Séance du 21 octobre 1999







M. le président. La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le ministre, votre collègue Mme Aubry a déclaré dernièrement à l'Assemblée nationale, à propos de la loi relative aux 35 heures, que l'Europe nous regardait avec admiration. Compte tenu du caractère standard de cette loi, je crains que ce regard admiratif ne se transforme en un regard de commisération, eu égard à la difficulté d'application d'une telle loi dans un secteur tout à fait particulier, celui du transport routier, car il y aura non-compétitivité des entreprises françaises.
J'illustrerai mon propos par un exemple. Une entreprise allemande, dont je pourrai vous citer le nom quand vous le souhaiterez, recrute des chauffeurs bulgares, lesquels sont payés jusqu'à 15 000 francs de moins par mois que certains chauffeurs routiers français, aucun temps de travail n'étant comptabilisé de la même manière. (Exclamations sur les travées socialistes.) Pour autant, le salaire de ces chauffeurs routiers est le double du salaire moyen pratiqué dans leur pays d'origine.
Aussi, ma question est simple, monsieur le ministre. Lorsque j'ai rapporté le projet de loi tendant à renforcer les conditions d'exercice de la profession de transporteur routier - c'est aujourd'hui la loi qui porte votre nom - je vous ai invité à faire en sorte que soient harmonisées les normes sociales et économiques afin qu'il n'y ait pas de distorsion de concurrence dans ce domaine, au moins à l'échelon européen. Vous avez pris des initiatives. Je voudrais les saluer, tout en constatant la difficulté qui est la vôtre dans cet exercice. Pensez-vous que l'on aboutira à une harmonisation de ces normes, tant sur le plan social que sur le plan économique, avant ou après la disparition du transport routier français ? (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre commisération !
L'entreprise allemande que vous avez évoquée illustre bien une grave question : la circulation de camions d'entreprises d'origine intracommunautaire conduits par des chauffeurs de pays extracommunautaires, dans des conditions économiques et sociales que l'on peut assimiler au dumping .
Hier, devant le congrès de la Fédération nationale des transporteurs routiers, j'ai dit nettement que, si une faille juridique existait dans ce domaine communautaire, le Gouvernement français et moi-même étions déterminés à ce qu'elle soit comblée, afin que nous puissions nous opposer à cette façon de faire qui n'a rien à voir avec l'harmonisation sociale par le haut.
M. Henri Weber. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous avez fait référence à la loi de février 1998 relative à la profession de transporteur routier, texte voté à l'unanimité au Sénat et à l'Assemblée nationale, et vous avez fait part de votre souci d'harmonisation sociale. Monsieur le sénateur, vous ne serez pas surpris que le Gouvernement et moi-même parlions d'harmonisation sociale par le haut, et non par le bas. L'exemple de l'entreprise que vous avez cité montre bien que nous devons agir par le haut, car il y aura toujours des personnes pour souhaiter une aggravation des conditions sociales et des conditions de travail.
Donc, je me bats. Nous agissons pour cette harmonisation sociale. Nous avons fait en sorte, avec la présidence finlandaise, que le dossier concernant la directive sur la réduction du temps de travail, y compris le règlement, puisse avancer.
En ce qui concerne les 35 heures, puisque c'est, au fond, l'axe de votre question, il serait anormal que les chauffeurs routiers ne profitent pas eux aussi - quand on sait les conditions dans lesquelles ils travaillent ! - des bénéfices, en termes de progrès social, de la réduction du temps de travail.
Il en va de l'intérêt non seulement de la société mais aussi des transporteurs routiers. Il en va aussi de la sécurité. Nous sommes disposés à avancer dans ce sens.
Vous avez proposé une sorte de forum à l'échelon européen. Nous voulons effectivement agir dans cette direction. Bien sûr, tant que notre pays n'exerce pas la présidence de l'Europe, nous ne pouvons décider à la place des autres.
Tel est l'esprit dans lequel nous oeuvrons, afin que la réduction de la durée du travail profite aussi aux chauffeurs routiers. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye. Pourvu que cela ne soit pas trop tard !

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