Séance du 12 octobre 1999






DROIT APPLICABLE OUTRE-MER

Adoption d'un projet de loi d'habilitation

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 424, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. [Rapport n° 3 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la tâche de modernisation et d'adaptation du droit de l'outre-mer, condition nécessaire de son développement économique et social, offre aujourd'hui de nouveaux sujets à prendre en compte. De plus, certaines questions urgentes nécessitent une réponse rapide pour satisfaire les attentes des populations intéressées.
Le projet de loi d'habilitation que j'ai l'honneur de vous présenter s'inscrit pleinement dans le prolongement de la précédente loi d'habilitation du 6 mars 1998, étant précisé que le projet de loi de ratification des ordonnances prises en application de ladite loi devrait vous être soumis en novembre prochain. Il a été déposé devant le Sénat, après son examen par l'Assemblée nationale.
Le projet du Gouvernement demande au Parlement l'autorisation de légiférer par ordonnances dans huit matières, ces ordonnances devant être prises dans les six mois qui suivent la publication de la loi d'habilitation. Au cours du débat à l'Assemblée nationale, en juin dernier, quatre thèmes sont venus s'ajouter à ceux qui étaient initialement prévus ; ce sont donc douze points que le projet qui vous est soumis aborde.
Au travers des ordonnances prévues par la loi d'habilitation, le Gouvernement vise les objectifs suivants.
Le premier objectif du Gouvernement consiste à affirmer les obligations financières de l'Etat vis-à-vis de l'outre-mer. L'une des ordonnances devra permettre de pérenniser sa contribution au profit des communes de la Polynésie française.
De la même manière, son concours au profit de l'établissement public de santé territorial de Mayotte sera prolongé pour tenir compte de sa situation spécifique. C'est notamment le cas du système dérogatoire de financement, qui lui permet de prendre en charge pendant une nouvelle durée de cinq ans les personnes ne pouvant faire la preuve de leur nationalité française ou de la régularité de leur séjour en attendant que certaines difficultés, notamment en matière d'état civil, soient surmontées.
Le deuxième objectif du Gouvernement réside dans la poursuite de la modernisation et dans l'extension des droits sociaux des habitants des collectivités d'outre-mer.
Ainsi, les ordonnances qui interviendront à ce titre doivent permettre de préciser les règles d'option de juridiction en matière de litiges de contrats de travail pour les salariés qui, après avoir travaillé pour une collectivité d'outre-mer, l'ont quittée.
De même, un dispositif permettra aux partenaires sociaux de négocier des accords d'annualisation du temps de travail à Mayotte et aux îles Wallis-et-Futuna, dispositions déjà introduites en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Certaines règles de base en matière d'hygiène et de sécurité du travail seront étendues à Wallis-et-Futuna.
Toujours dans le champ du droit du travail et en prolongement de la précision apportée par un amendement en première lecture à l'Assemblée nationale, les dispositions relatives à la médecine du travail dans les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon seront également traitées.
En matière de droit de la santé, il s'agira d'actualiser les règles relatives à l'exercice au droit des professions de santé à l'outre-mer. De même, il est prévu de créer à Wallis-et-Futuna « une agence de santé », établissement original dont le statut est adapté à la situation juridique particulière des îles Wallis-et-Futuna. L'agence se trouve ainsi chargée de l'élaboration et de la mise en oeuvre du programme de santé du territoire.
De plus, conformément à deux amendements adoptés par l'Assemblée nationale, l'habilitation porte sur l'extension à Wallis-et-Futuna de la durée de la scolarité obligatoire et des dispositions relatives à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles.
Le troisième objectif du Gouvernement est de conforter l'état de droit et la sécurité juridique outre-mer.
Dans cette perspective, la loi du 25 juillet 1952 sur le droit d'asile sera étendue à l'ensemble de l'outre-mer, après l'avoir été à la Nouvelle-Calédonie par la loi du 19 mars 1999. Ce droit constitutionnel pourra ainsi être désormais exercé pleinement dans le respect des engagements internationaux de la France.
Des ordonnances procéderont également à l'actualisation du droit applicable à l'entrée et au séjour des étrangers à Mayotte, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. Les textes actuellement en vigueur sont partiellement obsolètes et inadaptés à un contrôle efficace des flux migratoires, dans le respect des droits fondamentaux des intéressés. Une extension de l'ordonnance du 2 novembre 1945, assortie des adaptations nécessitées par la situation de chaque collectivité, s'impose.
Par ailleurs, plusieurs ordonnances devraient créer les conditions de l'élaboration d'un état civil fiable à Mayotte, notamment pour remédier aux difficultés que j'ai évoquées en matière de soins hospitaliers. En particulier, des règles relatives à la fixation du nom seraient définies, tandis qu'une commission de révision de l'état civil procéderait à la remise à jour des actes.
Par ailleurs, une chambre de discipline territoriale pourra être créée en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour les médecins, les sages-femmes et les pharmaciens qui y exercent. Ainsi sera mis un terme à la situation actuelle, dans laquelle un même organe assure les compétences administratives et juridictionnelles.
De plus, après l'adoption d'un amendement déposé par le Gouvernement, l'Assemblée nationale l'a habilité à procéder par ordonnance à la codification du droit électoral applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. Le Gouvernement est également autorisé à procéder à toutes mesures d'adaptation utiles en ce domaine, en vue de rapprocher cette codification des dispositions applicables en métropole, étant entendu qu'il ne pourra s'agir que de simples aménagements.
La loi d'habilitation doit également permettre de résoudre deux questions d'une importance majeure pour les départements d'outre-mer. Il s'agit d'adapter l'organisation des agences d'insertion à la suite de la modification de statut intervenue par la loi du 29 juillet 1998.
Leur transformation par voie législative en établissements publics locaux rend absolument nécessaire une adaptation rapide de leur statut pour leur permettre de retrouver un fonctionnement normal et de prendre en compte la situation de leurs personnels.
Les agences seront désormais présidées par les présidents de conseils généraux, l'Etat se voyant doté de moyens de contrôle administratif et financier mieux assurés. Je vous rappelle que cette réforme avait été souhaitée par les présidents de conseils généraux et appuyées, notamment, par le président du conseil général de la Martinique, le sénateur Lise.
Quant au statut de l'IEDOM, l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, il sera adapté pour prendre en compte les impératifs de l'Union économique et monétaire et permettre son intégration, conformément aux principes communautaires, dans le système européen des banques centrales.
Enfin, le Gouvernement a accepté un amendement, présenté lors du débat à l'Assemblée nationale, visant à permettre, compte tenu des difficultés importantes que connaît l'activité de transports de personnes dans les départements d'outre-mer, de procéder par ordonnances à l'adaptation de la législation relative aux transports intérieurs.
Par ce projet de loi d'habilitation, par les ordonnances qui suivront, le Gouvernement entend poursuivre son action de modernisation du droit de l'outre-mer, élément indispensable à son développement. A l'instar des ordonnances prises en application de la loi du 6 mars 1998, le Gouvernement déposera évidemment ces ordonnances sur le bureau des assemblées pour les soumettre à l'appréciation du Parlement. Le pouvoir législatif donne ainsi à l'exécutif délégation pour agir, souvent dans l'urgence, dans les matières complexes. Soyez assurés que les droits du Parlement seront, sur ce plan-là, respectés.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après le projet de loi constitutionnelle, nous examinons le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. Ce texte a été adopté par l'Assemblée nationale le 10 juin dernier.
Cette façon de procéder tend, monsieur le secrétaire d'Etat, à devenir une habitude, puisqu'on utilise bien souvent soit diverses dispositions relatives à l'outre-mer - les fameuses « lois balais » - soit, comme maintenant, les ordonnances. C'est systématique ! (M. le secrétaire d'Etat sourit.)
Je déplore quelque peu ce mode de fonctionnement, qui prive le Parlement d'un véritable débat, même si des lois de ratification doivent intervenir. C'est ainsi que plusieurs lois sont prévues, tendant à permettre à chaque commission d'exercer sa responsabilité législative dans le domaine de sa spécialité.
Il va de soi que nous n'aimons pas beaucoup les ordonnances... auxquelles nous avons toutefois régulièrement recours.
En ce qui concerne l'outre-mer, il peut naturellement être nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, d'utiliser l'article 38 de la Constitution. Encore faut-il chercher fréquemment l'origine du recours aux ordonnances dans le non-respect des instructions gouvernementales.
Notre excellent collègue Daniel Millaud ne manquait jamais de nous rappeler à quel point était oubliée, en dépit de nombreuses circulaires, notamment celles du 21 avril 1988 et du 15 juin 1990, l'application des lois à l'outre-mer. Peut-être le Gouvernement pourrait-il en publier une autre afin de sensibiliser les administrations à la nécessité de prendre en compte l'outre-mer dans l'élaboration de leur politique et dans la rédaction des textes législatifs ou réglementaires.
Le principe de l'assimilation législative applicable à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, et aux départements d'outre-mer, le principe de la spécialité législative conjugue au problème des lois dites « de souveraineté », notion juridique parfois un peu floue et qui prête à discussion, compliquent encore l'exercice. L'applicabilité des textes législatifs dans les départements d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et Mayotte doivent donc faire l'objet de textes ou de dispositions particulières.
Nous ne cessons de le rappeler, sans être guère entendus du Gouvernement, qui tire toujours prétexte soit de la non-consultation des assemblées territoriales ou des assemblées de collectivités concernées, soit de la complexité des textes pour remettre à plus tard leur application. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne me lasserai pas de le répéter : il vaudrait tellement mieux examiner préalablement le problème, nous dispensant ainsi de recourir aux ordonnances.
La commission des lois, comme c'est son devoir, a examiné si les conditions fixées par l'article 38 de la Constitution, et précisées par le Conseil constitutionnel, étaient remplies. C'est pour l'exécution de son programme que le Gouvernement peut légiférer par voie d'ordonnances, mais il doit « indiquer avec précision, lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre », ce qui est assez évident.
Nous avons eu la chance, excepté pour une mesure, d'avoir les avant-projets d'ordonnance. Nous avons pu vérifier qu'il s'agissait bien de mesures d'application qui ne dépassaient pas le champ de l'article 38 de la Constitution.
En commission des lois, vous avez répondu, monsieur le secrétaire d'Etat, à une question que je vous ai posée sur le statut de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, l'IEDOM. En effet, à l'époque, nous n'avions aucune précision quant à l'évolution statutaire de cet institut à la suite de la réforme des banques centrales européennes et de l'instauration de la monnaie unique.
L'article 38 de la Constitution fixe les modalités de délégation de pouvoir au Gouvernement pour une durée limitée et l'obligation de déposer un projet de loi de ratification dans un délai donné. Le projet de loi respecte la Constitution. L'avis de la commission des lois est donc favorable.
J'en viens au champ d'habilitation du projet de loi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez rappelé toutes les dispositions qui étaient prévues, notamment la nécessité pour l'Etat d'assumer ses obligations financières envers l'outre-mer.
J'avais rappelé dans le rapport que j'ai rédigé l'année dernière la nécessité de trouver une base juridique au fonds intercommunal de péréquation pour la Polynésie française.
J'avais également fait mention du concours de l'Etat en faveur de l'établissement public de santé territorial de Mayotte.
Le projet de loi vise aussi l'actualisation des droits sociaux, les avancées en matière de santé publique, le renforcement de l'état de droit et la sécurité juridique dans les collectivités d'outre-mer, notamment l'état civil à Mayotte - ample tâche, monsieur le secrétaire d'Etat, car on connaît les difficultés de mettre en place un tel dispositif.
Par ailleurs, entrent dans le champ de l'habilitation, l'adaptation du statut de l'Institut d'émission d'outre-mer, déjà évoqué, ainsi que l'organisation des agences d'insertion, avec la modification de statut opérée par la loi du 29 juillet 1988 transformant ces agences en établissements publics locaux à caractère administratif.
Nos collègues députés, notamment M. Brial pour Wallis-et-Futuna, ont ajouté quelques dispositions, puisque deux mesures concernent les catastrophes naturelles dans ce territoire, d'une part, et la codification du droit électoral, d'autre part, qui est applicable d'ailleurs à la fois en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et aux îles Wallis-et-Futuna.
Une autre disposition ajoutée par l'Assemblée nationale - et cette ordonnance nous intéressera beaucoup - concerne la législation relative aux transports intérieurs dans les départements d'outre-mer. En effet, j'ai l'impression que ce problème ne se pose pas uniquement dans les départements d'outre-mer, notamment en ce qui concerne les transports scolaires. Un certain nombre de nos collègues ont rencontré des difficultés en matière d'application du code des marchés publics, compte tenu de l'urgence qu'il y avait souvent, à la rentrée, à mettre en place des transports scolaires. Peut-être pourra-t-on appliquer à la métropole les dispositions qui auront été prises pour les DOM ! Cela serait très intéressant, n'est-ce pas, monsieur le président ?
M. le président. Sans doute !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'article 2 prévoit quant à lui la consultation des assemblées des différents territoires, et l'article 3, comme je le disais tout à l'heure, définit des délais d'habilitation.
En conclusion, la commission des lois, après l'avoir examiné, propose au Sénat d'adopter sans modification l'ensemble du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. Bien entendu, tous nos collègues seront extrêmement sensibles au fait que nous nous attachons à faire en sorte que les territoires d'outre-mer - et quelquefois aussi les départements, puisqu'il y a un texte sur les départements - et la Nouvelle-Calédonie, futur «pays d'outre-mer » puissent avoir une législation adaptée à notre temps.
M. le président. La parole est à M. Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici aujourd'hui réunis pour examiner un projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.
Il s'agit du second en deux ans, et nous serons amenés fin novembre à ratifier les ordonnances prises en vertu de la première loi d'habilitation votée en 1998.
Qu'il me soit permis d'exprimer un léger regret sur l'ordre du jour : en effet, du fait de l'éloignement géographique des sénateurs concernés par l'outre-mer, il m'aurait paru souhaitable de regrouper l'examen de ces textes, comme cela a été fait à l'Assemblée nationale.
Mis à part ce détail, je n'exprimerai pas les mêmes réserves que bon nombre de parlementaires - je prie M. Hyest de m'en excuser - notamment nos collègues députés en juin dernier, sur l'utilisation de la procédure des ordonnances : il me semble en effet que, sur des domaines tels que ceux dont il est question, notamment pour la transposition outre-mer des règles déjà existantes en métropole, le recours aux ordonnances ne constitue pas une violation des droits du Parlement, et nous permet au contraire de soulager un peu un ordre du jour déjà bien rempli.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah, si c'est uniquement pour cela, d'accord !
M. Robert Laufoaulu. Cette opinion ne vaut néanmoins que sous réserve que les élus de chaque département ou territoire soient consultés et associés à l'élaboration des textes les concernant.
Cela vaut tout particulièrement, s'agissant des îles Wallis-et-Futuna, pour la création de l'agence de santé.
Bien entendu, la création d'un établissement public national à caractère administratif chargé d'élaborer un programme de santé publique ne peut que nous réjouir. Une telle initiative, que nous devons saluer, correspond à un réel besoin à Wallis-et-Futuna. Tous ceux qui connaissent le territoire savent à quelle impérieuse nécessité répond une telle décision.
Qu'il me soit donc permis, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous rendre un hommage chaleureux pour ce projet qui vous doit tant, et de vous en remercier très solennellement.
Néanmoins, la perfection n'étant pas de ce monde, je suis certain que M. le secrétaire d'Etat ne m'en voudra pas de lui faire part de quelques remarques sur l'avant-projet d'ordonnance sur l'agence de santé qu'il a bien voulu nous communiquer, concernant des points qui préoccupent l'ensemble des élus de Wallis-et-Futuna, et qu'il me semble nécessaire de rappeler ici puisque l'occasion m'en est donnée.
Tout d'abord, je souhaite attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le système de tutelle actuellement envisagé. Ce premier point me semble important et suscite une inquiétude générale, tant la triple tutelle du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, du secrétariat d'Etat à la santé et à l'action sociale et du secrétariat d'Etat au budget laisse augurer une lourdeur handicapante pour le bon fonctionnement de cet établissement.
En second lieu, la participation éventuelle du territoire au budget de l'agence de santé appelle une certaine réserve, car elle paraît contraire à la loi du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis-et-Futuna le statut de territoire d'outre-mer, et qui stipule dans son article 7 que « la République assure l'hygiène et la santé publique ».
Troisièmement, la participation éventuelle des usagers, si elle ne suscite pas une hostilité de principe de ma part, m'incite à vous demander des assurances fermes et publiques que seuls les plus nantis pourraient un jour être concernés par une telle mesure.
En effet, comme vous le savez, l'immense majorité de la population du territoire de Wallis-et-Futuna ne dispose que de très faibles ressources. Envisager de la faire payer en ferait renoncer beaucoup à aller se faire soigner, réduisant ainsi à néant tous les progrès effectués ces dernières décennies en matière sanitaire et médicale, alors même que vous savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il reste encore tant à faire dans ce domaine. S'agissant toujours de l'agence de santé, je salue votre volonté affichée d'agir en faveur des personnes handicapées. Il me paraîtrait cependant souhaitable que le programme de santé publique intègre dans ses préoccupations les personnes âgées : en effet, si cela peut aujourd'hui sembler secondaire, au fil du temps cela risque de revêtir une importance plus grande.
Par ailleurs, afin de préparer au mieux la mise en place de l'agence et, ce faisant, de ne pas perdre le bénéfice de l'augmentation de la dotation consentie par l'Etat, il me semble indispensable que les 17,4 millions de francs prévus, correspondant au premier versement de l'apurement de la dette, soient inscrits dans la loi de finances rectificative de cette année. Cette demande est d'autant plus pressante que la CAFAT et le centre hospitalier de Nouméa attendent légitimement ces remboursements.
Pour terminer sur ce sujet primordial pour le territoire, je souhaite dire un mot sur la formation des personnels hospitaliers, qui doit être prévue au budget de l'établissement - c'est indispensable -, qui devra être fortement majoré à ce effet.
Par conséquent, et à l'identique de la procédure applicable au corps médical, le plan de formation des personnels non médicaux qui sera élaboré chaque année devrait être également soumis à la consultation du comité d'établissement.
Enfin, pour ce qui concerne les statuts du personnel du service de santé, c'est leur diversité qui est à l'origine du malaise social qui y règne actuellement. Aussi faudra-t-il réfléchir sérieusement à cette question qu'une convention collective ne réussira pas à trancher définitivement.
Les autres articles du projet de loi d'habilitation appelleront peu de remarques de ma part.
Je me réjouis tout particulièrement de l'amélioration des conditions générales de sécurité des travailleurs, et je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir accepté les amendements du député Victor Brial, relatifs, d'une part, à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, mesure qui devrait rassurer les entreprises installées à Wallis-et-Futuna et, d'autre part, à l'âge de la scolarité obligatoire.
Tout ce qui a trait à l'éducation et à la formation m'intéressant tout particulièrement, comme vous le savez, je profite donc de l'occasion que me donne cette discussion pour vous dire qu'une réflexion sérieuse est actuellement menée par le vice-rectorat du territoire sur la réforme des programmes et filières d'enseignement, notamment professionnel, et que j'espère vivement que le Gouvernement lui réservera un accueil favorable.
Je regrette en revanche que rien n'ait été prévu en matière d'aide au logement, comme cela existera bientôt à Mayotte en vertu de l'ordonnance n° 98-520 du 24 juin 1998. J'espère que nous pourrons réfléchir ensemble à l'instauration à Wallis-et-Futuna d'un système d'aide à l'accession à la propriété au profit des ménages à revenu intermédiaire, comme vous vous y êtes engagé.
Je terminerai mon intervention sur la question du droit d'asile évoquée à l'article 4 de ce projet de loi d'habilitation. Cette disposition soulève quelques inquiétudes, non dans son principe, mais pour les problèmes éventuels qui pourraient en découler, notamment pour l'application du dispositif des zones d'attente.
Pour conclure, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, sous les quelques réserves que je viens d'exprimer, de vous remercier pour les ordonnances en prévision. C'est avec joie et avec confiance que je voterai donc ce projet de loi d'habilitation. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite vous faire part de deux interrogations, l'une générale et l'autre plus particulière. Sur un plan général, nous n'estimons pas que la procédure d'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance soit satisfaisante. Cette position de notre part ne date pas d'aujourd'hui : nous estimons que la représentation nationale, le pouvoir législatif, doit pouvoir contrôler jusqu'à son terme l'élaboration des normes du domaine de la loi au regard de la Constitution.
Cette attitude de principe, nous la maintenons, même si nous reconnaissons, notamment dans le domaine concerné aujoud'hui, la nécessité d'une très grande souplesse, d'une marge de manoeuvre pour le Gouvernement dans ses discussions avec les représentants élus des différents départements et territoires.
Au regard du contenu de l'action gouvernementale, nous voterons le projet de loi, mais cela ne vaut tout de même pas approbation de la méthode.
Ma question particulière concerne le flou des dispositions envisagées à l'avenir pour l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, l'IEDOM.
Le texte ne fait référence qu'à la seule modification à venir, par ordonnance, du statut de l'Institut. Nous souhaitons, monsieur le secrétaire d'Etat, obtenir aujourd'hui ou rapidement quelques précisions supplémentaires. Ma question, vous l'avez compris, s'inscrit dans le cadre des attentes des 326 salariés de l'IEDOM. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une nouvelle fois, en vertu de l'article 38 de la Constitution, le Parlement est sollicité pour habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.
Ainsi que l'a observé justement le rapporteur de la commission des lois, notre excellent collègue, M. Jean-Jacques Hyest, le recours à cette procédure tend à se banaliser. Nous allons d'ailleurs examiner prochainement quatre projets de loi de ratification d'ordonnances portant sur le même sujet, prises sur le fondement de la loi d'habilitation du 6 mars 1998.
Il s'agit, il faut tout de même le reconnaître, d'une procédure qui présente une certaine gravité car elle emporte dessaisissement volontaire du législateur au profit de l'exécutif dans de nombreuses matières qui intéressent aussi bien les départements que les collectivités et territoires d'outre-mer. En regroupant divers sujets qui mériteraient chacun d'être traité plus à fond, force est de constater également que la technique de l'habilitation n'est pas très mobilisatrice.
Cependant, nous avons tous conscience de la complexité qu'entraîne l'application du droit outre-mer, d'un droit régit, tantôt, pour les territoires d'outre-mer, par le principe de spécialité législative, tantôt pour les départements d'outre-mer, par le principe d'assimilation. Quant aux collectivités sui generis , des modalités différentes existent encore. Cette situation est le résultat des particularités géographiques, économiques et culturelles qui caractérisent l'outre-mer dans son ensemble.
Des adaptations législatives et réglementaires se révèlent donc nécessaires, mais elles prennent du temps et finissent par augmenter les retards, surtout si l'on prend en compte le fait que les recommandations des circulaires de 1988 et 1990 adressées aux administrations centrales ne sont pas toujours suivies.
Ce constat critique ne doit pas cependant nous faire perdre de vue que l'adaptation du droit de l'outre-mer demeure une priorité car il y va de son développement et de sa modernisation.
L'outre-mer, dans son ensemble, est en train de connaître de profonds bouleversements. Nous en avons pris acte pour la Nouvelle-Calédonie. Nous le ferons bientôt pour la Polynésie française.
En ce qui concerne les départements d'outre-mer, notre collègue Claude Lise et Michel Tamaya, député de la Réunion, ont remis au Premier ministre un excellent rapport dans lequel ils expriment une série de propositions qui vont dans le sens de l'approfondissement de la décentralisation, mais en prenant en compte le contexte particulier des collectivités locales d'outre-mer. Nous devons également nous atteler à la modification du statut de Mayotte - n'est-ce pas la priorité ? - qui joue le rôle de pôle de stabilité dans l'archipel des Comores.
Le groupe socialiste votera ce projet de loi d'habilitation, car ce texte permettra de procéder de façon rapide et efficace à l'actualisation très vaste du droit outre-mer. Cette remise à niveau est en effet indispensable.
Les domaines d'intervention de l'habilitation en témoignent. Avec l'ensemble de ces dispositions, nous répondons à des obligations financières, nous veillons à l'extension de droits sociaux et, au final, nous confortons la sécurité juridique du droit de l'outre-mer.
En ce qui concerne les questions relatives aux agences départementales d'insertion et à l'Institut d'émission des départements d'outre-mer - deux questions essentielles de ce projet de loi - elles évoluent correctement et, en tout état de cause, demeureront au service de l'outre-mer.
D'autres projets d'habilitation seront inévitablement déposés dans l'avenir car cette procédure se révèle bien adaptée au caractère très technique des mesures qui doivent être prises.
Quoi qu'il en soit, le Parlement conserve son pouvoir de contrôle, et il l'exercera au moment de la ratification. Aussi - dois-je le redire ? - le groupe socialiste approuvera ce projet de loi d'habilitation. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je ne reviendrai pas sur la procédure, mais je voudrais apporter quelques précisions aux intervenants qui m'ont posé des questions.
Tout d'abord, je répondrai à M. Laufoaulu, sénateur de Wallis-et-Futuna, qui m'a posé six questions sur l'agence de santé.
En ce qui concerne la tutelle, comme le préfet présidera l'établissement public, il ne pourra plus exercer le pouvoir de tutelle puisqu'il serait en quelque sorte juge et partie dans ce domaine. La tutelle sera donc exercée au niveau central, au niveau parisien ; mais je veillerai à ce qu'elle soit le plus allégée possible et que ce dispositif n'entrave pas le travail conduit par l'agence.
En ce qui concerne la participation du territoire, elle ne peut être que facultative et ne peut porter que dans ses domaines de compétences. Or, d'une façon générale, la santé est de la compétence de l'Etat.
Sur la participation des usagers, je connais bien le niveau de vie à Wallis-et-Futuna et je pense qu'une participation des usagers ne pourra être envisagée que lorsque ce territoire connaîtra un véritable développement économique. En tout état de cause, comme vous le souhaitez, cette participation sera modulée en fonction des revenus des habitants.
S'agissant des personnes âgées, elles pourront être intégrées dans le dispositif de l'agence de santé par convention avec le territoire. Je signale à ce propos que le Gouvernement a prévu, à partir de l'an 2000, de doubler, sur trois ans, le minimum vieillesse qui est versé aux personnes âgées à Wallis-et-Futuna.
Pour la formation des personnels hospitaliers, je partage votre souci de la prévoir au budget de l'agence et je veillerai à ce que les formations nécessaires à l'emploi soient bien mises en place.
Je vous indique par ailleurs que le statut du personnel sera régi par le droit du travail applicable à Wallis-et-Futuna et par une convention collective validée par les ministères de tutelle.
Monsieur le sénateur, vous avez également souhaité que la dette de l'hôpital de Wallis-et-Futuna à l'égard de l'hôpital Gaston-Bourret à Nouméa - en fait, il s'agit des évacuations sanitaires - soit inscrite dans la loi de finances. Conformément aux engagements pris, une première tranche figurera bien dans la loi de finances rectificative, à hauteur de 17,4 millions de francs. Nous avons ainsi prévu un plan d'apurement de cette dette.
Enfin, monsieur le sénateur, en ce qui concerne les conditions d'application du droit d'asile, je dois dire que le Gouvernement souhaite la mise en oeuvre de ces dispositions tant pour régler un problème d'interprétation des règles découlant de la Convention de Genève que pour renforcer l'efficacité du contrôle de l'immigration irrégulière ou clandestine.
Le dispositif qui sera mis en oeuvre par ordonnances - dispositif réglementaire d'abord, législatif ensuite - permettra de prendre en compte ces données.
En ce qui concerne Wallis-et-Futuna, le territoire ne connaît pas beaucoup d'immigration clandestine, vous en conviendrez, puisque je crois savoir que seulement une cinquantaine d'étrangers y résident ; et je ne pense pas qu'il y ait de nombreux immigrants clandestins en dehors de ces cinquante personnes.
Je voudrais également apporter des précisions à MM. Hyest et Duffour concernant le statut de l'IEDOM.
Comme vous l'avez indiqué, messieurs les sénateurs, cette révision est rendue nécessaire sur le plan européen, puisque chaque Etat ne peut plus avoir qu'une banque centrale. Par conséquent, cette activité ne peut plus être exercée dans le cadre d'un établissement de crédit comme l'Agence française de développement, dont dépend aujourd'hui l'IEDOM.
Pour ce qui est du changement de statut, deux termes de l'alternative ont été examinées, dont, en premier lieu, l'idée d'une société anonyme, filiale de la Banque de France ; or cette hypothèse n'a pas été retenue, et ce à la demande des syndicats.
Reste maintenant la possibilité soit d'intégrer l'IEDOM à la Banque de France - ses agences devenant des succursales de la Banque de France, ce qui est souhaité par certains syndicats. Il faut rappeler que la Banque de France a son statut propre, qui peut être attractif ; cela étant, je crains que l'intégration dans cette structure ne pose des problèmes à un personnel de l'IEDOM qui est évidemment régi par une multiplicité de statuts. Cette solution ne me paraît pas, aujourd'hui, pouvoir être retenue.
Il est envisageable de ce fait que l'établissement public du type IEDOM soit maintenu, afin de tenir compte de la spécificité économique des départements d'outre-mer et des marchés qu'ils ont à traiter, notamment des missions d'études que l'IEDOM réalise chaque année.
Ses travaux sont importants, tant en volume que sur le fond. La commission des lois en est destinataire comme moi-même et nous savons qu'ils sont une source de renseignements considérable sur l'activité économique des départements d'outre-mer. Je dois dire qu'à ce jour c'est la solution de cet établissement public, placé sous le contrôle de la Banque de France, qui a la préférence du Gouvernement.
Si nous allons vers plus de responsabilité pour les départements d'outre-mer, il me semble que, sur le plan bancaire, sur le plan des marchés financiers, c'est la formule de l'établissement public lié à la Banque de France qui paraît la plus appropriée.
En toute hypothèse, je peux vous assurer que nos préoccupations visent au maintien d'un service public de qualité pour le développement économique des départements d'outre-mer et pour la sauvegarde des intérêts réels des agents.
Il y aura donc, évidemment, consultation des organisations professionnelles - cela existe depuis près d'un an déjà - mais aussi des collectivités concernées, puisque, je dois le dire, les projets d'ordonnance sont transmis à chaque département, à chaque collectivité concernés, pour délibération, et ce avant la publication des ordonnances.
Cette procédure de consultation est indispensable et vous serez bien évidemment saisis, messieurs les sénateurs des départements d'outre-mer, des textes prévoyant l'évolution de cette institution. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er