Séance du 27 avril 1999







M. le président. Je suis saisi de deux amendements présentés par M. Türk.
L'amendement n° 344 tend à insérer, après l'article 46 quater , un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 2113-1 du code général des collectivités territoriales est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« Seules les communes limitrophes peuvent fusionner. »
L'amendement n° 342 vise à insérer, après l'article 46 quater , un article additionnel ainsi rédigé :
« Par dérogation à l'article L. 2113-6 du code général des collectivités territoriales, l'acte qui prononce la fusion de deux ou plusieurs communes prévoit que la nouvelle commune est administrée jusqu'au prochain renouvellement général des conseils municipaux suivant la publication de la présente loi par un conseil où entrent tous les membres en exercice des anciennes assemblées, le cas échéant par dérogation au tableau fixé à l'article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales. »
La parole est à M. Türk, pour défendre ces deux amendements.
M. Alex Turk. L'amendement n° 344 s'inscrit toujours dans le même débat. Le problème est le suivant : lorsqu'une fusion a été réalisée, il faut procéder à la mise en place d'un nouveau conseil municipal qui va bien entendu s'efforcer de regrouper des élus issus des deux communes.
Tout à l'heure, M. Bonnet nous rappelait qu'en 1971 on avait la volonté de se préoccuper des petites communes. Nous en avons là la démonstration, car nous nous rendons bien compte que, dès qu'il s'agit de grandes communes, la loi est inapplicable.
La preuve en est d'ailleurs que, sur l'initiative du groupe socialiste, l'Assemblée nationale a fait passer le chiffre maximal des conseillers de 55 à 69. J'imagine qu'elle s'est limitée à ce chiffre parce qu'il s'agit de l'effectif maximal théorique dans les trois plus grandes villes françaises.
Mais on a complètement oublié un phénomène qui me paraît absolument inacceptable, à savoir que, dans l'hypothèse d'une fusion entre deux communes de grande taille, les conseillers municipaux régulièrement élus quelques mois ou quelques années plus tôt au suffrage universel qui se trouvent en surnombre seront, ni plus ni moins, évincés car ils ne trouveront pas leur place dans le nouveau conseil municipal, dans la mesure où l'effectif maximal de conseillers prévu par la loi sera dépassé.
Ce phénomène me paraît inacceptable, d'autant que, par définition, compte tenu de l'organisation technique du tableau des conseils municipaux, dans la grande majorité des cas, ce seront les conseillers de l'opposition municipale qui feront les frais de cette opération.
On peut même imaginer des hypothèses machiavéliques - mais Machiavel existe encore ! - selon lesquelles un maire pourrait se débarrasser d'un leader de l'opposition municipale par la simple application des dispositions de la loi de 1971. Je pense donc qu'il est absolument indispensable de revenir sur cette disposition.
J'ajouterai un dernier argument à l'appui de cet amendement. Dans le cas, par exemple, d'une fusion entre deux grandes communes à l'intérieur d'une communauté urbaine, des conseillers municipaux d'opposition de la grande commune peuvent être en même temps conseillers communautaires.
Or, en droit positif, rien ne permet de savoir quel sera le statut des conseillers municipaux qui seraient, si j'ose dire, « débarqués », après un simple vote du conseil municipal qui aurait procédé à la fusion, et qui se trouveraient être, par ailleurs, conseillers communautaires. Doivent-ils ipso facto quitter le conseil de communauté faute d'être encore conseillers municipaux ou bien peuvent-ils rester dans le conseil de communauté bien que la décision du maire organisateur de la fusion leur ait fait perdre toute racine municipale ?
Il me paraît donc indispensable de prévoir un système dont je reconnais le caractère quelque peu absurde, tout en soulignant que c'est de cette loi que naît l'absurdité dès qu'on touche aux grandes communes. Ce système consisterait à additionner, jusqu'à l'expiration du mandat municipal, les effectifs des conseils municipaux des deux communes concernées pour qu'il ne soit pas dit que, dans notre pays, un maire puisse, par simple décision de son conseil municipal, s'affranchir de tout lien avec le suffrage universel.
Très lié à l'amendement n° 342, l'amendement n° 344 comble une lacune de la loi de 1971 en précisant que, pour fusionner, deux villes doivent être limitrophes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 344 et 342 ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement n° 344, puisqu'il s'incrit dans le cadre du principe de la continuité territoriale, qui est l'un des fondements du projet de loi que nous examinons.
La commission est également favorable à l'amendement n° 342.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 344 et 342 ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 344.
M. Pierre Mauroy. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mauroy.
M. Pierre Mauroy. Je ne sais pas pourquoi, monsieur Türk, vous dressez un tableau aussi apocalyptique. Où avez-vous trouvé ces exemples ?
M. Alex Türk. A Lille !
M. Pierre Mauroy. Ce n'est pas du tout dans le Nord ou à Lille qu'une telle situation existe. Je prends ici tout le monde à témoin. Vous pensez sans doute, mon cher collègue, à Roubaix. (M. Türk fait un signe de dénégation). Il n'y a pas de problème entre Lille et Roubaix qui, d'ailleurs, ne sont pas limitrophes. Il n'en existe qu'un entre Lomme et Lille. Où avez-vous trouvé de tels exemples ? Je ne sais pas dans quel département deux grandes communes voudraient s'associer ou fusionner.
M. Dominique Braye. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Personnellement, je voterai les deux amendements, car ils s'inscrivent dans la logique générale du projet de loi. Comme l'a rappelé M. le rapporteur, la continuité territoriale est un élément de l'intercommunalité. Par ailleurs, en cas de transformation d'établissement, d'un district en communauté d'agglomération, tous les membres du conseil du district seront membres du futur conseil de la communauté d'agglomération. Il faut donc poursuivre la logique qui figure dans le projet de loi, à savoir la continuité territoriale. Il paraît aberrant que deux communes puissent fusionner s'il n'y a pas continuité territoriale. A cet égard, j'avoue ne pas comprendre l'avis défavorable du Gouvernement.
Par ailleurs, il me semble souhaitable que les conseillers municipaux qui ont été élus restent en place jusqu'au renouvellement.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. L'avis de M. le ministre est très grave. En effet, des communes qui ne sont pas limitrophes ont fusionné, par exemple Saint-Etienne et Saint-Victor-sur-Loire. Si nous acceptons de retenir la position de M. le ministre, vous voyez jusqu'où nous pourrons aller ! Par exemple, une commune fusionnera avec une autre pour éviter l'écrêtement de sa taxe professionnelle au profit du fonds départemental de la taxe professionnelle. Nous pouvons imaginer toutes les combines ! Je ne comprends vraiment pas la position de M. le ministre.
M. Dominique Braye. Moi non plus !
M. Yves Fréville. En effet, pendant tout le débat, il nous a expliqué que, en matière d'intercommunalité, il était nécessaire d'avoir des communes limitrophes, d'assurer la continuité territoriale. Or, au stade suprême de l'intercommunalité, c'est-à-dire de la fusion, cette règle disparaît. Je ne comprends vraiment plus !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, et MM. Jacques Legendre et Patrick Lassourd. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 344, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 46 quater.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 342, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 46 quater.

Article 46 quinquies