Séance du 6 mai 1999







M. le président. La parole est à M. Courtois. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Machet applaudit également.)
M. Jean-Patrick Courtois. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre... ou à son représentant. (Murmures sur les travées du RPR.)
Vous avez déclaré, monsieur le Premier ministre, que vous-même, les membres de votre Gouvernement et vos collaborateurs, n'aviez rien à voir avec l'incendie d'une paillote en Corse et que vous étiez d'autant moins soupçonnable que ces agissements sont contraires à votre conception de la République, à vos méthodes d'action et aux valeurs que vous défendez.
M. Jacques Mahéas. J'espère que vous n'en doutez pas !
M. Jean-Patrick Courtois. Nous ne demandons pas mieux que de vous croire. Mais il ne faut pas dissocier la morale de la vérité. Nous avons assisté à trop de déclarations successives et contradictoires pour être rassurés sur la mise en oeuvre de vos intentions.
Nous entendons savoir qui a permis la création, en juillet 1998, du groupement de pelotons de sécurité, le GPS. Quelles missions étaient assignées à cette unité ? De quelle autorité relevait-elle ? De la vôtre ? De celle du ministre de la défense ? De celle du ministre de l'intérieur ? De celle du préfet ?
Pourquoi cette formation a-t-elle fonctionné comme une police parallèle et pour quelle raison aucune disposition n'a-t-elle été prise pour encadrer ses moyens d'action ? Pourquoi avoir créé le GPS sans que, selon ses propres dires, le ministre de la défense lui-même en ait été averti ?
Les zones d'ombre ou plutôt, devrais-je dire, d'opacité qui entourent cette triste affaire trahissent un grave dysfonctionnement de l'Etat. Il importe que la lumière soit faite rapidement et, surtout, totalement sur tous les faits qui portent atteinte au crédit de la République et au rétablissement de la paix civile en Corse.
Nous attendons de vous, monsieur le Premier ministre, non seulement la vérité mais un retour à un comportement et à des pratiques qui fassent de l'Etat de droit non pas un sujet de discours, mais une réalité incontournable et, surtout, indiscutable. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole à M. le ministre de la défense, que nous allons écouter dans la sérénité. Lui seul a la parole.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, vous demandez la lumière sur les faits, ce qui est légitime. C'est l'option que le Gouvernement a prise dès l'instant où des faits graves de nature délictueuse, criminelle ont été portés à notre connaissance et où l'implication de personnels de l'Etat y a été perceptible. L'ensemble des services de l'Etat se sont mis au service de la justice pour que toute la lumière soit faite. Chacun peut être témoin, jour après jour, du total engagement de tous les services de l'Etat, notamment des services de la gendarmerie, pour que l'enquête judiciaire puisse se dérouler avec efficacité.
La création du GPS a été souhaitée par le Gouvernement - elle a été mise en oeuvre, comme c'est toujours la règle en matière de moyens de la gendarmerie, par le ministère de la défense - parce que, dans le contexte postérieur à l'assassinat du préfet Erignac, de nombreuses voix s'étaient élevées, d'ailleurs sur tous les bancs des assemblées, pour que les moyens des forces de sécurité en Corse soient renforcés.
Je rappelle - je l'ai déjà fait - que le niveau de délinquance, notamment en ce qui concerne les atteintes aux personnes, que l'on constatait alors en Corse avait déjà justifié la présence de policiers et de gendarmes dans l'île à des niveaux beaucoup plus élevés que dans tout autre département et que certaines missions devaient être renforcées.
Trois missions ont été imparties à cette formation, et elles figurent de façon très précise dans l'instruction qui a organisé sa constitution.
La première, c'est une mission d'intervention, c'est-à-dire de soutien aux interpellations ou aux arrestations d'hommes armés. Il en a été réalisé trente-cinq entre le mois d'octobre et le mois d'avril dernier. La plupart des personnes interpellées étaient en effet armées.
La deuxième mission, c'est une mission de protection. Un peloton de ce groupement a été chargé, pendant toute cette période, de protéger physiquement et quotidiennement un certain nombre de personnalités de l'Etat à l'encontre desquelles des menaces répétées avaient pu être vérifiées.
Enfin, la troisième mission, c'est la surveillance. Il s'agit d'un moyen complémentaire pour réussir un certain nombre d'enquêtes judiciaires : filatures, repérages d'allées et venues, et cela a toujours été fait, dans le cas du GPS, en complément et sur la demande des autorités judiciaires.
L'autorité sur ce groupement revenait au commandant de la région de Corse, puisque ce groupement devait agir sur les deux départements et ne pouvait donc pas être mis à la disposition de l'un des deux groupements départementaux.
La qualification de « police parallèle » relève de votre seule appréciation... (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Gournac. Tout de même !
M. Philippe Marini. Le préfet menait « des enquêtes parallèles », est-il précisé dans Le Monde !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Vous pouvez lire le journal en séance, monsieur Marini, c'est une activité parlementaire comme une autre ! Pour ma part, je m'efforce de répondre avec la signification qui s'attache à l'expression du Gouvernement.
Je dis donc que cette imputation ne correspond pas à la réalité. Les missions du GPS, qui a été dissous, sont reventilées, par une circulaire signée aujourd'hui, auprès d'unités habituelles, permanentes, de la gendarmerie. Mais si quelqu'un pense que ces missions sont inutiles, il serait intéressant qu'il prenne la responsabilité de l'affirmer. Chacun sait que le rétablissement de l'ordre et de la loi républicaine en Corse nécessite des moyens importants, et le Gouvernement est dans son rôle en attribuant ces moyens.
Quant aux progrès de l'Etat de droit, ils sont suffisamment au centre de la politique d'ensemble du Gouvernement dans de multiples domaines pour que l'on puisse avoir une certaine sécurité, une certaine solidité en disant que ce sera l'axe de la politique du Gouvernement à l'égard de la Corse, politique qui comporte aussi un important volet de développement et de dialogue. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur plusieurs travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

GRE`VES À LA SNCF