Séance du 6 mai 1999







M. le président. « Art. 21. - Les caisses d'épargne et de prévoyance existant à la date de publication de la présente loi sont transformées en sociétés coopératives dans les conditions ci-après :
« I. - Les caisses d'épargne et de prévoyance disposent au plus tard quatre mois à compter de la publication de la présente loi d'un capital initial composé de parts sociales au sens de l'article 11 de la 1oi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée ainsi que, en tant que de besoin, de certificats coopératifs d'investissement au sens du titre II ter de la même loi.
« Le montant total du capital initial des caisses d'épargne et de prévoyance est égal à la somme de la dotation statutaire de chacune des caisses, telle que cette somme figure dans les comptes consolidés du groupe des caisses d'épargne arrêtés au 31 décembre 1997. Pour les exercices clos jusqu'au 1er janvier 2004, les certificats coopératifs d'investissement entrant dans la composition du capital initial des caisses d'épargne et de prévoyance ne peuvent pas représenter plus de 25 % de ce capital. La Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance est chargée de veiller au respect, à tout moment, de cette proportion. L'article 19 decies de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée ne s'applique pas à ces certificats coopératifs d'investissement.
« II. - La Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance fixe le capital initial de chaque caisse d'épargne et de prévoyance au plus tard deux mois après la publication de la présente loi, après avis du conseil d'orientation et de surveillance de la caisse d'épargne et de prévoyance, en tenant compte notamment du montant de la dotation statutaire tel qu'il figure dans le bilan de la caisse d'épargne et de prévoyance arrêté au 31 décembre 1997, du montant total des fonds propres et du montant total du bilan de la caisse d'épargne et de prévoyance au 31 décembre 1997. Ce capital initial est notifié au ministre chargé de l'économie. A défaut, ce capital est fixé, au plus tard quatre mois à compter de la publication de la présente loi, par décret en Conseil d'Etat, en fonction des mêmes critères.
« III. - Le conseil d'orientation et de surveillance de chaque caisse d'épargne et de prévoyance fixe le montant nominal des parts sociales de cette caisse dans les limites définies par la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance.
« IV. - Au plus tard cinq mois à compter de la publication de la présente loi, le conseil d'orientation et de surveillance de chaque caisse d'épargne et de prévoyance fixe le nombre des parts sociales de cette caisse à souscrire par chacun des groupements locaux d'épargne de sa circonscription territoriale, en fonction notamment de l'importance de la population comprise dans le territoire qu'ils couvrent. Chaque groupement local d'épargne souscrit les parts sociales lui revenant grâce à un prêt sans intérêt, d'un montant égal à la valeur totale de ces parts, que lui consent la caisse d'épargne et de prévoyance. Ce prêt est amorti au fur et à mesure de la souscription des parts sociales qui constituent le capital du groupement local d'épargne par les sociétaires.
« IV bis. - Jusqu'au 31 décembre 2003, les collectivités territoriales sont autorisées à détenir ensemble 10 % au maximum de la valeur totale des parts sociales revenant à chaque groupement local d'épargne en application du IV du présent article.
« V. - Jusqu'au 31 décembre 2003, les parts sociales acquises par les groupements locaux d'épargne ne sont cessibles qu'avec l'accord du directoire de la caisse d'épargne et de prévoyance. La propriété de ces parts sociales ne peut être transférée qu'à d'autres groupements locaux d'épargne exerçant dans le même ressort territorial, et moyennant le transfert, pour un montant égal, d'une fraction du prêt octroyé par la caisse d'épargne et de prévoyance au groupement local d'épargne qui transfère.
« VI. - Au 31 décembre 2003, chaque caisse d'épargne et de prévoyance rembourse à chaque groupement local d'épargne affilié les parts sociales représentatives de son capital détenues par celui-ci, à hauteur du montant restant dû par ledit groupement local d'épargne sur le prêt que lui a consenti la caisse d'épargne et de prévoyance et du montant des parts sociales détenues ensemble par les collectivités territoriales au-delà de la limite de 10 % du capital du groupement local d'épargne au 31 décembre 2003. Le montant du remboursement des parts est utilisé par les groupements locaux d'épargne pour l'amortissement intégral de la fraction restant due du prêt de la caisse d'épargne et de prévoyance et pour le remboursement aux collectivités territoriales des parts sociales qu'elles détiennent ensemble au-delà de la limite de 10 % du capital du groupement local d'épargne. A cette même date, il est procédé à l'annulation des certificats coopératifs d'investissement non souscrits.
« Le capital de la caisse d'épargne et de prévoyance est réduit à concurrence du montant total des certificats coopératifs d'investissement non souscrits et des parts sociales remboursées aux groupements locaux d'épargne affiliés à la caisse d'épargne et de prévoyance. Ces opérations n'ont aucun effet sur le résultat des groupements locaux d'épargne ni sur celui de la caisse d'épargne et de prévoyance et ne sont pas soumises à la présomption prévue à la deuxième phrase du 1° de l'article 112 du code général des impôts.
« VII. - Les dispositions de la présente loi n'emportent pas, pour les caisses d'épargne et de prévoyance, changement dans la personne morale.
« Les caisses d'épargne et de prévoyance qui, au 1er janvier 2000, sont agréées par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement sont réputées être agréées en tant que banques coopératives. »
Sur cet article, je suis d'abord saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 18 rectifié, M. Marini, au nom de la commission, propose de remplacer les paragraphes I et II de cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« I. - Dans les deux mois qui suivent la publication de la présente loi, le montant du capital initial de chaque caisse d'épargne et de prévoyance est déerminé par le ministre chargé de l'économie sur proposition de la caisse nationale des caisses d'épargne et après avis de la commission des participations et des transferts. Ce montant ne peut excéder un pourcentage de fonds propres égal au pourcentage moyen des fonds propres correspondant au capital social dans les autres réseaux bancaires coopératifs ou mutualistes, tel qu'il ressort des données du comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement au 31 décembre 1998. »
Par amendement n° 120, M. Bourdin et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent :
A. - De rédiger comme suit le paragraphe I de l'article 21 :
« Dans les quatre mois à compter de la publication de la présente loi, le capital initial de chaque caisse d'épargne et de prévoyance est fixé par la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance. Son montant est égal au pourcentage moyen du capital dans les capitaux propres des autres réseaux bancaires coopératifs et mutualistes, tel qu'il ressort des données du comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement au 31 décembre 1998. »
B. - En conséquence, de supprimer le paragraphe II de cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 18 rectifié.
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous abordons un point très important du projet de loi : celui de l'évaluation des fonds propres qui vont être transformés en parts de sociétaires.
Pour l'essentiel, cet amendement a deux objectifs.
En premier lieu, monsieur le ministre - nous nous en sommes expliqués assez longuement lors de la discussion générale - l'amendement vise à supprimer la référence à la somme des dotations statutaires pour déterminer le montant du capital initial des caisses d'épargne et renvoie au ministre le soin de fixer le capital initial de chaque caisse, sur proposition de la caisse nationale et après avis de la commission des participations et des transferts.
Nous persistons à penser qu'il n'est pas raisonnable de maintenir la référence à des dotations statutaires fixées de façon arbitraire, mécanique, devrais-je dire, sans souci de la réalité économique, au lendemain de la réforme des caisses d'épargne de 1991.
Certaines caisses, vous le savez, mes chers collègues, notamment ceux d'entre vous qui sont plus impliqués que d'autres dans la gestion du réseau des caisses d'épargne, ont appelé « dotations statutaires » la totalité de leurs fonds propres, alors que d'autres ont maintenu des réserves très substantielles par rapport à l'ensemble des fonds propres.
En réalité, j'ai la conviction, monsieur le ministre - vous ne nous avez pas dit strictement le contraire que le montant de 18,8 milliards de francs, qui est la sommation des dotations statutaires des caisses, résulte d'un marchandage et non pas d'une vision économique des choses, un marchandage entre les services du ministère de l'économie et le réseau des caisses d'épargne.
Je sais qu'il faut bien un jour sortir d'une négociation, ainsi que la vie nous l'enseigne, que parfois une règle forfaitaire permet d'en sortir et que mieux vaut un accord imparfait qu'un conflit latent, ouvert, susceptible de durer et d'engendrer toutes sortes de conséquences, mais je persiste à penser que le niveau auquel on est parvenu ne permettra pas au réseau des caisses d'épargne de maximiser ses chances de développement.
En d'autres termes, les arguments que vous nous avez apportés au cours de la discussion ne m'ont pas fait changer d'opinion. Je pense que la barque est trop lourdement chargée, qu'elle est placée à un niveau trop élevé pour attirer des sociétaires et les rémunérer à l'aide de la capacité bénéficiaire d'un réseau qui n'a pas encore fait ses preuves, qui a besoin de restructurer certains établissements, car il faut le dire, mes chers collègues, le coefficient d'exploitation de certaines caisses d'épargne est trop élevé pour que l'on puisse assurer leur pérennité économique.
L'efficacité de cette politique de dynamisation du réseau n'a pas encore fait ses preuves, et on envisage d'infliger à celui-ci, avec les 18,8 milliards de francs à rémunérer (M. Carrère proteste)...
Mais vous aurez à en assumer les conséquences, mon cher collègue ! Si vous restez président de conseil d'orientation et de surveillance, vous verrez les comptes année après année ! Je pense à vous,...
M. Jean-Louis Carrère. J'y suis très sensible !
M. Philippe Marini, rapporteur. ... comme je pense aux autres présidents de conseil d'orientation et de surveillance qui auront à porter la responsabilité de la réforme, chacun dans son établissement.
Donc, écoutez-moi avec attention, s'il vous plaît !
M. Jean-Louis Carrère. Je ne fais que cela !
M. Philippe Marini, rapporteur. La solution qu'on a trouvée est défavorable aux réseaux des caisses d'épargne puisque le ratio moyen capital social sur fonds propres des autres réseaux bancaires coopératifs s'élève à 27 % si l'on se réfère à la moyenne pondérée ou à 33 % si l'on se réfère à la moyenne arithmétique, alors que les 18,8 milliards de francs représenteraient 40 % des fonds propres des caisses d'épargne. Au Crédit agricole, ce même ratio est de 20 %, soit la moitié.
Il n'est donc pas raisonnable de fixer des objectifs qui vont pénaliser les caisses d'épargne et, par voie de conséquence, toutes les parties prenantes, c'est-à-dire aussi bien les salariés, que les sociétaires, les collectivités territoriales, et les caisses d'épargne elles-mêmes dans leur développement.
Je vous conseille donc, mes chers collègues, de suivre la proposition de la commission qui vise à fixer, comme plafond au montant du capital initial des caisses d'épargne, le pourcentage moyen des fonds propres correspondant au capital social dans les autres réseaux bancaires coopératifs ou mutualistes, tel qu'il ressort des données du comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement au 31 décembre 1998.
Enfin, mes chers collègues, le second objectif de cet amendement n° 18 rectifié est de supprimer la décomposition du capital initial des caisses en parts sociales et certificats coopératifs d'investissement, décomposition qui n'est pas conforme à la loi de 1947 sur la coopération.
En outre, cette disposition a pour conséquence que les éventuelles émissions de CCI serviront non pas à renforcer les fonds propres des caisses d'épargne mais à abonder le fonds de réserve pour les retraites, c'est-à-dire les finances de l'Etat. En effet, le fonds de réserve pour les retraites n'est que l'expression de la responsabilité financière de l'Etat à l'égard des régimes par répartition.
J'ai bien entendu l'argument de M. Strauss-Kahn selon lequel il s'agit non pas de 18,8 milliards de francs, mais de 13 milliards sous forme de parts de sociétaires, auxquels s'ajoutent 5,8 milliards sous forme de CCI.
Soit ! Convenez pourtant, monsieur le ministre, que l'argent ne pourra pas être collecté ! En effet, comment pourra-t-on reprendre la prospection qui aura été faite pour drainer 5,8 milliards de francs sous forme de certificats coopératifs d'investissement, alors que ce seront toujours les mêmes entreprises, les mêmes outils économiques et la même capacité bénéficiaire qui seront sollicités ?
Il est clair que, lorsque les caisses de l'Etat auront été alimentées dans le cadre de cette privatisation - puisqu'il s'agit bien, en définitive, d'une privatisation, au moins en termes comptables - on ne pourra pas recommencer l'opération dès le lendemain matin pour renforcer les fonds propres des caisses d'épargne. Or peut-être en auront-elles besoin pour assurer leurs perspectives de développement, pour s'allier à d'autres établissements, pour avoir une vision offensive de leur avenir. En réalité, vous en faites des marcheurs à qui on donnerait, sur terre, des chaussures à semelles de plomb faites pour se mouvoir sur les fonds marins.
Ces dispositions font preuve d'une certaine inadaptation en imposant un niveau de contrainte excessif. L'adoption de l'amendement n° 18 rectifié permettrait d'alléger ces contraintes et d'envisager les choses de manière plus raisonnable.
M. le président. La parole est à M. Bourdin, pour défendre l'amendement n° 120.
M. Joël Bourdin. Cet amendement respecte l'architecture du texte présenté par M. le rapporteur.
Il tend à préciser plusieurs points.
Tout d'abord, il vise à maintenir un délai de quatre mois, très certainement nécessaire pour procéder aux recherches et simulations qui permettraient de définir le capital de chaque caisse d'épargne.
Ensuite, il tend à éviter le recours à la Commission des participations et des transferts, qui, on le sait, est l'ancienne Commission des privatisations.
Il serait fâcheux de soumettre des entreprises publiques, de statut privé, à une procédure de transformation d'entreprise publique en entreprise privée.
Par ailleurs, ce recours à la Commission des participations et des transferts est un peu gênant dans la mesure où cette commission est plus habituée à procéder à des évaluations de sociétés dont l'actif net évolue en fonction du marché ; s'agissant des parts sociales, nous n'aurons pas ce souci.
Enfin, il n'est pas nécessaire que ce soit le ministre qui détermine le montant du capital de chaque caisse d'épargne dans la mesure où existent des données objectives provenant du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, permettant de connaître le pourcentage moyen des fonds propres correspondant au capital social des réseaux coopératifs et mutualistes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 120 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La logique de la commission n'est pas très différente de celle de M. Bourdin.
Nous estimons, les uns et les autres, que la barque est trop chargée. Seule la méthode de travail employée pour définir le bon niveau du curseur nous sépare.
Dans la mesure où je rectifie l'amendement de la commission de manière à ne plus faire apparaître la Commission des participations et des transferts, je pense que M. Bourdin pourrait s'y rallier.
Puisque nous assignons une limite supérieure à l'évaluation, nous pouvons en rester là et considérer que le montant des fonds propres à diffuser dans le public ne doit pas dépasser la moyenne pondérée du ratio capital sur fonds propre de l'ensemble des groupes mutualistes.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 18 rectifié bis , tendant à remplacer les paragraphes I et II de l'article 21 par un paragraphe ainsi rédigé :
« I. - Dans les deux mois qui suivent la publication de la présente loi, le montant du capital initial de chaque caisse d'épargne et de prévoyance est déterminé par le ministre chargé de l'économie sur proposition de la Caisse nationale des caisses d'épargne. Ce montant ne peut excéder un pourcentage de fonds propres égal au pourcentage moyen des fonds propres correspondant au capital social dans les autres réseaux bancaires coopératifs ou mutualistes, tel qu'il ressort des données du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement au 31 décembre 1998. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 18 rectifié bis et 120 ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous avons déjà longuement débattu sur ce point, mais je vais en quelques mots redéfinir clairement la position du Gouvernement.
Premièrement, il ne s'agit pas d'une privatisation. Il n'y a donc pas lieu de faire intervenir la Commission des participations et transferts, qui évalue, lorsqu'on procède à une privatisation, la valeur d'une entreprise et non pas son capital social. Il s'agit tellement peu d'une privatisation que le produit de la mise sur le marché des certificats coopératifs auprès des épargnants n'ira pas, contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur, dans les caisses de l'Etat.
M. Philippe Marini, rapporteur. Juste à côté !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela ira dans le fonds de réserve pour le système de retraites par répartition. Vous me rétorquerez que, précisément, le Sénat supprime cette affectation. Alors, oui, si vous supprimez cette affectation et faites entrer les fonds dans les caisses de l'Etat, vous vous rapprochez de la privatisation ! Mais comme ce n'est pas ce que recherche le Gouvernement, cela prouve, a contrario , que l'opération qu'il envisage n'est pas une privatisation.
Deuxièmement, si l'on faisait intervenir la CPT, je crains fort, compte tenu de son orientation actuelle, de la façon dont elle agit en toute indépendance - et sans doute avec raison - sur de nombreux autres dossiers, qu'elle ne fixe un chiffre sensiblement supérieur à 18,8 milliards de francs.
Sa mission consiste à préserver le plus possible les intérêts de l'Etat et des contribuables et, par voie de conséquence, à valoriser au maximum ce qu'elle a à mettre sur le marché.
Troisièmement, monsieur le rapporteur, je tiens à vous répondre sur l'idée que vous avez émise d'un marchandage entre les services de mon ministère et les réseaux des caisses d'épargne.
La République, monsieur Marini, ne fonctionne pas sur la base d'un marchandage. Au demeurant, et je m'en réjouis, vous n'avez pas l'air, vous-même, d'être familier du marchandage, ce qui est tout à votre honneur ! Car, s'il s'agissait d'un marchandage, je ne vois pas très bien comment, par quel miracle, on serait tombé pile sur la valeur qu'il y a aujourd'hui dans les comptes et dans les réserves des sociétés des caisses d'épargne. Un marchandage, par définition, aboutit à une cote mal taillée.
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est le hasard des chiffres !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il faudrait un sacré hasard pour qu'un marchandage aboutisse pile à 18,8 milliards de francs !
Enfin, quatrièmement, j'en viens au point le plus important, au ratio capital sur fonds propres, que vous avez analysé.
D'abord, je n'obtiens pas le même résultat que vous : vous trouvez 40 % et moi, 35 %.
D'où vient cette différence ? Elle provient de ce que, pour ma part, je prends pour la dotation du fonds de retraites ce qui, au 31 décembre 1998, était inscrit dans les comptes du réseau, à savoir 10 milliards de francs. Vous, pour obtenir un ratio de 40 % - j'ai refait le calcul rapidement - vous raisonnez sur 15 milliards de francs en préjugeant les résultats d'une négociation qui est en cours, sur la base de je ne sais quelle information. On ne peut se fier à autre chose qu'à ce qui figure, aujourd'hui, dans les comptes. Y sont provisionnés 10 milliards de francs, et non pas 15 milliards de francs ! Pourquoi, sinon, ne pas raisonner sur 14 milliards de francs, 18 milliards de francs, n'importe quelle autre somme ?
Raisonnons sur les chiffres qui sont établis : au 31 décembre, il y avait 10 milliards de francs dans les comptes du réseau et, sur cette base, le ratio capital sur fonds propres sera de 35 %.
Est-ce bien ou non ? Pour le savoir, vous établissez une comparaison avec des établissements de nature analogue.
J'ai déjà fourni ces chiffres hier : pour le réseau des banques particulières, le ratio capital sur fonds propres est de 37 %, ce n'est pas très loin de 35 % ; pour le Crédit mutuel, il est de 40 % ou 41 %. Comment se fait-il que vous arriviez à 27 % environ ? Parce que vous introduisez dans votre calcul le ratio du Crédit agricole, qui se situe à 20 %. Mais le Crédit agricole est une exception par rapport à tout le reste du réseau mutualiste ou coopératif. Tous les autres établissements ont un ratio situé entre 35 % et 40 %. Je ne pense pas qu'il soit opportun de prendre exemple sur ce cas particulier plutôt que sur les autres.
Quand on considère ces autres établissements, le ratio de 35 % des caisses d'épargne est satisfaisant, celui de 40 % que vous avez vous-même trouvé, sur la base d'un calcul un peu fantaisiste, serait d'ailleurs satisfaisant lui aussi.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il n'est pas fantaisiste.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce n'est que lorsque l'on introduit dans le calcul le ratio du Crédit agricole, qui est très à l'écart de l'ensemble de la constellation des établissements mutualistes coopératifs, que l'on fait baisser la moyenne, mais il n'y a a priori absolument aucune raison de le faire.
M. Philippe Marini, rapporteur. Le thermomètre ne vous convenant pas, vous le cassez !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Non, monsieur le rapporteur, ce n'est pas le thermomètre qui ne me convient pas, c'est l'endroit où vous le mettez ! (Rires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous dérivons, monsieur le ministre !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'en viens au dernier point : l'évaluation même des 18,8 milliards de francs.
Vous dites qu'il ne faut pas inclure les certificats coopératifs d'investissement dans le calcul. J'affirme tout le contraire : nous pouvons placer pour 13 milliards de francs de parts auprès des épargnants et le reste, en certificats coopératifs d'investissement, auprès d'autres catégories d'agents économiques, des institutionnels qui n'ont rien à voir avec les épargnants.
M. Philippe Marini, rapporteur. Ce sont aussi des épargnants !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il n'y a pas recouvrement : on ne sollicite pas deux fois les mêmes épargnants.
Auprès des épargnants qui sont les clients des caisses d'épargne et qui sont ceux qui nous intéressent de façon privilégiée, nous espérons récolter 13 milliards de francs, soit, à un milliard près, le chiffre auquel tout le monde arrive : c'est la somme que le réseau affirme pouvoir placer ; c'est à peu près le chiffre auquel vous-même, monsieur le rapporteur, et un certain nombre de vos collègues êtes parvenus. Donc, en gros, tout le monde est d'accord sur le chiffre concernant les parts coopératives placées dans le public.
Par ailleurs, il est possible d'obtenir 5,8 milliards de francs auprès d'investisseurs institutionnels, qui constituent une autre catégorie d'épargnants et qui ne seront nullement touchés par le fait que, par ailleurs, on aura collecté 13 milliards de francs auprès de la première catégorie d'épargnants, à savoir les déposants dans les caisses d'épargne.
Puisque vous ne contestez pas le chiffre des 13 milliards de francs pouvant être collectés auprès des épargnants, la somme de 18,8 milliards de francs ne devrait pas vous paraître excessive, à moins que vous ne considériez qu'il est impossible de placer 5,8 milliards de francs auprès des institutionnels, mais vous n'avez même pas avancé cet argument tant vous savez qu'il est faux. Vous êtes donc d'accord avec nous sur le fait que, au total, on peut placer pour 18,8 milliards de francs de parts. Il n'existe aucun moyen de réfuter cette addition simple. A partir du moment où on peut le faire, il n'y a aucune raison de ne pas le faire.
Le problème, c'est que vous ne souhaitez pas que cela soit affecté au fonds de réserve des retraites par répartition.
Encore une fois, j'ai du mal à comprendre pourquoi vous ne voulez pas aider notre système de retraite à se « remplumer », sauf à croire - mais, honnêtement, c'est tellement loin de ma pensée que j'hésite même à évoquer ici cette hypothèse ! - ...
M. Jean-Louis Carrère. Vous avez tort, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... que la majorité sénatoriale se trouverait quelque peu gênée de voir que, pour la première fois dans ce pays, par milliards de francs, et même par dizaines de milliards de francs...
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le ministre, nous avons voté une loi en mars 1997 et nous attendons encore les textes d'application !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le rapporteur, je ne me rappelle pas m'être à ce point énervé en vous écoutant ! Souffrez que j'aille jusqu'au bout de ma démonstration. D'ailleurs, j'arrive à la fin.
M. Philippe Marini, rapporteur. Acceptez mes excuses, monsieur le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Oh, je vous pardonne bien volontiers ce mouvement qui a dépassé votre intention, car je sais que vous êtes en fait très heureux que cet argent aille au fonds de réserve des retraites par répartition, et c'est cette confusion même qui est à l'origine de votre énervement. Personnellement, vous êtes pour, mais vous n'osez pas le dire. Je vais donc le dire pour vous.
Votre rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, est favorable - il vient de le redire - à ce que nous alimentions ainsi le fonds des retraites par répartition !
M. Philippe Marini, rapporteur. Si je l'étais, je le dirais moi-même !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La majorité, à l'Assemblée nationale, est pour. Je crois comprendre que l'opposition, au Sénat, est aussi pour. Si nous sommes tous d'accord, il n'y a vraiment pas de raison de vouloir priver de ces premiers vingt milliards de francs - il y en aura d'autres - notre système de retraites par répartition, qui en a besoin et que, nous, nous voulons soutenir.
Certes, ce gouvernement est le premier à y consacrer des dizaines de milliards de francs.
M. Jean Chérioux. Pour le moment, il n'y en a que deux !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Que ce ne soit pas encore suffisant, c'est sûr ! Il en faudra d'autres, c'est sûr ! Il y aura déjà deux dizaines de milliards quand vous aurez voté cette disposition !
M. Jean Chérioux. Nous n'aurons pas toujours l'aubaine des caisses d'épargne !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Oh, monsieur le sénateur, il y aura d'autres sources !
Pourquoi faut-il, à chaque fois qu'une proposition est faite pour améliorer la situation,...
M. Jean Chérioux. Je ne suis pas contre, mais vous êtes en train de vous en glorifier !
M. le président. Monsieur Chérioux, laissez M. le ministre s'exprimer.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ah ? Vous n'êtes pas contre ? Alors, je retire la remarque que je m'apprêtais à faire. Comme M. Marini, vous n'êtes pas contre, et je sais bien que, au fond de vous-mêmes, vous êtes tous pour !
Alors, d'un bon mouvement, ne votez pas contre votre sentiment ! Ne votez pas cet amendement qui n'a guère de signification, qui vise seulement à empêcher de renforcer notre système de répartition.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le ministre, nous risquerions de tomber dans les rets de votre habileté oratoire mais nous devons y résister. Pour ce faire, je me permets de vous poser une simple question : quand le Crédit lyonnais sera privatisé, à quoi sera affecté le produit de la privatisation ?
M. le président. Monsieur le ministre, voulez-vous répondre à M. le rapporteur général ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je le veux bien, quoique je ne comprenne pas parfaitement le sens de sa question : elle doit receler un piège qui m'échappe.
Le Crédit lyonnais va être privatisé parce que nous devons le faire : la récapitalisation dont il a été l'objet a eu des conséquences telles que se trouvant enfreintes les règles communautaires en matière de concurrence communautaire. La Communauté européenne nous impose, en effet de procéder à cette privatisation.
Comme vous le savez, les ressources qui seront ainsi dégagées viendront compenser pour partie - non pas en totalité, malheureusement - les dépenses qui ont dû être engagées pour couvrir les pertes du Crédit lyonnais.
Est-ce bien le problème que vous vouliez soulever, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteurgénéral.
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le ministre, vous avez fort bien compris ma question mais vous n'y avez pas répondu. Le produit de la privatisation du Crédit lyonnais sera-t-il affecté au fonds de garantie du fonds de solidarité vieillesse, le FSV ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Comme pour nous faire gagner du temps, M. le ministre prétend exprimer nos souhaits profonds. Eh bien ! monsieur le ministre, je suis contre le choix politique que vous faites de consacrer cette somme au fonds de garantie pour les retraites.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous êtes courageux !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. J'ai un peu honte pour notre génération qui, au fond, aura cumulé les inconvénients de notre système, quels qu'aient été les gouvernements - depuis 1992, cela s'est même accentué du fait du retournement conjoncturel que nous avons connu à l'époque - en creusant des déficits abyssaux, en laissant filer une augmentation de la dette que l'on n'a pas su contenir parce que les déficits étaient eux-mêmes extrêmement difficiles à contenir.
Face à des projections qui apparaissent comme catastrophiques en matière de retraite que fait cette génération que nous représentons ? Elle vend le capital des Français pour préparer ses retraites. Quelle honte !
Ayons donc le courage de mobiliser l'argent des Français pour préparer les retraites ! Mettons en application les textes qui ont été votés et qui instituent les fonds de pension. Voilà une politique responsable !
Monsieur le ministre, moi, je ne serais pas fier de rentrer chez moi ce soir en disant à mes enfants : « Eh bien ! mes chers enfants, j'ai fait une bonne action aujourd'hui : nous avons vendu une partie des caisses d'épargne pour constituer nos propres retraites. » Quelle idée vont-ils se faire de nous ?
Je comprends très bien que vous en soyez fier, mais pardonnez-moi de ne pas partager cette fierté. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je suis désolé d'allonger le débat mais, devant un tel morceau de bravoure, il serait indélicat de ne pas apporter un élément de réponse.
Vous devez, monsieur le président de la commission, avoir des enfants fort jeunes, ce dont je vous félicite au demeurant, car, s'ils avaient atteint l'âge de la maturité et s'ils étaient déjà dans le monde du travail, vous sauriez que c'est pour eux que le système de retraite est remis sur pied. Ce n'est ni pour vous ni pour moi, qui serons à la retraite dans une période à laquelle notre système ne connaîtra pas encore de grandes difficultés. C'est pour eux que nous travaillons.
Depuis 1992, effectivement - je serais plutôt parti de 1993, mais soit ! - notre endettement a beaucoup augmenté du fait de déficits divers, que, d'ailleurs, si je me souviens bien, la majorité sénatoriale a votés chaque année en approuvant les lois de finances successives de 1994, 1995, 1996 et 1997.
N'ayez pas trop honte, je viens vous consoler...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je n'en ai pas besoin !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous sommes tous responsables d'un système de retraite qui, aujourd'hui, fait la preuve qu'il a bien fonctionné pendant cinquante ans - c'est la première constatation que l'on peut faire - mais qui risque en effet de connaître des difficultés en raison des perspectives démographiques qui sont maintenant les nôtres. Si notre génération doit avoir honte, monsieur Lambert, c'est de ne pas avoir fait assez d'enfants. Car, si nous avions fait assez d'enfants, nous n'aurions pas de telles perspectives démographiques...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous avons, vous et moi, fait pareil en ce domaine ! (Sourires.)
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Si tel est le cas, nous avons, l'un et l'autre, fait notre devoir de ce point de vue, mais ce n'est pas obligatoirement le cas de tout le monde.
Compte tenu de la situation qui se présente aujourd'hui, il nous faut mettre des « noisettes », comme disait hier M. le rapporteur, de côté.
Nous avons là l'occasion de verser quelque chose en faveur de ce fonds. Faisons-le pour le pays. Il y aura d'autres occasions : je reviendrai devant vous, cette année, l'année prochaine, l'année suivante, et peut-être encore au-delà, vous proposer d'autres utilisations de ressources collectives en faveur du fonds de soutien aux retraites par répartition. Je suis sûr que vous finirez - oui, même vous, monsieur le président de la commission - par être convaincu du bien-fondé, au regard des intérêts de notre pays, de mesures qui tendent à assurer la pérennité d'un système des retraites par répartition qui, depuis la guerre, a effectivement si bien servi notre pays en assurant à nos retraités un niveau de vie tout à fait convenable. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. On n'a pas toujours des aubaines ! On peut le souhaiter, mais on n'en a pas toujours !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 18 rectifié bis.
M. Joël Bourdin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Je n'ai pas beaucoup entendu parler de mon amendement. (Sourires.)
En outre, je n'ai pas saisi, sans doute parce que je suis fatigué, le sens de la discussion qui vient d'avoir lieu.
Puisqu'un débat s'est engagé les retraites, je tiens à préciser que, tout comme M. le ministre, j'estime qu'il est possible de mobiliser des ressources pour les fonds de retraite. J'ai d'ailleurs déposé aujourd'hui même une proposition de loi tendant à affecter 100 milliards de francs, prélevés sur nos stocks d'or qui ne servent à rien, à un fonds de retraite, à l'instar de ce que viennent de faire les Suisses. Nous aurons, je l'espère, l'occasion d'en reparler dans cet hémicycle. Si l'on ajoutait ces 100 milliards de francs aux 18,8 milliards de francs dont il est à présent question, cela commencerait à faire un joli fonds pour les retraites !
Mais, j'en reviens à l'article 21.
M. le rapporteur m'a suggéré de retirer mon amendement n° 120 en indiquant qu'il était prêt à rectifier le sien. Je ne procéderai à aucun marchandage, puisque c'est une pratique qui ne doit pas avoir cours ici (Sourires), mais je souhaiterais, afin d'être pleinement rassuré et de pouvoir retirer mon amendement en toute sérénité, que M. le rapporteur veuille bien ne confirmer que la référence à la commission des participations et des transferts est effectivement supprimée et aussi qu'il accepte de porter le délai de deux mois à quatre mois.
Qui peut le plus peut le moins ! Je ne vois pas pourquoi on obligerait les caisses d'épargne et la Caisse nationale des caisses d'épargne à procéder dans la précipitation.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Sur le premier point, je confirme que l'amendement n° 18 rectifié bis ne fait plus allusion à la commission des participations et destransferts.
Sur le second point, je suggère que, entre deux mois et quatre mois, nous retenions trois mois, et je rectifie à nouveau mon amendement en conséquence.
M. le président. A la suite, non pas d'un marchandage mais d'une transaction (Sourires), je suis donc saisi par M. Marini, au nom de la commission des finances, d'un amendement n° 18 rectifié ter, tendant à remplacer les paragraphes I et II de l'article 21 par un paragraphe ainsi rédigé :
« I. - Dans les trois mois qui suivent la publication de la présente loi, le montant du capital initial de chaque caisse d'épargne et de prévoyance est déterminé par le ministre chargé de l'économie sur proposition de la Caisse nationale des caisses d'épargne. Ce montant ne peut excéder un pourcentage de fonds propres égal au pourcentage moyen des fonds propres correspondant au capital social dans les autres réseaux bancaires coopératifs ou mutualistes, tel qu'il ressort des données du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement au 31 décembre 1998. »
Monsieur Bourdin, puis-je considérer que vous retirez l'amendement n° 120 ?
M. Joël Bourdin. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 120 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 18 rectifié ter.
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. On ne peut nier qu'une interrogation demeure quant au montant du capital initial.
Il est certain qu'il sera difficile de placer la somme prévue ; 18,8 milliards de francs représentent une partie non négligeable des fonds propres, soit une assiette à rémunérer plus importante que pour la plupart des autres réseaux. Cela fait donc peser une contrainte de rémunération lourde, supérieure à celles qui existent pour les autres réseaux coopératifs.
De plus, aucun réseau coopératif n'a placé de tels montants en une si courte période.
Or ce placement est important : si l'opération n'est pas complètement réussie par une caisse, celle-ci devra vraisemblablement racheter les parts non placées, ce qui pourrait amplifier un appauvrissement relatif de cette caisse.
C'est pourquoi nous nous étions demandés s'il ne convenait pas de proposer une réduction de ce montant, notamment après que l'Assemblée nationale eut accru l'affectation au financement de projets d'économie locale et sociale.
Mais le ministre nous a, je crois, convaincus que le montant choisi était, tout bien réfléchi, non pas le moins mauvais, mais le meilleur. Il se situe - et, là, je reprends la dialectique de M. le rapporteur - dans la fourchette établie par l'excellent rapport de Raymond Douyère, qui connaît bien son affaire.
M. Philippe Marini, rapporteur. Le premier ou le deuxième rapport ?
M. Jean-Louis Carrère. Le deuxième corrobore le premier.
Surtout, il faut distinguer la part des certificats coopératifs. Le véritable montant à prendre en compte est en effet 13 milliards de francs, ce qui apparaît relativement réaliste.
En revanche, il nous semble nécessaire, non pas de multiplier par deux la durée de placement, mais de la porter de quatre ans à cinq ans afin d'augmenter les chances de réussite pour toutes les caisses et de rendre supportable l'effort qui leur sera demandé.
Quant à l'amendement de la commission, il ne doit pas être retenu, mes chers collègues, puisqu'il confie au ministre le soin de fixer le montant du capital initial,...
M. Philippe Marini, rapporteur. Dans une limite !
M. Jean-Louis Carrère. ... ce qui est tout de même étrange, car il n'y a pas de raison qu'il modifie sa position. De plus, le Parlement n'a pas à se défausser de ce choix sur l'exécutif.
Pour ce qui est de la non-intervention de la commission des participations et des transferts, nous notons avec satisfaction l'évolution qu'a connu l'amendement, mais il n'y a jamais eu de confusion dans nos esprits.
M. Joseph Ostermann. Oh !
M. Jean-Louis Carrère. La modification du statut des caisses d'épargne n'est pas leur privatisation, monsieur le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Si, c'est une privatisation.
M. Jean-Louis Carrère. Voilà la divergence entre nous !
M. Marcel Deneux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Quelque chose m'a échappé dans l'argumentation qu'a développée M. le ministre sur la répartition du capital entre parts sociales et certificats coopératifs d'investissement. Je suis à ce point étonné que je veux intervenir pour me faire le défenseur des futurs porteurs de parts sociales des caisses d'épargne.
Monsieur le ministre, le capital sera désormais composé de deux éléments dont la valeur ne va pas varier dans le temps de la même manière. Ainsi, les certificats coopératifs d'investissement, les CCI, ont vocation à évoluer en fonction d'un marché, alors que les parts sociales sont des titres à capital nominal dont la valeur est fixe.
Au bout de quelques années, les souscripteurs de certificats coopératifs d'investissement gagneront de l'argent sur ce capital des caisses d'épargne, et c'est tout à fait légitime. Or, monsieur le ministre, vous nous proposez d'attribuer ces CCI sinon par priorité, du moins par préférence aux « zinzins », c'est-à-dire aux investisseurs institutionnels. Autrement dit, vous lésez les porteurs de capital social, dont vous nous dites qu'ils représentent l'épargne populaire, au profit des « zinzins ». C'est là un raisonnement d'inspecteur des finances et non pas de militant coopératif.
A ce titre-là, je m'insurge. Il n'est pas normal que les pauvres gens auxquels on aura fait souscrire des parts sociales soient ruinés par d'autres, les détenteurs de CCI, qui profiteront du système.
L'équité, la justice même, exige que l'on distribue les CCI et les droits à souscription de CCI à ceux qui sont déjà porteurs de parts sociales. Je peux vous dire par expérience que l'on y arrive, bien que ce ne soit pas réglementé, car les réseaux commerciaux des banques qui émettent des CCI y veillent et s'organisent pour que les porteurs de parts sociales, qui étaient là au départ et qui ont soutenu la maison depuis toujours, ne soient pas lésés par ces porteurs de CCI prêts à gagner de l'argent sur leur dos !
Monsieur le ministre, il serait anormal que vous procédiez à la répartition du capital suivant les perspectives que vous avez évoquées tout à l'heure. Je veux le dire publiquement : en tant que porteur de parts sociales des caisses d'épargne, je me ferai militant et je ferai campagne pour que cela ne se produise pas. Ce que vous proposez est parfaitement anormal au regard tant de la coopérative que nous voulons créer que des intérêts de ses coopérateurs. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste. - M. le rapporteur applaudit également.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Les amendements n°s 18 rectifié ter et 19 de la commission des finances ont la spécificité de correspondre, de manière assez logique, à la position que M. le rapporteur a adoptée depuis le début de la discussion de ce projet de loi.
Sur le fond, la nature assez spécifique du statut qui sera dévolu aux caisses d'épargne à l'issue de la discussion du texte pose en effet un certain nombre de problèmes.
Nous ne pouvons évidemment manquer de souligner qu'au-delà de tout ce qui est dit et écrit sur le fait de savoir si ce statut est inspiré pour partie du statut de la coopération et si le montant du capital initial de l'ensemble des caisses du réseau correspond effectivement à une réalité économique fiable et offre toutes les garanties juridiques possibles, la question qui nous est directement posée est celle de l'ordre des priorités définies à la nouvelle structuration du réseau.
Ces priorités, nous l'avons vu, sont contenues dans le texe initial des articles et elles ont pour elles le défaut de ne pas tout à fait correspondre à ce que notre rapporteur souhaite voir appliquer comme orientation nouvelle au réseau des caisses d'épargne.
Sur le fond, notre collègue Philippe Marini est un partisan de la banalisation la plus large possible du statut des caisses d'épargne, tout le monde l'a compris depuis le début de ce débat.
M. le rapporteur, en fait, n'apprécie guère qu'un établissement de crédit puisse se voir confier des missions d'intérêt général et apporter par là même une couleur ou une tonalité différentes à des pratiques assez uniformément répandues dans notre pays en matière bancaire et financière.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je souhaite surtout qu'elles ne fassent pas faillite et qu'elles gardent leur indépendance !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce que vous voulez, monsieur le rapporteur, est assez clair : vous souhaitez que la constitution et la diffusion des parts sociales des caisses d'épargne finissent par détourner définitivement ces établissements de leurs missions, au bénéfice exclusif de la rémunération des sociétaires pris individuellement.
Cette démarche va de pair avec celle qui consiste à scier la branche sur laquelle sont assis ces établissements, c'est-à-dire les livrets défiscalisés, pour ce qui est des ressources, et le caractère assez spécifique de leurs interventions, pour ce qui est des emplois.
L'article 21 peut donc, à terme, poser un certain nombre de problèmes. Il est, en effet, au coeur de la contradiction que présente l'évolution du statut des caisses, notamment la constitution de leur capital social.
Il importe donc de savoir, mes chers collègues, une fois repoussées les propositions de M. le rapporteur, ce que cet article pourra effectivement devenir à l'issue de l'examen du texte.
M. Paul Loridant. Très bien !
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je voterai contre l'amendement de la commission, m'inscrivant pleinement dans la logique de M. le ministre et du projet de loi tel qu'il nous arrive de l'Assemblée nationale.
Cela étant, monsieur le ministre, je voudrais, à ce moment très important du débat, redire mon inquiétude.
Dès le vote de la loi, durant la période transitoire, toutes sortes de contraintes vont peser, et pas seulement des contraintes financières, dans mon esprit. Elles doivent être surmontées si nous voulons que les mesures que nous allons voter aient un effet positif pour les caisses d'épargne et leurs salariés, pour les déposants et pour le pays tout entier, j'ajouterai même pour l'idée coopérative, parce que cela m'importe aussi beaucoup.
Il s'agit, bien entendu, de la rémunération des parts sociales, de la ponction sur les fonds propres décidée dans la dernière loi de finances, du problème encore non résolu des retraites et aussi - raison pour laquelle les problèmes ne sont pas uniquement d'ordre financier - du changement de statut, qui va tout de même confronter cette maison, dont je salue au passage la qualité des personnels et de la direction, à un certain nombre d'ajustements délicats. Bref, cela se fera, mais pas sans douleur.
C'est pour faciliter cette période transitoire, monsieur le ministre, que, comme d'autres d'ailleurs, j'ai suggéré que vous modifiez votre position sur deux points.
Il s'agit, d'abord, de réduire le montant du capital social. J'ai cru comprendre dans vos propos que le ratio actuel n'était pas nécessairement le seul qui puisse stabiliser l'édifice.
Il s'agit, ensuite, d'allonger la durée de la période transitoire, même si j'admets que la discussion m'a fait changer d'avis et que la durée de huit ans que je proposais dans mon intervention liminaire est bien longue.
Cela étant, monsieur le ministre, sur la réduction du montant du capital social comme sur l'allongement de la période transitoire, qui fait d'ailleurs l'objet d'amendements, un effort est indispensable.
Bref, monsieur le ministre, m'inscrivant totalement dans votre philosophie et souscrivant pleinement aux procédures que vous préconisez, je me permets de vous suggérer de faire un geste, au nom du Gouvernement, sinon à ce moment de la discussion, du moins un peu plus tard.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18 rectifié ter, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 93:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 220
Contre 99

Mes chers collègues, à la demande de M. le ministre, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)