Séance du 29 juin 1999






ALLOCUTION DE M. LE PRÉSIDENT DU SÉNAT

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où s'achève cette session parlementaire - la première que j'aie vécue dans ces fonctions présidentielles - il m'appartient, selon un rituel désormais bien établi, de dresser un bilan de l'activité du Sénat au cours des neuf mois qui viennent de s'écouler.
Il ne vous aura pas échappé, mes chers collègues, que, loin de ressembler à un long fleuve tranquille, ces premiers neufs mois se sont apparentés - autorisez-moi l'expression - à un parcours du combattant semé d'embûches, avec, pour seule boussole, la défense et illustration du bicamérisme et du Sénat.
Mais cet environnement difficile, caractérisé par une succession de textes susceptibles de gommer, par touches successives, la spécificité sénatoriale et, partant, l'utilité de notre assemblée, n'a pas empêché le Sénat d'accomplir, en toute sérénité, sa tâche de contre-pouvoir constructif.
Comme je l'avais rappelé dans ma première intervention, en octobre dernier, « notre premier métier consiste à examiner et à voter les lois ». J'ajoutais : « Le Sénat est une assemblée parlementaire à part entière, même lorsque sa majorité ne coïncide pas avec celle de l'Assemblée nationale. »
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout à fait !
M. le président. Ces propos, vous avez tenu, mes chers collègues, et je vous en remercie, à leur conférer tout leur sens et toute leur signification.
C'est ainsi que, sur les trente-sept textes de loi, hors conventions internationales, adoptés définitivement par le Parlement au cours de la session qui s'achève, vingt-neuf - soit près de 80 % - ont été adoptés en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat, selon le jeu normal de la navette ou à l'issue d'un accord en commission mixte paritaire.
Ce résultat m'apparaît satisfaisant à un double titre.
En premier lieu, il démontre que le vote de la loi par le Parlement, c'est-à-dire par les deux assemblées, demeure le principe et que le dernier mot donné à l'Assemblée nationale ne représente, contrairement à une idée reçue, qu'une exception.
En second lieu, il témoigne de l'attitude constructive du Sénat. En dehors des textes relatifs à l'élection des conseillers régionaux et au pacte civil de solidarité, notre Haute Assemblée n'a adopté aucune question préalable au cours des lectures précédant la commission mixte paritaire. Ouvert au dialogue, le Sénat s'affirme donc comme une force de proposition constructive, n'opposant que très rarement un refus catégorique.
Nous devons persévérer dans cet état d'esprit car, par cette contribution positive, et parfois alternative, à l'élaboration des lois, nous administrons une preuve vivante et concrète que le bicamérisme constitue un gage d'efficacite et une chance pour la démocratie.
Cependant, même lorsque les deux assemblées ne parviennent pas à un accord, le Sénat n'en continue pas moins de participer utilement à l'oeuvre législative.
C'est ainsi que, pour l'ensemble des textes adoptés définitivement au cours de la présente session, 51 % des amendements votés par le Sénat ont été, à notre satisfaction, repris par l'Assemblée nationale.
Bien plus, il est arrivé qu'après un échec de la commission mixte paritaire l'Assemblée nationale adopte, en nouvelle lecture ou en lecture définitive, un grand nombre des articles votés par le Sénat. Tel fut le cas, notamment, pour le projet de loi d'orientation agricole.
Autre illustration de l'attitude constructive du Sénat, le vote des quatre projets de révision constitutionnelle qui ont été discutés au cours de la session.
Cet aspect constitutionnel de notre activité de législateur appelle de ma part deux observations.
La première a trait à l'attitude ouverte du Sénat. Loin d'être obnubilé ou grisé par le droit de veto que lui confère, en la matière, la Constitution, le Sénat considère qu'il dispose plutôt d'un pouvoir d'appréciation égal à celui de l'Assemblée nationale.
Ce pouvoir, le Sénat en a fait un usage républicain lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle relatif à la parité femmes-hommes. Il a fait naître et vivre dans le pays un débat sur la conception de la citoyenneté - universalisme ou communautarisme ? - qui, sans lui, aurait été complètement occulté, avant d'établir un texte qui a été, hier, introduit dans la Constitution.
Ma seconde observation, formulée sous forme d'interrogation, portera sur la fréquence de nos déplacements, passés et futurs, à Versailles.
Le déclin de la loi ordinaire va-t-il être aggravé par une désacralisation, une banalisation et une précarisation de la norme suprême qui ne manqueraient pas d'être préjudiciables à la stabilité de notre Etat de droit ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Au-delà de sa participation éclairée à la discussion des textes d'origine gouvernementale, le Sénat a également fait un usage apprécié de son droit d'initiative législative pour répondre aux préoccupations de la vie quotidienne des Français.
C'est ainsi que nous avons examiné, au cours de cette session, dans le cadre des séances mensuelles réservées, onze propositions de loi d'origine sénatoriale. Trois d'entre elles sont devenues définitives, à la suite, il faut le souligner, d'un vote unanime de l'Assemblée nationale.
Il s'agit, tout d'abord, de la loi sur le volontariat dans le corps des sapeurs-pompiers, qui trouvait son origine dans une proposition du groupe socialiste.
Ce résultat prouve qu'au Sénat l'opposition n'est pas réduite au silence, même s'il convient, me semble-t-il, d'envisager - pourquoi pas ? - de lui donner une place plus institutionnelle, qui pourrait prendre la forme d'un droit de tirage sur l'ordre du jour des séances mensuelles réservées. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Claude Estier. Très bien !
M. Jean Chérioux. Sous réserve de réciprocité !
M. le président. Il s'agit, ensuite, de la loi sur les soins palliatifs, pour laquelle Lucien Neuwirth sut se montrer un remarquable fédérateur et qui illustre parfaitement la méthode sénatoriale. En effet, cette avancée législative, qui fut adoptée à l'unanimité par les membres de notre commission des affaires sociales, puis par le Sénat et, enfin, par l'Assemblée nationale, est le résultat de tout un travail accompli en amont, de plus d'un an de consultation de toutes les autorités médicales ou confessionnelles concernées, avec, comme étapes intermédiaires, la tenue d'un colloque et la publication d'un rapport d'information.
Il s'agit, enfin, de la loi sur les dommages miniers, issue de diverses propositions émanant tant du groupe communiste républicain et citoyen que du groupe de l'Union centriste, ou du groupe socialiste et du groupe du RPR. Cette initiative sénatoriale a permis de surmonter les inerties ou les atermoiements des bureaux des ministères.
Si j'ai tenu à insister sur ces trois textes, c'est parce que je suis convaincu que le Sénat doit accentuer son rôle d'assemblée de proximité, enracinée dans les terroirs et proche des préoccupations des Françaises et des Français.
Le Sénat, qui dispose de la durée, doit éclairer et préparer l'avenir de nos concitoyens en s'emparant des problèmes qui les préoccupent ou les inquiètent.
A cet égard, une initiative sur l'alimentation de demain me semblerait tout à fait opportune.
Il nous appartient également, par une meilleure articulation entre les initiatives des groupes politiques et le plan de charge des commissions, de faire un meilleur usage des séances mensuelles réservées, qui présentent l'avantage d'être programmées longtemps à l'avance.
En définitive, mes chers collègues, notre bilan législatif est très loin d'être négligeable et je voudrais remercier les présidents des commissions de leur précieux concours et de la qualité de leur travail, reconnue par toutes et par tous.
Mais si ce bilan est globalement positif, certaines ombres subsistent dont la principale réside dans un usage, contestable, monsieur le ministre, de l'urgence. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela vous va bien !
M. le président. Cette dérive de l'urgence réside moins dans la fréquence des déclarations d'urgence,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Huit !
M. le président. ... huit, que dans leur concentration sur les textes les plus importants.
M. Charles Descours. Eh oui !
M. le président. Je pense notamment au projet de loi d'orientation agricole, au projet de loi sur l'aménagement du territoire, au projet de loi relatif à l'intercommunalité. (Oui ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) ou au projet de loi sur l'épargne. (Oui ! sur les mêmes travées.)
Ce tir groupé m'a conduit à appeler l'attention de M. le Premier ministre sur la « regrettable restriction de la discussion parlementaire » induite par le recours excessif à la procédure d'urgence.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Moins que vous !
M. le président. Faire l'économie d'une deuxième lecture revient à priver les assemblées d'un espace de dialogue susceptible de rapprocher les points de vue. Dès lors, la déclaration d'urgence s'apparente à la chronique d'un échec annoncé, celui de la commission mixte paritaire. Ou alors, si cette dernière réussit, la commission mixte paritaire devient un ersatz de deuxième lecture. Tel fut le cas, mes chers collègues, de la méga-commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'intercommunalité, qui s'est étalée sur trois journées, pour une durée totale de dix-huit heures. Il n'y a pas d'équivalent dans le passé.
Je me félicite que le résultat obtenu ait été à la hauteur des efforts déployés par le président de la commission des lois, M. Jacques Larché, et les rapporteurs, MM. Daniel Hoeffel et Michel Mercier. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je me félicite que le Sénat ait pu imprimer sa marque sur un sujet, l'intercommunalité, qui relève au premier chef de sa vocation constitutionnelle.
D'une manière générale, tout se passe comme si l'urgence était conçue par le Gouvernement comme un remède à l'absence de programmation harmonieuse et équilibrée du travail législatif, tout au long de la session unique. (Très bien ! sur les travées du RPR. - Protestations sur les travées socialistes.) J'en veux pour preuve, monsieur le ministre, l'accumulation de textes lourds dans la dernière ligne droite de la session.
Tout se passe comme si la restriction du temps dévolu au Parlement devenait la variable d'ajustement du temps perdu en amont. (Nouvelles protestations sur les travées socialistes.)
Cette dérive de la précipation est inquiétante, monsieur le ministre, car, pour paraphraser Vauvenargues, « le temps se venge toujours de ce qui se fait sans lui. »
Ne l'oubliez pas, monsieur le ministre, les meilleures lois, c'est-à-dire celles qui résistent à la double épreuve de la pratique et du temps, sont celles qui sont « coproduites » par les deux assemblées, sans dernier mot.
Mais, si l'organisation du travail gouvernemental est perfectible - c'est un euphémisme -, la programmation de nos travaux en séance publique, quant à elle, s'est améliorée, il faut le reconnaître, sauf en cette fin de session : le calendrier de nos travaux a été établi pour quatre ou cinq semaines, la semaine de séance a été recentrée sur trois jours et la « sanctuarisation » du mercredi matin, dans l'ensemble, a été préservée.
Ces progrès, nous les devons, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, à votre coopération attentive, à votre sens des relations humaines et à votre courtoisie républicaine. (Applaudissements.) Soyez-en chaleureusement remercié, ainsi que vos collaborateurs.
Au-delà de sa mission législative, le Sénat s'est également acquitté de sa fonction de contrôle de l'action du Gouvernement.
C'est ainsi que nous avons été tenus régulièrement informés, tant par les déclarations du Gouvernement que par les questions d'actualité, des développements de la douloureuse crise du Kosovo.
Par ailleurs, les questions d'actualité, qui nous permettent d'interpeller le Gouvernement sur de nombreux aspects de sa politique, ont retrouvé un rythme dynamique, incisif et percutant.
A ce propos, je voudrais que vous me pardonniez, mes chers collègues, de vous imposer, lors de ces questions d'actualité, une dictature de la maîtrise de votre temps de parole ; mais je la fais également subir aux ministres, et le résultat est là : toutes les questions et les réponses tiennent maintenant dans le créneau de retransmission télévisée. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) C'est important, et vous le savez.
Je voudrais également vous demander, monsieur le ministre, d'être mon interprète auprès de M. le Premier ministre pour le remercier d'avoir assisté, depuis octobre 1998, à sept séances de questions d'actualité et répondu personnellement à deux questions. Peut-être devriez-vous, mes chers collègues, poser plus directement vos questions au chef du Gouvernement ? C'est bien évidemment une simple suggestion. Mais nous devons signaler sa présence et ses réponses.
En outre, un bon usage des questions orales avec débat a permis de se pencher sur des thèmes importants comme la réforme de l'enseignement, la répartition géographique des effectifs de la police et de la gendarmerie, l'insécurité juridique de l'action publique locale et la situation de la santé en France.
Par ailleurs, nous avons constitué, au cours de la session, deux commissions d'enquête : la première, consacrée à la gestion des personnels de l'éducation nationale, a remis en mai son rapport, qui a été très favorablement accueilli par la presse, et je remercie M. Gouteyron, ainsi que nos collègues ; la seconde, qui se penchera sur la conduite de la politique de sécurité menée par l'Etat en Corse, vient de voir le jour.
Il me semble que nous devrions, mes chers collègues, faire un usage tout à la fois plus fréquent et mieux programmé de nos pouvoirs d'investigation. Le contrôle doit devenir pour notre assemblée une seconde nature.
La retenue dont nous avons fait preuve dans l'exercice de notre mission de contrôle au niveau national contraste avec un regain de notre activité de contrôle en matière européenne. A l'élargissement du champ des résolutions européennes, induit par la ratification du traité d'Amsterdam, a correspondu un accroissement du nombre de résolutions européennes adoptées par le Sénat après débat.
Par ailleurs, deux questions orales européennes ont été discutées au cours des six derniers mois.
Dans l'avenir, il pourrait être envisagé, conformément au souhait exprimé par M. Michel Barnier, président de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, de programmer, dès l'ouverture d'une session, l'inscription à l'ordre du jour de nos travaux de trois questions orales européennes, dont l'une serait laissée à l'initiative de l'opposition sénatoriale.
M. Claude Estier. Merci pour elle !
M. le président. Les progrès réalisés sont indéniables, mais il nous a semblé nécessaire d'aller plus loin en permettant au Sénat de disposer, plus en amont et plus rapidement, des informations indispensables à l'exercice de son contrôle de l'élaboration des normes communautaires.
C'est à cette préoccupation qu'a répondu la création, en mars dernier, d'une antenne permanente à Bruxelles, qui est au service de toutes les sénatrices et de tous les sénateurs.
Cette initiative, qui a rencontré un accueil très favorable de la part des institutions européennes, devrait nous permettre d'intervenir plus en amont pour tenter d'infléchir les décisions communautaires.
C'est à ce prix que le Sénat pourra contribuer à réduire le déficit démocratique dont souffre l'Europe - la preuve nous en a été donnée récemment - à la rapprocher des citoyens et à donner toutes ses chances de réussite à cette formidable aventure qui, ne l'oublions pas, conditionne notre avenir.
Assemblée parlementaire à part entière, le Sénat a donc exercé, tout au long de la session, mais à des degrés divers, sa triple mission de législateur, de force de proposition et de contrôleur.
A cet égard, permettez-moi d'adresser à tous les acteurs de la vie sénatoriale mes sincères félicitations et mes chaleureux remerciements.
Je pense aux présidents de groupe, habiles négociateurs, à qui échoit la redoutable tâche de dégager un consensus au sein de leur groupe, tout en laissant s'exprimer les différences de sensibilité.
A ces remerciements, j'associe les collaborateurs des groupes et les assistants des sénateurs qui facilitent grandement leurs tâches.
Je pense aux vice-présidents, qui ne ménagent pas leur peine pour conduire, chacun avec son style, mais toujours avec talent et efficacité, nos travaux en séance publique.
Je pense aux présidents des commissions, déjà félicités, qui, vous avez pu le constater, sont sans cesse sur la brèche.
Je pense aux questeurs (Exclamations.) que leur gestion de la vie quotidienne du Palais n'empêche pas de se projeter dans l'avenir de notre institution.
Je pense aux membres du bureau, qui constitue en vérité le conseil d'administration de l'entreprise Sénat.
Je pense, enfin, aux fonctionnaires du Sénat, tous grades confondus, sans qui rien ne serait possible.
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. le président. Ils savent la considération et le respect que je leur porte. Je sais que je traduis là le sentiment de chacun. (Applaudissements.)
Assemblée parlementaire à part entière, le Sénat dispose, en outre, d'un « bonus constitutionnel », à savoir son rôle de représentant des collectivités territoriales de la République. Cette mission nous confère une responsabilité particulière à l'égard des collectivités locales.
C'est pourquoi j'ai souhaité la création d'un site internet, dédié aux collectivités locales et intitulé « Carrefour des collectivités locales ». Ce site, d'excellente tenue, offre, d'ores et déjà, des services appréciables aux élus locaux.
Par ailleurs, nous avons institué une mission d'information sur la décentralisation qui remettra prochainement ses premiers rapports et qui est conduite par notre collègue Jean-Paul Delevoye. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Cette mission est notamment alimentée par les informations que nous recueillons sur le terrain, à l'occasion des états généraux des collectivités locales.
Cette croisade en faveur de la décentralisation, cette grande réforme promise à un grand avenir, m'a révélé l'ampleur du malaise qu'éprouvent les maires de France en raison notamment de la mise en jeu sans cesse plus fréquente de leur responsabilité pénale. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
Si l'on n'y prend pas garde, cette crise des vocations risque de déboucher sur une démocratie fantôme, c'est-à-dire une démocratie sans élus et sans électeurs. C'est pourquoi il appartient au Sénat de formuler, avant la fin de la prochaine session, des propositions d'ordre statutaire et juridique, pour redonner aux élus locaux des raisons d'espérer. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Courrière applaudit également.)
En définitive, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat travaille et travaille bien. Mais pour que nos concitoyens en soient pleinement informés et conscients, il est nécessaire que nous définissions ensemble une politique de communication plus adaptée aux nécessités de notre civilisation de l'image.
Il me semble que nous pourrions réitérer l'expérience des « jeunes Turcs » ou des « jeunes rénovateurs », qui, au début des années quatre-vingt-dix, avaient planché sur la rénovation du Sénat.
Il s'agirait de désigner, au sein du bureau, un groupe de travail qui serait chargé de définir une politique de communication du Sénat.
Cette promotion de l'image du Sénat suppose également de susciter l'intérêt des journalistes, que je remercie de suivre nos travaux, même si j'estime qu'ils pourraient leur conférer un plus grand retentissement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
A cet égard, le Sénat a décidé de « s'exposer », dans tous les sens du terme, en allant au-devant des citoyens pour mieux se faire connaître. Tel est l'objectif de l'exposition itinérante Média Sénat et de l'exposition sur le Sénat de la Ve République qui se tient actuellement au musée du Luxembourg.
Enfin, la création d'une chaîne parlementaire et civique, qui pourrait voir le jour au début de l'an 2000, devrait contribuer à résorber notre déficit de communication.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'attachement que nous portons toutes et tous à l'institution sénatoriale et au bicamérisme transcende, et c'est la vérité, nos divergences politiques.
Telle est la raison pour laquelle nous devons, ensemble, veiller à préserver la spécificité sénatoriale.
En effet, tout amoindrissement de notre différence altère notre utilité et remet en cause notre rôle. Mes chers collègues, ne l'oublions pas : affaiblir le Sénat, c'est à l'évidence fragiliser notre démocratie. (Applaudissements prolongés sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées de RDSE.)
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, demain nous achèverons la deuxième session ordinaire de la législature qui s'est ouverte en juin 1997. Grâce à un rythme dense, grâce à des efforts partagés, nous n'aurons pas à nous réunir en session extraordinaire.
Pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement a traduit, au Parlement, les engagements pris par sa majorité devant les Français et par le Premier ministre devant la représentation nationale.
A l'heure du bilan, je voudrais souligner, au préalable, que le Gouvernement a pu mener les réformes qu'il avait décidées en respectant son calendrier et que l'apport du Sénat, au-delà des divergences politiques, a été décisif pour de nombreux textes.
Demain, nous aurons siégé un peu moins que lors de la précédente session ordinaire, à savoir cent huit jours, mais nous aurons adopté un peu plus de textes, avec toujours une forte proportion de textes d'initiative parlementaire - plus de 30 %. Comme le Sénat aura siégé un peu plus d'heures que l'an dernier, on peut dire que sa productivité a augmenté (Sourires), comme celle de l'Assemblée nationale, d'ailleurs, signe que nous avons adopté un bon rythme de croisière...
Le calendrier prévisionnel, publié en février dernier, a été presque totalement respecté. Les textes ont été inscrits à l'ordre du jour selon le calendrier prévu. Le Gouvernement a même pu alléger le calendrier des jours précédant les élections européennes, comme le Sénat l'avait demandé. Surtout, tous les textes qui devaient être adoptés au 30 juin l'ont été, ou devraient l'être, grâce aux efforts de chacun, sur toutes les travées de cet hémicycle.
Le respect de ce calendrier indicatif a permis une meilleure organisation de nos travaux. Il montre surtout que l'enlisement, redouté ou attendu, ne s'est pas produit.
Il s'agit donc d'une preuve du fonctionnement harmonieux du bicamérisme, qui n'a jamais été remis en cause par le Gouvernement, et qui, je l'espère, a répondu, monsieur le président, à vos voeux. Dans votre allocution d'investiture, le 7 octobre 1998, vous souhaitiez que la majorité sénatoriale résiste à la tentation du « toujours oui » ou du « toujours non », selon les périodes et les gouvernements.
Pendant cette session, cela a été tantôt « oui » et tantôt « non », et certes plutôt « non » que « oui » pour la modernisation de la vie politique comme pour les réformes économiques et sociales, mais plutôt « oui » que « non » pour les textes qui intéressent la vie quotidienne des Français. Cela se traduit notamment par trente-cinq accords entre les deux assemblées sur les quarante-sept textes qui devraient être adoptés demain au plus tard.
Le Sénat a bien voulu examiner certains textes dans des délais courts, comme celui concernant la couverture maladie universelle, lestée pourtant de dispositions diverses, mais indispensables et attendues par les professions concernées. De même, la particulière célérité de votre commission des lois a permis d'adopter la loi organique et la loi ordinaire du 19 mars 1999 mettant en oeuvre la réforme des institutions de Nouvelle-Calédonie. Je salue ici une nouvelle expression du consensus républicain.
Pour d'autres textes, l'apport du Sénat et le dialogue entre les assemblées ont été très constructifs. Je pense, notamment, au succès des commissions mixtes paritaires sur la lutte contre le dopage, les polices municipales, la sécurité routière et l'intercommunalité.
Il faut également relever que de nombreux textes ont été adoptés sans modification par l'Assemblée nationale : en deuxième lecture, l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits, les enquêtes techniques sur les accidents dans l'aviation civile et la lutte contre les termites ; en troisième lecture, enfin, la réforme de l'ordonnance de 1945 relative aux spectacles.
De même, cinq propositions de loi émanant du Sénat ont été adoptées conformes par l'Assemblée nationale. La réflexion du Sénat sur des sujets de société a également permis l'adoption d'une loi sur les soins palliatifs, dont le Gouvernement sait que la paternité revient au Sénat et à M. Neuwirth.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Bien entendu, les réformes constitutionnelles, celles qui étaient préalables à la ratification du traité d'Amsterdam, à la ratification du traité créant la Cour pénale internationale et celle qui est relative à l'égalité entre les femmes et les hommes, ces deux dernières ayant été adoptées hier au Congrès, ont obtenu, plus ou moins facilement, l'accord du Sénat. Sur le dernier point, je me réjouis de l'accord unanime donné par le Sénat à la création d'une délégation parlementaire aux droits des femmes, qui permettra de mieux suivre la mise en oeuvre de la parité.
A plusieurs reprises, l'utilisation de la procédure d'urgence a été critiquée au motif qu'elle réduit le dialogue parlementaire. Le Gouvernement a entendu cette critique puisque la procédure n'a été utilisée que huit fois au cours de cette session, contre treize fois lors de la session précédente.
M. François Autain. C'est vrai !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Au-delà de cette procédure, qui n'est engagée que lorsque cela est nécessité par des considérations objectives,...
M. Alain Gournac. Non, non !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. ... je voudrais souligner que le rythme de la session a été modulé par le Gouvernement afin de concilier la volonté de mettre en oeuvre rapidement des réformes attendues par les Français et en même temps d'approfondir la concertation avec les parlementaires. Il est curieux de se voir reprocher le report de certaines réformes pour cette raison, qui manifeste pourtant le respect du Gouvernement pour le Parlement et la majorité parlementaire.
Il est tout autant curieux d'entendre parler d'enlisement des réformes lorsque le Gouvernement donne toute son ampleur au bicamérisme, ce qui peut donner lieu à sept lectures pour chaque projet de loi.
Le contrôle parlementaire a revêtu, lors de cette session, une dimension particulière, à l'occasion de l'engagement des forces françaises au Kosovo.
Trente-six heures après l'engagement des opérations militaires, le Gouvernement a fait, le 26 mars, une déclaration suivie d'un débat dans les deux assemblées. Le ministre des affaires étrangères et le ministre de la défense se sont rendus à de multiples reprises devant la commission des affaires étrangères du Sénat.
M. Emmanuel Hamel. C'est vrai !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. De nombreuses questions d'actualité ont été posées sur la situation au Kosovo. Au Sénat, une séance de questions a été organisée pendant les vacances parlementaires de printemps le 15 avril, une autre le 29 avril. Le Premier ministre a personnellement répondu aux questions des sénateurs au cours de ces deux séances.
J'ai veillé à ce que les présidents des groupes parlementaires et des commissions compétentes soient reçus par le Premier ministre, qui les a informés de l'évolution des opérations, et le Premier ministre s'est également entretenu à plusieurs reprises avec vous-même, monsieur le président.
C'est d'abord et avant tout le Parlement que le Gouvernement a informé, ce qui était nécessaire et bien légitime.
Je dirai enfin quelques mots des réformes institutionnelles et politiques.
Vous connaissez l'attachement du Gouvernement à la modernisation de nos institutions et de la vie politique. Nous connaissons l'attachement du Sénat à la vie locale et aux réformes qui concernent les collectivités territoriales. C'est pourquoi je veux souligner l'importance de l'accord survenu en commission mixte paritaire, après trois réunions et dix-huit heures de débats, sur la réforme de l'intercommunalité, bien que ce texte ait fait l'objet d'une déclaration d'urgence.
Les élus locaux que vous êtes également ont approuvé une réforme qui simplifie la coopération intercommunale et ont ainsi encouragé la démarche du Gouvernement visant à dépasser la dichotomie entre le rural et l'urbain.
Sur d'autres sujets, la loi d'orientation agricole, les polices municipales, l'aménagement et le développement durable du territoire, la réflexion du Sénat a substantiellement enrichi le débat.
L'intérêt du Sénat pour le projet de loi relatif à l'aménagement et au développement durable du territoire s'est ainsi traduit par la création d'une commission spéciale et plus du quart des amendements que celle-ci a présentés ont été acceptés par le Gouvernement. Dans le même sens, le Sénat a approuvé la création, proposée par l'Assemblée nationale, de délégations parlementaires à l'aménagement et au développement du territoire.
Avec le projet de loi sur l'intercommunalité, ce texte a constitué le deuxième volet d'une politique cohérente visant à améliorer l'efficacité de l'intervention des collectivités locales dans l'aménagement du territoire.
Le Gouvernement attend donc beaucoup des propositions du Sénat de nature à faciliter l'exercice des compétences locales, comme il est à l'écoute de ses propositions sur la responsabilité juridique des élus et administrateurs locaux.
M. Jean-Claude Gaudin. Il était temps !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Afin de prendre en compte l'intérêt du Sénat pour ces questions, je peux vous confirmer que, suivant ma suggestion, le Gouvernement déposera sur le bureau du Sénat le projet de loi relatif à l'action économique des collectivités locales.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, afin de vous permettre, ainsi qu'au personnel du Sénat que je veux également, au nom du Gouvernement, remercier très chaleureusement, de prendre un repos bien mérité après une session intense, nous allons nous séparer pour les trois prochains mois, en tout cas pour ce qui concerne les séances publiques, car je sais que les parlementaires, qu'ils soient députés ou sénateurs, continueront à tenir des réunions de groupe pour échanger, travailler et préparer la future session de 1999-2000.
A la rentrée d'octobre, le Sénat devrait être saisi de la modernisation du service public de l'électricité, de la réforme constitutionnelle relative à la Polynésie et à la Nouvelle-Calédonie, du projet de loi relatif au rôle du parquet et de la Chancellerie, nouvelle étape dans la réforme de la justice.
L'importance de la discussion sur la deuxième loi portant sur la réduction du temps de travail devrait conduire à décaler d'une semaine le débat budgétaire, comme je le disais ce matin lors de la réunion de la conférence des présidents. L'adoption de la loi de finances en conseil des ministres restant avancée, comme l'an dernier, à la mi-septembre, c'est donc un délai supplémentaire qui sera laissé au Parlement pour examiner l'acte majeur de la vie parlementaire, dont vous avez récemment débattu des grandes orientations.
Une lourde session s'achève, une autre s'annonce. La réforme avance. Au-delà des clivages politiques légitimes en démocratie, le débat d'idées enrichit la vie démocratique et parlementaire. La contribution du Sénat pour l'amélioration de la qualité de la loi demeure essentielle. Je puis vous l'assurer, le Gouvernement n'a pas besoin d'en être convaincu. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, et sur quelques travées du RPR.)
M. le président. Mes chers collègues, avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quinze.)