Séance du 12 mai 1999







M. le président. Par amendement n° 238, M. Marini, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 45, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence est ainsi modifiée :
« 1° Au début du troisième alinéa de l'article 4, après les mots : "Le rapporteur général", sont insérés les mots : ", le ou les rapporteurs généraux adjoints".
« 2° Le troisième alinéa de l'article 25 est ainsi rédigé :
« Le rapporteur général, le ou les rapporteurs généraux adjoints et le commissaire du Gouvernement peuvent présenter des observations. »
« 3° Le dernier alinéa de l'article 25 est ainsi rédigé :
« Aucun rapporteur n'assiste au délibéré. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement fait suite à certaines décisions de justice concernant la Commission des opérations de bourse et visant à une application précise de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vous vous souvenez peut-être, mes chers collègues, que la Commission des opérations de bourse a été conduite à rectifier son règlement pour indiquer que le rapporteur d'une affaire, selon un principe jurisprudentiel général dégagé par la Cour européenne des droits de l'homme, ne peut siéger lors du délibéré du collège de la Commission des opérations de bourse.
Ce principe est de portée générale et s'applique à toutes les procédures juridictionnelles susceptibles de faire grief aux droits individuels.
A cet égard, le Conseil de la concurrence nous paraît devoir être traité de manière rigoureusement symétrique à celle qui prévaut dorénavant pour la Commission des opérations de bourse.
C'est pourquoi le présent amendement vise à supprimer la disposition de l'ordonnance régissant le Conseil de la concurrence qui prévoit que les rapporteurs assistent au délibéré, et de la remplacer par une formule contraire : « Aucun rapporteur n'assiste au délibéré. »
Monsieur le ministre, cela semble répondre maintenant à une obligation claire du droit européen, dont il faut d'ailleurs se réjouir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le rapporteur, votre proposition part d'un bon sentiment. La jurisprudence récente de la Cour de cassation à propos de la Commission des opérations de bourse indique en effet une direction qui est celle que vous voulez suivre aujourd'hui dans le projet de loi.
Il se pose toutefois deux problèmes, non pas sur le fond, car je partage votre sentiment, mais sur la forme.
En premier lieu, je ne suis pas absolument certain que l'évolution des règles de fonctionnement du conseil de la concurrence trouve bien sa place dans un texte sur les caisses d'épargne et la sécurité financière, car ledit conseil est généralement amené à s'occuper de biens d'autres questions que des questions financières. Le lien entre le présent projet et la modification proposée me paraît donc ténu.
En second lieu, il y a bien d'autres autorités administratives indépendantes qui devront sans doute voir s'opérer en leur sein la même évolution que celle qui vient d'être proposée, c'est-à-dire l'absence du rapporteur pendant les délibérations. Je pense, entre autres, au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
La différence entre la COB et le Conseil de la concurrence, d'une part, et les autres structures, d'autre part, est que les premières relèvent de la Cour de cassation et les autres du Conseil d'Etat.
C'est précisément cette complexité du paysage qui a conduit le Gouvernement à préférer préparer un texte qui concernerait l'ensemble de ces structures, qu'elles relèvent de la Cour de cassation ou du Conseil d'Etat.
Faire référence au seul Conseil de la concurrence me paraît donc trop restrictif, car il y a bien d'autres structures qui devront être concernées. Bien évidemment, il aurait été encore plus inattendu que l'on parlât, dans ce projet, du CSA, par exemple, ce qui justifie sans doute que M. le rapporteur se soit limité au Conseil de la concurrence. Mais, même pour le Conseil de la concurrence, on est un peu loin de l'objet du texte.
Ce que je propose donc, c'est de donner acte à M. le rapporteur du bien-fondé de sa démarche. Je peux, par ailleurs, l'assurer que le Gouvernement se préoccupe, pour l'ensemble des autorités indépendantes, de mettre en musique, si j'ose dire, la démarche qu'il propose et qui est fondée sur ce qu'a indiqué la Cour de cassation, afin de ne pas, en quelque sorte, anticiper sur ce débat avec pour seul objet le Conseil de la concurrence.
Voilà pourquoi je lui demande de bien vouloir retirer l'amendement, en sorte qu'un texte plus complet puisse viser toutes les autorités indépendantes, qu'elles relèvent de la Cour de cassation ou du Conseil d'Etat.
M. le président. Accédez-vous à la demande de M. le ministre, monsieur le rapporteur ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Permettez-moi, monsieur le ministre, de faire deux observations.
D'abord, nous n'aurions pas pris l'initiative de traiter d'une question spécifique au Conseil de la concurrence si l'Assemblée nationale ne l'avait pas fait avant nous. Notre amendement se greffe, en effet, sur un article qui a été introduit à l'Assemblée nationale, qui n'était donc pas prévu dans le texte initial, et qui, si je ne m'abuse, probablement à la demande du Conseil de la concurrence, prévoit l'existence d'un ou de plusieurs rapporteurs généraux adjoints là où il n'y avait jusqu'ici qu'un rapporteur général.
La commission des finances du Sénat, constatant cet ajout de l'Assemblée nationale, en a donc profité pour y greffer l'affirmation du principe, qui doit maintenant être d'application générale - vous l'avez dit, monsieur le ministre - de non-participation du rapporteur au délibéré.
Par ailleurs, j'ai bien entendu, monsieur le ministre, les explications que vous avez données, et qui sont parfaitement satisfaisantes pour la commission.
Toutefois, avant de retirer l'amendement, j'aurais souhaité que vous puissiez nous dire approximativement dans quel délai il vous semble possible de soumettre à la représentation nationale ce texte de « peignage » de l'ensemble des organismes et autorités qui doivent ainsi se mettre en conformité avec l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Sur le premier point, vous avez tout à fait raison, monsieur le rapporteur : votre amendement est correctement raccroché à un amendement qui a été introduit par l'Assemblée nationale. Mais ce dernier, vous en conviendrez, était de nature quelque peu différente, même s'il portait, lui aussi, sur le Conseil de la concurrence.
Il s'agissait en effet de renforcer les moyens du Conseil de la concurrence, considérant qu'à partir du moment où l'on augmentait la sécurité financière, et donc, probablement, l'activité de contentieux, et donc les travaux du Conseil de la concurrence, il était nécessaire de créer un poste de rapporteur adjoint spécialisé dans ces questions. C'était donc tout de même plus directement en rapport avec l'objet du texte.
Mais, évidemment, à partir du moment où l'on ouvrait la porte en faisant figurer les mots : « Conseil de la concurrence », il n'était pas illégitime de faire éventuellement un pas de plus. Simplement, chacun conviendra que, de pas en pas, on s'éloigne de plus en plus de l'objet. Je maintiens donc malgré tout que nous sommes peut-être là de l'autre côté.
Pour ce qui est des délais, monsieur le rapporteur, ils seront brefs ! La rédaction du texte ne devrait pas être très compliquée. Aujourd'hui, elle n'est pas prête. Il faut compter à peu près un mois et demi pour mener les consultations, après quoi il faudra pouvoir inscrire le projet à l'ordre du jour.
Tout cela devrait se faire très rapidement, et le projet devrait pouvoir être voté sans aucune difficulté par le Sénat et l'Assemblée nationale.
C'est donc dans un délai véritablement raccourci que nous devrions pouvoir « peigner » la législation concernant le fonctionnement de l'ensemble de ces autorités indépendantes.
M. Philippe Marini, rapporteur. Dans le courant de cette année, monsieur le ministre ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'ai eu une seconde d'angoisse quand vous avez commencé votre phrase, car j'ai eu peur que vous ne me disiez : « Dans le courant de cette session. »
M. Philippe Marini, rapporteur. Disons, d'ici à la fin du siècle !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est cela, étant rappelé qu'il y a un débat sur le fait de savoir si le siècle se termine fin 1999 ou fin 2000. (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. J'ai peut-être parlé un peu vite de retrait. En effet, s'il convient, compte tenu des précisions et engagements que vient d'apporter M. le ministre, de supprimer, dans l'amendement, le paragraphe 3°, il me paraît judicieux de maintenir les paragraphes 1° et 2°.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 238 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, et tendant, après l'article 45, à insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence est ainsi modifiée :
« 1° Au début du troisième alinéa de l'article 4, après les mots : "Le rapporteur général", sont insérés les mots : ", le ou les rapporteurs généraux adjoints".
« 2° Le troisième alinéa de l'article 25 est ainsi rédigé :
« Le rapporteur général, le ou les rapporteurs généraux adjoints et le commissaire du Gouvernement peuvent présenter des observations. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement n° 238 rectifié ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 238 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 45.

Article 46