Séance du 29 juin 1999







M. le président. « Art. 37 sexvicies. - A. - L'article L. 570 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 570. - I. - Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines.
« Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie ne peuvent être effectués que dans un lieu qui garantit un accès permanent du public à la pharmacie et permet à celle-ci d'assurer un service de garde satisfaisant.
« II. - Toute création d'une nouvelle officine, tout transfert d'une officine d'un lieu dans un autre et tout regroupement d'officines sont subordonnés à l'octroi d'une licence délivrée par le représentant de l'Etat dans le département selon les critères prévus aux articles L. 571, L. 571-1, L. 572 et L. 573.
« Dans le cas d'un transfert d'un département à un autre au sein de la région d'Ile-de-France, tel qu'il est prévu à l'article L. 572, la licence est délivrée par décision conjointe des représentants de l'Etat dans les deux départements.
« Dans tous les cas, la décision de création, de transfert ou de regroupement est prise par le représentant de l'Etat dans le département après avis des syndicats représentatifs de la profession et du conseil régional de l'Ordre des pharmaciens ou, dans le cas des départements d'outre-mer et de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, du conseil central de la section E de l'Ordre national des pharmaciens.
« III. - Les demandes de regroupement présentées en application de l'article L. 573 bénéficient d'une priorité par rapport aux demandes de transfert et aux demandes de création. Les demandes de transfert bénéficient d'une priorité par rapport aux demandes de création.
« Parmi les demandes de création, celles qui sont présentées par des pharmaciens n'ayant jamais été titulaires d'une licence d'officine ou n'en étant plus titulaires depuis au moins trois ans à la date du dépôt de la demande bénéficient d'une priorité. Lorsque la demande de création est présentée par une société ou par plusieurs pharmaciens réunis en copropriété, le principe de priorité ne s'applique que lorsque tous les pharmaciens associés ou copropriétaires exerçant dans l'officine remplissent les conditions pour en bénéficier.
« Toute demande ayant fait l'objet du dépôt d'un dossier complet bénéficie d'un droit d'antériorité par rapport aux demandes ultérieures concurrentes, dans des conditions fixées par le décret mentionné à l'article L. 578.
« IV. - La licence fixe l'emplacement où l'officine sera exploitée.
« Lorsqu'il est saisi d'une demande de création, de transfert ou de regroupement, le représentant de l'Etat peut imposer une distance minimum entre l'emplacement prévu pour la future officine et l'officine existante la plus proche.
« Le représentant de l'Etat peut, en outre, en vue d'assurer une desserte optimale de la population résidant à proximité de l'emplacement de la future officine, déterminer le ou les secteurs de la commune dans lesquels l'officine devra être située.
« Lorsque le représentant de l'Etat utilise l'une ou l'autre ou les deux possibilités mentionnées aux alinéas ci-dessus, la licence ne peut être accordée que lorsque la future officine remplit les conditions fixées par le représentant de l'Etat dans un délai fixé par le décret mentionné à l'article L. 578.
« V. - L'officine dont la création, le transfert ou le regroupement a été autorisé doit être effectivement ouverte au public au plus tard à l'issue d'un délai d'un an, qui court à partir du jour de la notification de l'arrêté de licence, sauf prolongation en cas de force majeure.
« La licence ne peut être cédée par son ou ses titulaires indépendamment du fonds de commerce auquel elle se rapporte.
« De plus, et sauf le cas de force majeure constaté par le représentant de l'Etat dans le département, une officine ne peut faire l'objet d'une cession totale ou partielle, ni être transférée ou faire l'objet d'un regroupement avant l'expiration d'un délai de cinq ans, qui court à partir du jour de la notification de l'arrêté de licence. Toutefois, cette disposition n'est pas applicable aux personnes physiques ou morales détenant une partie du capital social et des droits de vote d'une société d'exercice libéral de pharmaciens d'officine, au titre des 1° à 4° de l'article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de société des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.
« Toute fermeture définitive de l'officine entra´ne la caducité de la licence, qui doit être remise à la préfecture par son dernier titulaire ou par ses héritiers.
« VI. - La population dont il est tenu compte pour l'application des articles L. 571, L. 571-1, L. 572 et L. 573 est la population municipale, telle qu'elle est issue du dernier recensement général de la population ou, le cas échéant, des recensements complémentaires. »
« B. - Les articles L. 571, L. 571-1, L. 572 et L. 573 du code de la santé publique sont ainsi rédigés :
« Art. L. 571. - I. - Dans les communes d'une population égale ou supérieure à 30 000 habitants, une création d'officine ne peut être accordée que lorsque le nombre d'habitants par pharmacie est égal ou supérieur à 3 000.
« Dans ce cas, il ne peut être délivré qu'une licence par tranche entière de 3 000 habitants recensés dans les limites de la commune.
« II. - Dans les communes d'une population égale ou supérieure à 2 500 habitants et inférieure à 30 000 habitants, une création d'officine ne peut être accordée que lorsque le nombre d'habitants par pharmacie est égal ou supérieur à 2 500. »
« Dans ce cas, il ne peut être délivré qu'une licence par tranche entiére de 2 500 habitants recensés dans les limites de la commune.
« III. - Aucune création n'est possible dans les communes comportant une population inférieure à 2 500 habitants :
« - lorsqu'elles disposent déjà d'au moins une officine ;
« - lorsqu'elles ne disposent d'aucune officine mais que leur population a déjà été prise en compte pour la création d'une officine dans une autre commune.
« IV. - Dans les communes de moins de 2 500 habitants dépourvues d'officine et dont la population n'a pas été ou n'est plus prise en compte pour une création d'officine dans une autre commune, une création peut être accordée dans une zone géographique constituée d'un ensemble de communes contiguës, si la totalité de la population de cette zone est au moins égale à 2 500 habitants.
« Le représentant de l'Etat dans le département précise, dans sa décision, les communes prises en compte pour l'octroi de la licence. La totalité de la population de ces communes est considérée comme desservie par la nouvelle création.
« Art. L. 571-1. - Par dérogation aux articles L. 571, L. 572 et L. 573, les quotas de population de 3 000 et 2 500 habitants mentionnés à ces articles sont fixés à 3 500 habitants pour le département de la Guyane.
« Art. L. 572. - I. - A l'exception des cas de force majeure constatés par le représentant de l'Etat dans le département, ou si ces officines sont dans l'impossibilité de se conformer aux conditions minimales d'installation telles qu'elles figurent dans le décret prévu à l'article L. 578, peuvent obtenir un transfert :
« - les officines situées dans une commune d'au moins 30 000 habitants où le nombre d'habitants par pharmacie est égal ou inférieur à 3 000 ;
« - les officines situées dans une commune d'au moins 2 500 habitants et de moins de 30 000 habitants où le nombre d'habitants par pharmacie est égal ou inférieur à 2 500 ;
« - les officines situées dans une commune de moins de 2 500 habitants.
« Ce transfert peut être effectué :
« - au sein de la même commune ;
« - dans une autre commune située dans le même département ou dans une commune située dans un autre département lorsqu'il s'agit de la région d'Ile-de-France, à condition qu'une création soit possible dans la commune d'accueil en application de l'article L. 571.
« II. - Par dérogation, le transfert d'une officine implantée dans une zone franche urbaine, une zone urbaine sensible ou une zone de redynamisation urbaine mentionnées dans la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville ne peut être accordé lorsqu'il aurait pour effet de compromettre l'approvisionnement normal en médicaments de la population de ladite zone.
« Art. L. 573. - I. - Deux officines de pharmacie situées dans une même commune peuvent être regroupées en un lieu unique de cette commune à la demande de leurs titulaires.
« Dans les communes d'au moins 30 000 habitants, ce regroupement ne peut intervenir que si le nombre d'habitants par officine est égal ou inférieur à 3 000. Dans les communes d'au moins 2 500 habitants et de moins de 30 000 habitants, ce regroupement ne peut intervenir que si le nombre d'habitants par officine est égal ou inférieur à 2 500.
« Le lieu de regroupement des officines concernées est l'emplacement de l'une d'elles ou un lieu nouveau situé dans la même commune.
« II. - Le nombre total de pharmaciens de la nouvelle officine, qu'ils soient titulaires ou assistants, doit être au moins égal au total des pharmaciens titulaires et assistants des officines qui se regroupent. Cette disposition s'applique durant cinq ans à compter de l'ouverture de la nouvelle officine, sauf cas de force majeure constatée par le représentant de l'Etat dans le département.
« Dans le cadre d'un regroupement dans un lieu nouveau, la nouvelle officine ne pourra être effectivement ouverte au public que lorsque les officines regroupées auront été fermées. »
« C. - Non modifiés.
« D. - Les dispositions des A et B sont applicables à compter de la date de publication du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 578 du code de la santé publique pour les communes de plus de 2 500 habitants et à compter de la date de publication des arrêtés préfectoraux mentionnés au E pour les communes de moins de 2 500 habitants.
« Par dérogation aux dispositions des articles L. 570, L. 571, L. 572 et L. 573 du même code, aucune création, et aucun transfert à l'exception de ceux sollicités en raison d'une expropriation ne peuvent être accordés pendant la période comprise :
« - entre la date de publication de la présente loi et la date de publication du décret prévu à l'article L. 578 du code de la santé publique pour les communes de plus de 2 500 habitants,
« - entre la date de publication de la présente loi et la date de publication des arrêtés préfectoraux mentionnés au E pour les communes de moins de 2 500 habitants.
« E. - Pour les communes de moins de 2 500 habitants disposant d'au moins une officine à la date de publication de la présente loi, un arrêté du représentant de l'Etat dans le département détermine, pour chacune de ces officines, la ou les communes desservies par cette officine, après avis d'une commission qui comprend des représentants de l'administration et des professionnels.
« Seules peuvent être retenues les communes dont au moins 50 % des habitants sont desservis par l'officine de manière satisfaisante. Dans ce cas, la totalité des habitants de la commune est considérée comme desservie par l'officine pour l'application de l'alinéa ci-dessus.
« Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 578 du code de la santé publique fixe la composition et le fonctionnement de cette commission, ainsi que le délai et les modalités de publication des arrêtés préfectoraux précités.
« F et G. - Non modifiés.
« H. - Le Gouvernement présentera au Parlement un rapport d'application du présent article deux ans aprés la publication de la présente loi. »
Sur l'article, la parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Monsieur le président, j'y renonce.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. La discussion de cet article, qui pourrait à lui seul constituer un projet de loi, mériterait un débat serein.
Abreuvés de façon outrancière par des textes venant de toutes parts, d'organismes professionnels, de particuliers, de maires, nous en sommes venus à penser que la confusion était orchestrée.
La méthode gouvernementale de consultation des partenaires à l'occasion d'un accord de la profession sous-tendu par la vente des médicaments génériques montre les difficultés d'une négociation non terminée et dont sont exclus les jeunes professionnels, les consommateurs et les élus locaux.
Le gel des créations et le fait que les populations saisonnières ne sont pas prises en compte s'ajoutent aux difficultés. Les centaines de créations annoncées, les menaces de licenciement, l'atteinte au droit local sont des arguments qui résistent mal à l'analyse.
Le projet de loi est déjà restrictif. Il faut le resituer dans une démarche d'aménagement du territoire. Une pharmacie de faible taille doit avoir aussi un nombre d'employés suffisant si elle veut offrir un service efficace. Or les fusions réduisent plutôt le personnel.
S'agissant des pharmacies en péril, il serait intéressant de connaître, dans chaque cas, les causes précises du péril.
Quant au droit local, nous considérons qu'il est évolutif pour ce qui concerne l'Alsace-Lorraine, et son évolution est liée à l'amélioration du service à la population, y compris pour ce qui concerne les pharmacies.
Le nombre d'officines créées sera sans doute limité et le fameux « trou » de la sécurité sociale, si fréquemment évoqué, devrait être invoqué avec modération. Nous lui opposerons le service de proximité.
Par conséquent, le quota de 3 500 habitants que nous retiendrons pour l'Alsace-Lorraine me semble raisonnable, et la majorité des élus alsaciens et mosellans se retrouvent dans cette proposition.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Le présent texte modifie profondément le régime d'installation, de transfert et de regroupement des officines de pharmacie. Il le fait par le biais d'un amendement qu'avait déposé en première lecture notre collègue le questeur François Autain et qui avait recueilli l'accord du Gouvernement.
Je reconnais, monsieur le secrétaire d'Etat, que le système actuel est lourd à gérer et qu'il suscite un contentieux important, à l'initiative duquel on trouve les pharmaciens déjà installés.
Nonobstant la considération que je porte à cette profession, qu'il me soit permis de constater à quel point elle est arc-boutée sur une rente de situation, qu'elle défend âprement, parfois au-delà du raisonnable.
C'est d'ailleurs le paradoxe de ces milieux de santé, qui oscillent entre pratiques protégées et discours libéral.
L'article 37 sexvicies transforme la situation, qui est un peu bancale, je vous l'accorde, au profit des officines existantes, et au détriment des communes rurales et des villes moyennes qui souhaitent une création d'officines. Il conforte ainsi l'assise financière de la génération actuelle, en renforçant le malthusianisme, mais il freine aussi, avec la création de nouvelles officines, l'entrée dans la profession des jeunes diplômés, que ce projet de loi va décourager. L'effet pervers est évident.
Pour ce faire, le présent texte relève le seuil d'installation, puisqu'il porte celui-ci de 2 000 à 2 500 habitants pour les communes rurales et à 3 000 habitants pour une population supérieure à 5 000 habitants dans les villes moyennes. Cette mesure sera durement ressentie dans le milieu rural, là où l'officine rend encore un service de proximité et de qualité, dans lequel le pharmacien joue pleinement son rôle de conseil. Pourquoi priver une population, souvent âgée, de ce service ?
Avec le bureau de poste, si menacé, l'officine est à la fois un lien d'intégration sociale et un acteur économique. Elle stabilise une population, lui donne confiance, anime la vie locale. Elle est un outil de prévention tout autant qu'un agent de distribution des médicaments. C'est ce rôle-là que le texte de loi ne reconnaît pas, trop désireux que sont ses auteurs de donner satisfaction aux officines de la ville voisine.
L'argumentation est d'ailleurs courte : est-ce pour des raisons de rentabilité ? Dans ce cas, j'observe que ce sont plutôt les officines de centre-ville, trop nombreuses sur un périmètre restreint, qui connaissent des difficultés. Est-ce pour freiner la vente des médicaments et faire baisser les dépenses de santé ? Mais il faudrait alors prévoir une diminution autoritaire du nombre des officines sur le territoire national, ce que le projet de loi n'envisage pas.
En fait, c'est un cadeau fait aux fonds de commerce existants, à la demande des syndicats professionnels. Est-ce si urgent ? Oui, murmure-t-on ici et là, car il s'agit d'un donnant-donnant entre les pharmaciens et le Gouvernement dans le cadre de la politique de maîtrise des dépenses de santé. Je suis sceptique quant au résultat, et point convaincu par la démarche. Pourquoi tant demander aujourd'hui au monde rural et tant accorder aux villes, qui ne sont pas toutes aux prises avec des quartiers sensibles où monte l'exclusion ?
Un autre aspect me chagrine : le projet de loi assouplit les transferts d'officine et permet de fait l'installation d'officines dans un centre commercial. Cette orientation est, elle aussi, lourde d'inconvénients. Ne craignez-vous pas, monsieur le secrétaire d'Etat, d'aggraver ainsi la crise des centres-villes, qui ont tendance à se vider de leurs commerces et à se transformer en ghettos pour populations marginalisées ?
A inciter nos concitoyens à se rendre à la périphérie pour faire leurs courses, on construit une société du « tout automobile » dont, simultanément, on stigmatise les dommages, en termes de fatigue, de coût et de retentissement sur la santé publique. Est-ce cohérent ?
Enfin, cette nouvelle réglementation présente un autre handicap : elle ne s'appuie pas explicitement sur la notion de « besoins de santé » d'une population donnée. Or, nul ne peut le nier, c'est le critère fondamental. Les besoins de santé ne s'évaluent pas seulement à partir d'un seuil démographique : d'autres paramètres entrent en ligne de compte, comme l'âge moyen de la population et l'accessibilité aux centres urbains en fonction des voies de communication, notamment. Qu'y a-t-il de commun, par exemple, entre un village de montagne et le bourg attenant à la grande ville ? Ce sont ces éléments puisés dans la vie locale que le préfet, par la voie d'une dérogation, pouvait évaluer. Y renoncer est, à mon sens, une erreur.
Pour toutes ces raisons, il eût été raisonnable que la question des créations d'officines soit abordée dans un projet de loi spécifique, et non à la hussarde, au détour d'un projet de loi que, par ailleurs, j'approuve complètement, je tiens à le souligner, qui porte création d'une couverture maladie universelle.
Il serait sage, monsieur le secrétaire d'Etat, de surseoir à sa discussion. C'est ce que je vous demande, avec le souci d'aboutir à une position plus équilibrée et moins conflictuelle, ce que le présent texte ne permet pas.
M. le président. Je suis saisi de douze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Mais, pour la clarté des débats, je les appellerai successivement.
Par amendement n° 87 rectifié, MM. Huchon, Dulait, Machet, Bohl, Badré et César proposent de supprimer l'article 37 sexvicies.
La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Je remercie les orateurs précédents, qui m'ont bien simplifié la tâche. J'avais cet après-midi exposé les raisons de l'attitude que l'on pouvait avoir en découvrant - divine surprise ! - dans le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle, un très long amendement qui tendait, en réalité, à restructurer tout le système d'installation des pharmaciens. Nous sommes habitués à avoir des problèmes avec les pharmacies. Toute ma vie, et elle est déjà longue, j'ai connu ces fameuses dérogations ; elles étaient assez difficiles à obtenir, mais nous arrivions tout de même à installer des pharmacies en milieu rural dans des communes de 1 000 à 1 500 habitants. Et toutes ces pharmacies sont prospères, elles fonctionnent bien et rendent un énorme service aux personnes dans ces villages où l'on vit de plus en plus vieux.
En effet, nos municipalités ont créé des maisons de retraite, des maisons d'accueil pour personnes âgées, les MAPA, des foyers logements. Il y a une activité, une vie. Pour le maintien à domicile, la pharmacie est un élément fondamental au service de ces personnes.
L'amendement de notre collègue François d'Autain est, je crois, le résultat d'une négociation ou d'un horrible marchandage qui prend en otage le milieu rural et le milieu diffus. Nous n'admettons pas que la législation puisse se faire de cette façon et c'est la raison pour laquelle je dépose un amendement de suppression de l'article 37 sexvicies afin qu'il devienne un texte de loi ordinaire véritablement négocié, étudié par la commission des affaires sociales et peut-être par d'autres commissions, et qu'il fasse l'objet d'études approfondies pour voir ce qui se passe à l'étranger car il s'en passe des choses à l'étranger ! Dans des pays très proches du nôtre, le système de limitation est abandonné depuis 1957.
J'ai donc déposé un amendement de suppression.
Sur le plan de la procédure, tout d'abord, il n'est pas admissible qu'une réforme en profondeur de la création, du transfert et du regroupement des officines de pharmacie, sous prétexte qu'elle a déjà été négociée entre le Gouvernement et la profession, ne soit soumise au Parlement que par le biais d'un amendement.
Sur le fond, ensuite, il est à craindre - et M. Delfau a longuement insisté sur ce point - que le nouveau dispositif ne porte atteinte à la vitalité des communes rurales. L'élévation du seuil de population à prendre en compte pour la création d'officines dans les petites communes doit être établie au coup par coup, ce que les préfets faisaient très bien. La suppression de la possibilité de créer des officines par voie dérogatoire est une insulte au milieu rural ; c'est priver potentiellement les habitants des zones rurales d'un service auquel ils sont très attachés.
Il est donc proposé de supprimer l'article 37 sexvicies et de n'envisager la réforme du dispositif existant que dans le cadre d'un projet de loi spécifique, élaboré après concertation entre toutes les parties concernées, y compris les collectivités locales et les usagers.
M. le président. Par amendement n° 100, MM. Vasselle et Darniche proposent, dans le premier alinéa du I et dans le premier alinéa du II du texte présenté par le B de l'article 37 sexvicies pour l'article L. 571 du code de la santé publique, de remplacer le chiffre : « 30 000 » par le chiffre : « 5 000 ».
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. C'est parce que je partage une partie de l'argumentation développée par MM. Delfau et Huchon que j'ai déposé, notamment, l'amendement que je défends présentement et qui concerne non pas le milieu rural strict auquel ils ont fait référence l'un et l'autre, mais les villes moyennes, celles de 5 000 à 30 000 habitants.
Je m'explique. La difficulté de l'exercice est, sans aucun doute, d'arriver à concilier le service de proximité assuré par les pharmacies sur l'ensemble du territoire national tout en permettant à ces unités de conserver la viabilité économique dont elles ont besoin pour contribuer à coexister.
Lorsque le texte de la loi Pasqua a été adopté par le Parlement, sous le gouvernement de M. Balladur, la réforme de M. Juppé tendant à la maîtrise des dépenses de la sécurité sociale, à la maîtrise des soins, donc à la maîtrise de l'utilisation des médicaments en faveur du médicament générique afin d'essayer de réduire la consommation des médicaments, n'avait pas été encore engagée.
Certains de nos collègues qui sont pharmaciens pourraient en témoigner : les résultats actuels des pharmacies après les mesures drastiques prises pour limiter les dépenses de santé, n'ont plus rien à voir avec ce qu'ils étaient voilà cinq, dix, voire quinze ans. Les chiffres d'affaires, les marges brutes et les marges nettes ont beaucoup évolué. Je ne dis pas pour autant que les pharmaciens ont le couteau sous la gorge et que, demain, toutes les pharmacies vont fermer, loin s'en faut.
Mais si nous continuons dans la voie dans laquelle nous sommes engagés et que nous serrons encore un peu plus les boulons, il est fort à parier que certains risquent de rencontrer des difficultés. Par conséquent, si nous ne prenons pas des mesures qui peuvent paraître aujourd'hui au premier abord défavorables en termes de services de proximité et d'aménagement du territoire, certaines pharmacies risquent de connaître de sérieuses difficultés du fait de la concurrence. Je pense à ces pharmacies ou à ces regroupements de pharmacies qui s'opèrent à l'intérieur des grandes surfaces et qui sont plus nombreux dans des agglomérations de 5 000 à 30 000 habitants qu'en milieu rural, même si, dans ce dernier, la grande surface se trouve à une distance de quinze à vingt kilomètres. Ces regroupements entraîneront la disparition de petites unités qui sont bien réparties sur l'ensemble du territoire.
Ainsi, l'objectif que nous cherchons à atteindre en termes de services de proximité risque de ne pas l'être. Nous risquons même d'aboutir au résultat inverse de celui qui est recherché. C'est la raison pour laquelle j'ai considéré qu'il était utile de défendre cet amendement, qui consistait à aller au-delà de ce que prévoyait le protocole signé avec les syndicats professionnels dans le cadre des négociations menées pour la maîtrise des dépenses pharmaceutiques. M. Delfau a eu raison de le rappeler.
Il y a donc eu cette forme de compensation, si l'on peut l'appeler ainsi, en faveur des pharmaciens mais elle est, à mon avis, tout à fait justifiée car elle permettra de maintenir un maillage des pharmacies sur l'ensemble du territoire national. Il y a lieu de le faire notamment pour les villes de 5 000 à 30 000 habitants.
Monsieur Delfau, lors de votre intervention vous avez presque intégré le fait que cette disposition avait été également approuvée par l'Assemblée nationale. Or, si elle a été adoptée par le Sénat en première lecture sur avis favorable de M. Huriet, rapporteur de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale, quant à elle, n'a pas voulu la retenir.
J'espère que la Haute Assemblée ne se mettra pas en contradiction avec elle-même et qu'elle adoptera à nouveau l'amendement que je défends à l'instant même et dont l'objet est d'abaisser le seuil de 30 000 à 5 000 habitants et de relever le quorum à 3 000 habitants.
En ce qui concerne les communes rurales, je ne change rien au dispositif qui a été prévu.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Vasselle.
M. Alain Vasselle. Faut-il fixer le seuil de population à 2 000 ou à 2 500 habitants ? Je laisse la Haute Assemblée apprécier à la suite de l'intervention très pertinente de notre collègue M. Huchon, qui mérite certes d'être prise en considération mais il faut avoir présent à l'esprit la viabilité des unités pharmaceutiques.
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques. MM. Jean-Louis Lorrain, Grignon, Hoeffel, Richert, Bohl, Haenel, Eckenspieller, Ostermann, Husson et Rausch.
L'amendement n° 91 rectifié est présenté par Mme Printz.
Tous deux tendent à compléter in fine le texte présenté par le B de l'article 37 sexvicies pour l'article L. 571-1 du code de la santé publique par les mots : « et les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. »
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, pour défendre l'amendement n° 84.
M. Jean-Louis Lorrain. Cet amendement concerne le statut de l'Alsace-Moselle. Il a pour objet de régulariser une fois pour toutes, mais cela est peut-être prétentieux, la situation des quotas des officines des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Il ne paraît pas souhaitable de suivre le vote de l'Assemblée nationale. En effet, le Sénat a décidé de délibérer sur les officines. Dans cette innovation fondamentale, il faut autant que faire se peut intégrer la réalité.
Avec mon collègue et ami M. André Bohl, notre démarche a été aussi prospective et historique et nous a permis de faire les constats suivants.
Dans les trois départements de l'Est, le premier texte réglementant l'ouverture des officines est la loi du 10 mai 1877 qui a supprimé le régime de liberté d'installation issu de la loi du 21 germinal de l'an XI. Face aux protestations des pharmaciens, un nouveau régime sera instauré par la loi du 14 juillet 1903 qui modifiait la concession réelle transmissible en concession personnelle non transmissible. Ce dernier texte a été introduit dans la législation française par un décret du 25 novembre 1919 et un arrêté du 1er octobre 1925.
L'article L. 572 du code de la santé publique a confirmé le quota de 5 000 habitants ; toutefois le Conseil d'Etat a estimé que le système dérogatoire devait tenir compte du critère de 3 000 habitants. L'histoire est donc une longue sédimentation, et la brutalité est souvent très néfaste.
Il en découle que les officines des trois départements sont en nombre bien inférieur à celles des autres départements : il en existait une pour 7 200 habitants en 1914, une pour 3 800 habitants en 1983 et une pour 3 600 habitants actuellement. Il est donc difficile de modifier de façon brutale les quotas de création.
L'alternative de la création dérogatoire est incompatible avec le mécanisme de fusion et de transfert mis en place par le texte. Fixer un quota de 3 500 habitants paraît la solution la plus adaptée. Personne ne peut affirmer si cette mesure permet de mieux faire assurer les gardes dont le service est essentiel dans une région où l'hiver est rude et où les moyens de transport interurbains ou ruraux ne sont souvent pas développés. Cette disposition présente l'avantage d'éviter des contentieux qui desservent la santé publique autant que les jeunes pharmaciens.
M. le président. La parole est à Mme Printz, pour défendre l'amendement n° 91 rectifié.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet amendement s'inscrit dans le cadre des nouvelles dispositions sur l'ouverture, le transfert et le regroupement d'officines proposées par mon collègue François Autain, lors de la première lecture de ce texte au Sénat.
Cet amendement, qui concerne spécifiquement les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, résulte - je tiens à la préciser - d'un compromis afin de préserver un certain équilibre économique local, tout en contribuant à la réalisation d'un service de santé publique de qualité, et ce, bien évidemment, dans le respect d'un plan d'aménagement du territoire.
En effet, si je comprends la volonté de mes collègues de l'Assemblée nationale de rompre avec une législation issue de la loi allemande de Bismarck datant de 1876 et fixant des quotas draconiens de 5 000 habitants pour l'installation des officines, je ne peux complètement partager leur demande d'alignement pur et simple de l'Alsace-Moselle sur le reste de la France.
S'il faut, comme j'en suis persuadée, une législation moins restrictive qui puisse mieux répondre aux besoins des populations et favoriser l'établissement d'officines, il faut également prendre garde à ne pas provoquer subitement la création massive d'officines, ce qui serait source de graves déstabilisations. Je pense notamment aux officines nouvellement installées qui se retrouveraient dans une situation difficile, et ce de façon imprévisible.
Pour ces raisons, mes chers collègues, je vous propose d'instaurer un seuil de 3 500 habitants pour ces départements, ce qui est moins restrictif que le seuil dérogatoire des 5 000 habitants, tout en répondant mieux à la spécificité du droit local.
M. le président. Par amendement n° 95 rectifié, M. Leclerc propose de compléter le texte présenté par le B de l'article 37 sexvicies pour l'article L. 571-1 du code de la santé publique par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, par dérogation aux I et II de l'article L. 571 du code de la santé publique, une création d'officine ne peut être accordée que si la population recensée dans la commune d'implantation a augmenté de 3 500 habitants par rapport à la population recensée dans cette commune à la date de la dernière création accordée dans cette commune. Pour les communes de moins de 2 500 habitants dépourvues d'officine de ces département, le quota de 2 500 habitants prévu au IV de l'article L. 571 est fixé à 3 500 habitants. »
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Mon amendement va exactement, quant au fond, dans le même sens que les deux amendements précédents, présentés par M. Jean-Louis Lorrain et Mme Printz, même si, sur la forme, il diffère légèrement. Nous souhaitons conserver la spécificité des trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, et il n'est pas question de déstabiliser du jour au lendemain le réseau officinal.
Je considère cependant - je rejoins tout à fait, en cela, notre collègue M. Delfau - qu'il est quand même regrettable de discuter de tout un réseau pharmaceutique, déjà de proximité, dans le cadre d'un article qui est apparu en première lecture à la suite d'une initiative de notre collègue M. Autain. Il aurait été préférable que ce point fasse l'objet d'un texte spécifique ou d'un article mûrement réfléchi, examiné par les commissions. En effet, la profession discute avec les gouvernements successifs depuis des années.
Je comprends la préoccupation du Gouvernement, aujourd'hui : les pharmaciens sont la seule profession médicale et paramédicale qui n'est pas reconnue dans un cadre conventionnel, cadre auquel nous sommes attachés et qui est la base - M. Descours l'a rappelé tout au long de la soirée - du fonctionnement du système de santé actuel.
S'agissant de la répartition géographique, objet de cet article 37 sexvicies , je suis désolé de dire à notre collègue M. Huchon que, aujourd'hui, le réseau pharmaceutique est le seul réseau également réparti sur l'ensemble du territoire et donc de proximité qui, de par sa spécificité, répond totalement à l'attente des patients et des Français.
Je crois qu'il est important d'encadrer dans un cadre conventionnel l'exercice professionnel et de bien connaître la place de cette profession dans la chaîne du médicament. Lorsque nous avons eu à débattre des lois de financement de la sécurité sociale, certains problèmes spécifiques se sont posés quant à la distribution des médicaments génériques, quant à la liaison entre la profession et les différents partenaires - il n'y a pas que l'Etat, mais aussi les caisses et tout le système d'assurance -, quant à la mise en place de la carte Sésam Vitale, à l'informatisation et à la formation continue de cette profession, tous éléments essentiels à un bon exercice professionnel. Tout cela, je le répète, est discuté depuis des années entre les différents partenaires et n'a jamais été concrétisé.
Comme le rappelait notre collègue Alain Vasselle, l'économie de l'officine a beaucoup évoluté ces dernières années. Je suis d'ailleurs désolé de voir reprendre ici des clichés que l'on entend depuis des années. Mais, chers collègues, quelle profession n'a pas évolué économiquement ces dernières années ? Il est donc grand temps d'adapter cet exercice professionnel pharmaceutique à une réalité conventionnelle, à une réalité de besoin de santé, à une réalité d'aménagement du territoire, et je crois que c'est ce que le Gouvernement est en train de faire actuellement avec la profession.
L'article 37 sexvicies tel que nous l'avait proposé notre collègue M. Autain, en première lecture, me paraît essentiel. Il l'est non pas pour certains conservatismes et rentes de situation, comme j'ai pu l'entendre. Mais il faut veiller à ne pas déstabiliser le réseau officinal existant dans les trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle par des initiatives qui peuvent être quelquefois généreuses mais qui, me semble-t-il, ne correspondent plus à l'évolution qui doit être la nôtre aujourd'hui. Il est donc important de mettre en place les bases d'un bon exercice professionnel dans l'intérêt des patients et surtout, aussi, dans le cadre de ce qui nous tient tous à coeur en tant qu'élus locaux : l'aménagement du territoire. (M. Alain Vasselle applaudit.)
M. le président. Par amendement n° 101, MM. Vasselle et Darniche proposent, dans le deuxième alinéa et le troisième alinéa du I du texte présenté par le B de l'article 37 sexvicies pour l'article L. 572 du code de la santé publique, de remplacer le chiffre : « 30 000 » par le chiffre : « 5 000 ».
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement de cohérence avec l'amendement n° 100 tend à abaisser le seuil de prise en considération de 30 000 habitants à 5 000 habitants.
M. le président. Par amendement n° 102, M. Vasselle propose de rédiger comme suit le paragraphe II du texte proposé par le B de l'article 37 sexvicies pour l'article L. 572 du code de la santé publique :
« II. - Le transfert d'une officine ne peut être autorisé qu'à la double condition qu'il ne compromette pas l'approvisionnement normal en médicaments de la population du quartier d'origine et qu'il réponde à un besoin réel de la population résidant dans le quartier d'accueil. »
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Le projet de loi favorise les transferts et les regroupements d'officines quand elles sont en surnombre sur le territoire d'une même commune.
Afin de répondre de façon optimale aux besoins des populations résidantes, il importe de préciser les conditions de départ et lieu d'implantation de la nouvelle officine. Même si le représentant de l'Etat peut imposer une distance minimum entre la future officine et l'officine la plus proche, la loi ne lui en fait aucune obligation, et cet arrêté de distance ne permet pas de répondre à toutes les situations.
Le projet de loi précise que, quel que soit le quartier - une zone franche urbaine, une zone urbaine sensible ou une zone de redynamisation, urbaine ou non - il y a obligation, en cas de transfert ou de regroupement, de ne pas compromettre l'approvisionnement normal en médicaments du quartier d'origine.
De plus, la zone d'accueil de la future officine doit répondre à un réel besoin de la population résidante, conformément à l'article L. 570 du code de la santé publique.
C'est pourquoi je propose, par l'amendement n° 102, que soit rédigé comme suit le paragraphe II du texte présenté par le grand B de l'article 37 sexvicies pour l'article L. 572 du code de la santé publique :
« II. - Le transfert d'une officine ne peut être autorisé qu'à la double condition » - cela n'apparaît pas dans le texte actuel - « qu'il ne compromette pas l'approvisionnement normal en médicaments de la population du quartier d'origine » - c'est donc un souci d'aménagement du territoire - « et qu'il réponde à un besoin réel de la population résidant dans le quartier d'accueil » - cela permet de lier l'aménagement du territoire et l'économie.
M. le président. Par amendement n° 103, MM. Vasselle et Darniche proposent, dans l'avant-dernier alinéa du I du texte présenté par le B de l'article 37 sexvicies pour l'article L. 573 du code de santé publique, de remplacer le chiffre : « 30 000 » par le chiffre « 5 000 ».
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement vise à abaisser le seuil de 30 000 habitants à 5 000 habitants. C'est un amendement de cohérence par rapport aux amendements précédents.
M. le président. Par amendement n° 104, M. Vasselle propose de rédiger comme suit le dernier alinéa du I du texte présenté par le B de l'article 37 sexvicies pour l'article L. 573 du code de santé publique :
« Le regroupement de deux officines ne peut être autorisé que s'il ne compromet pas l'approvisionnement normal en médicaments de la population des quartiers d'origine. Le lieu de regroupement des officines concernées est l'emplacement de l'une d'elles ou un lieu nouveau situé dans la même commune à condition qu'il réponde à un besoin réel de la population résidente. »
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Le projet de loi favorise les transferts et les regroupements d'officines quand elles sont en surnombre sur le territoire d'une même commune.
Afin de répondre de façon optimale aux besoins des populations résidantes, il importe...
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Cela a déjà été dit !
M. Alain Vasselle. ... de préciser les conditions de départ et le lieu d'implantation de la nouvelle officine. Même si le représentant de l'Etat peut imposer une distance minimum entre la future officine et l'officine la plus proche, la loi ne lui en fait aucune obligation, et cet arrêté de distance ne permet pas de répondre à toutes les situations.
Le projet de loi précise que, quel que soit le quartier - une zone franche urbaine, une zone urbaine sensible ou une zone de redynamisation, urbaine ou non -, il y a obligation, en cas de transfert ou de regroupement, de ne pas compromettre l'approvisionnement normal en médicaments du quartier d'origine.
Cet amendement est lié à l'amendement n° 102.
M. le président. Par amendement n° 94 rectifié, MM. Autain, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du paragraphe D de l'article 37 sexvicies :
« ... aucune création, ni aucun transfert ne peuvent être accordés, à l'exception des transferts sollicités en raison d'une expropriation et des créations ou transferts sollicités à la suite ou dans le cadre d'une décision de justice, pendant la période comprise : »
La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Le présent amendement vise à préserver la possibilité de créer ou de transférer des officines de pharmacie à la suite ou dans le cadre de décisions de justice. Il permet en effet d'éviter qu'un requérant ne soit doublement pénalisé, une première fois parce que l'administration s'est trompée et une seconde fois parce que la loi interdit de lui donner raison malgré une décision de justice, simplement parce que, dans l'intervalle, cette loi aura changé.
Cet amendement me paraît répondre à un souci de justice. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir l'adopter.
M. le président. Par amendement n° 85 rectifié, MM. Jean-Louis Lorrain et Dulait proposent, dans le deuxième alinéa du D de l'article sexvicies , de remplacer les mots : « de ceux sollicités en raison d'une expropriation » par les mots : « de ceux déjà sollicités, ».
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. L'amendement n° 85 rectifié est proche de celui qui vient d'être présenté par M. Autain.
Le paragraphe D de l'article 37 sexvicies prévoit le gel de tous les dossiers jusqu'à l'application de la nouvelle loi, ce qui revient à considérer que toutes les décisions de justice rendues ou à venir, même favorables, ne pourraient être appliquées.
Cet amendement a donc pour objet de permettre la réalisation de toutes les demandes de création antérieures à la date de la future loi et qui font actuellement l'objet d'un recours, si ledit recours leur était favorable.
M. le président. Par amendement n° 86 rectifié, M. Jean-Louis Lorrain propose, dans le premier alinéa du E de l'article 37 sexvicies, après les mots : « après avis d'une commission qui comprend », d'insérer les mots : « des élus locaux ».
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Le paragraphe E de l'article 37 sexvicies indique la composition des commissions qui regrouperaient des représentants de l'administration et des représentants des syndicats de pharmaciens. Cette composition nous a semblé trop restrictive à une époque où l'on prône la prise en considération des malades, des consommateurs, etc. Nous pensons donc qu'il serait utile, afin de prendre en compte les critères liés à l'aménagement du territoire et au maillage local, de prévoir la présence d'élus tels que des conseillers généraux, des maires, des conseillers municipaux dans les compositions desdites commissions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Claude Huriet, rapporteur. Je livrerai d'abord une réflexion, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Est-ce bien nécessaire ?
M. Claude Huriet, rapporteur. Oui, et je poserai même une question ! Plusieurs d'entre nous ont rappelé que l'amendement n° 94 rectifié de M. François Autain exprimait les termes d'un accord intervenu avec la profession des pharmaciens d'officine le 24 septembre 1998. Comment se fait-il que le Gouvernement n'ait pas inscrit ces dispositions dans le présent projet de loi ?
Vous réserverez votre réponse, mais je l'attends avec intérêt, et même quelque impatience.
Je voudrais également livrer, avant de faire connaître la position de la commission sur les amendements, une information que, semble-t-il, beaucoup d'entre vous n'ont pas en mémoire.
La France est plutôt bien desservie en matière d'officines. J'ai ici des chiffres, qui peuvent être contestés comme tous les chiffres, mais que je vous livre cependant.
Le nombre d'habitants par pharmacie est de 10 400 aux Pays-Bas, de 8 000 au Luxembourg, de 4 750 au Royaume-Uni, de 3 900 en Allemagne, de 3 700 en Italie, de 2 600 en France et de 1 900 en Belgique.
Certes, les moyennes, on le sait, peuvent être contestées, mais je voulais cependant vous livrer ces chiffres en considérant que l'on ne peut pas penser que la France est, de ce point de vue, un pays sous-développé.
J'en viens maintenant à la position de la commission sur les différents amendements qui viennent d'êtredéfendus.
Je comprends fort bien les raisons pour lesquelles M. Huchon a proposé un amendement de suppression. Je voudrais cependant attirer son attention sur les conséquences qu'aurait une telle décision. En effet, nous nous retrouverions demain à l'Assemblée nationale avec un texte auquel cette dernière ne pourrait pas changer grand-chose.
Les dispositions essentielles qui ont été adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture font abstraction de la situation particulière des départements d'Alsace-Moselle. Si le Sénat supprimait les dispositions centrées sur l'amendement de M. Autain, que nous avons adopté en première lecture, les conséquences seraient donc à mon sens très négatives pour le maintien de la situation particulière de ces départements.
En conséquence, la commission des affaires sociales ne peut pas émettre un avis favorable sur cet amendement, même si, en qualité de rapporteur, je considère qu'il eût été de loin préférable qu'un temps suffisant de concertation nous soit accordé. La portée de ce délai aurait d'ailleurs sans doute été limitée tant les positions exprimées au cours des derniers jours et des dernières heures par tous les pharmaciens qui nous ont saisis sont contradictoires, il faut le savoir.
M. Claude Domeizel. Ah !
M. Claude Huriet, rapporteur. Je ne suis donc pas certain que cela nous aurait permis d'y voir plus clair, même si je regrette néanmoins que le temps nous ait été compté. Mais ce n'est pas une raison pour accepter cet amendement.
Par ailleurs, la commission est défavorable à l'amendement n° 100.
Elle est favorable à l'amendement n° 84 ainsi qu'à l'amendement n° 91 rectifié de Mme Printz.
Elle est défavorable à l'amendement n° 95 rectifié de M. Leclerc et aux amendements n°s 101 et 102 de M. Vasselle, pour une raison que je tiens à préciser : les critères proposés par l'auteur de l'amendement n° 102 sont critiquables car l'approvisionnement normal en médicaments de la population ou la réponse à un besoin réel de la population sont des notions très subjectives alors même que les dispositions de l'amendement de M. Autain vont dans le sens de la seule prise en considération de critères objectifs. Si nous faisons intervenir la subjectivité, nous risquons de nous retrouver de nouveau dans des situations que nous prétendons éviter en légiférant.
La commission est également défavorable aux amendements n°s 103 et 104, pour les raisons que je viens d'exposer à l'instant.
S'agissant de l'amendement n° 94 rectifié, la commission émet un avis favorable.
Elle est défavorable à l'amendement n° 85 rectifié.
Pour ce qui est, enfin, de l'amendement n° 86 rectifié, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat, en faisant cependant remarquer que la commission consultative est actuellement paritaire. Chargée de donner un avis non pas sur les créations d'officines mais sur celles qui existent, elle n'a pas à prendre en considération les souhaits des élus en tant que défenseurs des populations.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. En cette fin de début de nuit, je vous dirai simplement que le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 87 rectifié et 100, qu'il s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements n°s 84, 91 rectifié et 95 rectifié, qu'il est défavorable aux amendements n°s 101, 102, 103 et 104, qu'il est favorable à l'amendement n° 94 rectifié et défavorable aux amendements n°s 85 rectifié et 86 rectifié.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 87 rectifié.
M. Jean Huchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Il semble que je n'attire ni les foules ni les suffrages ! (Sourires.)
Je crois avoir formulé une proposition raisonnable en prévoyant un sursis pour que nous puissions travailler en commun afin d'élaborer une loi qui soit acceptable par tous. Pourtant, nous allons subir un blocage complet de la situation.
Permettez-moi, mes chers collègues, de lire à nouveau ce qu'a écrit un pharmacien de mon pays, que j'ai cité cet après-midi : « L'installation d'un jeune pharmacien n'interviendrait donc en aucune manière sur une augmentation globale de la dépense de santé. Pour des considérations opportunistes, peut-on admettre que, sans raison valable, de nombreuses promotions de pharmaciens soient sacrifiées aux exigences d'instances bien en place, dont la principale raison d'être est de verrouiller complètement la profession ? »
On n'accorde pas de dérogations, on remonte les seuils de population : je comprends mal qu'un gouvernement qui est quand même de tendance généreuse (Marques d'approbation sur les travées socialistes.)...
Excusez-moi, messieurs, mais les pharmaciens de mon pays ne comprennent pas ! Ce qui s'est passé ici a quand même eu un profond retentissement, et les pharmaciens ruraux de mon pays ont été les premiers surpris. Ils gardent, bien entendu, le sourire, parce que les dispositions proposées les protègent, mais ils ne peuvent comprendre qu'une telle mesure soit prise par l'actuel gouvernement, dont la générosité envers le peuple est quand même reconnue.
Par conséquent, je suis un peu vexé. Personne n'a parlé des usagers, des petits vieux qui seront obligés de prendre un taxi pour aller acheter leurs remèdes à cinq ou six kilomètres de chez eux. Je n'ai rien de plus à dire, je suis très déçu.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Personne dans cette assemblée ne s'étonnera que je sois prêt à voter cet amendement de suppression, même si je ne pense pas que ce soit la bonne solution : c'est simplement la seule possibilité que vous nous laissez de nous exprimer.
Je le ferai d'autant plus volontiers que le débat m'a incité à le faire. M. le rapporteur l'a confirmé après M. Vasselle, ce texte est né à la demande pressante de syndicats de pharmaciens, encore que la profession soit divisée à ce sujet.
M. Jean Huchon. Très divisée !
M. Gérard Delfau. Avons-nous, mes chers collègues, l'habitude, au Sénat, de suivre des intérêts catégoriels ? Non, pas que je sache. Avons-nous l'habitude de défendre ensemble le maillage des villes moyennes et des communes rurales ? Je le crois.
Autant vous le dire, je n'ai pas compris la position du Sénat en première lecture ; elle est contraire à sa tradition, et j'espère qu'il va se ressaisir.
Je formulerai trois autres observations.
Premièrement, monsieur le rapporteur, tout ce que vous avez dit m'incite à persévérer dans ma position de départ. D'abord, les chiffres que vous avez cités montrent à l'évidence que la France est plutôt sous-équipée en pharmacies. Ou alors, je ne comprends rien aux chiffres !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. C'est le contraire !
M. Gérard Delfau. Donc, je ne comprends rien aux chiffres, surtout si je les rapporte aux kilomètres carrés !
Je voudrais tout de même que l'on regarde les choses de près, monsieur le secrétaire d'Etat, et que l'on compare le nombre de pharmacies dans le Ve arrondissement de Paris, ou je vais rentrer dans quelques instants, et le nombre de pharmacies dans beaucoup de départements ruraux. Là est, en fait, la clé de cette surreprésentation.
Deuxièmement, monsieur le rapporteur, vous nous dites que nous ne pouvons pas voter l'amendement de suppression parce qu'on ne pourrait pas alors faire un sort au cas, que je respecte, des départements d'Alsace et de Moselle. Je souhaite que nous prenions en compte leurs spécificité, mais faut-il que cela se fasse au détriment de tous les autres départements, eux aussi français ? Comment peut-on soutenir de pareils propos, même si l'heure est matutinale ?
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, vous réglez - ou plutôt vous tentez de régler - un problème récurrent, je vous l'accorde, mais vous n'y parviendrez pas, parce que les deux points de faiblesse que nous avons soulignés, d'une part le problème de l'installation des jeunes diplômés, d'autre part la demande pressante d'équipements en milieu rural et dans les villes moyennes, continueront, que vous le vouliez ou non, à se poser, et un autre gouvernement - peut-être le même, d'ailleurs - défera ce que, laborieusement, vous tentez de faire aujourd'hui.
M. Louis Moinard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard. A cette heure tardive - ou précoce - je ne veux pas allonger notre débat. Cependant, je tiens à apporter mon soutien à l'amendement de M. Huchon.
Attaché à l'équilibre démographique et économique de l'ensemble du territoire, j'estime en effet indispensable que nos concitoyens puissent bénéficier d'un certain nombre de services de proximité. Or les officines pharmaceutiques sont de ceux-là.
Devant la maladie, le patient fait appel au médecin, qui se déplace au domicile ; mais, ensuite, il faut se procurer des médicaments, et le malade doit se déplacer, voire faire appel à un voisin pour faire des dizaines de kilomètres dans certaines zones rurales.
Enfin, je m'interroge : y a-t-il vraiment antinomie entre cet amendement, que je soutiens, et celui qui concerne l'Alsace-Moselle ?
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Compte tenu de la tournure qu'a prise le débat et de la position de M. le rapporteur et de la commission des affaires sociales, je me demande si, en définitive, il n'y a pas lieu de prendre une mesure radicale.
Tout le monde a regretté - M. le rapporteur l'a reconnu lui-même en posant une question au Gouvernement, à laquelle il n'a d'ailleurs pas été répondu précisément - que nous intégrions une loi dans la loi concernant les pharmacies.
Les divers contacts que nous avons pu avoir les uns et les autres avec les professionnels, avec les syndicats les plus importants, avec les syndicats minoritaires, avec les courants divers et variés, avec les communes rurales, avec les communes urbaines, avec les communes moyennes ou avec les petites villes, ont montré que, à l'exception du président du syndicat de professionnels le plus important, qui était légitimement en droit de s'exprimer au nom de la profession, chacun a exprimé des propositions divergentes.
M. Gérard Delfau. Absolument !
M. Alain Vasselle. On s'arc-boute uniquement aujourd'hui sur le fait qu'un protocole d'accord aurait été signé entre la profession et le Gouvernement pour nous faire légiférer. C'est faire vraiment peu de cas du Parlement ! La loi doit-elle se faire en dehors du Parlement ? Le Parlement doit-il simplement être une boîte à lettres et se contenter d'approuver des protocoles qui ont été négociés à l'extérieur des hémicycles ?
Nous sommes le législateur, c'est nous qui faisons la loi. Prenons le temps de travailler et de réfléchir aux conséquences qui résulteraient de ces dispositions tant en matière d'aménagement du territoire, en termes de services de proximité, que de viabilité économique des pharmacies. Il faut s'efforcer de concilier deux facteurs : d'une part, maintenir un service de proximité pour notre population - c'est essentiel, sur le plan de l'aménagement du territoire - et, en même temps, s'assurer qu'en maintenant ce service de proximité nous ne nuisons pas à la viabilité économique des pharmacies.
C'est cet objectif qu'il fallait rechercher. Or nous n'avons pas eu le temps de procéder - ni la commission, ni le rapporteur - aux consultations qui s'imposaient. Le Sénat n'a pas pu faire le travail qui a toujours été le sien, un travail de réflexion en prenant son temps pour ne pas commettre d'erreur. Je crains fort, en ce qui me concerne, que, si nous adoptons les dispositions qui nous sont présentées, nous n'éviterons pas une remontée de lobbying de la profession pour faire évoluer ces dispositions au-delà de ce qui a été décidé dans le protocole d'accord.
Je suis prêt à prendre le pari qu'à l'occasion d'un prochain DMOSS ou lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale des amendements seront déposés pour aller plus loin que ne le prévoit le protocole.
Je suis par ailleurs étonné, monsieur le rapporteur, de la position que vient de prendre la commission des affaires sociales. En effet, le sous-amendement que j'avais présenté en première lecture avait été adopté par la commission puis par la Haute Assemblée. Or, aujourd'hui, la commission repousse purement et simplement le quota de 3 000 habitants que je propose, et ce sans aucune autre explication ni considération.
Cette attitude m'amène à radicaliser quelque peu ma position sur ces dispositions puisque, de toute façon, l'affaire semble entendue, à moins que ne se dégage une autre majorité au sein de la Haute Assemblée cette nuit pour adopter mon amendement.
Mais, si c'est pour aboutir au résultat déjà annoncé, la solution la moins mauvaise ne serait-elle pas alors d'adopter l'amendement de M. Huchon, non pas uniquement pour son objectif d'aménagement du territoire, mais pour témoigner que le Parlement a été amené à légiférer dans des conditions insatisfaisantes, indignes du Parlement, indignes du Gouvernement ?
M. Francis Grignon. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon. Monsieur Delfau, l'Alsacien que je suis n'a guère apprécié que vous nous culpabilisiez en disant que tout était de notre faute ! Il existe deux exceptions dans cette loi : la Guyane et l'Alsace, d'un côté le poids de la géographie, de l'autre le poids de l'histoire. A cela, on n'y peut rien !
Si le Sénat adopte l'amendement de M. Huchon, si j'ai bien compris, c'est le texte de l'Assemblée nationale qui sera adopté en l'état. Or le texte de l'Assemblée nationale prévoit en Alsace-Moselle une pharmacie pour 2 500 habitants au lieu de 5 000 au départ. Un chiffre : à Strasbourg, par exemple, ville de 280 000 habitants, cela fera 110 pharmacies d'un seul coup au lieu de 78, soit, du jour au lendemain, près de 40 % de pharmacies en plus.
Cette augmentation est absolument ingérable. En conséquence, je ne voterai pas l'amendement n° 87 rectifié.
M. Claude Huriet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Tout d'abord, je voudrais rectifier les propos de M. Vasselle : la commission des affaires sociales ne se déjuge pas. En première lecture, la commission avait certes suggéré à M. Vasselle de transformer son amendement en sous-amendement mais, pour autant, elle n'avait pas émis un avis favorable sur celui-ci qui a été finalement adopté par le Sénat, mais supprimé ensuite par l'Assemblée nationale.
Je tenais à apporter cette précision au nom de la commission des affaires sociales pour ne pas donner à penser que la commission a des positions fluctuantes sur des points aussi difficiles.
En ce qui concerne l'intervention que vient de faire à l'instant M. Grignon, je confirme ce que j'ai dit précédemment : aux termes de la Constitution, l'Assemblée nationale n'aura plus de marge de manoeuvre ; si l'amendement de suppression est adopté par le Sénat, l'Assemblée nationale ne pourra que confirmer le texte qu'elle a voté en première lecture, dont je vous cite les termes : « Par dérogation aux articles L. 571, L. 572 et L. 573, les quotas de population de 3 000 et 2 500 habitants mentionnés à ces articles sont fixés à 3 500 habitants pour le département de la Guyane. »
Or le texte adopté par le Sénat en première lecture se poursuivait de la façon suivante : « et à 5 000 habitants pour les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. »
Telles sont donc les conséquences de l'adoption de cet amendement de suppression. Je ne peux que me référer à la Constitution.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 87 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 100.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je ne souhaite pas polémiquer avec M. le rapporteur sur les conditions dans lesquelles mon sous-amendement, en première lecture, avait été adopté par la Haute Assemblée.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Vous pouvez tout de même faire confiance au rapporteur !
M. Alain Vasselle. Sans doute, mais j'ai le souvenir, monsieur Delaneau que ce sous-amendement a été adopté par la Haute Assemblée...
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Nous, nous parlons de la commission !
M. Alain Vasselle. Je n'ai pas le souvenir que la commission se soit opposée à ce sous-amendement !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Non, mais elle ne l'a pas adopté non plus !
Monsieur Vasselle, puis-je me permettre de vous interrompre.
M. Alain Vasselle. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je veux simplement confirmer ce que vient de dire le rapporteur. La commission ne s'est pas prononcée sur le sous-amendement ; d'ailleurs, il a été présenté en séance. A l'origine, c'était un amendement. La commission n'a pas donné d'avis précis sur celui-ci et c'est le Sénat qui l'a adopté.
Je ne peux donc pas vous laisser dire que le rapporteur n'a pas relaté exactement ce qui s'est passé au niveau de la commission !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur Delaneau, je vous donne acte de cette mise au point et je présente mes excuses à M. le rapporteur si j'ai contesté de manière indue ce qui c'était passé en commission. Il n'en reste pas moins que M. le rapporteur a certainement dû émettre un avis sur mon sous-amendement car telle est la procédure. Le procès-verbal de nos débats doit certainement en témoigner.
Toujours est-il que la Haute Assemblée a adopté à une très large majorité mon sous-amendement ; j'ai même le souvenir que nos collègues du groupe socialiste n'avaient pas participé au vote ou s'étaient abstenus, ce qui avait permis l'adoption de ce sous-amendement.
Je demande simplement au Sénat de rester cohérent avec lui-même et donc d'adopter mon amendement qui a le même objet que le sous-amendement que j'avais défendu, dans les mêmes conditions et avec la même argumentation en première lecture.
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Je souhaite apporter quelques précisions à la suite des propos de M. Vasselle.
La durée anormalement longue, entretenue de manière artificielle, par des interventions souvent superflues nous a laissé le temps de réfléchir quant à notre position sur cet amendement.
Ainsi, après avoir réfléchi pendant des heures, nous avons décidé de modifier notre vote. Nous voterons contre l'amendement. C'est tout le bénéfice d'un débat approfondi, que nous avons beaucoup apprécié, qui nous a conduit à cette conclusion. (Sourires.)
M. le président. Comme quoi les longues séances éclairent les décisions de manière différente !
M. François Autain. Absolument !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 100, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 84 et 91 rectifié.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Qu'il soit bien clair pour mes collègues que mes propos, tout à l'heure, ne témoignaient d'aucun ostracisme à l'égard de l'Alsace et de la Moselle. Je voterai les amendements identiques.
M. Daniel Eckenspieller. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Le quota de 5 000 habitants était incontestablement trop élevé, à telle enseigne que le quota retenu pour autoriser la création d'une officine par voie dérogatoire est devenu la règle. Il n'est jamais très sain que la voie dérogatoire devienne la règle commune. Le quota de 3 500 habitants semble être le moyen de supprimer la voie dérogatoire qui donne toujours lieu à beaucoup de contentieux souvent douloureux et très longs. Des officines ont été obligées de fermer après des procédures qui ont duré sept ans. La solution qui est proposée est une solution de sagesse qui sauvegarde à la fois les intérêts des uns et des autres.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 84 et 91 rectifié, acceptés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 95 rectifié.
M. Francis Grignon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon. Cet amendement est quelque peu restrictif puisqu'il tend à prendre en compte le nombre d'habitants retenu lors de la création de la dernière pharmacie et d'ajouter des tranches de 3 500 habitants.
Le premier inconvénient du système, c'est que, dans nos départements, ces pharmacies ont été créées par des dérogations et par des appréciations du nombre d'habitants faites par l'inspecteur des pharmacies, que le préfet a entérinées. Ces appréciations prêtent à discussion ; ce n'est pas le nombre d'habitants du dernier recensement qui est retenu, mais le nombre d'habitants de l'ancien recensement plus tant d'habitants par lotissement, par morceau de quartiers, etc. Dans la pratique, il sera très difficile d'appliquer cette règle, mieux vaut donc s'en tenir aux 3 500 habitants que nous avons proposés.
Le second argument contre cet amendement tient au fait qu'il est plus restrictif. En effet, une pharmacie ayant été créée par dérogation - par exemple, deux pharmacies pour 8 000 habitants - cela voudra dire qu'il faudra à 11 500 habitants pour en créer une troisième, alors que, aux termes de la disposition qui est proposée aujourd'hui, ce serait moins.
Dans notre souci d'aménagement du territoire et pour répondre, en particulier dans les zones rurales, à la nécessité de créer des pharmacies, je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 95 rectifié, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Compte tenu du vote intervenu sur l'amendement n° 100, l'amendement n° 101 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 102, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 103 et 104 n'ont plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 94 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 85 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 86 rectifié, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 37 sexvicies, modifié.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'article 37 sexvicies est adopté.)

Article 37 tricies