Séance du 12 mai 1999







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Hoeffel, pour explication de vote.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous parvenons au terme d'un débat particulièrement dense, technique certes, surtout pour les non-initiés, mais passionnant, car il conditionne l'avenir d'une institution financière à laquelle nous sommes tous attachés : les caisses d'épargne, qui sont au coeur de cette réforme.
Le groupe de l'Union centriste soutient totalement la démarche de la commission des finances, inspirée par un souci de réalisme et de simplification, du moins devons-nous l'espérer.
Après avoir entendu l'ensemble des parties prenantes à la future réforme, M. le rapporteur nous a en effet présenté des propositions pertinentes, qui permettent d'améliorer sensiblement le projet de loi voté par l'Assemblée nationale.
Donner toutes leurs chances aux caisses d'épargne alors qu'elles vont devenir des banques à part entière, soumises à ce titre à la concurrence européenne, voilà ce que fut la grande priorité de la majorité sénatoriale dans ce débat !
Mais, comme cela a été excellemment dit par le président de la commission des finances, notre collègue Alain Lambert, lors de la discussion générale, le présent texte de loi et le passage au statut coopératif ne constituent pas une fin en eux-mêmes. Il s'agit d'une nouvelle étape dans le sens de la modernisation du réseau des caisses d'épargne, qui est l'objectif essentiel.
Là réside sans doute le principal point de divergence entre la majorité du Sénat et le Gouvernement ! A cet égard, nous ne sommes guidés que par une préoccupation essentielle : l'intérêt des caisses d'épargne, de leur personnel et des différents partenaires.
Je tiens, enfin, à faciliter M. Marini, rapporteur de la commission des finances, pour la grande qualité de son travail tout au long de ce débat, en le remerciant d'avoir accepté un certain nombre d'amendements provenant en particulier de mon groupe. Mes remerciements s'adressent aussi à vous-même, monsieur le ministre, pour vos éclaircissements, votre compétence, et votre capacité d'écoute que nous avons appréciée au cours de ce débat.
Les membres du groupe de l'Union centriste voteront donc le projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière tel qu'il a été amendé par le Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et au banc des commissions. - M. Bourdin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte sur lequel nous allons nous prononcer méritait que notre assemblée s'y attarde car, autant dans son application que dans ses fondements, il engage les caisses d'épargne, qui sont au coeur de la vie quotidienne de nos concitoyens mais aussi de l'histoire de la vie sociale et financière de notre pays.
De nombreux amendements ont été adoptés au cours de cette discussion. Certains d'entre eux ont suscité notre approbation, d'autres de vives critiques de notre part.
En effet, le texte de l'Assemblée nationale a été complété, affiné, voire amélioré sur certains points, et parfois sur l'initiative du groupe socialiste. Je pense en particulier aux précisions apportées à la réforme des caisses d'épargne, à la composition de la Fédération ou à l'élection des nouveaux conseils d'orientation et de surveillance, les COS.
D'autres dispositions auraient dû, selon nous, faire l'objet d'un assentiment général et être adoptées, d'autant qu'elles étaient, pour la plupart, d'ordre technique. Il en va, par exemple, des missions des caisses d'épargne et de l'affectation de leurs résultats aux financements des projets locaux, de la composition des COS ou encore de la prolongation du délai de quatre ans pour le placement des parts sociales.
Le projet de loi qui nous était proposé présentait le double avantage de moderniser le statut du réseau des caisses d'épargne tout en maintenant et en renforçant les spécificités de ces établissements au sein du monde bancaire. Ce deuxième volet apparaît tout aussi nécessaire que le premier afin de prolonger leur rôle historique d'intérêt général et leur vocation sociale et locale.
Cependant, les avancées obtenues sur certaines dispositions ne sauraient masquer la lecture qu'a pratiquée la majorité sénatoriale sur l'ensemble du texte. Par la voix de M. le rapporteur, elle n'a eu de cesse d'aller dans le sens d'une banalisation du réseau des caisses d'épargne, dans ses structures comme dans ses objectifs. Nous ne pouvons que nous opposer à cette volonté farouche d'uniformiser les statuts. En effet, pour ce qui nous concerne, nous avons toujours pensé que, dans ce domaine comme dans d'autres, la diversité est source de richesse et de progrès. A ce sujet, mon collègue Jean-Louis Carrère, par ailleurs président de COS, s'est efforcé, au cours des débats, de démontrer les risques d'une telle banalisation, dangereuse et perverse pour le réseau des caisses d'épargne et pour les épargnants modestes qui lui font confiance.
S'agissant des sociétés de crédit foncier, je note avec satisfaction qu'un accord a pu être dégagé dans notre Haute Assemblée, en ce qui concerne tant les modalités techniques du dispositif des obligations foncières que, sur notre initiative, la question des quotités aux prêts conventionnés.
Concernant la partie du projet de loi relative aux caisses d'épargne, je regrette que nous ne soyons pas parvenus à un accord, à l'instar de celui qui est intervenu tout au long de cette journée.
Cependant, ce projet de loi, dont la rédaction et, plus encore, les objectifs ne sont plus les nôtres, en raison des dispositions adoptées pour les caisses d'épargne, a été fortement dénaturé. C'est pourquoi le groupe socialiste s'opposera à son adoption.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, si important, comporte deux parties.
La première concerne les caisses d'épargne, leur transformation en sociétés coopératives, leur place au sein de la société française et dans la construction européenne, ainsi que leur rôle, essentiel selon nous, à l'égard des personnes de condition modeste. En effet, c'est souvent grâce aux caisses d'épargne que ces dernières peuvent avoir un compte pour percevoir leurs différentes allocations ou indemnités.
Malheureusement, la commission des finances, sous l'impulsion de notre collègue Philippe Marini et conformément à la ligne de politique économique libérale que nous connaissons bien, a infléchi le texte issu de l'Assemblée nationale. Aussi, le groupe communiste républicain et citoyen ne pourra pas voter ce texte tel qu'il résulte de nos débats, et nous le regrettons.
En effet, s'agissant de la deuxième partie du projet de loi, qui est évidemment très technique, si nous avons eu des débats très particuliers, parfois un peu obscurs pour certains d'entre nous, il était néanmoins important que la Haute Assemblée s'inscrive dans cette démarche d'une parfaite transparence financière et d'une parfaite sécurité pour les assurés, pour les déposants et pour ceux qui empruntent. Même si, çà et là, nous avons pu constater des désaccords sur certains articles ou amendements, le débat a été d'une grande qualité.
Au total, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre le texte tel qu'il est issu de nos travaux.
M. le président. La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cette heure et pour ne pas abuser de votre patience, je résumerai l'explication de vote de notre groupe.
Dès la discussion générale, nombre d'entre nous sont convenus, avec M. le rapporteur, auquel je tiens à rendre un hommage appuyé pour la qualité et la clarté de son rapport, que la réforme des caisses d'épargne proposée par le Gouvernement était inachevée, insuffisante et ne donnait pas à ces établissements les moyens indispensables à leur nécessaire transformation.
Le texte qui résulte de nos travaux procède à un rééquilibrage de ces différentes dispositions.
Les préoccupations que nous avions exprimées sont prises en compte dans le texte issu de nos travaux. Aussi, le groupe du Rassemblement pour la République le soutiendra. (Applaudissements sur le bancs des commissions.)
M. le président. La parole est à Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat, comme à l'accoutumée, a examiné ce projet de loi dans un esprit constructif. Le groupe des Républicains et Indépendants considère que des avancées importantes ont été obtenues lors de l'examen des articles, même s'il subsiste, bien sûr, quelques scories. Cela vaut surtout pour la partie concernant les caisses d'épargne, mais il était effectivement important de garantir en priorité les intérêts des épargnants, de préciser les modalités de financement des fonds de garantie et de mettre en place un dialogue équitable entre professionnels et autorités publiques.
Au total, les amendements adoptés permettent de renforcer la sécurité de la place de Paris et l'efficacité des dispositifs de surveillance et de garantie.
Par ailleurs, le Sénat a amélioré les dispositions relatives à la réforme des sociétés de crédit. Nous nous en réjouissons.
J'en viens à la réforme des caisses d'épargne. Nous la souhaitions. Nous avons abordé le débat avec beaucoup d'optimisme. Nous souhaitions que le texte résultant des travaux de l'Assemblée nationale soit amendé sur un certain nombre de points importants, je pense notamment au niveau du capital mis en vente - cela a été fait - au mode de regroupement des épargnants - cela a été fait, avec la suppression des groupements locaux d'épargne - au mode de répartition des résultats, respectant, certes, l'objet social des caisses d'épargne mais n'alourdissant pas le fonctionnement de celles-ci.
Le groupe des Républicains et Indépendants votera donc le projet de loi tel qu'il a été amendé, tout en souhaitant que des améliorations puissent être apportées lors de la réunion de la commission mixte paritaire, mais c'est une autre histoire !
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. A mon grand regret, je ne voterai pas le projet de loi, pour les raisons que vient d'expliquer notre collègue Paul Loridant dont je partage entièrement l'analyse.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Avant que le Sénat se prononce, je voudrais, à mon tour, remercier d'abord M. le rapporteur du travail qu'il a accompli. Certes, des points de divergence subsistent, mais son rapport, particulièrement bien rédigé et clair, a beaucoup facilité notre discussion, qui s'est déroulée - en tout cas, tel est mon sentiment - dans une très bonne ambiance, y compris lorsque nous abordions les points sur lesquels le Gouvernement était en désaccord avec la majorité sénatoriale.
Je n'ai d'ailleurs pas perçu de désaccord majeur à propos de la seconde partie du projet de loi. Le travail accompli par la commission des finances a d'ailleurs permis, sur de nombreux points, d'améliorer le texte, et je sais gré au rapporteur et à l'ensemble des sénateurs d'avoir su parfois revenir, au vu des éclaircissements que, par ma voix, le Gouvernement a apportés et qui ont semblé vous satisfaire, sur des positions adoptées par la commission. Voilà qui démontre notre aptitude à écouter et à tenir compte des arguments des uns et des autres. Le Gouvernement, de son côté, a accepté nombre d'amendements de la commission des finances et symétriquement, je le disais à l'instant, M. le rapporteur, et vous l'avez suivi sur nombre de points, vous a proposé de revenir à la position du Gouvernement, qui n'était pas celle que M. le rapporteur avait exprimée initialement.
S'agissant de la première partie du texte, des divergences relativement importantes demeurent. Sur certains points, la démarche a été analogue à celle que nous avons vécue à propos de la seconde partie, à savoir écoute réciproque et prise en compte des arguments des uns et des autres.
Mais, s'agissant des caisses d'épargne, il reste quelques points de divergence majeurs qui, ce n'est pas un hasard, sont expressément ceux que M. Bourdin citait tout à l'heure comme étant des avancées particulières du Sénat. Je pense notamment à la suppression des groupements locaux d'épargne et à la volonté de réduction du capital proposé aux coopérateurs.
Cela justifie sans doute d'ailleurs que MM. Loridant et Sergent, au nom de la minorité du Sénat, aient décidé de s'exprimer contre le texte tel qu'il a été modifié par la Haute Assemblée. Peut-être cela justifie-t-il aussi que M. Hamel ait exprimé l'opinion dont il vient de nous faire part.
M. Emmanuel Hamel. Et que partagent beaucoup d'autres élus de la majorité sénatoriale, même s'ils ne l'expriment pas ! (Murmures sur les travées du RPR.)
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le Sénat s'exprimera par son vote, comme il l'entend. Je veillerai à ce que, lors du retour devant l'Assemblée nationale, les points sur lesquels nous sommes tombés d'accord puissent être préservés. Evidemment, je ne prends pas cet engagement, cela n'aurait pas de sens, vis-à-vis des points sur lesquels nous ne sommes pas d'accord.
En terminant, je remercie la présidence, celle d'aujourd'hui comme celle des autres jours, de la sérénité qu'elle a su inspirer à nos débats.
M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans le même mouvement, je voudrais remercier les collaborateurs du Sénat que nos discussions, parfois techniques et toujours trop longues, ont dû souvent fatiguer. Ils accomplissent toujours leurs tâches avec beaucoup de gentillesse et de capacité professionnelle. Je le constate en relisant - cela m'arrive - les comptes rendus de séance. Je m'aperçois à chaque fois qu'ils ont eu à coeur de rendre compréhensibles des propos qui, lorsque je les ai tenus, m'avaient paru fort abscons !
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces journées de discussions ont été dans l'ensemble fécondes. Nous avons bien explicité les données du débat sur nombre de sujets, et des avancées ont donc pu être enregistrées.
Il demeure des sujets plus contrastés, lorsque l'on examine les positions des uns et des autres. Mais il me semble, au-delà des péripéties de la séance et des solutions qui ont été trouvées - certaines en séance même - que le déroulement de ce débat est un élément tout à fait tangible pour montrer quel peut être le rôle du Sénat dans un domaine de législation relativement technique.
Je crois que nous avions bien fouillé les choses en amont. Nous les avons approfondies lors de la discussion en séance publique. Les débats ont été, comme cela a été dit, d'une excellente tenue, ce que nous devons à tous les participants, aux membres des groupes, à nos nombreux collègues qui se sont succédé dans l'hémicycle, à la capacité de discussion et d'écoute du Gouvernement. Nous le devons également, monsieur le ministre, à la qualité de nos collaborateurs respectifs qui, sur un tel sujet, nous ont appporté les éléments d'appréciation indispensables. Nous le devons enfin, bien entendu, aux présidents de séance et aux différents services du Sénat.
Mes chers collègues, il nous reste maintenant à approfondir à nouveau les choses en préparation de la commission mixte paritaire qui se réunira dans deux semaines, et, le jour de cette commission mixte paritaire, à trouver le bon positionnement des curseurs, de telle sorte que personne n'ait complètement raison ni complètement tort et que l'on parvienne à un texte conforme à l'intérêt général et de nature à favoriser le développement des caisses d'épargne.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

5