Séance du 6 mai 1999







M. le président. « Art. 17. - Dans un délai de quinze jours à compter de la signature par les employeurs et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives d'un accord collectif national, les organisations syndicales dont les représentants à la commission paritaire nationale constituent plus de la moitié des quatorze membres représentant le personnel à la commission paritaire nationale peuvent s'opposer à l'entrée en vigueur de cet accord. L'opposition est formulée par écrit et motivée. Elle est notifiée à la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance et aux organisations syndicales signataires. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 16, M. Marini, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 135, MM. Angels, Carrère, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit l'article 17 :
« Les accords collectifs signés en commission paritaire nationale ne sont considérés comme valables que lorsqu'ils ont été signés par des organisations syndicales représentant la majorité des salariés. Cette représentativité s'apprécie en fonction des résultats obtenus à la dernière élection professionnelle commune à l'ensemble des salariés.
« Toutefois, dans un délai de quinze jours à compter de la signature d'un protocole d'accord entre les employeurs et une ou plusieurs organisations syndicales ne représentant pas la majorité des salariés au sens de l'alinéa précédent, la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance peut décider de le soumettre à ratification par référendum. Cette consultation doit intervenir dans un délai de trois mois sous la responsabilité de la commission paritaire ntionale. »
Par amendement n° 185, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter l'article 17 par un alinéa ainsi rédigé :
« N'ouvrent pas droit à opposition dans les conditions fixées à l'alinéa précédent, les accords qui déterminent les modalités d'application de l'accord du 8 décembre 1961 et de la convention collective nationale du 14 mars 1947 qui ont respectivement institué les régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires des salariés et des cadres. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 16.
M. Philippe Marini, rapporteur. L'article 17 vise à soumettre les caisses d'épargne au droit commun du travail en ne reprenant pas la disposition de la loi de 1983 qui régit actuellement les relations du travail et qui prévoit que les conventions doivent recueillir l'accord des trois quarts au moins des membres présents au sein de la commission paritaire nationale.
Conséquence de l'article 16 du présent projet : les accords collectifs nationaux seront toujours négociés au sein de la commission paritaire nationale, mais ils seront adoptés selon les règles de droit commun, c'est-à-dire s'ils sont signés par au moins un syndicat représentatif.
Toutefois, cet article 17 dont je viens de résumer le propos ne va pas jusqu'au bout de la logique préconisée lors des travaux préparatoires, en particulier par l'auteur du rapport remis au Premier ministre, que je ne citerai plus parce que son nom est dans tous les esprits.
En effet, l'article 17 maintient une disposition dérogatoire au droit commun : c'est la possibilité, pour les organisations syndicales, de s'opposer à l'entrée en vigueur d'un accord si leurs représentants constituent plus de la moitié des quatorze membres de la commission paritaire nationale représentant le personnel.
Dans le droit commun du travail, l'exercice du droit d'opposition est limité aux seuls accords qui réduisent ou suppriment un ou plusieurs avantages individuels ou collectifs dont bénéficient les salariés. La commission pense être conséquente avec les intentions initiales des auteurs du projet de loi en proposant, par le présent amendement, d'aligner la procédure de dénonciation des accords collectifs au sein du réseau des caisses d'épargne sur le droit commun du travail.
M. le président. La parole est à M. Carrère, pour présenter l'amendement n° 135.
M. Jean-Louis Carrère. Cet amendement vise simplement à conserver le mode de conclusion des accords de branches tel qu'il existe depuis la loi Taddéi de juillet 1983.
En effet, le mode de négociation des accords collectifs, tel qu'il résulte des lois de 1983 et de 1991, nous semble être un bon mode de négociation. Il garantit l'adhésion d'une majorité des personnels aux accords.
Il lui a toutefois été reproché de permettre un blocage par certains syndicats majoritaires, ce qui est effectivement le cas. La critique n'est donc pas totalement infondée, et c'est pourquoi il fallait faire évoluer ce cadre de négociations collectives.
La première solution, c'est le passage au droit commun, comme le propose la commission. Cette approche, qui s'inscrit dans le droit-fil de la banalisation voulue par M. le rapporteur, serait une erreur, car elle aboutirait à supprimer un dispositif intéressant de négociation collective.
M. le rapporteur, je l'admets, sait être original - ou ne pas l'être - quand ça l'arrange !
La seconde solution, celle du Gouvernement, est en fait assez proche du droit commun, mais elle conserve des éléments intéressants permettant une meilleure adhésion des personnels.
Nous pensons quant à nous qu'il faut plutôt partir du dispositif actuel en faisant évoluer deux de ses éléments.
Premier élément : l'adoption d'une règle de majorité simple plutôt que le maintien de la règle de la majorité des trois quarts, ce qui constituerait une évolution significative.
Second élément : offrir la possibilité de signature par des syndicats minoritaires, sous réserve d'une validation par référendum.
Tel est l'objet de notre amendement. Il permet de maintenir un dispositif qui a le soutien des personnels et qui nous semble intéressant, tout en donnant la possibilité grâce au recours au référendum, de débloquer éventuellement certains dossiers majeurs.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 185.
M. Guy Fischer. La consolidation des droits à retraite des personnels des caisses d'épargne implique que les droits correspondants à ceux qui sont mis en oeuvre par les régimes de retraites complémentaires légalement obligatoires, à savoir l'Association des régimes de retraites complémentaires, l'ARRCO, et l'Association générale des institutions de retraites des cadres, l'AGIRC, soient mis en oeuvre dans le cadre des mécanismes de compensation institués par l'ARRCO et l'AGIRC, et cela conformément aux dispositions arrêtées par chacune de ces deux fédérations d'institutions de retraite complémentaire.
Les salariés des caisses d'épargne sont, aujourd'hui, les seuls à ne pas bénéficier de la garantie que présente la participation à de vastes régimes couvrant l'ensemble des salariés.
Le présent amendement vise à corriger cette anomalie préjudiciable aux intérêts des salariés.
Le caractère conventionnel du régime de retraite des caisses d'épargne est respecté, les représentants des salariés et les employeurs devant conclure à cet effet les accords nécessaires.
Les régimes de retraites complémentaires ARRCO et AGIRC étant devenus obligatoires en vertu d'une loi du 29 décembre 1972, le droit d'opposition ne peut être ouvert aux organisations syndicales qui ne seraient pas signataires des accords conclu par les caisses d'épargne.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 135 et 185 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Ces amendements partent d'une logique inverse de celle qui est suivie par la commission dans l'amendement n° 16. La commission, qui ne peut donc manifestement adhérer aux amendements n°s 135 et 185, émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 16, 135 et 185 ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous avons là une bonne illustration de la démarche du Gouvernement dans l'ensemble de ce texte.
D'un côté, il y a le statu quo , qui a démontré, au cours des années, qu'il ne permettait pas le dialogue social. En effet, les caisses d'épargne sont une des rares institutions de cette taille qui, au cours des six dernières années, n'ont signé aucun accord. Quand on cherche à en connaître la raison, on s'aperçoit que c'est précisement cette capacité de blocage qui est en cause.
Si nous voulons favoriser le dialogue social et permettre la signature d'accords, il est donc nécessaire de faire sauter cette clause très particulière. Refusons donc le statu quo !
A l'autre extrême, M. le rapporteur général nous propose une situation dans laquelle nous revenons - sur ce sujet comme sur d'autres - sur la banalisation des caisses d'épargne. Nous ne voulons pas de cette banalisation et c'est pourquoi le Gouvernement a proposé une situation intermédiaire dans laquelle nous garantissons la spécificité des caisses d'épargne, qui est conservée, notamment par cette commission paritaire nationale, mais nous retirons les possibiltés de blocage qui ont montré, au cours des années passées, leur caractère fâcheux. La proposition qui figure dans le texte vise à tenir la balance égale entre ces deux contraintes. Je ne suis pas favorable à l'amendement n° 16, qui ferait disparaître toute spécificité.
Par ailleurs, même si j'en respecte l'origine, je ne suis pas favorable non plus à l'amendement n° 135, qui vient d'être présenté par le groupe socialiste, car il me semble que nous sommes trop près de la situation de blocage actuel, ou plutôt que, pour échapper à la situation de blocage, ce qui rejoint ma préoccupation, on monte un système qui est tout de même atrocement compliqué.
Dans la version actuelle du texte, nous avons à la fois la spécificité des caisses d'épargne par rapport au droit commun, mais aussi la possibilité de passer des accords. Il me semble que si nous recherchons tant soit peu la simplicité dans un texte qui, il est vrai, est déjà bien compliqué, il vaut mieux se rallier à la rédaction qui est aujourd'hui celle du projet.
Je demande donc aux deux intervenants, avec un espoir différent dans les deux cas, qu'ils veuillent bien retirer leurs amendements pour en rester à cette position médiane qui a été tracée par le texte du Gouvernement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 17 est supprimé et les amendements n°s 135 et 185 n'ont plus d'objet.

Chapitre VII

Dispositions diverses

Article 18