Séance du 5 mai 1999







M. le président. « Art. 2. - Le réseau des caisses d'épargne comprend les caisses d'épargne et de prévoyance, les groupements locaux d'épargne, la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance et la Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance. »
Sur l'article, la parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. J'ai tenu à intervenir sur cet article afin d'attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la situation très particulière des caisses d'épargne des départements d'outre-mer, ou plus exactement des caisses des Antilles puisque, comme vous le savez, celle de Guyane n'existe plus et celle de la Réunion a été rattachée à la caisse de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
En effet, on peut craindre que l'actuelle réforme ne crée à ces caisses de sérieuses difficultés compte tenu des handicaps structurels qu'elles connaissent.
Ces handicaps sont de trois ordres : premièrement, des coûts de structures beaucoup plus élevés qu'en métropole, tenant, d'une part, à des charges de fonctionnement spécifiques et, d'autre part, au fait qu'un grand nombre d'épargnants utilisent leur compte sur livret comme un compte courant ; deuxièmement, une épargne des ménages disponible relativement réduite, ce qui ne manquera évidemment pas de poser certains problèmes lors de la vente des parts sociales ; troisièmement, un niveau de fonds propres particulièrement faible.
Pour illustrer ce dernier point, je précise que la caisse métropolitaine ayant le plus bas niveau de capitaux propres dispose d'une réserve correspondant à huit fois celle de la caisse de Martinique, dont la réserve n'est que de 68 millions de francs, ce qui représente néanmoins le double de la réserve de la caisse de Guadeloupe : 35 millions de francs, soit exactement le niveau requis dans le cadre de la dotation statutaire minimum des établissements bancaires.
De toute évidence, monsieur le ministre, le projet de loi que nous examinons a été conçu pour des caisses disposant d'une surface financière beaucoup plus importante : c'est la conséquence des regroupements très souvent opérés en métropole au cours de la dernière décennie. On ne peut donc se contenter de l'appliquer aux Antilles sans prendre des précautions toutes particulières. Il y va de la survie même des deux petites caisses qui s'y trouvent et dont personne ne peut, je crois, sous-estimer l'intérêt sur le plan local.
J'ai renoncé à déposer des amendements qui auraient pu sembler aller à contre-courant de la réforme que le Gouvernement a conçue pour l'ensemble des caisses d'épargne, réforme dont je comprends et partage la philosophie.
Mais je souhaite vraiment, monsieur le ministre, que vous nous donniez des assurances quant à la volonté du Gouvernement de prendre toutes les dispositions nécessaires, autres que législatives, pour que les deux caisses de Martinique et de Guadeloupe puissent poursuivre, voire élargir les missions indispensables d'intérêt général qu'elles exercent au service des populations concernées.
M. le président. Par amendement n° 2, M. Marini, au nom de la commission, propose, dans l'article 2, de supprimer les mots : « les groupements locaux d'épargne, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement est la simple conséquence d'une position de principe que la commission va vous demander, mes chers collègues, d'adopter à l'article 4, s'agissant de la suppression, à notre avis nécessaire, des groupements locaux d'épargne et de leur remplacement par des sections locales au sein des assemblées générales des caisses d'épargne.
Je crois que, pour la clarté de nos débats, il est préférable que la discussion de fond sur les groupements locaux d'épargne ait lieu sur l'article qui en traite et qui doit, selon nous, être substantiellement modifié.
Au cours de la discussion générale, j'ai indiqué les motifs qui nous conduisent à penser que les groupements locaux d'épargne sont inutiles et inopportuns. J'apporterai, monsieur le ministre, tout à l'heure, quelques précisions complémentaires, notamment à propos du financement des caisses d'épargne par émission de certificats coopératifs d'investissement, car c'est un point technique qu'il faut éclaircir, afin de pouvoir supprimer en toute lucidité les groupements locaux d'épargne.
En résumé, cet amendement n° 2 traduit la position de principe de la commission des finances en faveur d'une simplification de l'architecture institutionnelle des caisses d'épargne, et donc d'une suppression des groupements locaux d'épargne.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Avant de donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2, je voudrais, si vous me le permettez, monsieur le président, répondre brièvement à l'intervention de M. Lise, qui a très justement souligné la spécificité de la situation des départements d'outre-mer au regard des caisses d'épargne, spécificité qui n'avait pas échappé au Gouvernement.
En vérité, cette spécificité est d'ailleurs double.
Première caractéristique : la faiblesse des fonds propres des caisses. M. Lise l'a dit, ils atteignent, en effet, 68 millions de francs en Martinique et 35 millions de francs en Guadeloupe.
La seconde caractéristique réside dans le fait qu'une très grande part de l'épargne intermédiaire est collectée par les caisses d'épargne : près de 75 %, contre 50 % en moyenne pour l'ensemble du réseau. Cela montre l'importance du rôle joué par le réseau des caisses d'épargne dans ces départements d'outre-mer.
Comme vous l'avez dit, monsieur Lise, ce texte peut, de prime abord, apparaître comme plus adapté au territoire métropolitain qu'aux DOM. Je veux vous rassurer sur ce point : la mécanique mise en place doit permettre de continuer à assurer un retour important de l'épargne sur le territoire des DOM, particulièrement en ce qui concerne les Antilles. Le Gouvernement y veillera très précisément.
Il est clair que c'est l'intérêt du réseau que de continuer d'alimenter, comme il l'a fait jusqu'à maintenant, les besoins de financement aussi bien des particuliers que des entreprises dans les deux départements des Antilles. Bien sûr, pour cela, il faudra mettre en oeuvre des procédures particulières.
Je souhaite donc que vous rassuriez l'ensemble de nos concitoyens des DOM en général, et des départements des Antilles en particulier. Ils doivent savoir que leur spécificité n'a pas échappé aux rédacteurs du projet de loi.
J'en viens maintenant à l'amendement n° 2, qui concerne les groupements locaux d'épargne, sujet que nous avons déjà longuement évoqué cet après-midi.
Le Gouvernement considère que ces groupements sont nécessaires pour les raisons que j'ai déjà énoncées et qui tiennent à la rapidité de la mutualisation du processus et à l'animation du sociétariat.
Je le répète, M. le rapporteur est tellement d'accord avec l'idée qu'il faut animer ce sociétariat qu'il propose dans son rapport écrit de créer d'autres structures pour remplir cette mission.
En fait, la seule différence entre nous porte sur le statut juridique de ces structures : je considère que les groupements locaux d'épargne doivent être pourvus de la personnalité morale. Cela m'apparaît comme une différence mineure au regard des avantages qu'on peut en retirer.
Parmi ceux-ci, il en est un que je n'ai pas évoqué cet après-midi et que je voudrais mentionner ce soir. Ce que nous souhaitons tous ici, c'est que le sociétariat soit uniformément réparti sur le territoire. Le risque, si l'on supprime les groupements locaux d'épargne, est que les chefs-lieux, où les caisses d'épargne sont le plus implantées, drainent la plupart des sociétaires, et l'on voit bien par quelle mécanique. Si l'on veut pénétrer plus profondément le territoire, toucher l'ensemble de la population, les groupements locaux d'épargne constituent un intermédiaire indispensable.
Ce souci d'avoir un sociétariat qui ne soit pas concentré dans les chefs-lieux, là où sont les sièges des caisses d'épargne, mais qui soit au contraire dispersé sur l'ensemble du territoire devrait être partagé par tous.
Au regard de tous les avantages des groupements locaux d'épargne, je ne vois pas bien en quoi la complication supplémentaire qui consiste à leur accorder la personnalité morale, même si elle est indiscutable, serait rédhibitoire.
A l'inverse, pourquoi tant d'acharnement, monsieur le rapporteur, à l'encontre des groupements locaux d'épargne ? Puisqu'une structure est de toute façon nécessaire, pourquoi ne pas attribuer la personnalité morale à ces groupements ?
Honnêtement, je crois que le dispositif tel il est proposé est meilleur. Par conséquent, je demande au Sénat de repousser l'amendement n° 2.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le rapporteur, j'ai bien écouté tout ce qui s'est dit depuis ce matin sur les groupements locaux d'épargne et je suis très étonné que vous persistiez à vouloir y substituer d'autres structures qui seraient dépourvues de la personnalité morale, ce qui ne manquerait pas de poser un certain nombre de problèmes aux sociétaires.
Quiconque connaît les difficultés que soulèvent l'animation des caisses d'épargne à l'heure actuelle, par exemple lorsqu'il s'agit de regrouper l'ensemble des conseillers consultatifs, sait que les groupements locaux d'épargne, grâce à leur statut juridique et surtout à leur ancrage dans le terrain, peuvent constituer un instrument extrêmement précieux.
Si vous aviez proposé la suppression pure et simple des groupements locaux d'épargne, sans suggérer un dispositif alternatif, si vous étiez en quelque sorte « culturellement » opposé à l'existence même de ces groupements locaux d'épargne, cela aurait pu être intellectuellement admissible. Mais cette substitution, qui donne à croire que vous allez dans le sens que nous souhaitons au regard de l'animation au plus près du terrain, alors que vous supprimez la personnalité particulière aux groupements locaux, est une solution trompeuse. Elle ne peut permettre une véritable animation, elle ne peut offrir aux petits épargnants, qui ont vocation à devenir de futurs sociétaires par l'intermédiaire des groupements locaux d'épargne, la considération qu'ils méritent.
Monsieur le rapporteur, je vous supplie donc de retirer cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Chapitre II

Les caisses d'épargne et de prévoyance

Article 3