Séance du 14 octobre 1999







M. le président. Je suis saisi par Mme Luc, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Descours et plusieurs de ses collègues visant à améliorer la protection sociale des salariés et créant des fonds de retraite et sur celle de M. Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste visant à instituer des plans d'épargne retraite (n° 8, 1999-2000). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Fischer, auteur de la motion.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, reprochant au Gouvernement son immobilisme sur le sujet brûlant des retraites, jouant du catastrophisme ambiant concernant les conséquences de la fin de la période d'activité professionnelle des classes d'âge du baby-boom, opposant une fois de plus les salariés du secteur public aux salariés du secteur privé, mais surtout pressée, non sans arrière-pensées, de prétendument réformer le système français de retraite par répartition pour, en fait, justifier la mise en place des fonds de pension, la droite multiplie, c'est le moins que l'on puisse dire, les initiatives parlementaires.
A la fin du mois de janvier dernier, l'Assemblée nationale a examiné un texte, issu de la réflexion de M. Douste-Blazy, tendant à créer des plans de prévoyance retraite.
Au cours du débat sur cette question de fond, la droite est apparue divisée. M. Barrot, rapporteur du texte, qui s'est opposé à la création d'un étage supplémentaire obligatoire de retraite « qui risque d'accroître les prélèvements obligatoires et de limiter le rôle de la négociation collective » - je reprends ses propres termes - s'est empressé de corriger le dispositif pour le rendre « plus souple », sans pour autant bouleverser l'économie générale de ce texte empreint d'une forte inspiration libérale.
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ultra-libérale !
M. Guy Fischer. Sur le même sujet, deux propositions de loi ont été tour à tour déposées sur le bureau de notre Haute Assemblée.
Largement inspirée de la version amendée de M. Douste-Blazy, la proposition de loi de M. Descours tente, mais sans y parvenir, de gommer les griefs invoqués contre la loi Thomas du 25 mars 1997. Les fonds de retraite proposés seraient facultatifs et négociés. Les efforts supplémentaires demandés aux cotisants - salariés et employeurs - seraient soutenus par de fortes incitations fiscales et des dégrèvements de cotisations sociales.
S'agissant des exonérations de cotisations sociales, alors que la proposition de loi de M. Arthuis exonère de cotisations sociales, y compris de cotisations vieillesse, l'abondement des employeurs, le dispositif prévu dans la proposition de loi de M. Descours circonscrit quelque peu les exonérations de cotisations vieillesse. Pour autant, et cela ne trompe personne, au fond, l'objectif poursuivi est le même : généraliser un étage supplémentaire de retraite par capitalisation en développant, au détriment du système par répartition, l'épargne retraite.
Saisie de ces deux propositions de loi, la commission des affaires sociales, suivant les conclusions de son rapporteur, a « rebâti » - c'est surprenant ! - un texte complet, réaffirmant le mécanisme général défini par la loi Thomas.
Contrairement à vous, messieurs de la majorité sénatoriale, partisans nostalgiques de la loi Thomas - M. Marini nous en a apporté la preuve - nous sommes satisfaits qu'aujourd'hui cette dernière n'ait pu être appliquée et que le Gouvernement se soit engagé en faveur de son abrogation.
Je partage pleinement les arguments développés par le Gouvernement par la voix de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité pour justifier cette décision.
En détournant des ressources complémentaires pour la sécurité sociale, l'épargne retraite est une véritable menace pour la répartition.
Inégalitaire, injuste, elle accorderait des avantages à certains seulement.
Enfin, « solution individuelle, non collective et négociée », la capitalisation telle qu'elle est envisagée par la loi du 25 mars 1997 fait fi des droits collectifs des salariés.
Vous entendez donc à nouveau initier un débat sur cette base, débat biaisé qui s'appuie sur le diagnostic et les conclusions, à notre sens alarmistes, développés par M. Jean-Michel Charpin.
Simple prétexte politicien pour, d'une part, tenter de prendre de vitesse le Gouvernement, qui, sur le fond, a engagé avec l'ensemble des forces sociales une concertation sur les réponses à apporter au problème de la répartition - M. le ministre nous l'a rappelé ce matin - et, d'autre part, donner l'écho aux propos tenus par Jacques Chirac lors de son allocution du 14 juillet ou, plus récemment, devant la Fédération internationale des personnes âgées, exhortant le Gouvernement à faire des choix de société concernant les retraites.
Si, aujourd'hui, les trois quarts des salariés s'inquiètent quant à l'avenir de nos régimes de retraite, c'est que tous sont très légitimement et profondément attachés au système de la répartition, système solidaire, juste, instauré en 1945 à la suite de la faillite - je vous le rappelle - mes chers collègues - des systèmes de capitalisation et qui, depuis, a largement fait les preuves de son efficacité et de ses vertus en termes de solidarité.
Même si de profondes inégalités perdurent, le revenu moyen des retraités est à peu près égal à celui des salariés. Pour autant, les retraités ne sont pas des nantis ! N'oublions pas qu'à plusieurs reprises ces derniers ont fait les frais de votre politique, messieurs de la droite sénatoriale !
Dois-je rappeler ici la nocivité des décisions prises depuis 1987 : la désindexation du calcul des retraites, l'allongement de 150 à 160 trimestres de la durée de cotisation ouvrant droit à une retraite à taux plein, la référence aux vingt-cinq dernières années et non plus aux dix meilleures comme base de calcul, ou les accords ARRCO-AGIRC ?
Vous avez beau jeu de constater qu'une partie des Français sont tentés de rechercher individuellement des réponses dans les produits financiers !
N'êtes-vous pas responsables de la situation actuelle, des problèmes conjoncturels de financement de la protection sociale ?
Votre logique de réduction du coût du travail, d'amenuisement continu de la contribution des entreprises n'a-t-elle pas fragilisé les comptes sociaux, le régime vieillesse notamment ?
A dessein, vous mettez en exergue le problème de la démographie. S'il est exact qu'en 2015 deux actifs cotiseront pour un retraité, alors qu'en 1930 le rapport était de quatre pour un, et qu'en plus, du fait de l'allongement de la durée de vie, la durée moyenne de la retraite se trouvera accrue par rapport à la période d'activité, vous négligez de présenter les dimensions économiques et sociales du problème.
Pourtant, le niveau et la qualité de l'emploi sont des éléments clés ! Pourquoi occulter le fait que si, la population réellement active se développe à un rythme soutenu, avec la création de plusieurs centaines de milliers d'emplois par an, le « choc démographique » pourra être amorti ? Vous connaissez pourtant aussi bien que moi les prévisions de croissance !
De toute façon, le problème de ce choc démographique se posera que l'on ait fait le choix initial de la répartition ou de la capitalisation. Quoi qu'il en soit, la part du PIB versée aux retraités ira croissante, qu'elle soit prélevée sur les revenus du capital ou les cotisations des salariés, sauf à enfermer ces derniers dans une pauvreté grandissante.
Dès lors, je ne vois pas en quoi l'institution d'un troisième niveau de retraite par capitalisation sauverait l'actuel système de retraite par répartition !
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Guy Fischer. Présenté à tort comme un moyen d'améliorer la protection sociale des salariés, il contribuera, en fait, à la fragiliser et il justifiera à terme le gel de toute décision nécessaire au renforcement de la répartition.
De plus, comment prétendre que l'objet est social quand, au lieu d'apporter des garanties, on introduit les risques inhérents aux placements financiers et l'on renforce les inégalités sociales ?
Le Monde diplomatique a repris récemment des extraits d'un ouvrage publié voilà dix-sept ans par MM. Dominique Strauss-Kahn et Denis Kessler. Je constate d'ailleurs que M. le rapporteur a les mêmes lectures que moi !
M. Charles Descours, rapporteur. Quel apparentement terrible !
M. Guy Fischer. Mais nous n'avons pas lu les mêmes passages !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. A chacun son histoire !
M. Guy Fischer. En fait, la messe peut-être dite de deux façons différentes !
M. Charles Descours, rapporteur. La messe, il vaut mieux que ce soit moi qui la dise ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Je vais vous la dire, la messe !
Denis Kessler écrivait qu'« il est difficile de conclure sur l'aptitude des systèmes de capitalisation à résister aux fluctuations économiques... » ou que « la capitalisation individuelle apparaît comme réservée à certains » - la démonstration en a été faite ce matin - « et la volonté de préparer sa retraite comme une motivation profonde qui aboutit » - j'ajouterai "inexorablement" - « à des inégalités de patrimoine beaucoup plus élevées que les inégalités de revenus ».
Arrêtons de duper les Français qui, de plus en plus nombreux, prennent conscience des privilèges d'une minorité ! Je pense plus particulièrement au récent scandale des stock-options révélé par l'affaire Jaffré.
Qu'ils soient français ou anglo-saxons, dénommés « fonds de pension » ou « fonds d'épargne retraite », l'objectif des produits financiers demeure la recherche d'un taux optimal de rentabilité financière. L'exemple récent de Michelin témoigne, malheureusement, que les incidences sur les critères de gestion des entreprises dont les fonds de pension sont actionnaires seront catastrophiques pour l'emploi.
Les entreprises, compte tenu de la mondialisation, auraient besoin de ces derniers pour se développer, pour stabiliser leur actionnariat, nous dit-on.
Là encore, il y a tromperie ! En effet, excepté les PME, les capacités d'autofinancement des grandes entreprises sont, depuis quelques années déjà, assez élevées.
De plus, rien ne prouve que les marchés d'actions apportent de l'argent aux entreprises.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Voilà une remarque intéressante ; c'est la première fois que j'entends dire cela !
M. Jean Chérioux. Faut le faire !
M. Guy Fischer. Nous aurons l'occasion par la suite, monsieur Marini, de revenir sur ces problèmes et d'entrer dans le détail.
M. Jean Chérioux. Je l'espère bien.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Nous l'espérons bien parce que, comme énormité, on ne fait pas mieux !
M. Guy Fischer. Tous les arguments avancés pour convaincre l'opinion publique du bien-fondé des fonds de pension sont fallacieux. Derrière ce débat sur le problème du financement des régimes de retraite par répartition se cache une vraie question, celle de savoir si nous voulons aller vers plus de solidarité entre générations, entre salariés, ou tendre vers plus d'individualisme ?
Les parlementaires communistes font le choix de développer et non de scléroser notre système de protection sociale.
Considérant qu'il convient avant tout de réfléchir aux moyens de garantir à long terme un taux moyen de retraite, nous préférons la répartition plus juste, plus solidaire, et nous proposons notamment, pour financer les retraites de demain, de développer l'emploi stable.
La priorité doit être la consolidation de la répartition, ce qui passe obligatoirement par la réforme du mode de calcul de la cotisation patronale destinée à accroître réellement les ressources de notre système de protection sociale.
Les solutions envisagées par la droite pour appréhender cet enjeu de société ne permettent pas de régler au fond les problèmes pointés. Les objectifs poursuivis, avoués ou cachés, nous sont étrangers. Le débat est déconnecté de la réflexion globale sur la protection sociale, sur les retraites.
Refusant de cautionner ce semblant de débat, ce débat tronqué où l'ensemble des éléments ne sont pas portés avec objectivité à la connaissance de tous, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vous invitent, mes chers collègues, à voter la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Je demande la parole contre la motion.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Nous avons entendu tout à l'heure M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Sur nombre de sujets, nous ne sommes naturellement pas d'accord avec lui, mais j'ai cru comprendre qu'il considérait que ce débat était utile et légitime.
M. Alain Gournac. C'est ce qu'il a dit !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. C'est ce que nous avons entendu, n'est-ce pas ?
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. J'ai cru comprendre aussi que, par rapport à notre proposition de loi, s'il éprouvait quelques réserves et s'il estimait qu'il demeurait quelques différences, au total - c'est mon interprétation - ces différences ne nous plaçaient plus dans des positions diamétralement opposées.
Il y a, certes, une vision qui n'est pas tout à fait la même sur le caractère obligatoire ou facultatif de l'adhésion aux plans de retraites. Il y a également des divergences sur la place de l'accord collectif. Faut-il, en l'absence d'accord collectif, qu'une possibilité d'adhésion existe ? Bien des sujets prêtent encore à débats.
Mais, lorsque je vois, cet après-midi, que les travées du groupe socialiste sont totalement désertées et que cela permet à certains de nos collègues de ne pas s'exprimer sur une question préalable tendant à éviter de débattre des articles de cette proposition de loi, je ne peux m'empêcher d'en inférer un certain malaise, quelques divergences d'appréciation significatives, qui, d'ailleurs, s'expriment dans d'autres lieux, ces temps-ci, et sur beaucoup de sujets, sur des questions de législation économique, financière, sociale.
Mme Hélène Luc. C'est notre affaire ! Donnez vos arguments !
M. Guy Fischer. Et au sein de vos groupes ?
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Dans cet ordre d'idées, j'ai été très heureux d'entendre M. Mélenchon, au cours de la discussion générale. Son intervention montre bien - mais après tout, c'est la démocratie...
Mme Hélène Luc. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. ... qu'il demeure, au sein de la majorité gouvernementale, une ligne idéologique fermement opposée, pour des raisons de principe, à toute apparition d'un système d'épargne retraite.
L'intérêt du débat de ce matin a été de montrer que cette ligne idéologique est cantonnée dans une certaine fraction de la majorité plurielle.
Pour les autres, c'est-à-dire pour ceux qui côtoient les réalités et qui ont en charge l'essentiel de la gestion... (Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Robert Bret. Nous aussi, nous les côtoyons !
Mme Nicole Borvo. Mais nous ne voyons pas les mêmes réalités !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. ... il y a forcément des choses auxquelles il est nécessaire de penser, car elles répondent à l'évolution de notre pays, dont les frontières ne sont plus étanches et qui vit dans un monde de compétition.
Pour l'ensemble de ces raisons, il me semble tout à fait opportun de rejeter la question préalable qui a été présentée par le groupe communiste républicain et citoyen. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Après M. Philippe Marini, je me réjouis que M. Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ait annoncé ce matin que, dans le courant du premier semestre de l'an 2000, le Gouvernement présenterait un projet de loi sur l'épargne retraite.
Par-delà nos affrontements et les discussions qui se tiennent à l'intérieur de la majorité plurielle, après avoir argumenté sur ce que nous n'avions pas fait - c'est la règle du jeu démocratique - M. Strauss-Kahn a dit l'intérêt qu'il y aurait à développer l'épargne retraite, dès que le Premier ministre aurait défini les règles du jeu non seulement sur l'épargne retraite mais aussi sur la réforme de la retraite par répartition.
Je me réjouis donc de l'annonce de M. le ministre de l'économie et des finances. Je lui ai suggéré d'amender notre proposition de loi, puisque nos positions n'étaient pas si éloignées. Mais j'ai cru comprendre que le Gouvernement souhaitait présenter son propre texte. Nous verrons bien, lorsqu'il le présentera, si nous voulons l'amender !
L'intérêt du débat de ce matin, c'est qu'au-delà de divergences sur le principe le ministre de l'économie et des finances, qui est un membre éminent du Gouvernement, a annoncé que l'épargne retraite était désormais indispensable à notre pays, comme dans tous les pays développés.
Je voudrais maintenant répondre notre collègue qui a défendu la question préalable.
Comme je l'ai dit ce matin au début de cette discussion, nous sommes attachés aux retraites par répartition.
M. Jean Chérioux. Absolument !
Mme Hélène Luc. Alors, restons-en là !
M. Charles Descours, rapporteur. Madame Luc, on ne peut pas, dans le même temps, nous reprocher d'être contre le système par répartition et reprocher au gouvernement de M. Balladur de l'avoir réformé.
Si nous n'avions pas été favorables au système des retraites par répartition, nous l'aurions laissé s'effilocher, comme le gouvernement actuel le fait. Or, on reproche à M. Balladur d'avoir réformé le régime des retraites en 1993 !
M. Jean Chérioux. Il était temps, d'ailleurs !
M. Charles Descours, rapporteur. Dire que nous ne sommes pas disposés à défendre le système par répartition n'est pas sérieux !
Le système de retraites par répartition constitue un des piliers importants de notre consensus républicain. Je me réjouis d'ailleurs qu'il soit une des valeurs communes à tous ceux qui siègent sur ces travées.
Je ferai maintenant part de quelques réflexions plus précises.
Monsieur Fischer, nous sommes, bien sûr, d'accord avec le Président de la République, mais nous n'avons pas du tout obéi à un quelconque diktat, comme vous en avez eu l'impression. (Vives exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Sur ce sujet plus précis, vous êtes peut-être mieux placé que moi d'ailleurs !
C'est le 14 juillet que M. le Président de la République a parlé pour la première fois des retraites publiquement. Or, la proposition de loi de M. Jean Arthuis comme la mienne avaient été déposées au mois de février.
Je me réjouis que nous soyons en concordance avec le Président de la République, mais ce n'est pas parce qu'il a parlé de cette question que nous avons déposé ces propositions de lois.
Mme Hélène Luc. Mais vous avez de la suite dans les idées !
M. Charles Descours, rapporteur. J'ai par ailleurs été ravi que M. Fischer cite dans son propos Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité ; j'ai été navré, en revanche, de n'entendre ni le nom ni le titre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur Fischer, nous avons tous les deux une culture politique. Notre culture, à nous - c'est peut-être l'un de nos défauts, aujourd'hui - c'est que nous avons été longtemps dans la majorité et que nous avons probablement encore une espèce de culture majoritaire qui nous empêche souvent de faire preuve d'une opposition systématique. Vous, par contre, vous avez plutôt une culture d'opposition.
Nous sommes, dites-vous, responsables de la situation actuelle. Pourtant, des ministres communistes ont siégé au gouvernement pendant plus de dix ans, depuis 1981, alors que nous, nous n'avons été au pouvoir que pendant six ans. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Dès lors, qui est responsable de la situation actuelle ?
Mme Nicole Borvo. C'est formidable !
M. Charles Descours, rapporteur. C'est vrai, les ministres communistes sont souvent en désaccord avec les ministres socialistes. Alors, ils démissionnent, comme en 1984. Et aujourd'hui, chacun le sait bien, il y a débat, par exemple, pour savoir s'il faut manifester avec M. Hue ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Le débat au sein du parti communiste est permanent, depuis seize ans, sur la participation ou non au gouvernement.
Par ailleurs, depuis 1981, il y a eu plus de ministres communistes au gouvernement que de ministres RPR ou UDF.
M. Alain Gournac. C'est vrai !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas le problème ! Vous êtes à bout d'arguments !
M. Charles Descours, rapporteur. Essayez de m'expliquer le contraire !
Je rappelle notamment que M. Ralite a été ministre de la santé et qu'il ne s'est pas attaqué au problème des retraites.
M. Guy Fischer. Jusqu'en 1984 !
M. Charles Descours, rapporteur. Et entre 1988 et 1993 ?
Mme Nicole Borvo. Je ne savais pas qu'il y avait eu des ministres communistes en 1988 !
M. Alain Gournac. Vous y êtes, en ce moment, au pouvoir !
M. Charles Descours, rapporteur. Vous étiez dans la majorité !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, un peu de discipline !
M. Charles Descours, rapporteur. Je rappelle encore à M. Fischer que lorsque l'ARRCO et l'AGIRC prennent certaines décisions et comme en 1996, le Gouvernement, quel qu'il soit, n'y est pour rien.
L'ARRCO et l'AGIRC sont des organismes paritaires. Mais cette règle de la parité qui existe depuis plus de cinquante ans, je crains que, à la suite de mesures qui sont actuellement en discussion au Parlement, nous ne la regrettions dans quelques mois. En effet, le Gouvernement a proposé des dispositions qui risquent fort de mettre à mal cette gestion paritaire.
M. Guy Fischer. Ne faites pas de catastrophisme !
M. Charles Descours rapporteur. Venons-en au fond sur la motion.
A la fin de son premier considérant, vous indiquez que vous attendez l'abrogation de la loi Thomas. Vous avez raison. Le Premier ministre, auquel vous apportez votre soutien, l'a d'ailleurs annoncée le 19 juin 1997, dans sa déclaration de politique générale.
De plus, à l'Assemblée nationale, un amendement de M. Gremetz, qui est l'un de vos amis, n'a pas été accepté par le Gouvernement, et Mme le ministre de l'emploi a pris l'engagement, dans le rapport annexé à la loi de financement, d'abroger la loi Thomas quelques semaines plus tard. C'était voilà un an, au moment de la discussion de la loi sur le financement de la sécurité sociale. (M. Alain Gournac s'exclame.)
Je comprends, certes, ce premier considérant. Toutefois, mes chers collègues, vous devriez l'adresser non pas à la majorité sénatoriale mais au Premier ministre !
Mme Hélèle Luc. C'est une question, c'est sûr !
M. Charles Descours, rapporteur. Je vous remercie de le reconnaître, madame le sénateur.
En ce qui concerne le deuxième considérant, j'ai beaucoup parlé ce matin de l'assujettissement de l'abondement aux cotisations d'assurance vieillesse. Il paraît que nous avons évolué sur ce point, et M. Strauss-Kahn a dit ce matin qu'il en prenait acte. Tant mieux !
Je relève par ailleurs que nos conclusions ne mentionnent l'exonération des cotisations vieillesse que pour les personnes qui sont au-dessous du seuil de 1,5 fois le SMIC.
En revanche, aujourd'hui, alors que nous allons examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce n'est pas l'opposition qui demande des prélèvements sur la sécurité sociale - les partenaires sociaux l'ont bien dit - c'est le Gouvernement qui opère des prélèvement pour financer les trente-cinq heures, et vous le savez très bien.
En ce qui concerne le troisième et le quatrième considérants, nous sommes clairement contre l'augmentation des prélèvements obligatoires. Vous êtes probablement favorables à une telle augmentation, mais nous considérons, pour notre part, que 45,3 % est un plafond à ne pas dépasser dans la compétition internationale.
Je suis désolé que nous ne soyons pas du même avis sur ce sujet. Sur ce point, nous ne bougerons pas.
S'agissant du cinquième considérant, je dirai qu'il n'est pas vrai que nous ayons du temps. Vous savez d'ailleurs mieux que moi que certaines caisses, notamment la CNRACL, seront en grande difficulté dès 2005.
A ce propos, les directeurs d'hôpitaux généraux m'ont expliqué hier qu'ils seraient incapables de faire face à l'augmentation de 0,5 point de CNRACL qui est prévue l'année prochaine pour équilibrer ce régime. A partir de 2005, les unes après les autres, les caisses vont connaître de graves problèmes. Or, 2005, c'est demain !
Enfin, nous pensons qu'il est du devoir de l'opposition d'alerter l'opinion sur ces problèmes, de dire aux retraités, notamment aux retraités de demain, qu'il convient d'éviter qu'il ne deviennent les nouveaux pauvres de la gauche plurielle.
Le débat n'est pas biaisé, c'est un débat démocratique. Je crains, malheureusement, monsieur Fischer, que vous n'ayez pas beaucoup écouté, ce matin, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avec qui, je vous le repète, malgré nos divergences, nous sommes d'accord pour organiser l'épargne retraite.
En effet, le système actuel permet aux salariés les plus aisés d'avoir un troisième pilier de retraite. Si nous ne réglementons pas ce système, avec le développement des produits financiers qui seront achetables sur l'Internet et des produits qui viendront d'autres pays d'Europe, les inégalités seront encore plus criantes.
M. Jean Chérioux. Certes !
M. Charles Descours, rapporteur. Aussi, monsieur Fischer, chers collègues du groupe communiste républicain et citoyen, je vous le dis : la lutte contre les inégalités n'est pas toujours du côté que l'on croit ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants. - Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Je crois que M. Fischer a raison ; il partage avec nous la même vision des choses, à savoir qu'il faut avant tout consolider notre système actuel de retraite par répartition.
Monsieur le rapporteur, je pense que vous interprétez certaines discussions de ce matin à votre avantage cet après-midi.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. C'est ce que nous avons entendu ce matin !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. J'ai lu l'intervention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, je n'ai pas trouvé de différence.
M. Guy Fischer. Ils prennent leurs désirs pour des réalités !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Si je voulais vous répondre sur le même terrain, je vous dirais, puisque vous faisiez référence aux débats d'ordre politique qui sont nécessaires à l'équilibre d'une démocratie, que la majorité sénatoriale retrouve une cohésion sur un texte, mais qu'elle n'en a pas toujours une à l'extérieur !
Il y a effectivement nécessité de débattre, nous l'avons dit, mais pas forcément à partir d'un texte du Sénat. En effet, nous sommes prêts à aborder l'ensemble du dossier des retraites, mais seulement l'ensemble.
M. le Premier ministre lui-même a déterminé une méthode ; il en a fixé les contours. Nous ne proposerons de texte qu'au vu des conclusions de la mission qui a été confiée à MM. Balligand et de Foucauld.
Sur ce sujet - c'est pourquoi nous rejoignons ce qu'a dit M. Fischer sur la non-nécessité de ce débat - vous le savez, nos principes sont très différents de ceux des auteurs des propositions de loi qui sont débattues aujourd'hui.
Selon Dominique Strauss-Kahn, dont j'ai lu les propos, depuis le vote de la loi Thomas, l'opposition nationale, qui est la majorité du Sénat, a évolué, puisque le contenu des textes proposés aujourd'hui est différent de celui de la loi Thomas.
Par conséquent, il fallait prendre tels quels les propos de Dominique Strauss-Kahn, sans en faire un commentaire qui aille au-delà de ce qu'il a dit, à savoir que, compte tenu de cette évolution, lorsque nous proposerons un texte, ...
M. Charles Descours, rapporteur. Dont acte ! Merci de le réaffirmer, madame !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. ... la majorité actuelle du Sénat finira par nous rejoindre sur le fond.
Ce que nous voulons - et c'est ce que disait Dominique Strauss-Kahn ce matin...
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Ce n'est que de l'amour-propre d'auteur !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. ... c'est un texte qui s'appuie sur les valeurs que j'ai soulignées au début de mon propos, des valeurs plus collectives, plus solidaires et plus centrées sur la protection des adhérents. En effet, notre objectif prioritaire, celui auquel nous ne dérogerons pas, est bien la consolidation du régime actuel, qui est un exemple de solidarité entre les personnes et entre les générations.
Par conséquent, je rejoins la proposition de M. Fischer, mais nous n'avons peut-être pas beaucoup de temps pour en débattre cet après-midi.
M. le président. Je vais mettre aux voix la motion n° 1.
M. Jean Arthuis. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. Le groupe de l'Union centriste repoussera la motion défendue tout à l'heure, un peu laborieusement, par M. Fischer. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nicole Borvo. On vous dispense de vos commentaires !
M. Jean Arthuis. Monsieur Fischer, vous m'étonnez. Ce matin, si j'ai bien compris, M. le ministre de l'écononie, des finances et de l'industrie a bien voulu dire que, finalement, le Gouvernement allait nous rejoindre sur nos propositions.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Il n'a pas dit cela !
Mme Hélène Luc. Là, vous extrapolez un peu !
M. Jean Arthuis. Le texte qui est aujourd'hui en discussion, auquel ont contribué, avec beaucoup d'efficacité et de talent, la commission des affaires sociales et la commission des finances, ouvre plus de liberté et plus de place à la négociation et au partenariat social. Nous nous réjouissons de cette convergence, parce que c'est l'intérêt de la France et de l'ensemble de nos concitoyens.
Monsieur Fischer, vous parlez de solidarité. Je ne vous ai pas entendu dire que la Préfon et le Fontel, systèmes d'épargne retraite respectivement destinés aux fonctionnaires et aux élus locaux, devaient être remis en cause. Que je sache, il y a du volontariat dans la souscription ! Alors, pourquoi voulez-vous priver les salariés des entreprises de la possibilité de s'inscrire dans cette logique d'épargne retraite ? Nous, nous sommes pour l'égalité ; les citoyens, en fonction de leurs capacités du moment, accomplissent cet effort ou y renoncent.
Madame le secrétaire d'Etat, vous nous avez invités à la solidarité. Nous sommes attachés à la répartition, bien sûr. Mais alors, pourquoi ces prélèvements sur les régimes de sécurité sociale afin d'assurer le financement de ce qui, pour l'instant, est à la fois une usine à gaz et l'expression d'un dogme ? Il y aurait quelque cohérence à ne pas exercer de ponction sur ces régimes, faute de quoi vous prendriez le risque de briser le paritarisme dans notre pays.
Mes chers collègues, je crois que nous avons ici un devoir de lucidité.
Monsieur Fischer, la semaine passée, nous discutions de la transcription de la directive « Electricité ». Electricité de France est une très belle entreprise, que nous admirons tous et dont nous sommes fiers, mais elle n'inscrit pas dans ses comptes les charges de retraite, les dettes de retraite.
Est-ce cela la sincérité ? Est-ce cela le pacte républicain ? Est-ce cela l'exigence de transparence ? Je ne le crois pas.
Naturellement, le Gouvernement nous a demandé de renoncer à cette opération vérité !
J'ai compris aujourd'hui que le Gouvernement avait besoin de quelques semaines encore pour convaincre sa composante communiste de se rallier à un projet de loi qui viendra devant le Parlement, assez rapidement, je l'espère.
Alors, que le Gouvernement s'investisse totalement pour convaincre les auteurs de la motion ! C'est le souhait que j'exprime, et, pour ma part, avec tous les membres de mon groupe, je repousserai la motion.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, mes chers collègues, notre collègue M. Massion a dû dire ce matin au Sénat les motifs pour lesquels nous étions hostiles à la proposition de loi, en tout cas à la philosophie, ou aux modalités, de la proposition de loi qui est soumise aux délibérations du Sénat. Bref, il a quasiment annoncé que nous ne la voterions pas.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Dommage !
M. Jean Arthuis. Hostiles à sa philosophie ou à ses modalités.
M. Michel Charasse. Ne faisons pas de sémantique à cette heure-ci, il est beaucoup trop tôt. Il faut réserver cela aux séances de nuit ! (Sourires.)
En ce qui concerne la question préalable, je veux dire à nos amis du groupe communiste républicain et citoyen que nous sommes actuellement lancés, dans le pays, dans une vaste réflexion, engagée par le Gouvernement, sur la réforme des retraites.
Voter cette motion - non pas tellement la question elle-même, mais surtout le dispositif qui la sous-tend, c'est-à-dire son exposé des motifs - ce serait donc, de notre part, prendre d'ores et déjà des positions sur une réflexion d'ensemble qui nous sera soumise le moment venu - au printemps prochain, me semble-t-il, madame le secrétaire d'Etat - alors que cette motion aborde les choses sous un certain aspect ; c'est un élément !
Approuver cette motion signifierait, au fond, que nous approuvons non seulement le souhait du groupe communiste républicain et citoyen de ne pas voir délibérer le texte - cela ne nous pose pas un problème majeur - mais surtout des motivations qui anticipent beaucoup trop sur le débat d'ensemble.
Mes chers collègues, vous indiquez dans votre exposé des motifs une série d'éléments qui doivent prendre leur place dans la réflexion d'ensemble.
Mme Hélène Luc. Oui !
M. Michel Charasse. Mais il n'y a pas que cela ! C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne prendra pas part au vote sur cette motion tendant à opposer la question préalable. (MM. Charles Descours, rapporteur, et Alain Gournac applaudissent.)
Mme Hélène Luc. Dommage !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par la commission et acceptée par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 8:

Nombre de votants 241
Nombre de suffrages exprimés 241
Majorité absolue des suffrages 122
Pour l'adoption 16
Contre 225

En conséquence, nous abordons la discussion des articles.

Article 1er