique de périnatalité consiste aujourd'hui à améliorer le suivi médical, psychologique et social de la grossesse, notamment en organisant des séances de préparation à la naissance mieux adaptées.
Un arrêté en cours de préparation va permettre aux sages-femmes de jouer pleinement, dès le début de la grossesse, un rôle de prévention et d'éducation pour la santé auprès des femmes enceintes et, plus largement, auprès des futurs parents. Dès cette année, nous avons décidé d'augmenter de 10 % le nombre de sages-femmes formées à cet effet.
M. Charles Descours, rapporteur. Très bien !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Le nombre de séances de préparation à la naissance et leur cotation seront réactualisés, après concertation avec les organisations professionnelles. Vous le voyez, l'orientation affichée dans le rapport s'appuie sur une politique volontariste en cours de mise en oeuvre, à laquelle les moyens nécessaires sont affectés.
En ce qui concerne la douleur et les soins palliatifs, il est nécessaire de réaffirmer que la prise en compte de la douleur à tous les stades ainsi que le développement des soins palliatifs demeurent des priorités du Gouvernement. La souffrance n'est ni un devoir ni une punition ; c'est l'apaisement qui est un droit. Le plan triennal a d'ores et déjà permis des avancées considérables, soutenues par plusieurs textes en 1999.
Ainsi, le décret du 3 mars 1999 a permis d'augmenter de sept à vingt-huit jours la durée de prescription possible des antalgiques majeurs.
Une circulaire de février 1999 incite les équipes soignantes des établissements à élaborer des protocoles de soins antidouleur et autorise les infirmiers, dans le cadre de protocoles, à administrer eux-mêmes les antalgiques. Le nombre et les moyens des structures de soins palliatifs ont été renforcés. L'information sur ces structures est maintenant disponible sur Internet et sur le minitel.
L'année 1999 a également été l'année d'une grande campagne d'information sur la lutte contre la douleur auprès du grand public, campagne financée par l'Etat à hauteur de deux millions de francs.
Concernant les soins palliatifs, je voudrais également rassurer M. Francis Giraud quant à la publication des décrets d'application de la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs. Grâce à elle, les soins palliatifs, qui sont désormais inscrits et définis dans le code de la santé publique, sont intégrés dans l'organisation hospitalière.
L'action des bénévoles est reconnue et encadrée.
L'accompagnement par la famille est facilité.
Les décrets d'application sont en cours d'élaboration, les Agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, ont pris en compte les soins palliatifs dans leur schéma régional d'organisation sanitaire, les SROS, et une circulaire va préciser les conditions de développement de l'hospitalisation à domicile consacrée aux soins palliatifs.
Les actions engagées en 1999 seront poursuivies en l'an 2000 et, pour la première fois, la formation à la prise en charge des soins palliatifs deviendra une priorité de formation continue.
Comme vous le voyez, les soins palliatifs et la prise en compte de la douleur figurent bien parmi les principales priorités du Gouvernement, assorties des moyens nécessaires.
Monsieur Huriet, vous vous êtes inquiété des suites données aux travaux de la conférence nationale de santé. N'avez-vous pas été rassuré par les grands thèmes de mon intervention générale d'hier, qui reprennent la plupart des préconisations de cet organisme, dont les travaux nous sont précieux ?
Je veux parler de la lutte contre les pratiques addictives et les dépendances dangereuses pour la santé ou la sécurité publique, notamment en direction des jeunes, de la prise en charge des personnes souffrant de maladies chroniques, auprès desquelles est développée une éducation thérapeutique pour leur garantir une meilleure qualité de vie. Cette démarche, qui s'adresse aux malades atteints du sida et de cancers, sera étendue l'année prochaine à ceux qui souffrent de diabète ou d'asthme. Les campagnes de dépistage du cancer vont continuer et se développer.
Sont aussi à l'ordre du jour le suivi de la dépendance des personnes âgées ainsi que la prévention des suicides et l'accompagnement des suicidants. Quant à la réduction des inégalités devant l'accès aux soins, elle est l'un des objectifs constamment poursuivi, notamment au travers de la mise en oeuvre des SROS de deuxième génération.
Concernant les personnels médicaux hospitaliers, vous êtes plusieurs - je pense notamment à votre rapporteur, M. Descours, et à M. Francis Giraud - à avoir attiré l'attention du Gouvernement sur l'inquiétude que vous percevez chez les praticiens hospitaliers et sur la désaffection des jeunes médecins pour la carrière hospitalière.
Pour les praticiens hospitaliers, je souhaite vous rappeler les avancées importantes réalisées, d'une part, grâce à la mise en place, par le décret du 25 juin 1999, de nouvelles modalités de recrutement, d'autre part, grâce à l'évolution statutaire instaurée par les décrets du 6 juillet 1999.
Il s'agit de l'institution d'un repos de sécurité après les gardes ; de l'harmonisation des carrières des praticiens temps plein et temps partiel, de l'élargissement des conditions de reprise de services accomplis antérieurement à l'entrée dans la carrière de praticien hospitalier ; de la création d'une prime pour exercice dans plusieurs établissements ; enfin, de l'institution d'une seconde demi-journée hebdomadaire d'intérêt général.
Encouragées par l'accueil positif que recueillent ces mesures auprès des médecins hospitaliers, Martine Aubry et moi-même allons poursuivre le dialogue avec eux.
Je veux également vous rappeler les mesures prises en faveur des médecins urgentistes : la modification du concours national de praticien hospitalier pour faciliter l'accès aux médecins urgentistes ; la revalorisation de la rémunération des assistants des hôpitaux, titulaires de la capacité de médecine d'urgence, enfin, la possibilité donnée aux structures d'urgence des CHU d'employer des médecins assistants.
Sur le plan des effectifs, un effort considérable a été réalisé, avec la création de 122 postes de médecins assistants. Par ailleurs, 230 postes de praticiens hospitaliers seront créés dans le cadre d'un plan pluriannuel : 30 postes dès cette année, 100 en 2000 et 100 en 2001.
Comme vous le voyez - je m'adresse particulièrement à M. Cabanel, qui s'inquiétait de la place des services d'urgence dans notre dispositif sanitaire - le Gouvernement accompagne de manière résolue et déterminée la médicalisation des services d'urgence, au service de la qualité des soins que nous devons aux patients qui s'adressent à ces structures.
Vous le savez, les maladies professionnelles, dont a parlé Mme Borvo, constituent une préoccupation permanente, tant de Martine Aubry que de moi-même.
Sur le plan de la surveillance épidémiologique de ces maladies, il faut rappeler l'instauration de l'unité santé-travail au sein de l'IVS, l'Institut de veille sanitaire. Cette unité d'ores et déjà opérationnelle sera renforcée de façon significative en 2000.
Les moyens nécesssaires ont été apportés pour conduire la réflexion sur les liens entre santé et travail. Ainsi, l'an prochain, dix chercheurs supplémentaires travailleront dans le département des risques environnementaux et professionnels de l'IVS.
L'unité santé-travail a bien évidemment focalisé ses premiers travaux sur l'amiante, mais nous lui avons aussi demandé de mener des programmes de recherche sur les expositions physiques et chimiques au travail.
Concernant l'action sociale, je souhaite maintenant réafirmer l'engagement du Gouvernement en réponse notamment aux interrogations de MM. Chabroux, Autain et Francis Giraud, qui m'ont tous trois interpellée sur la situation des structures de prise en charge des handicapés dans notre pays.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire dans mon intervention liminaire, la politique en faveur des personnes handicapées occupe, dans le budget de la solidarité comme dans les préoccupations de nombre d'entre vous, une place centrale. Cette politique se veut globale et cohérente. Elle vise à favoriser prioritairement l'intégration des personnes handicapées dans tous les dispositifs de droit commun en milieu de vie ordinaire pour mieux répondre aux attentes exprimées sans pour autant négliger l'adaptation et la qualité des réponses des institutions et établissements spécialisés qui restent toujours nécessaires.
Bien sûr, il faut une lecture coordonnée de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de finances de l'Etat pour prendre la mesure de l'action entreprise en ce sens. Je rappellerai simplement que les dotations prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui vous est soumis aujourd'hui, au titre de l'ONDAM 2000, pour les personnes handicapées, augmentent de plus de 24 %. Elles comportent des actions ciblées en faveur des enfants, des autistes, des traumatisés crâniens et des porteurs de handicaps rares.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur Giraud, notre pays souffre encore d'un manque de places pour certains handicapés. Nous avons donc lancé en avril 1998 un programme pluri-annuel de créations qui prévoit 5 500 places supplémentaires de maisons d'accueil spécialisées et de foyers à double tarification, 8 500 places supplémentaires de centres d'aides par le travail et 2 500 places supplémentaires d'ateliers protégés d'ici à 2003. Ce programme se développe régulièrement.
M. Jean-Louis Lorrain. C'est insuffisant !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Ce plan ambitieux - et dont le démarrage est effectif dès cette année - permettra de résorber la situation des jeunes adultes maintenus en établissement d'éducation spéciale par le biais de l'amendement Creton tout en faisant bénéficier les personnes en liste d'attente des places nouvellement créées.
Là encore, c'est par une action déterminée dans la durée que nous réussirons à corriger une situation qui, j'en suis bien consciente, n'est encore pas optimale à ce jour.
Je pense, par ces différentes précisions, avoir convaincu M. Lambert que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 n'est pas, contrairement à ce qu'il nous a dit hier, « muet sur la santé publique ».
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je voudrais répondre très brièvement sur quelques points à la longue intervention...
M. François Autain. Et intéressante !
M. Charles Descours, rapporteur. ... de Mme Aubry, que je remercie.
Vous triomphez, madame le ministre, en annonçant la publication d'un arrêté relatif au fonds de solidarité vieillesse. Or, il date du 24 octobre dernier, c'est-à-dire qu'il est postérieur à la présentation par vos soins de ce projet de loi en conseil des ministres.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, vous avez dit qu'il n'avait jamais été publié ! Ma réponse se situait par rapport à cette affirmation.
M. Charles Descours, rapporteur. Il a vu le jour, certes, mais avec un an de retard, et sans avoir totalement défini le fonctionnement du Fonds de solidarité vieillesse.
Par ailleurs, je voudrais souligner que la nature de l'ONDAM est loin d'être bien définie.
Après avoir déclaré devant la commission qu'il s'agissait d'un indice, comme un indice des prix, vous avez dit tout à l'heure que c'était un agrégat économique... pour affirmer quelques instants plus tard qu'il s'agissait d'un objectif voté par le Parlement.
Or, nous considérons que c'est la loi, que nous avons bel et bien votée, et qui n'a donc rien à voir avec un indice de l'INSEE ou de je ne sais quel organisme plus ou moins officiel. C'est bien une loi votée par le Parlement, qui, comme la loi de finances, s'impose à l'Etat et au Gouvernement et leur impose des contraintes. Il est hors de question de jouer avec l'ONDAM comme on peut jouer, selon la conjoncture, avec un indice des prix !
A propos du dépassement, vous m'avez fait l'honneur de me citer. Or il se trouve, madame la ministre, que je vous lis, moi aussi. Ainsi, le Gouvernement a fait à Bruxelles, en décembre 1998, la déclaration suivante à propos du programme pluriannuel sur les finances publiques à l'horizon 2002 : « Une évolution contenue des dépenses d'assurance maladie est également possible. Le programme retient une progression en volume de ces dépenses de 1,3 % en 2000... » - nous allons nous prononcer sur une majoration de 2,5 % assortie d'un « rebasage » de l'ONDAM « ... et une diminution par la suite de manière à limiter à 3,5 % leur augmentation cumulée sur la période 2000-2002. »
Madame la ministre, confirmez-vous les objectifs que le Gouvernement a fixés à Bruxelles l'année dernière ? Selon vous, « cela suppose de poursuivre de façon volontariste les efforts de déclaration des dépenses ... et exige cependant des réformes de structure ». C'est exactement ce que j'ai dit et j'espère, dans ces conditions, que vous maintenez les propos que vous avez tenus en décembre 1998.
Et, puisque vous m'avez fait l'honneur de me lire, j'espère que vous avez fait une lecture exhaustive et non orientée de mon rapport. En effet, vous avez beaucoup parlé, pour vous en glorifier - mais vous en avez parfaitement le droit ! - d'accords conclus directement entre le Gouvernement et les représentants de certaines spécialités médicales. A ce sujet, permettez-moi simplement de citer les propos qu'a tenus M. Spaeth dans sa réponse au questionnaire de la commission des affaires sociales. « On indiquera les trois points suivants : la multiplication d'accords avec certaines catégories de spécialistes conduit à un morcellement accru du système de soins ; la passation de ces accords rend plus difficile le partage des responsabilités défini par la convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la CNAMTS signée en avril 1997 ; les accords en question en constituent pas un mode de régulation adapté. » Je persiste donc, je confirme et je signe.
Je reviendrai sur les autres points, notamment sur les contre-propositions que j'ai présentées à l'article 17, lors de la discussion des articles. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, avant de passer à la discussion des articles, je vous propose d'interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.