Séance du 25 mai 1999






AMÉNAGEMENT ET DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture (n° 347, 1998-1999) [Rapport n° 373 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, vous aviez, en première lecture, adopté un projet modifiant profondément le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire présenté par le Gouvernement et voté par l'Assemblée nationale le 9 février. Lors du vote de ce texte par votre assemblée le 6 avril, j'ai eu l'occasion de regretter le peu d'attention porté par la majorité du Sénat à la position du Gouvernement, malgré la disponibilité dont j'ai fait preuve notamment en acceptant plus du quart des amendements de votre commission spéciale.
Le désaccord constaté en commission mixte paritaire, le 8 avril, a conduit l'Assemblée nationale à adopter, le 11 mai dernier, un texte proche de celui qu'elle avait approuvé précédemment. C'est ce texte qui est soumis aujourd'hui à votre appréciation. Votre commission spéciale vous propose à nouveau de l'amender dans un sens qui lui ferait perdre une part substantielle de ses objectifs et de son intérêt.
Est-il encore besoin de présenter les grands axes du projet soutenu par le Gouvernement ?
Il vise un aménagement du territoire conduit dans la perspective d'un développement durable du territoire, tout d'abord. Cet aménagement doit s'attacher à la fois à satisfaire les besoins de court terme et à prendre en compte les enjeux de long terme : il s'agit de favoriser le développement économique sans dégrader ou épuiser l'environnement, d'encourager les initiatives et les projets collectifs en veillant à la cohésion sociale et territoriale, d'associer et de permettre l'expression de l'ensemble des partenaires et acteurs concernés.
Il s'agit donc non pas d'une approche qui se réduirait ou ramènerait tout à l'environnement, mais bien de la recherche simultanée de la performance économique, de la cohésion sociale, de la qualité des milieux, de la reconnaissance et de la mobilisation des territoires et des citoyens et de leurs représentants.
Le deuxième axe de ce projet est celui d'une priorité à l'emploi, élément central d'autonomie et de reconnaissance de chacun, indispensable à la cohésion sociale. L'aménagement du territoire ne doit pas seulement organiser la présence des équipements ou infrastructures utiles au développement, il doit s'assurer que les services collectifs rendus, par la combinaison de ces structures, des moyens de leur mise en oeuvre ou de leur fonctionnement et de leur adéquation aux besoins des populations, répondent aux mieux aux attentes sociales.
C'est le sens de la substitution des schémas de services collectifs aux anciens schémas directeurs d'équipement de la loi de 1995. Il convient, en effet, de dépasser les réponses en termes de produit ou d'offre d'équipement pour répondre en termes de services intégrés, comme c'est le cas dans la sphère économique. C'est dans ce sens que les huit schémas de services collectifs initialement prévus, auxquels s'ajoute, sur votre initiative, un neuvième schéma de services collectifs, celui du sport, seront élaborés. C'est aussi le sens de l'approche multimodale des transports dans les services rendus pour les voyageurs et pour les marchandises en lieu et place de la juxtaposition de cinq schémas modaux d'équipement.
Le troisième axe de ce projet est une société plus juste et plus solidaire, à laquelle la politique d'aménagement du territoire doit contribuer, sans pour autant prétendre la résoudre à elle seule. A cet effet, le projet de loi ne modifie pas substantiellement les dispositions de discrimination positive introduites par la loi de 1995, notamment les zonages ruraux - territoires ruraux de développement prioritaire et zones de revitalisation rurale - les zonages urbains - zones urbaines sensibles et zones de revitalisation urbaines - et les zonages régionaux, sinon l'affirmation du zonage ultrapériphérique prioritaire des régions d'outre-mer - mais réaffirme la place et l'importance des villes dans notre pays et pour son développement.
Une loi d'orientation pour l'aménagement du territoire ne peut passer sous silence ces espaces où vivent et travaillent plus de quatre habitants sur cinq et où se joue la plus grande part des enjeux et décisions économiques comme des relations sociales ou des impacts environnementaux de notre pays. Organisation des agglomérations, politique de la ville, desserte par les services publics des sites périphériques, espaces de reconquête paysagère, relèvent de cet enjeu. L'articulation étroite de ce projet de loi avec le projet de loi relatif à la coopération intercommunale doit renforcer la cohésion interne au milieu urbain, contribuer à nouer les coopérations indispensables entre communes et groupements aux échelles pertinentes, assurer les solidarités fiscales par la taxe professionnelle et, ainsi, freiner les concurrences exacerbées et l'expansion foncière urbaine en pesant sur la cause de ces évolutions.
Il ne s'agit pas pour autant de nier ou de minorer les fonctions et les apports des espaces ruraux, dont la contribution à un développement durable et équilibré est irremplaçable. Est-il nécessaire de réfuter encore la présentation caricaturale faite en cette enceinte d'un projet oubliant les campagnes ? Prise en compte dans les schémas de services, approche explicite dans le schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux attaché à la polyfonctionnalité de ces espaces et à une gestion garantissant sa performance économique, sociale et écologique à moyen et long termes, prise en compte des espaces ruraux - en particulier des zones rurales en difficulté - dans l'organisation et les projets de pays et de parcs naturels régionaux, prise en considération des enjeux spécifiques des massifs montagneux ou des ensembles littoraux témoignent, s'il en est besoin, de cette préoccupation constante.
Enfin, quatrième axe du projet : la mise en valeur des ressources et des potentialités des territoires, permettant à chaque composante de notre pays d'affirmer sa place singulière et sa contribution originale à ce processus de développement durable. Elle est le gage de sa reconnaissance et le meilleur moyen de pallier les inégalités, pour autant que l'Etat veille, comme il est proposé dans ce texte, à ce que chacun de ces territoires dispose des moyens de formuler et de mettre en oeuvre son projet dans un cadre dont la cohérence est assurée à l'échelle nationale - par les schémas de services collectifs notamment - et à l'échelle régionale - par les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire et pour les services publics - sous le contrôle du Parlement, par ses délégations, et en associant les régions, les départements et les autres collectivités et groupements au sein des instances appropriées.
Cette valorisation appelle la participation et l'implication, aux côtés des collectivités locales et de leurs élus, de l'ensemble des acteurs économiques, sociaux et associatifs aux diverses échelles. L'élargissement de la composition et le renforcement des moyens propres du conseil national et des conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire, la création des conseils de développement auprès des pays et agglomérations participent de cet objectif.
Cette approche renouvelée nourrit et prend en compte à la fois les réflexions et les enjeux européens, qu'illustre l'adoption par le conseil des ministres de l'aménagement du territoire, le 10 mai dernier, à Potsdam, du schéma de développement de l'espace européen. Plus encore, au-delà de ce document - nécessaire à une approche commune aux quinze pays de l'Union et à la formulation d'objectifs partagés, auxquelles la France a beaucoup contribué et dont on retrouve la convergence avec les principes du présent projet de loi - il s'agit de prendre en compte l'importance des politiques structurelles européennes pour le développement de notre pays : politique de la concurrence, dont les principes encadrent les zonages, politique agricole commune, qui prend mieux en compte les enjeux d'emploi, de présence en milieu rural et de préservation des milieux par-delà les objectifs de production et de prix, et, bien sûr, politiques régionales au travers du fonds de cohésion pour les régions d'outre-mer et de l'objectif 2 pour les secteurs en conversion économique ou en difficulté.
Ces enjeux, affirmés dans le projet de loi, sont largement pris en compte par le Gouvernement. La proposition de zonage de la prime d'aménagement du territoire, établie après consultation du conseil national de l'aménagement et du développement du territoire et conformément à ses recommandations, s'appuie sur des critères d'aménagement du territoire - revenu régional moyen inférieur à la moyenne nationale et fort taux de chômage ou dépopulation - complétés par la prise en compte de difficultés industrielles particulières d'ordre public, le tout à l'échelle de zones d'emploi ou d'agglomérations qui assurent la prise en considération des disparités locales.
La définition des zonages structurels européens, dont ne préjuge pas la carte de la PAT, de par la différence des objets et des critères qui les caractérise, fera aussi l'objet d'une consultation après le 15 juin prochain et tiendra compte des choix opérés par l'ensemble de l'exécutif dans le cadre de la négociation de l'Agenda 2000 conclue à Berlin à la fin du mois de mars dernier, à savoir : anticipation de l'élargissement de l'Union européenne dans les choix budgétaires ; optimisation des retours communautaires, notamment par la politique agricole commune, d'ailleurs plus favorable aux zones rurales ; renforcement des fonds pour l'emploi ; maintien de la politique de cohésion, en particulier pour nos régions d'outre-mer ; sélectivité accrue pour les programmes structurels régionaux dans l'ensemble des pays concernés.
La réduction d'un quart des populations éligibles - de 40 % à 30 % de la population française pour l'objectif 2 - accroît l'importance du choix effectué par le Gouvernement d'une stratégie unique pour les contrats de plan et les programmes européens et de leur bonne articulation avec les mesures territorialisées des programmes sous ligne directrice agricole et d'emploi.
Je réfute donc les critiques que vous formulez et sur lesquelles j'espérais que nos longs échanges des mois de mars et avril vous avaient éclairés.
En particulier, les schémas de services collectifs n'excluent nullement la création ou la construction de nouveaux équipements ; ils privilégient l'utilisation optimale des structures existantes, leur appropriation par les acteurs et populations concernés, la recherche des coopérations et complémentarités - d'usage, de gestion et de fonctionnalités.
Les évolutions particulières des espaces ruraux sont pleinement prises en compte. Sans renvoyer à je ne sais quelle nature originelle, le projet de loi s'attache, au contraire, à identifier leur contribution à la satisfaction des attentes croissantes de nos concitoyens et à leur capacité à proposer de nouveaux services porteurs d'activité, de sociabilité et d'équilibre.
Les pays, qui peuvent être urbains, ruraux ou mixtes, doivent rester des espaces de projet et de coopération volontaire, sur l'initiative des communes et de leurs groupements compétents autour d'une charte et non un nouveau niveau de compétence ou de découpage intercommunal au gré d'un préfet, d'un exécutif régional ou départemental.
Les agglomérations, quant à elles, d'abord espaces de projet et de solidarité au sein d'une aire urbaine, ont vocation à évoluer vers une forme plus accomplie d'intercommunalité, dotée de compétences substantielles de développement économique, d'aménagement de l'espace, de politiques de transport, d'habitat et de cohésion sociale et liée par une solidarité fiscale forte, nécessaire à une approche partagée des politiques d'emploi et d'accueil des entreprises.
La desserte des territoires par les services publics doit s'adapter à l'évolution et à la répartition des besoins, insuffisants dans certaines zones urbaines périphériques, ainsi qu'en témoignent les indices plus faibles de présence d'agents publics en Provence - Alpes - Côte d'Azur ou en Nord - Pas-de-Calais, par exemple, ou nécessaires au maintien d'un niveau de services acceptable dans certaines zones rurales en difficulté, sans que la prolongation de manière indéfinie du moratoire applicable aux seules communes de moins de 2 000 habitants constitue une réponse sur une longue période.
Le Gouvernement, par la présente discussion sur les objectifs et moyens de la politique nationale d'aménagement du territoire et par le rendez-vous pris deux années avant l'échéance des contrats de plan ou la mise en place des délégations parlementaires, donne une large place au Parlement et n'a aucunement préjugé les conclusions de cette discussion. Ainsi, c'est seulement après l'adoption définitive de cette loi que s'élaboreront concrètement les schémas de services collectifs - ils font l'objet à ce jour d'une première phase décentralisée de contributions à partir des notes de cadrage soumises au conseil national de l'aménagement et de développement du territoire - que se définiront les zonages européens et nationaux et que se négocieront les contrats de plan Etat-région et les programmes européens ainsi que leurs volets territoriaux, interégionaux pour la montagne, le littoral, les grands bassins versants ou transfrontaliers et, bien sûr, pour les pays et agglomérations.
Vous aviez enfin, en première lecture, introduit deux séries de dispositions relatives à la notion de chef de file, d'une part, et d'action économique, d'autre part, que l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement, a supprimées en nouvelle lecture.
La traduction législative de la notion de « collectivité chef de file » aurait mérité une plus grande attention s'il ne s'était agi, dans votre proposition, de démanteler deux des compétences majeures des régions - le développement économique et l'aménagement du territoire - au profit des départements, ce qui ne correspond apparemment pas à l'attente de l'opinion, si l'on en croit le sondage que vous avez fait réaliser le mois dernier. Ce sujet mérite une approche globale des différents niveaux de compétences et suppose un paysage institutionnel stabilisé, tant pour les récents transferts - formation et transport régional, action sociale et insertion pour les départements - que pour la coopération intercommunale, qui est en cours d'examen.
Quant au développement économique, il fait l'objet de projets séparés en cours d'examen par la Commission européenne pour les interventions économiques des collectivités territoriales et de dispositions, attendues pour la fin de l'année, en faveur des petites et moyennes entreprises.
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est un projet confus !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je terminerai en relevant les améliorations résultant de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.
Les objectifs et axes stratégiques visés aux articles 1er et 2 font tout d'abord référence aux priorités du développement durable, de l'emploi et de la solidarité territoriale et sociale, avant de préciser la place des citoyens, le principe du contrat avec les collectivités et les partenaires et le rôle de l'Etat dans la mise en oeuvre de la politique d'aménagement du territoire. Les choix stratégiques intègrent à la fois les pôles de développement à vocation internationale, les pays et agglomérations et les territoires en difficulté à soutenir. Ils posent les principes d'action sur les services publics, la correction des inégalités spatiales, le soutien aux initiatives et la prise en compte du long terme et de l'échelle européenne.
Les articles 5 et 5 bis réaffirment le rôle pivot de l'échelon régional par les schémas régionaux et le principe des schémas interrégionaux élaborés en relation étroite avec les départements, communes et groupements, ainsi qu'avec les acteurs économiques, sociaux et associatifs au sein des conférences régionales élargies et renforcées.
Les articles 9 à 18 bis prévoient les modalités de concertation et d'adoption ainsi que le contenu des schémas de services collectifs, y compris du nouveau schéma relatif au sport. Ces dispositions prévoient la possibilité, pour les collectivités locales, de créer des réseaux de télécommunication dans les cas de carence ou d'insuffisance de l'offre des opérateurs et dans des conditions strictes de transparence et d'équité économiques et financières. Elles confirment les principes de la transposition de la directive postale au territoire national.
Les modalités de constitution des pays, territoires de projet, sont précisées, notamment pour ce qui concerne les pays préexistants, les cas de recouvrement partiel avec un parc naturel régional et les espaces de reconquêt paysagère. Les dispositions relatives au groupement d'intérêt public ont été précisées afin de permettre leur ouverture aux partenaires locaux tout en respectant leur caractère public et la responsabilité première des communes et groupements. Le texte réintroduit le conseil de développement pour les pays comme pour les agglomérations, dont la constitution est replacée dans la perspective d'une intercommunalité dotée de compétences fortes et fiscalement solidaire, en rétablissant la cohérence avec le projet de loi sur l'intercommunalité.
Le projet précise également les principes des relations conventionnelles entre l'Etat et les collectivités pour la modernisation des services publics, en particulier pour le développement des maisons de services publics.
Enfin, l'Assemblée nationale a retenu plusieurs dispositions concernant la coopération transfrontalière, la faisabilité des fonds régionaux pour l'emploi et le développement, la prorogation de l'expérimentation de la régionalisation du transport ferroviaire, que vous aviez suggérées.
Il est urgent et nécessaire d'adopter ce texte pour permettre à l'Etat et aux collectivités locales de travailler dans de bonnes conditions à l'élaboration des prochains contrats de plan. Je suis sûre que vous en êtes conscients, mesdames, messieurs les sénateurs, et que vous en tirerez les conséquences pour nos débats à venir. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur de la commission spéciale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat est saisi en nouvelle lecture du projet de loi d'orientation d'aménagement et de développement durable du territoire, la commission mixte paritaire n'étant pas parvenue à élaborer un texte commun.
La procédure d'urgence retenue par le Gouvernement n'avait laissé au Parlement que deux mois pour débattre d'un texte dont l'objet était pourtant de fixer pour vingt ans un cadre à la politique d'aménagement du territoire.
La commission spéciale et mes deux collègues rapporteurs, Claude Belot et Charles Revet, tiennent à ce propos à souligner combien cette procédure a, une nouvelle fois, bridé le nécessaire dialogue entre les deux assemblées de la République, privant ainsi les travaux du Parlement du bénéfice d'une écoute réciproque. Le déroulement de la réunion de la commission mixte paritaire a été à cet égard presque caricatural, débouchant sur un échec par trop prévisible.
En première lecture, le Sénat avait souhaité manifester une attitude constructive et placer sa démarche sous les trois signes de l'équilibre, de l'innovation et de la réaffirmation de la nécessité de la péréquation.
Cette approche s'est notamment traduite par l'acceptation d'un certain nombre d'orientations importantes du projet de loi.
Bien qu'ayant notablement contribué à l'élaboration de la loi Pasqua, le Sénat a ainsi accepté le principe de la suppression du schéma national.
Il a aussi fait sien le concept de développement durable, déjà présent dans la loi Pasqua mais revenant, dans ce texte, comme un leitmotiv.
Il a jugé intéressante la notion de « services aux usagers » que le projet introduit dans les schémas de secteurs et que la précédente loi avait insuffisamment prise en compte.
Le Sénat a enfin dit « oui » aux dispositions qui consacrent les pays, qu'il avait fait siens en 1994, et à celles qui consacrent les communautés d'agglomération, innovations significatives de la réforme.
S'agissant des premières, il a toutefois voulu préserver la liberté des collectivités locales en dehors de tout carcan préfectoral, fût-il régional ou départemental.
Oui, la Haute Assemblée a voulu marquer sa volonté d'équilibre !
Equilibre entre les prérogatives du Gouvernement et les droits du Parlement : le Sénat a souhaité renforcer les droits du Parlement en matière d'aménagement du territoire afin de mettre un terme à une situation où les assemblées ne sont « consultées » que pour délibérer d'orientations très générales, le Gouvernement - notamment à travers ses comités interministériels, la DATAR et les organismes qui y sont liés - détenant la réalité du pouvoir de décision dans la préparation, la conceptualisation et la mise en oeuvre de la politique d'aménagement du territoire.
A cet égard, les sénateurs ont regretté les conditions dans lesquelles ont été définies les nouvelles orientations gouvernementales.
Pour remédier à cette situation, la Haute Assemblée a proposé de renforcer le dispositif introduit par les députés sur les délégations parlementaires, mais, surtout, elle a souhaité que le Parlement puisse délibérer, comme en matière de loi de Plan, sur les schémas sectoriels.
Equilibre entre zones urbaines et espaces ruraux : soupçonné en permanence de vouloir en revenir à un « ruralisme » archaïque, le Sénat a néanmoins souhaité rééquilibrer un projet dont toute la philosophie semble prendre son parti de la « métropolisation », prétendument inévitable, d'une France qui se décomposerait en grands ensembles urbains, d'une part, et en espaces naturels vides, à protéger contre les pollutions, d'autre part.
C'est contre cette logique que les sénateurs se sont élevés en appelant de leurs voeux un « schéma des territoires ruraux et des espaces naturels », dans lequel la préoccupation du développement rural accompagnerait celle de la dimension environnementale.
Equilibre entre services et équipements : aux « schémas de services collectifs » fondés sur le refus d'une logique qui serait exclusivement celle de l'offre, la Haute Assemblée a substitué des « schémas directeurs d'équipements et de services », qui acceptent l'idée de « services », mais insistent sur la nécessité de doter notre pays de nouveaux équipements dans les domaines culturel, universitaire et sanitaire, ainsi qu'en matière d'infrastructures de transport.
Sur ce dernier point, le Sénat a jugé indispensable de mettre en place des schémas directeurs spécifiques : schéma directeur d'équipements et de services routiers, schéma directeur d'équipements et de services fluviaux, schéma directeur d'équipements et de services ferroviaires, schéma directeur d'équipements et de services maritimes, schéma directeur d'équipements et de services aéroportuaires.
Un équilibre entre l'environnement et l'économie a aussi été recherché par notre assemblée. En même temps qu'il adoptait un ton résolument « environnementaliste », le projet de loi semblait laisser de côté un aspect essentiel de l'aménagement du territoire : l'économie. Pour le Sénat, au contraire, il n'est pas d'aménagement du territoire sans développement économique et création d'emplois. C'est dans ce souci qu'il a adopté toute une série de dispositions favorisant le développement économique de nos territoires, notamment à la suite des travaux de nos collègues MM. Raffarin et Grignon.
Le Sénat a, par ailleurs, voulu innover en enrichissant le projet transmis par l'Assemblée nationale.
C'est ainsi qu'il a souhaité établir une « présomption de compétence » territoriale en introduisant la notion de « chef de file », qui n'est pas, madame le ministre, le démantèlement des compétences respectives du département et de la région ; ou alors, nous avons dépassé notre objectif dans le texte modeste que nous avons adopté ici !
Il s'agit, en fait, d'assurer une meilleure lisibilité des contrats à travers lesquels départements, régions et d'autres collectivités ou groupements participent, par des financements croisés, à l'élaboration de projets locaux d'intérêt commun.
La Haute Assemblée a aussi pris l'initiative d'une reconquête des espaces périurbains dans le cadre d'une politique tendant à protéger ce qu'elle a appelé les « terroirs urbains et paysagers ». A cet égard, elle a notamment appelé de ses voeux l'institution d'un délai de sept ans, avant le terme duquel, sauf circonstances exceptionnelles, le plan d'occupation des sols ne sera révisable que dans les communes ou groupements de communes dotés d'un schéma directeur.
La Haute Assemblée a par ailleurs décidé, sur l'initiative de notre collègue Mme Bardou, la création d'un schéma d'équipements et de services sportifs.
Autre innovation proposée : l'inscription dans le schéma de l'information et de la communication - nos collègues Daniel Hoeffel et Alain Joyandet, en particulier, se souviennent certainement du débat que nous avons eu à ce sujet en première lecture - de l'ensemble des technologies à haut débit, terrestres, hertziennes ou satellitaires, ainsi qu'une mesure autorisant les collectivités locales, dans le respect de la libre concurrence, à mettre leurs infrastructures de télécommunications à la disposition des opérateurs de télécommunications.
La Haute Assemblée a encore adopté une série de dispositions tendant à poser les principes d'une réforme statutaire et financière de notre système autoroutier.
La « fertilisation » économique des territoires a, enfin, constitué pour le Sénat une préoccupation majeure, et j'insiste sur ce qualificatif.
Onze articles additionnels ont inséré un volet économique dense et cohérent, autour, notamment, de la création de fonds communs de placement de proximité, sur le modèle du fonds commun de placement dans l'innovation - dispositif défendu dans cette enceinte, madame le ministre, par votre collègue Claude Allègre - pour drainer l'épargne de proximité des particuliers vers les entreprises des zones fragiles, ou encore de la mise en place d'« incubateurs » territoriaux et de fonds d'amorçage locaux, qui ont vocation à être des catalyseurs de la création d'entreprises. Un soutien aux « grappes d'entreprises » et des mesures fiscales sélectives ont également été votés par le Sénat.
Mais le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont opposé une fin de non-recevoir à l'ensemble de ces articles, qui ont été supprimés sans qu'intervienne, pour la majorité d'entre eux, de véritables discussions sur le fond. L'argumentation s'est souvent résumée à l'invocation de « droits d'auteur » du Gouvernement pour toutes les dispositions de nature économique, en raison du dépôt attendu d'un projet de loi sur les interventions économiques des collectivités locales.
M. Jean-Pierre Raffarin. Projet confus !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Pourtant, certains articles rejetés par l'Assemblée nationale pour ce motif se rattachent directement à l'aménagement du territoire, alors qu'ils seraient de véritables « cavaliers » dans le texte en préparation. Ainsi en est-il de l'article additionnel relatif à la fiscalité des transmissions d'entreprise, proche de l'article 44 non modifié de la loi du 4 février 1995, ou de celui qui a trait à la prorogation des exonérations de l'article 44 sexies du code général des impôts, introduit par la même loi, ou encore de celui qui vise les missions du FNDE - Fonds national de développement des entreprises - qui en modifie l'article 43.
S'agissant de cet article additionnel, le Gouvernement a d'abord émis un avis favorable à son introduction au Sénat avant d'émettre un avis tout aussi favorable à sa suppression à l'Assemblée nationale.
Ce matin même, madame le ministre, dans un grand quotidien économique, vous disiez votre regret « de n'avoir pas pu intégrer des mesures économiques en faveur du développement local » !
Enfin, le calendrier de la négociation des contrats de plan Etat-région ne permet pas à la réflexion sur le devenir économique de nos territoires d'attendre un projet de loi dont la discussion serait, au mieux, à peine entamée à l'automne. Les incubateurs territoriaux labellisés, les fonds d'amorçage, les fonds propres de proximité sont nécessaires dès à présent, pour la négociation de la future génération des contrats 2000-2006.
Quelle cohérence y a-t-il à vouloir faire des territoires des « porteurs de projets » si l'on refuse de leur en donner les moyens ? Le Gouvernement ne s'est-il pas servi abondamment de l'argument de l'échéance des contrats de plan pour imposer au Parlement la discussion en urgence de ce projet de loi ? Pourquoi alors refuser aujourd'hui au Sénat, pour des raisons de calendrier, d'enrichir leur contenu ?
Le Sénat a, en outre, réaffirmé son souci de voir mettre en oeuvre les dispositions de la « loi Pasqua » concernant la péréquation des ressources financières des collectivités territoriales. Sur ce point, madame le ministre, sachez-le, nous serons extrêmement attentifs dans l'avenir.
En nouvelle lecture, sous réserve de quelques précisions ou modifications, parfois inspirées par les votes du Sénat, l'Assemblée nationale a rétabli les dispositions qu'elle avait adoptées en première lecture en ce qui concerne les articles de principe, les schémas de services collectifs, les pays et les agglomérations.
Elle n'a pas retenu les principales innovations apportées par le Sénat en première lecture s'agissant, notamment, des infrastructures de télécommunications, des schémas de transports, des dispositions relatives aux terroirs urbains et paysagers, non plus que le volet économique.
Pour ce qui est des transports, le Gouvernement a manifesté, à plusieurs reprises, le désir de favoriser un report du transport de marchandises de la route vers le rail, ou tout au moins un certain rééquilibrage. Or, selon les dernières informations recueillies par les rapporteurs, le transport combiné, alors qu'il avait progressé de 67 % de 1992 à 1997, a régressé de 3 % en 1998 et, pis encore, de 10 % sur les quatre premiers mois de 1999. Ces éléments suscitent la très vive préoccupation de la commission spéciale, qui considère que les déclarations d'intention du Gouvernement ne sont guère suivies d'effet et que la distance entre les paroles et les faits ne cessent de s'accroître. (M. Signé proteste.)
On relèvera, malgré tout, quelques avancées de l'Assemblée nationale en direction du Sénat : la composition du Conseil national d'aménagement et de développement du territoire, le statut des délégations parlementaires à l'aménagement et au développement du territoire, la prorogation de la loi sur les expérimentations en matière de télécommunications ou, enfin, le schéma des services sportifs, sous réserve d'une nouvelle rédaction.
D'une manière générale, les votes de l'Assemblée nationale en nouvelle lecture ne peuvent donc apparaître comme constructifs par rapport aux propositions et innovations de la Haute Assemblée. Aussi bien, votre commission spéciale vous proposera, mes chers collègues, à quelques points près, de rétablir l'ensemble des textes adoptés par le Sénat en première lecture.
Pour conclure, il ne me semble pas inutile de faire deux catégories de citations.
La première série est extraite des résultats de l'enquête d'opinion réalisée par l'IFOP et consacrée au « regard des Français sur l'aménagement du territoire ».
Madame le ministre, cette enquête, que vous avez citée, et qui n'évoque pas seulement la perception des départements par les Français, nous semble en effet confirmer les évolutions constatées par la commission spéciale lors du débat en première lecture en ce qui concerne les aspirations de nos compatriotes, s'agissant de leur habitat et de leurs conditions de vie. Elle nous paraît s'opposer à la philosophie du « tout métropole », ou de la fatalité de la métropole, et du « tout urbain » qui caractérise, à de nombreux égards, le projet de loi d'orientation tel qu'il a été conçu par ses inspirateurs initiaux.
Ainsi, 44 % des personnes interrogées indiquent qu'elles préféreraient vivre dans une petite commune rurale, contre 9 % dans une grande ville de province et 4 % à Paris même ; 43 % d'entre elles précisent qu'elles préféreraient vivre « à la campagne », contre 14 % « en ville ».
De plus, 48 % des personnes interrogées considèrent qu'il sera plus moderne de vivre à la campagne dans dix ans, contre 25 % qui estiment la même chose pour le « cadre périurbain » et 23 % pour la ville. Cela nous renvoie aux expériences américaines et britanniques menées sur ce sujet.
Une proportion équivalente de sondés, 24 %, considère que l'équilibre entre la ville et la campagne et la protection de l'environnement sont, l'un comme l'autre, deux enjeux prioritaires de la politique d'aménagement du territoire.
Enfin, si 40 % des personnes interrogées jugent que la politique d'aménagement du territoire doit aider en priorité les zones urbaines en difficulté - personnellement, je m'en réjouis - 33 % estiment, pour leur part, que les zones rurales doivent faire également l'objet d'actions prioritaires.
Les résultats complets du sondage figurent en annexe du rapport écrit.
Sur un sujet qui m'a quelque peu passionné, le « périurbain », je voudrais enfin évoquer le rapport du professeur Jean Dorst publié à la fin du mois dernier, et qui ne manquera pas de vous inspirer, madame le ministre.
Voici ce qu'écrit le professeur Dorst à propos du massif de Fontainebleau : « Pour de tels territoires périurbains, aux équilibres fragiles et au patrimoine naturel et culturel élevé, il apparaît donc nécessaire d'adopter une solution spécifique et, pourquoi pas, d'innover en matière de protection de la nature. »
Quelques lignes plus bas, le professeur Dorst ajoute : « L'adoption d'une structure nouvelle de protection des espaces naturels périurbains comblerait une lacune du droit français de l'environnement. »
Cette lacune, madame le ministre, nous avons proposé de la combler au cours de nos débats, mais vous n'avez point retenu notre proposition, pas plus que l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle présente, la commission spéciale proposera au Sénat d'adopter, en nouvelle lecture, le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mes sentiments sont, à ce jour, un peu mêlés avec, d'une part, un petit bonheur, celui de revoir le Sénat parler d'aménagement du territoire et, d'autre part, une grande déception devant un texte qui nous vient de l'Assemblée nationale dans un état de grand appauvrissement.
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Jean-Pierre Raffarin. Si, et nous allons en parler dans le détail.
M. René-Pierre Signé. C'est votre opinion !
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est une opinion très partagée, notamment en ce qui concerne le développement économique.
M. Bernard Piras. Partagée, oui, par la majorité sénatoriale !
M. Jean-Pierre Raffarin. J'en ai même trouvé tout à l'heure, dans les propos de Mme la ministre, quelque confirmation.
M. René-Pierre Signé. On sait ce que vous avez fait, vous !
M. Jean-Pierre Raffarin. Que nous a-t-elle dit, en effet, mes chers collègues, sinon que, pour les PME-PMI, « on a fait en sorte que, précisément, le développement économique soit une fonction centrale de l'aménagement du territoire » ? Or, aujourd'hui, nous voyons que, globalement, l'Assemblée nationale refuse que l'on fasse de la recherche de la fertilité économique la première des ambitions de l'aménagement du territoire !
De même, Mme la ministre nous a dit tout à l'heure qu'elle n'avait pas accepté nos amendements sur le « chef-de-filat » parce que les compétences économiques de la région seraient mises en cause. Et que fait M. Zuccarelli ? Dans un texte qui nous est annoncé comme un projet de loi miracle, M. Zuccarelli décide ni plus ni moins la banalisation totale et complète de toutes les aides économiques pour jeter la confusion et faire en sorte, en réalité, que les collectivités territoriales aient de plus en plus de difficultés à intervenir dans la bataille pour l'emploi, qui est pourtant la première demande de nos électeurs, la première demande des citoyens que nous représentons !
Vraiment, il y a là un virage raté, un rendez-vous manqué.
Je pense, moi, qu'il était utile de faire en sorte que l'aménagement du territoire intègre le développement économique comme une de ses fonctions majeures. Hélas, le texte sera reporté jusqu'après la signature des contrats de plan, jusqu'après la réforme des fonds structurels, c'est-à-dire lorsque toutes les règles seront posées pour la période 2000-2006. C'est alors, et alors seulement, que l'on verra comment, en 2007, de nouveaux textes pourront donner de nouveaux moyens aux collectivités territoriales pour qu'elles se battent contre le chômage ! (Exclamations sur les travées socialistes.)
Tout cela est profondément dommage.
Madame la ministre, je lisais ce matin dans Les Echos les reproches que vous formulez à l'encontre de nos propositions - je pense ici aux incubateurs et à tout ce qui vise à permettre la lutte contre les mouvements financiers, à empêcher les flux financiers de quitter les territoires ruraux. Et vous expliquez que, si vous avez refusé ces propositions, c'est parce qu'elles sont trop libérales. Mais avez-vous bien examiné notre texte ? Notre dispositif n'a d'autre but, précisément, que de permettre des interventions économiques destinées à empêcher les flux financiers mondiaux, apatrides, de quitter nos territoires ruraux, de s'investir toujours dans les plus grandes agglomérations et d'aller toujours accroître des richesses anonymes au détriment de notre développement local.
Madame la ministre, il n'y a pas de propositions plus interventionnistes - dans le bon sens du terme - que les nôtres ! Je vous assure qu'à leur lecture, Alain Madelin m'a pris pour un dangereux gauchiste (Sourires) parce que je prône une organisation territoriale...
M. René-Pierre Signé. Tu parles !
M. Jean-Pierre Raffarin. ... permettant d'attirer localement les flux financiers afin d'aider les petites et moyennes entreprises et de participer ainsi au développement local.
Voilà la réalité. Nous n'avons fait que demander des moyens publics...
M. René-Pierre Signé. Oui !
M. Jean-Pierre Raffarin. ... pour organiser les flux privés et les mettre au service de l'emploi, notamment au sein de nos territoires ruraux.
C'est pour cela que notre texte était affaire de volontarisme politique.
Comment, en effet, considérer que l'aménagement du territoire puisse aujourd'hui relever d'autre chose que du volontarisme ?
Recevant des élus locaux, M. Zuccarelli disait récemment qu'au fond il ne voulait surtout pas que l'on puisse imposer aux collectivités territoriales une rationalisation des aides et, partant, leur interdire, aux unes ou aux autres, de conduire telle ou telle action.
Mais qu'est-ce que l'aménagement du territoire, si ce n'est justement organiser les actions de telle sorte que l'on puisse faire plus en faveur des territoires qui en ont le plus besoin en se gardant du laisser-faire, qui, lui, « déménage » le territoire ?
Madame la ministre, s'il est une politique fondamentalement volontariste, c'est bien la politique de l'aménagement du territoire. Et c'est en ce sens qu'il faut continuer le combat, qui est celui de tous les militants de l'aménagement du territoire, celui de la volonté, pour que les citoyens trouvent dans leur cadre de vie les équilibres auxquels ils sont aujourd'hui suspendus.
Nous sommes très attachés à ce que les réflexions sur ces sujets se poursuivent, raison pour laquelle le débat est loin d'être achevé.
Sans revenir sur toutes les propositions que nous avions formulées, je voudrais simplement choisir trois réflexions pour les débats futurs. Certes, l'Assemblée nationale a, en quelque sorte, claqué la porte et nous connaissons les règles qui prévalent dans nos institutions. Cependant, que l'Assemblée nationale se soit exprimée ne nous empêche pas de regarder au-delà de ce texte, vers l'avenir, pour tirer des leçons constructives.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Raffarin. Permettez-moi tout d'abord d'insister, madame la ministre, sur notre attachement aux structures à dimension humaine. Je suis assez frappé de voir combien, à cet égard, les années quatre-vingt nous ont menti. Que n'avons-nous entendu ! On serait mieux soigné dans les très grands hôpitaux... les très grandes entreprises feraient l'emploi... les très grandes villes seraient plus humaines... l'avenir serait aux grandes structures et le commerce des grandes surfaces serait le plus humain... Hélas, très souvent, le gigantisme et la concentration - ce que nous ont promis les années quatre-vingt - nous conduisent dans des impasses.
J'ai la conviction profonde que, dans ce siècle nouveau qui s'annonce, les structures de l'avenir seront celles qui auront à taille humaine, celles qui respecteront l'individu et dans lesquelles chacun trouvera ses repères.
Faisons en sorte que l'aménagement du territoire, sous toutes ses formes, ne fasse pas le choix du gigantisme. Je suis favorable à la politique contractuelle ; je suis favorable à une solidarité intercommunale ; je suis favorable aux contrats de pays comme aux contrats d'agglomération ; mais faisons en sorte que ce soit toujours un choix de réseau plutôt qu'un choix de structures géantes. Faisons en sorte que, à l'intérieur de la grande dimension, l'humain soit respecté et finissons-en avec tout ce qui, aujourd'hui, favorise le gigantisme et la concentration, avec tout ce qui blesse les territoires ruraux.
Dans ce siècle qui s'annonce, s'il doit y avoir un espoir, c'est bien dans les nouvelles technologies, elles qui devraient nous permettre d'exister sur tous les plans, du local au mondial, d'être à la fois proches et branchés sur l'ensemble des données internationales du monde moderne. Ces nouvelles technologies devraient sauver la dimension humaine, devraient donner à nos villes moyennes et à ceux de nos territoires qui n'ont pas la super-puissance cette double capacité d'agir au plus proche et de voir loin. Tel est, je crois, le grand défi de l'aménagement du territoire. Si, à chaque fois que nous avons des problèmes, nous répondons par le gigantisme, par le toujours plus grand, en fait, nous reportons les problèmes à demain et nous ne réglons pas ceux d'aujourd'hui.
Il me paraît très important que, notamment s'agissant du contrat, que vous préconisez ici, jamais il ne puisse fonder une superstructure autoritaire susceptible de blesser l'idendité des territoires qui, précisément, contractualisent. Au contraire, faisons en sorte que, grâce au contrat, les structures à dimension humaine puissent conquérir des libertés nouvelles et non se voir imposer des contraintes supplémentaires.
Deuxième réflexion, madame la ministre, il nous faut innover pour la démocratie locale. Des débats s'étaient engagés entre nous quant aux rôles respectifs des élus et des associations. On a vu qu'il fallait ouvrir la concertation. On a vu qu'il fallait veiller à ce que les citoyens participent quotidiennement au débat sur l'aménagement du territoire et la démocratie locale.
Mais on voit bien aussi aujourd'hui qu'il nous faut inventer une nouvelle gouvernance, que les dispositifs locaux, inadaptés, ne permettent ni partenariat ni ouverture à la société civile, et ne donnent pas au citoyen sa place dans la concertation.
L'association est essentielle, mais elle ne peut pas être confondue avec la collectivité territoriale. Le responsable associatif doit avoir toute sa place dans la participation locale, mais il importe que ses missions soient mieux définies. Il nous faut réfléchir à des chartes partenariales qui précisent les droits et devoirs des associations.
Oui, il nous faut répondre à cette exigence d'une nouvelle gouvernance. A défaut, ce sera la confusion des genres et l'on ne saura plus qui décide, qui propose, qui est responsable, qui assume.
Dans cette démocratie du contrat, dans cette démocratie du projet, dans cette démocratie du schéma, tous doivent participer, mais à la condition que les responsabilités soient clairement définies. Car toute nouvelle confusion sera source de paralysie.
Le CNADT peut représenter un progrès. Encore faut-il que ses règles de fonctionnement soient claires, encore faut-il que les conditions de travail en son sein et les conditions du débat soient bien établies et que le débat y soit public, afin que nous puissions être informés, les uns et les autres, du fonctionnement de cette structure. Sinon, ce ne sera qu'une officine de plus où, de nouveau, on fera circuler des cartes, mais de manière clandestine, ce qui ne permettra pas aux élus responsables de disposer de l'information nécessaire.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Des cartes secrètes !
M. Jean-Pierre Raffarin. Respecter les structures à taille humaine, innover pour la démocratie locale et, enfin, madame la ministre, choisir le Parlement pour arbitre : nous allons vers cette société du contrat dans laquelle l'Etat est un véritable partenaire. Cet Etat partie au contrat devra donc engager des négociations et conclure des partenariats. On peut s'attendre à ce que, régulièrement, des conflits surgissent et des tensions apparaissent. Mais où se feront les arbitrages ? Où se trouvera le point d'équilibre ?
Je m'interroge avec d'autant plus d'aisance que c'est le précédent gouvernement qui a décidé de proroger la durée des contrats d'une année : peut-on jouer sur les échéances sans l'avis du Parlement ? Non, et c'est la raison pour laquelle j'estime indispensable de donner au Parlement une position d'arbitre afin qu'il soit le lieu d'appel et que les contrats puissent être respectés. Quand le contrat précédent n'est exécuté qu'à 60 %, comme aujourd'hui, quel est le sens du contrat ? Soixante pour cent, au demeurant, c'est, dans bien des régions, le taux des crédits de paiement pour les infrastructures routières. Les élus auront beau annoncer, ici, un milliard de francs, là-bas, deux milliards de francs, ailleurs, trois milliards de francs, les citoyens sauront bien que ces chiffres ne recouvrent aucune réalité, qu'il ne s'agit que de communication virtuelle, puisque les crédits de paiement sont de l'ordre de 60 %.
Il nous faut des lieux pour débattre de tout cela ; il nous faut redonner au Parlement une position d'appel qui lui permettra d'être, entre les différentes parties prenantes, un lieu d'équilibre et une instance de transparence. Car, en cette affaire, madame la ministre, la transparence est particulièrement importante ! Récemment, dans une très belle région, vous avez animé une journée de travail qui fut très appréciée. A cette occasion, vous avez annoncé que la carte de la prime d'aménagement du territoire, la PAT, serait rendue publique prochainement. Puis, nous avons lu, ici ou là, que M. le Premier ministre ne vous aurait pas autorisée à rendre ce document public, et ce alors même que ledit document était, semble-t-il, transmis aux autorités de Bruxelles.
Comment peut-on penser, alors que nous qui représentons des territoires, nous qui mobilisons des moyens sommes aujourd'hui réunis pour débattre, au sein de la Haute Assemblée, de l'aménagement du territoire, comment peut-on penser qu'une carte clandestinement débattue au CNADT s'en aille tout aussi clandestinement à Bruxelles pour revenir, toujours clandestinement, s'appliquer ensuite sur nos propres territoires ?
M. Serge Vinçon. Absolument !
M. Jean-Pierre Raffarin. Madame la ministre, il nous faut de la transparence. Mais je reste optimiste, parce que je sais que, sur ce plan-là, au moins vous êtes convaincue ! (Mme la ministre opine en souriant. - Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, face aux difficultés d'application de la loi du 4 février 1995, le Gouvernement a mis en chantier tout un ensemble de réformes concernant l'aménagement du territoire, l'intercommunalité et l'organisation des services publics.
Le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire ne faisait pas table rase du passé. Il maintenait ou améliorait de nombreuses dispositions existantes, par exemple les zonages, les mesures en faveur des zones rurales, les fonds d'intervention, la notion de pays... et j'en oublie. L'Assemblée nationale suivait cette voie, enrichissait le texte du Gouvernement, en particulier en ce qui concerne les pays.
La majorité sénatoriale avait affirmé sa volonté d'ouverture. Hélas ! les textes qu'elle proposait n'étaient pas en phase avec cette intention. Sans doute profondément persuadée de la qualité de ses choix de 1995, elle y revenait sans cesse instinctivement et rejetait les aspects les plus novateurs issus du Gouvernement ou de l'Assemblée nationale.
Je prendrai quelques exemples.
L'article sur les pays était totalement récrit ; y étaient supprimées toutes les propositions qui permettaient de prendre en compte la diversité des situations locales et qui nous semblaient pourtant si proches de ces dimensions humaines, si proches des innovations que vient de défendre notre collègue Jean-Pierre Raffarin, avec un talent certain. Plus de GIP, plus de convention pour régler les situations de chevauchement territorial, plus d'évolution possible entre périmètre d'étude et périmètre définitif, plus de conseil de développement, pourtant pièce essentielle de la création et de l'animation du projet de pays.
Les schémas de services collectifs cèdent la place à des schémas directeurs d'équipements et de services : on en revient, revenant à la logique équipementière de la loi de 1995. Mieux : la majorité sénatoriale rétablit les cinq schémas unimodaux des transports, tout en affirmant, bien sûr, sa volonté d'intermodalité.
Enfin, si la majorité sénatoriale réaffirme son désir de maintenir le service public sur l'ensemble du territoire, elle supprime les références aux maisons des services publics, elle renvoie à une loi ultérieure la définition du service universel postal, elle permet aux collectivités territoriales la construction de réseaux de télécommunications sans garde-fou suffisant en termes de péréquation tarifaire, elle entame le monopole de la SNCF pour l'exploitation des infrastructures ferroviaires.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Ça marche tellement bien !
M. Jacques Bellanger. D'une manière générale, la majorité sénatoriale s'est surtout positionnée en termes d'opposition ou d'exclusion, sans explorer suffisamment les voies du maillage du territoire, de l'intégragion et de la complémentarité. Nous avons vu, au cours des débats, deux logiques s'affronter de plus en plus clairement, parfois aussi de plus en plus durement, sans pouvoir - ou vouloir ? - trouver de passerelle de convergence. Le rapport de la commission spéciale est bien caractéristique de cette position, et nous ne pouvons bien sûr partager son analyse sur le recours à la procédure d'urgence, sur le déroulement caricatural de la commission mixte paritaire ou sur l'invocation, un peu trop simple, de « droits d'auteur » du Gouvernement comme explication de l'existence de divergences réelles en matière d'interventions économiques des collectivités locales.
Dans ces conditions, les chances d'aboutir de la commission mixte paritaire n'étaient pas très grandes. On peut bien sûr épiloguer sur les attitudes des uns ou des autres. Nous pensons, pour notre part, que la majorité sénatoriale n'a pas tiré les conséquences des difficultés de mise en oeuvre de la loi de 1995 et qu'elle n'entendait nullement accepter les nouvelles orientations du Gouvernement.
L'Assemblée nationale a donc rétabli son texte. Elle a cependant tenu compte du travail de notre assemblée. « A plusieurs reprises, en particulier en consacrant dans la loi ces institutions si utiles que sont les comités d'expansion et les agences de développement économiques, le Sénat a également enrichi le texte sans en modifier l'esprit. » Je cite ici le député Philippe Duron, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale.
D'autres apports furent des avancées intéressantes au cours de nos débats.
Je pense, d'abord, aux différentes propositions relatives au périurbain, dues à l'initiative de notre rapporteur, Gérard Larcher. Nous avons approuvé certaines de ces dispositions, notamment la durée obligatoire de sept ans pour le POS ; mais nous sommes en désaccord avec d'autres mesures qu'il proposait.
Je pense, ensuite, à l'amendement de notre collègue Hubert Haenel relatif à la poursuite de la régionalisation en matière de transports ferroviaires.
Je pense, enfin, aux projets de notre collègue Jean-Pierre Raffarin - celui-ci les a rappelés voilà quelques instants - en matière de créations d'entreprise, même si nous étions plus que réservés sur un certain nombre de dispositions fiscales proposées et si nous ne nous attendions pas à ce que des solutions, avec lesquelles nous sommes en désaccord, concernant la transmission des entreprises ou l'abaissement des droits de mutation soient, à cette occasion, soumises au législateur.
Le Sénat va donc rétablir son texte et, selon toute vraisemblance, l'Assemblée nationale reprendra le sien. Aussi déposerons-nous peu d'amendements, mais je souhaite formuler une remarque et attirer votre attention sur trois points.
Ma remarque est la suivante : M. le rapporteur nous propose de rétablir dans l'ensemble le texte voté par le Sénat en première lecture, et il procède par grands blocs ; nous serons donc amenés à nous prononcer sur des ensembles de dispositions dont nous approuvons une partie et désapprouvons l'autre, ce qui ne facilitera pas l'expression de notre opinion. Ce n'est pas une critique et c'est d'ailleurs souvent le cas en nouvelle lecture, mais encore faut-il le dire.
J'en viens aux trois points sur lesquels je souhaite attirer votre attention.
Premier point, l'Assemblée nationale a introduit à plusieurs reprises une notion de délai. Nous comprenons son souci. Elle a indiqué que les délégations parlementaires devaient statuer sous un mois lorsque le Gouvernement les saisissait. Ce délai nous paraît trop court au vu de l'importance des textes à examiner. Nous proposons qu'il soit porté à trois mois. L'allongement du délai nous semble d'autant plus nécessaire que les schémas de services collectifs sont mis en oeuvre par un seul décret, mesure que nous approuvons par ailleurs.
Deuxième point, l'Assemblée nationale a réintroduit les conseils de développement auprès des pays et des agglomérations, et nous avons déjà dit notre attachement à cette proposition et à cette méthode. Mais les dispositifs ne sont pas similaires. Par exemple, les modalités de création de ces conseils sont plus contraignantes pour les agglomérations et ils ne sont que consultés, alors qu'ils sont associés pour les pays. Nous souhaitons que les conseils de développement des agglomérations soient alignés sur ceux des pays, tout en comprenant des représentants des comités de quartier pour prendre en compte la spécificité urbaine.
Troisième point, enfin, nous reprenons à l'article 22 un amendement approuvé à l'unanimité par le Sénat. Il s'agit d'appréhender d'une manière globale l'aménagement et le développement durable du territoire en organisant la présence de l'ensemble des services publics, qu'ils relèvent d'une administration ou d'une entreprise publique, à une échelle pertinente, sur un territoire pertinent. Nous proposons donc de permettre le recours au dispositif de concertation avec étude d'impact dès lors qu'il est envisagé de supprimer plus d'un service public sur le territoire d'une même commune ou de plusieurs services publics dans plusieurs communes d'un groupement, ou dès que la suppression d'un service public est envisagée simultanément dans au moins deux communes limitrophes. Soucieux d'efficacité, nous encadrons cette proposition qui ne s'applique plus que dans les zones urbaines sensibles et dans les zones de revitalisation rurale. Elle n'a donc pas pour objet de figer la réorganisation nécessaire des services publics. Nous la concevons comme un dispositif d'alerte pour obliger les différentes administrations, les services de l'Etat et les entreprises publiques à veiller à la cohérence de leurs décisions.
Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les quelques observations que nous souhaitions formuler dans cette discussion générale. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à ce stade de la procédure parlementaire, l'heure n'est plus à la répétition des principes que notre groupe a énoncés en première lecture ni à réitérer des regrets quant à la trop brève longévité de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Je me bornerai à rappeler trois principes qui nous tiennent à coeur au moment où nous abordons l'ultime lecture du présent projet de loi.
Premier principe : il n'est pas inutile d'insister sur le fait qu'un texte sur l'aménagement du territoire, qu'une politique d'aménagement du territoire doit être fondée sur l'équilibre entre le développement et l'environnement. La tentation a été grande, dans le passé, de vouloir privilégier tantôt l'un, tantôt l'autre, au détriment de l'un ou de l'autre. Or, et je cite le rapporteur M. Gérard Larcher, « Il n'est pas d'aménagement véritable du territoire sans développement économique et créations d'emploi », et j'ajouterai : sans que ce développement prenne en considération les données de l'environnement et à condition que les données de l'environnement ne fassent pas abstraction du développement.
Le deuxième principe important, c'est l'insertion de notre territoire national dans l'espace européen, qui est plus que jamais un élément fondamental conditionnant toute politique nationale d'aménagement du territoire, et ce sous trois angles.
Tout d'abord, il faut une politique d'aménagement du territoire claire pour que l'utilisation des fonds structurels européens soit la plus efficace possible. Plus les fonds structurels seront rares, plus nous devrons veiller à ce que la rigueur conditionne le zonage et l'utilisation de ces fonds structurels. C'est un élément premier qui détermine le succès d'une politique d'aménagement du territoire dans une vision européenne.
Ensuite, cette insertion dans l'espace européen dépend, pour une large part, d'une politique d'équipement renforçant les liens entre notre territoire national et l'espace européen environnant, une politique qui évite la marginalisation de notre territoire, non seulement de notre façade Est, mais aussi le l'arc atlantique et de la façade méditerranéenne qui doivent se sentir insérés dans le développement de notre territoire au sein de l'espace européen. C'est un élément important que le Sénat prend en compte en recommandant des schémas directeurs spécifiques : routiers, fluviaux, ferroviaires et aéroportuaires. N'oublions jamais les liaisons fluviales sur le plan de l'insertion de notre territoire national.
Enfin, cette insertion dans l'espace européen est liée à la coopération transfrontalière, que nous avions évoquée en 1994 ici même et à l'Assemblée nationale lors du débat de la loi de février 1995. Cette coopération transfrontalière avait fait l'objet, à l'époque, de débats désuets sur une prétendue atteinte à la souveraineté nationale. Or la coopéation transfrontalière est un bon espace expérimental de coopération, un bon espace préparant une politique d'aménagement du territoire plus vaste. Je souhaite donc qu'elle soit effectivement reconnue, confirmée et renforcée.
C'est à ces conditions, madame la ministre, que le schéma de développement de l'espace communautaire pourra, demain, au-delà de contours théoriques, devenir une réalité, avec un contenu de plus en plus concret et pratique.
Enfin, ma dernière observation concerne la notion de pays, qui a fait l'objet de débats approfondis lors de la première lecture de ce texte et lors de l'examen du projet de loi relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.
La nécessité de préserver, avec l'émergence de la notion de pays, la liberté des collectivités locales, nécessité évoquée par M. le rapporteur, va dans la bonne direction. En effet, il faut absolument éviter, dans l'intérêt même des pays, toute ambiguïté entre l'esprit du présent projet et celui du projet de loi relatif à l'intercommunalité, et donc toute interférence entre le pays et les différents niveaux de collectivités territoriales. En outre, il faut veiller à ce que le pays ne devienne pas une occasion, comme il s'en présente parfois, d'opposer zones rurales et zones urbaines. A cet égard, je me félicite de la rédaction suivante adoptée en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale : « Le pays doit respecter le périmètre des établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre. » Je me réjouis également de la conclusion de conventions précisant très clairement la répartition des compétences entre le pays et les différents niveaux de collectivités territoriales. C'est une avancée incontestable dans la bonne direction, ce dont je me félicite.
Madame la ministre, mes chers collègues, un texte législatif est une chose ; son application et l'esprit de cette dernière en sont une autre. C'est donc avec vigilance et attention que le groupe de l'Union centriste suivra, étape après étape, l'application de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, dans l'esprit des observations que je viens de formuler. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, on doit certainement aux mouvements écologistes la prise de conscience que la préservation de la nature constitue un dossier majeur pour tout gouvernement. Personne, aujourd'hui, ne remet en cause cette notion d'harmonie et d'équilibre entre l'homme et son environnement. Chacun s'accorde à dire que nous sommes les gardiens transitoires d'un patrimoine qu'il faut transmettre intact, ou en meilleur état, aux générations futures.
Relevons aussi, de manière indissociable, les notions de liberté et de responsabilité auxquelles nous sommes tous très attachés. Et je m'étonne que la prise de conscience conjointe de l'importance de la préservation de la nature et de la responsabilité de chacun soit gâchée par les attitudes fondamentalistes de certains. Il me vient spontanément à l'esprit celle qui se manifeste à l'égard de la chasse, attitude qui souligne un manque de considération pour nos concitoyens chasseurs.
En matière d'aménagement du territoire, je suis de ceux qui se réjouissent de voir la notion de « développement durable » enrichir la réflexion. Ce développement qui, d'après vos propres termes, madame la ministre, intègre « le progrès social, la protection de l'environnement et l'efficacité économique » vient renforcer la responsabilité des élus à l'égard des générations futures.
Alors, je m'étonne que, après une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, nous nous trouvions à nouveau devant un paradoxe de taille : la ministre de l'environnement et la ministre de l'aménagement du territoire sont-elles bien d'accord ? Vous qui, par conviction, « par nature » si j'ose dire, madame la ministre, devriez être plus proche d'un monde rural qui a su, en grande majorité, préserver son environnement, quel avenir lui réservez-vous par rapport à l'ensemble du territoire ?
Ce texte devrait vous donner l'occasion de créer un territoire plus équilibré et d'utiliser tous les atouts engendrés par l'évolution des techniques ; mais vous semblez avoir délibérément laissé s'accentuer le déséquilibre actuel en ayant proclamé « la fin d'une politique ruralo-ruraliste ».
Vos choix sont contraires à trois principes : l'égalité des chances, la bonne gestion des deniers publics et les aspirations des Français.
Premièrement, on pourrait imaginer que l'égalité des chances claironnée à tout moment par le gouvernement auquel vous appartenez - et c'est un objectif préalable auquel j'adhère - devrait s'intégrer dans un aménagement du territoire ayant pour fonction essentielle de permettre un développement harmonieux de notre pays, dans le temps comme dans l'espace. Il s'agit bien de rééquilibrer, car nous savons que les chances ne sont pas les mêmes selon l'endroit où l'on habite. La fermeture de certaines classes et la menace sur les bureaux de poste en zones rurales en sont, hélas ! des exemples concrets.
Deuxièmement, vous-même, madame la ministre, avez longtemps déploré le puits sans fond que constitue l'addition d'infrastructures routières et collectives dans les grandes villes. Alors, pourquoi ne pas développer et désenclaver à un coût moindre ? Après un premier périphérique, puis un deuxième et l'ébauche d'un troisième, en faudra-t-il un quatrième en Ile-de-France ? En ce qui concerne le métro, le coût moyen du kilomètre est évalué à 500 millions de francs ! Et l'on continue à investir, sans que la circulation des véhicules particuliers diminue notablement !
Vous le savez, le coût d'une politique d'aménagement qui consiste à urbaniser est sans commune mesure : le coût moyen d'un kilomètre d'autoroute est de 55 millions de francs, et il varie de 35 millions en rase campagne à infiniment plus en sites urbains. Par comparaison, un kilomètre de route nationale à deux fois deux voies coûte, études, terrain et travaux compris, 22 millions de francs, et les réalisations programmées sont souvent retardées. Pour ma part, je l'expérimente, hélas ! avec la RN 124 reliant Toulouse à Auch ! Vous pourriez aménager le territoire et, chose rare, à un coût moindre si vous optiez pour un rééquilibrage. Mais vous ne cherchez pas à gommer le déséquilibre existant entre la ruralité et la ville.
Troisièmement, vos choix en matière d'aménagement du territoire sont contraires aux aspirations des Français, ce qui est regrettable pour un projet de loi d'orientation couvrant les vingt prochaines années. Il y a deux attitudes en politique : soit on écoute, afin de tenir compte des attentes de ceux qui nous ont élus, soit on prend des décisions de manière isolée et dogmatique, au nom d'un intérêt qui n'a de général que le nom.
Je reprendrai les chiffres cités par M. Gérard Larcher : alors que 70 % des Français projettent de vivre, dans dix ans, dans une petite commune rurale ou dans une ville moyenne de province, vous ne prévoyez pas les infrastructures nécessaires. Alors que plus de 60 % des Français préféreraient vivre dans le Sud et qu'un tiers des Français souhaitent changer de lieu de vie dans dix ans, vous vous fondez sur la situation présente.
En conséquence, au lieu de participer au rééquilibrage du territoire, votre politique va inciter les habitants des zones rurales à poursuivre leur exode. Or, la ville a souvent déçu pour avoir trop fait rêver. Elle n'est plus le lieu où l'on trouve un emploi, et « monter à Paris » n'est plus un signe de réussite professionnelle et sociale.
Mais, s'il est urgent de réinventer une politique de la ville dans le cadre de l'aménagement du territoire, il est plus urgent encore d'inventer une politique de la ruralité.
Il ne s'agit pas de monter « les Français des villes » contre « les Français des champs ». Nous savons tous, en effet, que ce clivage ville-campagne est de moins en moins pertinent et qu'il s'agit davantage de faire « vivre ensemble » la ville et la campagne. Le quart des Français définissent d'ailleurs la politique d'aménagement du territoire avant tout comme l'équilibre entre la ville et la campagne, ce que vous semblez négliger. Il s'agit seulement de veiller, avec une extrême attention, à ce que vous n'élargissiez pas la fracture territoriale de la France.
Cette fracture ne pourra se résorber sans promouvoir le développement économique des zones fragiles. A cet égard, madame la ministre, je m'inquiète que votre projet de loi renonce à sauver certaines zones en difficulté, notamment par une incitation économique. Pourquoi refuser d'intégrer de manière significative dans ce projet de loi d'orientation le développement économique des territoires, comme l'avait proposé la commission spéciale du Sénat en première lecture ?
Oui, il est utile d'alléger les droits sur les transmissions anticipées d'entreprises en milieu rural et urbain sensible, pour y maintenir l'activité ; oui, il est utile de proroger les exonérations fiscales, c'est-à-dire des exonérations d'impôt sur les bénéfices, pour les entreprises qui s'implantent dans les zones rurales et urbaines fragiles.
Comment peut-on aujourd'hui, à l'heure de l'euro et de la mondialisation, refuser cette dimension économique essentielle ? Comment le Gouvernement peut-il déclarer que la lutte contre le chômage est son premier objectif et, par ailleurs, refuser toute décision économique dans ce texte ? Décidément, les contradictions ou les paradoxes ne vous effraient pas ! Il est pourtant possible de créer des pôles d'excellence dans nos régions rurales, comme le montre l'exemplaire mecanic valley, qui va de Tulle à Figeac.
En matière de développement économique, j'aimerais également vous faire part de ma perplexité quant au rôle que vous accordez à la DATAR. J'attire en particulier votre attention sur la prime d'aménagement du territoire, la PAT, versée aux entreprises.
Pourquoi vouloir exclure du bénéfice de la PAT les territoires déjà désertifiés ? La vocation d'origine de cette prime n'est-elle pas d'orienter les entreprises vers les zones fragiles ? Que devient votre volontarisme lorsqu'il s'agit des zones rurales ?
La réforme de la PAT intervient à la demande de la Commission européenne, mais il vous appartenait d'associer les élus locaux au projet de carte des nouvelles zones PAT sans que ceux-ci l'apprennent, comme aujourd'hui, par la presse ! Il vous appartient également de défendre la baisse des seuils à partir desquels la PAT pourra être octroyée : le seuil de création d'au moins quinze emplois et d'un investissement d'au moins 15 millions de francs, que vous envisagez de défendre, est encore beaucoup trop élevé pour les zones en difficulté. Il exclut tous ceux, en particulier les jeunes, qui, enthousiastes et ambitieux, voudraient créer une entreprise mais ne disposent pas de moyens financiers importants.
Il vous est également demandé de veiller aux seuils pour les activités prochainement éligibles à la PAT, comme les centres d'appels, activités pouvant typiquement s'implanter sur l'ensemble du territoire national. La réforme envisagée pour la période 2000-2006 prévoit que seuls les centres de plus de 250 personnes seraient concernés ! Vous semblez ne pas savoir - ou vous ne voulez pas savoir ! - que l'essentiel des emplois créés dans les pays de l'OCDE le sont dans de petites ou très petites entités. C'est notamment le cas aux Etats-Unis, qui ont créé 32 millions d'emplois en vingt ans.
Madame la ministre, optez pour un aménagement du territoire à échelle humaine, où les femmes et les hommes aient envie de vivre. La ruralité connaît des difficultés dues, entre autres, à l'absence d'infrastructures et aussi, même si cela ne dépend pas de votre ministère, à une fiscalité inadaptée, datant d'une époque à laquelle l'agriculture engendrait un revenu : nous nous battons au quotidien pour inciter les jeunes à retourner travailler, après leur formation, dans leur département d'origine, pour convaincre les jeunes, qui n'en ont plus toujours envie, à reprendre l'exploitation familiale. Alors, madame la ministre, oeuvrez pour « ne pas désespérer les zones rurales ».
Près de la moitié des Français considèrent que, dans dix ans, il sera plus moderne de vivre à la campagne en raison de l'évolution des techniques. Vous-même, en tant qu'écologiste et ministre de l'environnement, savez que la ruralité est synonyme de modernité et d'avenir. En tant que ministre de l'aménagement du territoire, mettez-le en application ! Le rural représente aujourd'hui 13 millions de Français, soit près du quart de la population, pour une surface de 70 % du pays. Alors, pourquoi ne pas mieux aider des zones qui possèdent déjà certaines infrastructures, comme les écoles et les postes, et qui attireront davantage nos concitoyens dans les années à venir, l'espace étant considéré comme une vraie richesse ? Pourquoi ne pas anticiper sur les besoins et répondre aux aspirations des Français ?
Vous avez souhaité placer ce projet de loi sous le signe de la solidarité, si je m'en réfère à l'allocution du Premier ministre lors du CIADT de décembre dernier. J'aurais aimé que cette solidarité s'exprime davantage entre les territoires et entre les deux chambres ! Mais la commission mixte paritaire a échoué, notamment en raison de l'absence de projet économique dans votre texte et l'Assemblée nationale, lors de sa nouvelle lecture, a, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, refusé de prendre en compte certaines modifications pertinentes apportées par le Sénat. C'est regrettable, et les raisons que vous avez invoquées sont mineures.
La Chambre Haute avait introduit utilement la notion de collectivité territoriale « chef de file » - le département ou la région, selon le cas - par une convention signée entre différentes collectivités pour l'exercice de compétences relatives à l'aménagement du territoire et au développement économique.
Je regrette sincèrement que les deux chambres aient bien du mal à touver un accord sur un texte qui devrait dresser le portrait de la France de 2020, un texte qui intéresse directement l'ensemble du territoire, l'ensemble des Français !
L'homme politique, si je m'en réfère à Platon, est comparable à un tisserand ; c'est celui qui, sans relâche, s'attache à faire vivre ensemble les contraires, à rapprocher les antagonismes. Je regrette que vous n'ayez pas oeuvré pour harmoniser les positions sur ce texte.
Madame la ministre, je l'affirme à nouveau, il fallait rechercher cet équilibre en soutenant davantage la ruralité, car c'est au coeur de la ruralité que les Français viendront retrouver l'authenticité et partager un nouveau mode de vie plus équilibré, pour vivre mieux au siècle prochain.
C'est pourquoi je suivrai à nouveau les propositions de la commission spéciale. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'échec de la commission mixte paritaire nous donne l'occasion d'examiner en nouvelle lecture le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.
Pour l'essentiel, ce texte a été rétabli dans ses principales dispositions par les députés, qui n'ont pu - et c'est heureux - retenir les propositons votées par le Sénat le 6 avril, tant il est vrai que les divergences de points de vue entre les uns et les autres étaient devenues inconciliables sur de nombreux points.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer à cette tribune, seuls deux aspects des modifications profondes apportées par notre Haute Assemblée ont trouvé crédit à nos yeux : je veux parler du rôle plus important reconnu au Parlement lors de l'élaboration des schémas de services collectifs, d'une part, et de la place réaffirmée de l'institution départementale dans la politique d'aménagement du territoire, d'autre part.
Je regrette que l'Assemblée nationale n'ait pas prêté une oreille plus attentive à ces marques de sagesse manifestées par le Sénat.
Pour autant, nous ne sommes pas dupes des intentions véritables qui dominent la majorité sénatoriale lorsqu'elle prétend tout à la fois préserver les droits du Parlement et, dans le même temps, ignorer, dans les instances régionales, la parole des représentants des milieux socio-économiques et associatifs.
De ce point de vue, nos positions réciproques sont très éloignées : vous défendez, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, une approche verticale et descendante de la politique d'aménagement du territoire, comme l'ont illustré en premier lecture vos schémas directeurs, donc directifs, en lieu et place des schémas de services collectifs initialement proposés.
Nous défendons, quant à nous, une démarche horizontale et ascendante, par laquelle les projets locaux élaborés en concertation directe avec l'ensemble des acteurs locaux trouvent une traduction concrète dans un cadre régional et national réaffirmé.
De même, mes chers collègues, vous m'autoriserez à avoir quelques doutes lorsque vous vous faites les défenseurs dévoués du département, alors que, par ailleurs, vous contribuez à l'affaiblir en préconisant l'approfondissement de l'Europe des régions, qui ignore tout à la fois les prérogatives de la nation mais aussi les particularités locales elles-mêmes.
Dans cette conception de l'aménagement du territoire défendue par la majorité sénatoriale au cours des débats en première lecture, j'entrevois peu de place pour la participation et l'expression des citoyens dans les choix qui les concernent au premier chef.
Ce projet de loi d'aménagement durable du territoire doit donner l'occasion à ceux qui contribuent au développement et à la cohésion de nos territoires de se saisir de moyens nouveaux pour réorienter les grands axes de notre politique d'aménagement en faveur de la satisfaction des besoins, de la rénovation et de la démocratisation des services publics et de la solidarité nationale.
A ces moyens démocratiques d'expression et de participation des populations à la prise de décision doivent répondre impérativement des moyens financiers importants, faute de quoi nous ne sortirons pas d'un travers de notre pratique politique qui consiste à faire miroiter des projets ambitieux sans se donner les moyens réels de les réaliser.
Les contrats de plan Etat-région, en cours de discussion, sont l'occasion de dégager de nouvelles possibilités, mais ils ne pourront suffire à assurer le développement durable de nos territoires, constamment menacés d'éclatement du fait de la délocalisation des entreprises et de la mobilité des capitaux.
A cet égard, madame la ministre, vous venez d'adresser à la Commission européenne, ce jour même, la nouvelle carte de répartition de la prime d'aménagement du territoire.
On constate un resserrement des objectifs autour des zones frappées par les reconversions industrielles au détriment des régions rurales. La Bretagne est la principale victime de cette redistribution. A l'heure où cette région - et en particulier le département des Côtes d'Armor - subit de plein fouet et de manière durable les effets de la crise avicole et porcine, peut-on juger que la situation de ces territoires est améliorée et suffisamment stabilisée sur la durée ? Je crains malheureusement le contraire.
Ce jeu des vases communicants imposé par la Commission de Bruxelles révèle, une fois de plus, l'impérieuse nécessité de faire valoir le principe de subsidiarité afin de redonner aux acteurs et aux décideurs locaux le choix et la liberté de définir les priorités en termes d'aménagement du territoire et de disposer démocratiquement de l'affectation des aides publiques.
C'est pourquoi, plus que jamais, nous devons nous appuyer sur des instruments mobilisant les crédits locaux en faveur de l'emploi, du développement local et des entreprises qui font l'effort de s'implanter dans le tissu économique régional.
A cet égard, notre groupe se félicite de l'introduction, à l'article 23 bis, de l'idée - que j'ai déjà eu l'occasion de défendre - de fonds régionaux pour l'emploi et le développement. De tels fonds permettraient une meilleure adéquation entre les capacités qui existent et les besoins à satisfaire, c'est-à-dire une logique complètement différente des mesures d'ordre fiscal et financier adoptées par le Sénat sur l'initiative de notre collègue M. Raffarin, qui consistaient à canaliser les richesses vers quelques pôles privilégiés où se concentrent les activités.
L'utilisation de ces fonds régionaux devra, enfin, s'appuyer sur des services publics dynamiques et omniprésents sur le territoire, car il n'y a pas d'implantation d'entreprises, qu'elles soient privées ou publiques, hors l'existence d'un réseau suffisamment dense et étendu de services de proximité.
Encore faut-il écarter tout ce qui peut contribuer à soumettre le service public à la logique marchande et spéculative.
Ainsi, la commission spéciale préconise l'ouverture au privé des maisons de services publics. Or, si l'on adoptait cette proposition, les maisons des services publics seraient le cheval de Troie d'un démantèlement et d'une déréglementation complets des services publics de proximité.
Cette préoccupation nous conduira, madame la ministre, à demander la suppression des articles 15 bis A et 15 bis. Il est en effet difficile d'accepter qu'à l'occasion de l'examen d'un projet de loi de cette nature soient introduites de façon pour le moins contestable des dispositions isolées, « hors sujet », mais qui bouleversent notre législation sur des points fondamentaux, tels que les télécommunications et le service postal.
S'agissant de la mise à disposition des réseaux de télécommunication par les collectivités locales aux opérateurs privés, bien que le texte ait été, il est vrai, révisé pour limiter la portée de cette mesure puisque cette possibilité n'est ouverte que lorsque France Télécom n'est pas en mesure d'assurer elle-même la fourniture des services demandés dans des conditions satisfaisantes, nous ne pouvons nous rallier à la stratégie consistant, dans le même mouvement, à retirer au secteur public les moyens de répondre aux besoins sur le territoire national et à le soumettre par ailleurs à une compétition destructrice, justifiée par ses prétendues insuffisances.
En ce qui concerne La Poste, il n'est pas de bonne méthode, je le répète, de retranscrire dans notre droit national tout ou partie d'une directive européenne sans l'englober dans une réflexion d'envergure sur l'avenir et les mission de La Poste.
Il est plus que regrettable que le débat parlementaire ait été galvaudé, une fois de plus, afin de satisfaire aux injonctions de plus en plus pressantes de la Commission européenne.
A l'exception des deux articles que je viens d'évoquer, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont tout lieu d'être satisfaits de l'évolution de la rédaction du texte.
Il a été amélioré, je pense, dans ses aspects positifs et novateurs ; il a, en revanche, été atténué dans ses aspects plus inquiétants sur lesquels nous avions fait part de nos réserves. Celles-ci ont été prises en compte ; en ce sens, le travail parlementaire a été bénéfique.
Pour l'heure, le groupe communiste républicain et citoyen s'opposera, comme lors de la première lecture, aux propositions de la commission spéciale qui, fidèles à la position qu'elle avait alors adoptée, dénaturent le texte et contribuent à reprendre les termes de la loi du 4 février 1995 dans des dimensions que nous ne partageons pas.
Il s'agira, enfin, de veiller à une bonne application de la présente loi dès le début de l'année prochaine ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, que nous sommes aujourd'hui amenés à examiner en nouvelle lecture, fait l'objet, c'est le moins que l'on puisse dire, d'un profond désaccord entre la majorité sénatoriale, d'un côté, et la majorité de l'Assemblée nationale et le Gouvernement, de l'autre.
En fait, le principal désaccord porte sur le fait que nos collègues de la majorité sénatoriale estiment que la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dite loi Pasqua-Hoeffel, serait, appliquée dans son ensemble, suffisante pour assurer un aménagement cohérent et efficace de notre territoire.
Or l'expérience nous a démontré que ce dispositif présentait des points difficilement applicables. En outre, je dois avouer que je comprends difficilement la logique de notre majorité sénatoriale, qui estime que la loi Pasqua est exhaustive mais qui, dans le même temps, ajoute quarante-deux articles aux vingt articles initiaux.
La première lecture du Sénat a conduit à un profond bouleversement du projet de loi tel qu'il avait été adopté par l'Assemblée nationale. Cette dernière, en deuxième lecture, a en grande partie rétabli son texte, sans pour autant rejeter les dispositions intéressantes d'origine sénatoriale, tel le schéma collectif des sports.
J'ai peur que cette opposition systématique entre les deux chambres ne soit fondée sur un postulat qui voudrait qu'une politique d'aménagement du territoire annoncée doive forcément s'établir au détriment soit du rural, soit de l'urbain. Or une telle politique doit justement conduire à ne pas privilégier l'un aux dépens de l'autre, mais au contraire à permettre le développement équilibré de l'un et de l'autre.
Madame la ministre, votre projet de loi n'a pour ambition que de modifier vingt des quatre-vingt-huit articles contenus dans la loi Pasqua. Il ne s'agit pas, en réalité, de faire table rase du passé, mais de modifier les aspects du texte de 1995 qui méritent un éclaircissement, un approfondissement ou une réorientation, et de tirer des conclusions de son application depuis cinq ans.
Il ne faut cependant pas perdre de vue que cette nouvelle loi d'aménagement doit être resituée dans son contexte, c'est-à-dire dans le cadre des autres dispositions qui, plus ou moins directement, interfèrent aussi sur notre aménagement du territoire, qu'il s'agisse de la loi d'orientation agricole, qui a de nouveau été évoquée la semaine dernière ici même, de la loi sur les relations entre les citoyens et l'administration, actuellement en examen à l'Assemblée nationale, de la loi sur l'intercommunalité, texte sur lequel une commission mixte paritaire doit prochainement se réunir, ou, enfin, de la loi sur l'intervention économique des collectivités locales. Nous ne pouvons d'ailleurs qu'encourager le Gouvernement à nous présenter rapidement le contenu de ce dernier texte comme il s'y était engagé.
Il me semble que trois points essentiels ressortent du dispositif qui nous est proposé. Il s'agit tout d'abord de la prise en compte d'une notion européenne de l'aménagement, puis de l'importance des schémas collectifs de services et, enfin, de la philosophie qui sous-tend ce projet.
S'agissant de la prise en compte de l'aspect européen, l'aménagement du territoire ne peut plus être appréhendé uniquement sur le plan hexagonal et il est important que sa dimension européenne soit également reconnue. D'ailleurs, même si ce n'est pas une compétence expresse de l'Union européenne, cette dernière a une influence indirecte en la matière par le biais de ses fonds d'intervention.
Il est ainsi nécessaire qu'une certaine cohérence apparaisse entre les actions nationales et les actions communautaires. Cela signifie, bien évidemment, non pas que l'Europe doit décider de notre aménagement, mais que celui-ci ne peut se faire sans une prise en compte commune de la politique hexagonale et communautaire. La mise en place d'une politique nationale démontrera aux instances européennes les orientations que nous souhaitons privilégier.
L'aménagement du territoire doit permettre la mise à disposition de la population, sur l'ensemble du territoire, des services nécessaires à la vie courante. Cette loi doit nous y conduire.
En ce qui concerne la mise en place des schémas de services collectifs, j'ai souligné précédemment que ce projet de loi était l'occasion de tirer des conclusions de l'application de la loi de 1995. L'instauration des schémas de services collectifs remplaçant le schéma national d'aménagement du territoire, prévu par le texte de 1995 mais qui s'est révélé impossible à mettre en oeuvre, en est un exemple.
La planification au travers de schémas de services collectifs est un élément positif. L'élaboration de schémas de services collectifs en matière d'enseignement supérieur et de recherche, en matière culturelle, en matière sanitaire, en matière d'information et de communication, en matière de transports de voyageurs et de transports de marchandises, en matière d'énergie, en matière d'espaces naturels et ruraux, en matière de sports, donnera une lisibilité certaine sur les choix stratégiques adoptés dans ces domaines par les pouvoirs publics.
L'aménagement cohérent de notre territoire exige, dans la mesure du possible, que toute personne puisse, où qu'elle se trouve dans l'Hexagone, suivre des études supérieures, se cultiver, se soigner, se déplacer, communiquer, s'approvisionner en énergie, bénéficier d'espaces naturels, faire du sport.
Bien évidemment, tous ces actes de la vie courante supposent qu'au préalable chacun puisse avoir un travail ! C'est pourquoi une politique de l'emploi volontariste et permettant une répartition équilibrée de l'offre d'emploi sur tout le territoire est aussi un élément indispensable de cet aménagement, lequel, comme vous pouvez le constater, exige la réunion de nombreux facteurs disparates.
Cette planification est fort importante pour un département rural comme le mien, dans la mesure où les décisions qui sont prises dans les domaines cités précédemment sont souvent difficilement comprises par les élus locaux. Les concertations préalables permettront aux élus concernés de s'exprimer, d'éviter les incompréhensions et de ne pas donner l'impression que les choix effectués l'ont été de manière arbitraire.
J'ajoute que nous attendons tous beaucoup de l'élaboration des plans pluriannuels d'évolution des services de l'administration. La concertation locale sur l'évolution de ces services permettra d'éviter, nous l'espérons, les traumatismes et les incompréhensions que peuvent engendrer au sein de la population et des élus les suppressions ou des fermetures de services. L'étude d'impact de ces décisions permettra à l'administration centrale de prendre conscience de l'importance des administrations locales.
Il est bien évident que, préalablement à l'instauration de ces schémas, une concertation doit être menée afin de faire émerger la volonté et les besoins de la population. Ainsi, les schémas adoptés devraient être l'expression de cette volonté et de ces besoins.
Pour permettre un aménagement favorisant l'initiative, la méthode proposée au travers de ce projet de loi est, à mon avis, la plus pertinente, et elle se révélera sans aucun doute comme étant la plus efficace. Elle repose sur le triptyque suivant : un projet, un territoire, un contrat.
Je partage pleinement votre opinion, madame la ministre, selon laquelle on ne doit pas s'en tenir uniquement à des idées de compensation, qu'il faut aussi, par ailleurs, inciter et favoriser les territoires pour la mise en place de projets.
Il est indéniable que, si les différences de potentiel fiscal relevées - de un à vingt pour les communes, de un à six pour les départements, de un à deux et demi pour les régions - nécessitent une péréquation fiscale entre territoires plus ou moins favorisés, il est toutefois indispensable que les élus locaux aident à faire émerger des projets au sein des pays ou des agglomérations. On ne saurait instaurer l'idée que les ressources d'un territoire ne peuvent provenir que des prélèvements faits sur un autre, supposé plus privilégié. Ce prélèvement ne peut avoir d'autre finalité que de conduire au développement du territoire concerné, lequel pourra, par la suite, dégager des ressources suffisantes.
Il s'agit, avant tout, de créer les condidions d'un développement local. On ne peut s'installer durablement dans l'assistanat. C'est tout un état d'esprit qu'il faut recréer. C'est la condition, c'est même la condition sine qua non , d'un développement durable de notre territoire.
Le projet de loi qui nous est proposé repose sur une plus grande clarté de l'action publique, une plus grande cohérence et une volonté de participation élargie à l'élaboration de la politique d'aménagement.
Toutefois, nous savons très bien qu'un texte, et plus encore une loi d'orientation, ne revêt tout son intérêt que dans l'application qui en est faite. L'adoption de ce projet de loi est un premier pas, certes positif, mais sans doute insuffisant si l'on veut aller vers l'objectif visé. C'est l'application effective du dispositif prévu par ce projet de loi, et qui exige la parution rapide des règlements d'application, qui sera l'élément déterminant d'un aménagement cohérent de notre territoire. Ce qui s'est passé pour la loi Pasqua-Hoeffel doit nous servir d'exemple.
J'aurais aimé que cette nouvelle lecture soit l'occasion d'un échange constructif. L'Assemblée nationale a en effet su conserver les dispositions positives proposées et adoptées par le Sénat. Malheureusement, la majorité sénatoriale, refusant de s'inscrire dans cette logique, souhaite reconduire l'ensemble des dispositions votées par elle en première lecture. Nous ne pourrons la suivre sur ce chemin. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai brève.
Nous avons souvent eu l'occasion de pointer quelques-unes des difficultés de la politique d'aménagement du territoire. Comme la politique de l'environnement, c'est, par nature, une politique transversale, qui trouve son efficacité dans la mobilisation de tous et de chacun.
Je comprends bien la tentation, d'ailleurs très bien décrite par M. Piras, de faire en sorte que tous les outils sectoriels de la mise en oeuvre des grands choix stratégiques de la politique d'aménagement du territoire trouvent, d'une certaine façon, leur place dans ce qui doit pourtant rester une loi d'orientation.
J'ai retenu de l'intervention de M. Jean-Pierre Raffarin, qui nous invitait par ailleurs à voir loin et à agir localement - sur ce point, évidemment, nous ne pouvons qu'être d'accord, et c'est tout le sens de ce projet de loi ! - qu'il regrettait que le Gouvernement n'ait pas souhaité inclure dans le texte un dispositif destiné à l'accompagnement économique des efforts de développement des territoires.
En fait, je me dois de lui redire que chacun des ministres est actuellement mobilisé sur cet enjeu majeur que représentent pour nous tout à la fois la politique de l'emploi, le développement économique et le développement des territoires.
Je suis même convaincue de présenter un projet qui, pour la première fois peut-être, est un outil de réconciliation entre les préoccupations de l'environnement et celles du développement, comme l'a dit M. Daniel Hoeffel tout à l'heure. Je ne crois en effet pas possible de penser le développement des territoires sans avoir le souci à long terme de leur équilibre et de la gestion durable de leurs ressources.
Je note, en revanche, une prise de conscience du fait que le développement économique durable des territoires peut être de plus en plus souvent fondé sur la qualité des milieux, la qualité des ressources et la capacité à diversifier les activités qui y sont liées.
Je veux dire ici la déception qui a été la mienne en entendant M. de Montesquiou, qui a consacré toute son intervention à démontrer que nous n'avions pas encore dépassé l'opposition stérile entre ville et campagne. Sur ce point, nous avons un débat depuis des mois, à la fois à l'Assemblée nationale, au Sénat et dans de nombreux cénacles où nous avons pu confronter nos points de vue. Cette lecture du texte ne correspond ni au texte lui-même ni au débat qui a été mené ici.
On me permettra de dire que je n'ai jamais, jusqu'à cette heure, éprouvé le besoin de montrer patte blanche, de passer un brevet de bonne volonté rurale. Je suis comme vous tous : j'ai un grand-père paysan, je suis élue d'une circonscription largement rurale. Personne ici n'a le monopole de la défense et de l'amour de la ruralité, Il m'arrive même de penser que ceux qui la défendent le mieux ne sont pas ceux qui en parlent le plus.
M. Bernard Piras. Bravo !
M. Philippe Richert. A voir !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Nous sommes du moins tous d'accord sur un point, bien résumé, chacun à sa façon, par MM. Jean-Pierre Raffarin, Bernard Piras, Jacques Bellanger, Gérard Le Cam et Daniel Hoeffel : il n'y a pas d'avenir pour les territoires sans projet et il n'y a pas d'avenir pour des territoires dont les projets ne seraient pas collectivement portés par des êtres humains motivés.
Si l'on est pessimiste, on s'y résigne ; si l'on est plus optimiste, ce qui est mon cas et aussi, semble-t-il, le vôtre, on choisit de retenir une séquence qui, décidément, a fait son chemin : un territoire, un projet, un contrat. Y aurait-il donc une autre voie ? Je ne le crois pas.
Je veux remercier MM. Jacques Bellanger et Gérard Le Cam d'avoir, par l'exemple des conseils de développement des pays ou des modalités de modernisation des services publics, montré que la méthode - la mobilisation des territoires et des citoyens, la concertation, le choix du débat - comptait sans doute autant que la nature des projets eux-mêmes.
Nous avons besoin que ces projets soient pris à leur compte par les élus locaux, par les développeurs, par les citoyens. C'est ainsi, en tout cas, qu'ils trouveront leur pertinence, leur efficacité, qu'ils seront évalués, afin que nous soyons constamment certains et de répondre aux besoins qui s'expriment dans les territoires, et de faire l'adéquation entre les priorités des citoyens et les politiques qui sont déclinées sur les territoires.
MM. Hoeffel et Piras ont évoqué la question de l'insertion du territoire national dans l'espace européen. Ce débat, que nous avons également mené lors de la première lecture, nous a conduits, d'une part, à souhaiter préciser l'attitude de la France au moment où le Conseil des ministres de l'aménagement du territoire adoptait le schéma de développement de l'espace communautaire, mais aussi, d'autre part, à prendre l'engagement d'organiser un débat national sur la question de savoir comment nous pourrions nous préparer aux évolutions de ce territoire, notamment au moment de l'élargissement de l'Union européenne. Je reste résolue à faire en sorte que ce débat ait lieu dans les meilleurs délais.
Concernant les pays, je rappelle qu'ils sont avant tout des espaces de projets. L'idée d'une convention permettant de préciser la répartition des compétences entre les pays et les établissements publics de coopération intercommunale m'est également apparue intéressante.
Plus généralement, je crois cependant que l'ingrédient le plus nécessaire à la réussite de la politique des pays, c'est le temps, pour que les projets soient bons, pour que les partenaires se respectent et se connaissent.
Je suis convaincue qu'entre partenaires qui jouent le jeu, qui choisissent le développement du territoire, qui choisissent la cohérence des politiques menées, la convention est un outil pratiquement superfétatoire, permettant seulement de vérifier que l'on est d'accord, sans être un élément de lourdeur supplémentaire.
S'agissant de la PAT, je n'aurai pas la cruauté d'insister trop lourdement sur le fait que la carte précédente avait été arrêtée sans aucune concertation, dans le bureau du ministre en charge de cette politique.
Je rappelle le contexte dans lequel nous travaillons : une diminution considérable de la population couverte, qui passe de 23,7 millions à 20 millions d'habitants.
Oui, monsieur Le Cam, il a fallu faire en sorte que le fardeau soit partagé ! Je veux néanmoins vous rassurer : cela a été fait non pas au détriment des zones rurales mais avec le souci d'identifier les territoires les plus en difficulté, ceux qui souffrent du taux de chômage le plus élevé, de la dépopulation la plus marquée, des revenus moyens par famille les plus bas et, bien sûr, ceux qui sont menacés par des suppressions d'emplois importantes.
On voit d'ailleurs bien, aujourd'hui, les difficultés auxquelles nous pouvons être confrontés. En effet, qui, voilà quelques semaines, aurait songé à rendre éligibles à la PAT certaines zones d'Aquitaine qui figurent maintenant par nécessité sur le projet de carte ? Et je suis la première à déplorer que l'évolution actuelle de la politique de telle grande entreprise nous y contraigne.
Concernant la directive postale, le Gouvernement, vous le savez, a souhaité consolider le service postal. J'ai pu confirmer, lors de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, que le secrétaire d'Etat à l'industrie présenterait, au nom du Gouvernement, avant la fin de l'année, un projet de loi transposant plus complètement la directive. Ce sera l'occasion d'un débat approfondi sur l'enjeu que représentent La Poste et le service public postal.
Ce service public est tout à fait indispensable, et pas seulement, d'ailleurs, dans les zones rurales. C'est souvent l'exemple qu'on donne, mais je suis convaincue que sa présence est au moins aussi importante dans les quartiers déshérités de nos villes, et je sais que vous êtes d'accord avec moi, monsieur Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Tout à fait !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois avoir répondu à l'essentiel. Je reste, bien sûr, à votre disposition pour approfondir tel ou tel point au cours de la discussion des articles. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Pour permettre à la commission de se réunir et à Mme le ministre de faire face à ses obligations, la suite de la discussion est renvoyée à vingt et une heures trente.

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