Séance du 12 mai 1999







M. le président. Par amendement n° 65 rectifié, M. Marini, au nom de la commission, propose de compléter le I du texte présenté par l'article 49 pour l'article L. 423-2 du code des assurances par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de désaccord entre le président du directoire du fonds de garantie et la commission de contrôle des assurances sur l'opportunité de saisir le fonds, le président du directoire du fonds dispose d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle il est sollicité par la commission de contrôle pour saisir le ministre chargé de l'économie. Celui-ci peut alors, dans un délai de quinze jours, demander une nouvelle délibération de la Commission de contrôle des assurances après avoir recueilli l'avis écrit d'un collège arbitral dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. La nouvelle décision de la commission de contrôle est immédiatement notifiée à l'entreprise. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Le projet de loi prévoit que le fonds de garantie des assurés est actionné par la Commission de contrôle des assurances après consultation écrite du président du directoire du fonds.
Il peut être nécessaire d'arbitrer d'éventuels désaccords entre les organes dirigeants du fonds et la Commission de contrôle des assurances sur le point de savoir s'il faudra ou non recourir au fonds.
Le présent amendement décrit la procédure d'arbitrage envisagée en la matière.
Nous prévoyons que le ministre demande à la Commission de contrôle des assurances une seconde délibération, après avoir recueilli l'avis écrit d'un collège arbitral, dont la composition est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat.
De plus, nous enserrons la procédure dans des délais stricts afin de ne pas retarder le déclenchement éventuel de la procédure de transfert du portefeuille de la société défaillante.
En effet, mes chers collègues, le mécanisme du fonds d'indemnisation des assurés se distingue du mécanisme du fonds de garantie des déposants - c'est la nature même des métiers de l'assurance qui le veut - en ce sens que l'intervention du fonds conduit à transférer le portefeuille de l'entreprise défaillante à une autre société d'assurance, désignée par le fonds de garantie. C'est donc une procédure très puissante visant à permettre la continuité des contrats et des prestations vis-à-vis des assurés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'idée qui a inspiré cet amendement est d'améliorer le dialogue entre le fonds de garantie et la Commission de contrôle des assurances en calquant un peu sur une procédure parlementaire, celle de la deuxième délibération. Cette initiative me semble plutôt bonne, d'autant que, finalement, comme le rappelait M. le rapporteur, la décision de mettre en oeuvre ou non cette deuxième délibération reste du ressort du ministre.
Je suis donc favorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 65 rectifié.
M. Marc Massion. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Sur cet amendement, nous sommes beaucoup plus critiques que M. le ministre, car il soulève de très sérieuses questions.
La première porte sur le fond même du texte.
Les responsables du fonds de garantie pourraient, s'il était adopté, envisager de refuser d'indemniser des assurés ; cette faculté contredit ouvertement les objectifs que le législateur assigne au fonds à l'article L. 423-1 du code des assurances, à savoir préserver les droits des assurés. On voit mal comment le législateur peut fixer au fonds un objectif de préservation des droits des assurés et, dans le même temps, permettre aux responsables du fonds de mettre en échec cet objectif.
Que toutes les précautions soient prises, et le plus tôt possible, pour éviter que le fonds ait à intervenir, oui, bien sûr, mais, une fois dressé le constat selon lequel l'organisme ne peut plus se redresser par lui-même ou ne peut être aidé ni repris par un autre organisme, la seule solution, c'est de faire intervenir le fonds de garantie.
Qui plus est, selon l'amendement, le désaccord doit porter sur l'« opportunité » de saisir le fonds de garantie ; en clair, cela signifie que les responsables du fonds de garantie pourraient envisager de refuser d'indemniser les assurés de telle entreprise parce qu'il serait déjà intervenu auprès d'une autre et qu'il n'aurait plus les moyens nécessaires. Ce serait une entorse grave au principe d'égalité des citoyens.
Le projet du Gouvernement est cohérent. L'amendement n° 65 rectifié détruirait cette cohérence et, s'il était adopté, c'est l'appellation même du fonds qu'il faudrait modifier : ce serait non plus un fonds de garantie mais un fonds d'intervention.
Je ne vois d'ailleurs rien de comparable dans le dispositif prévu pour la garantie des dépôts, dont nous avons déjà débattu. En matière bancaire, l'intervention du fonds à titre curatif est automatique ; pourquoi en irait-il autrement pour l'assurance ? Certes, en matière bancaire, l'intervention est parfois négociée entre l'autorité de contrôle et la profession bancaire, mais c'est uniquement lorsque le fonds intervient à titre préventif. A moins que M. Marini nous propose aujourd'hui d'instaurer aussi en matière d'assurance une intervention préventive...
En outre, cet amendement soulève des questions sur la qualité de notre droit actuel. Est-elle si médiocre qu'il faille le réécrire ?
Il ne faut pas constamment mélanger les genres. La loi de décembre 1989 a réorganisé la tutelle de l'Etat sur le secteur de l'assurance, en partageant très clairement les rôles : le ministre élabore la réglementation et agrée les entreprises d'assurance ; la commission contrôle, sanctionne et, avec le projet en discussion, provoque, le cas échéant, l'intervention du fonds de garantie. Or l'amendement proposé revient sur ce partage des attributions.
Une autre question se pose en droit. Les décisions du ministre et celles de la commission peuvent être contestées. C'est au juge qu'il appartient alors de se prononcer, conformément à nos règles générales de droit. Dans ce cadre, le fonds de garantie peut déjà introduire un recours gracieux - c'est le terme exact - auprès de la commission. Ce recours gracieux n'est autre qu'une demande de deuxième délibération. Pourquoi faudrait-il une disposition législative expresse pour rappeler un droit existant ? Doit-on en conclure que l'assurance ou la Commission de contrôle des assurances déroge, par essence, à la règle commune ?
D'autre part, comme le dit lui-même M. Marini, le ministre ne saurait être juge et partie. Or l'amendement l'investirait en quelque sorte d'une mission d'intermédiaire entre une commission trop soucieuse de la protection des droits des assurés et des représentants de la profession peu désireux de payer pour une entreprise d'assurance pourtant en très grande difficulté.
Je rappelle que le ministre des finances ou, plus précisément, le directeur du Trésor siège au sein de la Commission de contrôle des assurances comme commissaire du Gouvernement. Il intervient à tous les stades de la procédure, y compris lorsque la commission siège en formation disciplinaire, et peut présenter à tout moment des observations. Il serait pour le moins anormal qu'il puisse ainsi participer à la décision de la commission de solliciter le fonds et, ensuite, parce que les assureurs qui administrent le fonds contestent cette décision, être directement partie à la contestation de cette décision.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas l'amendement n° 65 rectifié.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je souhaite d'abord saluer la qualité de votre argumentation, monsieur Massion. J'y retrouve d'ailleurs la qualité traditionnelle des notes que l'on attribue généralement à la direction du Trésor et leur articulation : premièrement, ce que l'on propose est nuisible ; deuxièmement, cela existe déjà. (Sourires.) Même si je cède là à la caricature, c'est à peu près ce que vous nous dites, monsieur le sénateur.
J'ai indiqué que le Gouvernement était plutôt favorable à cet amendement, mais je comprends qu'on puisse s'y opposer.
En tout cas, il est un point sur lequel il ne doit pas y avoir d'ambiguïté : quand bien même l'amendement serait définitivement adopté, il ne mettrait pas en cause la possibilité d'indemnisation des assurés.
Certes, un aller et retour peut faire perdre quinze jours mais, au bout du compte, la Commission de contrôle des assurances garde la possibilité d'imposer l'indemnisation au fonds de garantie.
Bien sûr, le temps de la discussion allonge la durée du processus, mais il permet aussi d'approfondir les choses. Quoi qu'il en soit, en aucun cas cet amendement ne peut conduire à une situation dans laquelle des assurés qui devraient obtenir une indemnisation s'en verraient privés. Sinon, le Gouvernement y aurait été défavorable.
Il demeure que cette disposition crée un délai un peu plus long. Il faut donc peser l'avantage d'un éventuel allongement du délai et l'avantage d'une deuxième délibération.
En tout cas, cet amendement ne peut être interprété comme ouvrant au fonds de garantie une possibilité d'échapper à l'indemnisation lorsque celle-ci est justifiée.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 65 rectifié, accepté par le Gouvernement.
M. Marc Massion. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 64, M. Marini, au nom de la commission, propose, à la fin de la première phrase du II du texte présenté par l'article 49 pour l'article L. 423-2 du code des assurances, de supprimer les mots : « dans les conditions prévues au 6° de l'article L. 310-18 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision tendant à supprimer un membre de phrase inutile.
En effet, l'article L. 423-2 du code des assurances prévoit que la Commission de contrôle des assurances lance un appel d'offres en vue du transfert du portefeuille de contrats de l'entreprise défaillante « dans les conditions prévues au 6° de l'article L. 310-18 du code des assurances ». Or le 6° de l'article L. 310-18 n'énonce aucune condition, mais prévoit que la Commission de contrôle des assurances peut procéder au transfert d'office du portefeuille de contrats d'une entreprise qui n'a pas respecté une disposition législative ou réglementaire ou qui n'a pas déféré à une injonction de la Commission de contrôle.
Voilà pourquoi il convient, selon nous, de supprimer le membre de phrase : « dans les conditions prévues au 6° de l'article L. 310-18 du code des assurances ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En l'occurrence, ce qui me paraît essentiel, c'est de bien mentionner que les procédures déjà établies depuis longtemps et qui figurent dans le code des assurances en matière de transfert de portefeuille seront suivies.
Peut-être serait-il plus simple de supprimer simplement la référence au 6°, ce qui permettrait de conserver l'idée selon laquelle nous sommes bien dans une procédure conforme aux prescriptions du code des assurances.
Cette proposition transactionnelle vous conviendrait-elle, monsieur le rapporteur ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. J'accède bien volontiers à votre souhait, monsieur le ministre, et rectifie mon amendement de manière qu'il ne vise plus qu'à supprimer la référence au 6°.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 64 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, et tendant, à la fin de la première phrase du II du texte proposé par l'article 49 pour l'article L. 423-2 du code des assurances, à remplacer les mots : « au 6° de » par le mot : « à ».
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 64 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 67, M. Marini, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du III du texte présenté par l'article 49 pour l'article L. 423-2 du code des assurances, de remplacer les mots : « et aux taux de réduction » par les mots : « et au taux de réduction ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous sommes dans le cas de figure où il y a transfert du portefeuille de contrats de l'entreprise défaillante.
Le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale prévoit un appel d'offres pour désigner celui qui va recueillir le portefeuille concerné et précise : « La commission retient la ou les offres qui lui paraissent le mieux préserver l'intérêt des assurés... eu égard notamment à la solvabilité des entreprises candidates et aux taux de réduction des engagements qu'elles proposent. »
Notre amendement tend à revenir au texte initial du Gouvernement, qui prévoyait que les entreprises candidates ne peuvent proposer qu'un taux global de réduction des engagements. En effet, il serait, selon nous, contraire au principe constitutionnel d'égalité que la loi permette de créer des situations différentes entre les usagers dont les contrats ont été transférés à une seule et même entreprise.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Khan, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 67, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 423-2 du code des assurances.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 423-3 DU CODE DES ASSURANCES