Séance du 6 mai 1999







M. le président. « Art. 8. - Les groupements locaux d'épargne sont des sociétés coopératives, soumises aux dispositions de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée sous réserve des dispositions de la présente loi.
« Ils contribuent à l'élaboration, dans le cadre des missions d'intérêt général qui leur sont confiées, des orientations générales de la caisse d'épargne et de prévoyance à laquelle ils sont affiliés. Ils ont également pour objet, dans le cadre de ces orientations générales, de favoriser la détention la plus large du capital de cette caisse d'épargne et de prévoyance en animant le sociétariat.
« Les groupements locaux d'épargne ne peuvent faire d'opérations de banque. Ils sont dispensés de l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Ils sont affiliés à la caisse d'épargne et de prévoyance dans la circonscription territoriale de laquelle ils exercent leur activité.
« Le niveau de la rémunération des parts sociales détenues par les sociétaires des groupements locaux d'épargne est fixé par l'assemblée générale de la caisse d'épargne et de prévoyance à laquelle ces groupements locaux d'épargne sont affiliés. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 11, M. Marini, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Les statuts des caisses d'épargne et de prévoyance prévoient que les sociétaires d'une caisse d'épargne et de prévoyance sont répartis en sections locales d'épargne délibérant séparément, et dont les délégués constituent l'assemblée générale de la caisse d'épargne et de prévoyance. Les sections locales d'épargne doivent rassembler au moins 500 sociétaires personnes physiques ou dix sociétaires personnes morales. Elles ont pour objet de favoriser la détention la plus large du capital des caisses d'épargne et de prévoyance en animant le sociétariat. »
Par amendement n° 176, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le deuxième alinéa de l'article 8, un alinéa ainsi rédigé :
« Pour faciliter cette détention, les groupements locaux d'épargne sont habilités à proposer aux sociétaires définis à l'article 9 de la présente loi une première part sociale à un prix privilégié. »
Par amendement n° 177 rectifié, Mme Beaudeau, MM. Loridant et Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine l'article 8 par un alinéa ainsi rédigé :
« L'intérêt servi aux parts sociales hors les parts bénéficiant de prix de souscription priviligiés, rapporté à la valeur nominale de chaque part, ne peut être supérieur au taux de rémunération du livret A des caisses d'épargne. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 11.
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je ne surprendrai pas notre assemblée en disant que la commission des finances, constante dans ses positions, considère comme inutiles et exagérément compliqués les groupements locaux d'épargne, les GLE.
Nous estimons que l'on doit se passer de ces structures, mais, pour autant, qu'il faut prendre les dispositions nécessaires afin d'animer le sociétariat sur le plan local.
Il existe, à cet égard, une forme prévue par la loi de 1947 portant statut de la coopération, à savoir les sections locales d'assemblée générale. Ces sections locales peuvent être délimitées sur le terrain en fonction de la réalité commerciale, par exemple par groupe d'agences, si l'on veut faire en sorte que chaque territoire soit bien irrigué par les moyens de la Caisse d'épargne. En outre, ces sections locales sont appelées à se réunir, chacune déléguant ses représentants à l'assemblée générale de la Caisse d'épargne.
Il y a donc animation sur le plan local et, en même temps, expression du sociétariat à deux niveaux : celui de la section et celui de la Caisse. J'avoue que le système des GLE - je n'y reviens qu'en quelques mots - me surprend dans la mesure où il me paraît témoigner d'une véritable méfiance pour le sociétariat que l'on ne considère pas digne de se placer au seul niveau économiquement pertinant, c'est-à-dire celui de l'entreprise.
Or ces structures, mes chers collègues, ne sont pas conformes à la lettre et à l'esprit de la loi de 1947 portant statut de la coopération, puisqu'elles n'exercent aucune activité économique. (M. Carrère s'exclame.) En l'occurrence, je suis un coopérateur.
Une coopérative, c'est une entreprise, ce n'est pas une structure juridique sans activité, un simple écran pour organiser la dévolution des parts sociales d'une caisse d'épargne. On ne peut pas sortir de cette appréciation simple. Ce ne sont que des structures de portage. En tant que telles, elles ne sont pas conformes à la lettre et à l'esprit du droit de la coopération. Il suffit d'ailleurs d'entendre sur ce sujet les représentants du groupement national de la coopération, chez lesquels, cher collègue Carrère, vous avez sans doute bon nombre d'amis, qu'il vous suffirait d'écouter !
Je crois qu'il faut en revenir à des choses plus raisonnables, à une procédure de mutualisation plus simple permettant aux caisses d'épargne de porter transitoirement leurs propres parts sociales pendant la période de souscription.
Par cet amendement, nous indiquons à nouveau notre volonté de simplification, qui nous paraît aller tout à fait dans le sens des intérêts réels à long terme du réseau des caisses d'épargne.
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour défendre les amendements n°s 176 et 177 rectifié.
M. Paul Loridant. L'amendement n° 176 a une grande importance.
Par un prix préférentiel de la première part sociale souscrite, nous voulons favoriser le sociétariat pour le plus grand nombre de nos concitoyens et pour les plus modestes d'entre eux.
Cet amendement participe de la conception générale que nous avons de l'organisation des caisses d'épargne et de leur sociétariat, et qu'illustent nos amendements sur les articles 6 et 8 relatifs à l'affectation des excédents de gestion comme à la quotité de la rémunération des parts sociales.
Il convient de favoriser la diffusion effective du sociétariat auprès du plus grand nombre de personnes possible en vue de faire preuve à la fois d'innovation et de favoriser une plus grande participation de nos concitoyens au devenir de notre réseau de caisses d'épargne.
Notre proposition vise donc à permettre que la première part sociale détenue par les particuliers soit mise à leur disposition à un tarif privilégié, qui pourrait être, par exemple, fixé à dix francs, afin que chacun des titulaires d'un compte courant auprès des caisses d'épargne et a fortiori d'un livret A soit en mesure de s'en porter acquéreur.
Bien évidemment, cette part sociale prioritaire demeurerait rémunérée selon les conditions ou les orientations que nous avons précisées par ailleurs.
C'est donc dans un souci de large diffusion des parts sociales des groupements locaux d'épargne, élément fondamental de la réussite de la réforme, et dans le cadre de la pleine application du statut de la coopération que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
L'amendement n° 177 rectifié procède de la même logique.
En effet, il vise, en cohérence avec la rédaction que nous avons proposée pour compléter l'article 6, à procéder au plafonnement de la rémunération des parts sociales détenues par les groupements locaux d'épargne à la même hauteur, c'est-à-dire le taux du livret A.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 176 et 177 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Ces amendements s'inscrivent dans le cadre des dispositions relatives aux groupements locaux d'épargne. Or, comme je l'ai indiqué voilà quelques instants, la commission souhaite une simplification des structures du groupe des caisses d'épargne et le remplacement des groupements locaux d'épargne par des sections locales d'assemblée générale. Les amendements n°s 176 et 177 rectifié sont donc incompatibles avec la position qu'elle a adoptée.
M. Paul Loridant. Hélas !
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est pourquoi elle émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 11, 176 et 177 rectifié ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le Gouvernement s'étant largement exprimé hier sur la suppression des groupements locaux d'épargne, je n'y reviendrai pas. J'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 11.
S'agissant de l'amendement n° 176 relatif à l'existence d'une part privilégiée, le Gouvernement émet un avis favorable.
En revanche, il est défavorable à l'amendement n° 177 rectifié, qui vise à octroyer une rémunération différente aux parts selon qu'elles sont privilégiées ou non. Aucune raison ne justifie d'aller au-delà de l'idée qui consiste à permettre un sociétariat large. La rémunération doit être la même pour chacun des coopérateurs.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cher collègue Loridant, votre proposition serait censurée par le Conseil constitutionnel.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Paul Loridant. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. A l'évidence, les membres du groupe communiste républicain et citoyen ne peuvent vous suivre, monsieur le rapporteur, puisque l'amendement que vous avez présenté revient à supprimer l'article 8 en son état actuel.
En adoptant une logique différente de la nôtre, vous vous opposez, en fait, à la diffusion des parts sociales pour le plus grand nombre possible de nos concitoyens. Or je me souviens de l'époque où M. Balladur, Premier ministre, était favorable à ce qu'il appelait « le capitalisme populaire ». Il est bien loin ce capitalisme populaire !
Nous proposons de réserver une part privilégiée, fixée à dix francs pour tous les souscripteurs. Il y a donc respect du principe d'égalité. Aussi, selon nous, notre amendement n° 176 n'encourt pas la censure du Conseil constitutionnel. Il s'agit d'un amendement de repli, par rapport à nos positions de principe. Alors que le capital des caisses d'épargne sera ouvert à l'ensemble de nos concitoyens, et notamment aux porteurs de livret A et aux clients des caisses d'épargne, il s'agit de faire en sorte que chacun de nos concitoyens puisse être sociétaire. C'est pourquoi, encore une fois, nous proposons que la première part soit vendue à dix francs pour l'ensemble des souscripteurs.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Sans esprit de polémique et dans le ton habituel de nos rapports, je voudrais réagir aux propos de notre collègue Paul Loridant.
La commission est favorable à la diffusion la plus large possible des parts de caisses d'épargne. C'est pourquoi nous faisons deux propositions ; à travers deux amendements que nous examinerons plus tard.
En premier lieu, il s'agit de faciliter la souscription par les anciens salariés du groupe des caisses d'épargne, ce qui représente beaucoup de monde et je crois que, avant la commission des finances, cette idée n'avait été évoquée par personne.
En second lieu, il s'agit de mettre en place un système de bons de souscription, éventuellement gratuits, permettant de préparer, au bénéfice des épargnants et dans de bonnes conditions, des émissions ultérieures de certificats coopératifs d'investissement.
Si ces initiatives ne dénotent pas un souci de large diffusion du sociétariat et d'implication dans le devenir des caisses d'épargne, les mots n'ont plus de sens.
Enfin, cher collègue Loridant, vous qui êtes si attentif aux risques d'inconstitutionnalité - vous avez rappelé à juste titre hier soir le combat que vous aviez mené lors de la mutualisation du Crédit agricole - vous devriez être particulièrement attentif aux imperfections du présent projet de loi, et notamment au fait que l'on créerait des sociétaires à plusieurs vitesses, avec certains GLE formés de personnes physiques et d'autres constitués de personnes morales, avec une expression différente au sein des assemblées générales et avec une part différente dans le processus de décision.
Ces éléments devraient inciter à une grande vigilance. Les formules préconisées par la commission des finances sont largement aussi participatives, sont moins complexes et ne sont pas frappées des mêmes incertitudes juridiques, voire constitutionnelles. Dans ces conditions, vous devriez vous y rallier de bon coeur.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'article 8 est donc ainsi rédigé, et les amendements n°s 176 et 177 rectifié n'ont plus d'objet.

Article 9