Séance du 27 avril 1999







M. le président. Par amendement n° 162 rectifié, M. Fréville et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 51, un article additionnel ainsi rédigé :
« La dernière phrase de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée :
« Elles prennent en compte d'une part le montant initial des bases de taxe professionnelle et sa répartition entre les communes l'année précédant l'application des dispositions de l'article 1609 nonies C précité et d'autre part le surplus éventuel de ces bases de taxe professionnelle par rapport à leur montant initial et sa répartition au prorata de la population des communes. »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Cet amendement n'est pas sans importance pour la réussite de la taxe professionnelle unique. Il concerne, en effet, le mode de calcul du potentiel fiscal des communes placés sous ce régime.
Qu'en est-il actuellement ? La loi est tout à fait explicite : l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales dispose que les modalités de calcul sont définies par décret en Conseil d'Etat, mais qu'elles prennent en compte la répartition des bases de taxe professionnelle entre les communes l'année précédant l'application de la taxe professionnelle unique.
Il faudrait donc que l'on calcule le potentiel fiscal d'une commune placée sous le régime de la taxe professionnelle unique d'après ce qu'elle percevait comme base l'année où le passage en TPU a été décidé, puisqu'elle reçoit en contrepartie l'allocation de compensation.
Pour le reste, c'est-à-dire pour les accroissements, voire, le cas échéant, les réductions de bases intervenant après le passage en taxe professionnelle unique, une répartition dépendant de modalités à définir serait mise en place.
Il est tout à fait logique que les communes qui mutualisent leur taxe professionnelle voient le calcul de leur potentiel fiscal tenir compte de l'utilisation de cette taxe professionnelle qu'elles ne reçoivent plus. Mais le Conseil d'Etat a décidé que l'on continuerait à calculer le potentiel fiscal d'une commune qui relève du régime de la taxe professionnelle unique comme s'il n'y avait pas de taxe professionnelle unique ! En d'autres termes, une commune qui voit arriver sur son territoire des usines, des activités supplémentaires - dont elle perdra le bénéfice financier puisqu'il ira à la communauté de communes - continuera à avoir un potentiel fiscal fixé comme si elle était la seule à percevoir ces ressources supplémentaires.
Imaginez la réaction d'un maire à qui l'on ira expliquer : « Monsieur le maire, vous mutualisez la taxe professionnelle, vous allez donc la donner à l'échelon supérieur, qui l'utilisera d'ailleurs très normalement ; mais, cela étant, votre potentiel fiscal sera calculé comme si cet acte de mutualisation, cet acte de solidarité, n'avait pas être accompli. » C'est intenable !
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Yves Fréville. C'est tellement intenable que, psycologiquement, c'est devenu une sorte de fixation. Je le disais précédemment, en Ille-et-Vilaine, sur cent cinquante communes placées sous ce régime, trente ou quarante dénoncent cette mesure et ne veulent plus être pénalisées pour le calcul du contingent communal, pour le calcul du fonds national de péréquation, pour tous les mécanismes de solidarité mis en place par cette disposition qui va à l'encontre de l'objectif même que nous cherchons à atteindre.
L'objet de mon amendement est très simple : il s'agit d'appliquer le texte de loi tel que l'a voulu le législateur, afin que le potentiel fiscal soit calculé en fonction du montant des bases existant lors du passage à la taxe professionnelle unique et donnant lieu, naturellement, à allocation de compensation ; le reste serait réparti d'une autre manière entre les communes.
Comme le Conseil d'Etat ne savait pas de quelle façon procéder, je lui suggère de le faire au prorata de la population. On pourrait retenir des solutions beaucoup plus compliquées, mais l'essentiel est de retenir un mode de calcul qui tienne compte de la mutualisation et de respecter la volonté du législateur.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement qui, techniquement, est très impressionnant.
Il est vrai que, à première vue, nous sommes séduits par l'argumentation de notre collègue Yves Fréville. Néanmoins, avant d'émettre un avis définitif, je souhaite attirer son attention et interroger le Gouvernement.
Si j'ai bien compris, notre collègue Yves Fréville nous dit qu'il y a une situation d'injustice absolue lorsque, dans un groupement à taxe professionnelle unique, une commune reçoit une nouvelle entreprise : elle connaît une augmentation de ses bases de taxe professionnelle, son potentiel fiscal s'accroît alors qu'en réalité ses ressources n'augmentent pas puisque c'est le groupement qui profite de cet accroissement et que l'allocation de compensation ne suit pas.
Comme il faut bien faire quelque chose concernant le surplus de base, notre collègue Yves Fréville propose une répartition entre toutes les communes au prorata de leur population. Je voudrais simplement lui faire observer, techniquement, que la commune qui reçoit l'entreprise a au moins pour elle la taxe foncière et que les autres, auxquelles il attribue, en fonction de la population, un surplus de base, n'ont, elles, rien du tout.
Je ne suis donc pas sûr que la justice soit plus grande après application de cet amendement qu'auparavant. Néanmoins, je serais prêt à me laisser convaincre si le Gouvernement nous expliquait que ce dispositif n'entraînera pas des bouleversements trop grands dans les diverses répartitions. Il est en effet toujours facile, dans le domaine des finances publiques, d'augmenter les dotations. Il est beaucoup moins facile de les diminuer !
Je souhaite donc entendre le Gouvernement avant de me prononcer définitivement sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. L'intention de M. Fréville est, je crois, très bonne. Toutefois, la réponse qu'il apporte me paraît pour le moins prématurée, et en tout cas hasardeuse en raison, précisément, des transferts trop brutaux que la mesure proposée ne manquerait pas d'occasionner.
Vous posez la question de la reconstitution d'un potentiel fiscal fictif pour les communes membres d'un EPCI à taxe professionnelle unique. Il faut bien se rappeler que le potentiel fiscal ne vise qu'à comparer la richesse relative des communes et que cette comparaison ne peut se faire que sur une base homogène. Si certaines communes ont décidé d'instituer une coopération fiscale en matière de taxe professionnelle, elles ne continuent pas moins de bénéficier de cette ressource de deux manières : par le biais de l'attribution d'une compensation, d'une part, par le biais des dépenses qu'elles n'effectuent plus directement et qu'elles ont transféré au groupement, d'autre part.
Comme votre amendement le relève, monsieur Fréville, l'augmentation de base de la taxe professionnelle du groupement peut être redistribuée aux communes membres par le biais de la dotation de solidarité. Mais les dotations de solidarité sont variables d'un EPCI à l'autre et une variation de base de taxe professionnelle peut également être due à une perte de base d'une commune.
Bref, monsieur Fréville, vous ouvrez une vraie piste de réflexion, c'est un vrai sujet.
D'autres formules peuvent être envisagées, que je n'ai pas le temps de développer ici. Elles devraient toutefois également être simulées, en gardant à l'esprit que l'objectif est de concilier la péréquation locale et la péréquation nationale.
Je m'engage auprès de votre assemblée, sur la base d'un travail qui doit être conduit sur cette question, à rediscuter avec vous, notamment avec M. Fréville, s'il le souhaite, du résultat de cette réflexion. Je comprends l'approche qui est ici proposée, mais je crois qu'il est absolument nécessaire d'approfondir le travail et de simuler les différentes formules envisageables.
Au bénéfice des explications et des engagements que je viens de formuler, je demande à M. Fréville de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Fréville, l'amendement est-il maintenu ?
M. Yves Fréville. Mon coeur balance ! (Sourires.)
M. le rapporteur pour avis a parlé très justement de la taxe foncière. Permettez-moi de dire que je vise non le potentiel fiscal « taxe foncière », mais le potentiel fiscal « taxe professionnelle ». Donc, je crois que mon argument demeure.
Par ailleurs, on parle toujours des augmentations de potentiel fiscal. Mais là, la somme est nulle puisque c'est la répartition d'une somme inchangée entre toutes les communes. Il s'agit de savoir comment un potentiel fiscal qui est défini au niveau de la communauté d'agglomération doit être réparti entre les communes qui se mutualisent, et je veux simplement faire remarquer que les « plus » sont compensés par les « moins » et que cela n'engage donc absolument pas les finances de l'Etat vis-à-vis aux autres communes qui n'appartiennent pas à cette communauté.
Enfin, s'il est vrai, monsieur le ministre, que c'est fictif, c'est encore plus fictif, aujourd'hui, de ne pas tenir compte de la situation de fait, à savoir que la commune ne profite plus du produit de la taxe professionnelle pour les établissements nouvellement localisés sur son territoire.
Vous avez bien remarqué que je n'ai pas proposé de tenir compte de la dotation de solidarité. En effet, il est bien certain que l'on ne doit pas pouvoir faire dépendre la solidarité nationale des solutions locales, bien que cela soit possible au niveau d'un conseil général : le ministère de l'intérieur autorise les départements à faire la correction qui s'impose pour le calcul des contingents communaux, à partir du potentiel fiscal. Cela a été dit.
En fait, ce que je souhaite, c'est qu'une solution soit trouvée. Le texte actuel est assez satisfaisant. Le malheur, c'est que le décret en Conseil d'Etat ne respecte pas l'esprit du texte qui a été adopté, sans doute en 1992, par le législateur.
Si donc vous nous promettez, monsieur le ministre - j'ai cru comprendre que tel était le sens de vos propos - de remettre en chantier ce décret, d'en préparer un nouveau, je suis tout à fait disposé à retirer l'amendement puisque, dans une certaine mesure, j'ai satisfaction avec le texte existant.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je vous ai proposé une méthode, qui consiste à procéder à des simulations, en fonction desquelles on pourra effectivement modifier le décret, mais je ne peux pas prendre l'engagement de changer le décret avant même que l'on ait procédé aux simulations nécessaires.
M. le président. L'amendement est-il retiré, monsieur Fréville ?
M. Yves Fréville. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 162 rectifié est retiré.
La suite de la discussion est renvoyée à la séance du jeudi 29 avril 1999.

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