Séance du 27 avril 1999







M. le président. La parole est à M. Fischer, auteur de la question n° 485, adressée à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
M. Guy Fischer. Je souhaite attirer une nouvelle fois votre attention, monsieur le ministre, sur le reclassement des fonctionnaires rapatriés ayant servi en Afrique du Nord et bénéficiant de la loi n° 82-1021 du 3 décembre 1982.
Ces fonctionnaires demandent à juste titre le respect des engagements pris en leur faveur en 1997, concernant la création de commissions administratives de reclassement en vue d'assurer la représentation équitable des bénéficiaires.
En effet, depuis un décret du 16 novembre 1994 pris par MM. Balladur et Sarkozy, ceux qui sont intéressés au premier chef par l'activité de ces instances consultatives n'y siègent plus, considérant avec raison que la procédure instituée en 1985 avait donné entière satisfaction, avant d'être brutalement, et sans consultation préalable, abrogée par le précédent gouvernement.
Le 16 décembre 1997, vous indiquiez vous-même, monsieur le ministre : « Mon cabinet a reçu récemment les représentants de l'association des anciens fonctionnaires d'Afrique du Nord, qui ont demandé une modification du décret du 16 novembre 1994. Attentif au souci des associations d'anciens combattants, le Gouvernement se prononcera sur les suites à réserver à leur demande, après étude du dossier, actuellement en cours, et à l'issue d'une consultation interministérielle associant le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le secrétaire d'Etat au budget ainsi que le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. »
Depuis cette déclaration du 16 décembre 1997, force est de constater que cette consultation n'a pas abouti à une décision concrète de nature à répondre à l'attente des intéressés ni aux engagements fermes pris par M. Lionel Jospin le 12 avril 1995 et le 23 mai 1997 en faveur des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale.
Or, depuis le mois de janvier 1998, 200 dossiers ne sont pas en mesure d'être examinés, alors que la commission issue du décret n° 94-993, créée pour trois ans, a juridiquement cessé d'exister.
Afin de combler le vide juridique, particulièrement préjudiciable à des anciens combattants aujourd'hui plus que septuagénaires, dont les états de services méritent la reconnaissance de la nation, je vous demande d'accélérer cette consultation interministérielle, tout en y associant les représentants des bénéficiaires afin qu'un décret équitable et consensuel intervienne enfin, tenant compte des engagements pris envers la communauté rapatriée et de la demande formulée en congrès par la communauté d'anciens combattants.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, c'est une affaire récurrente que nous connaissons bien.
L'article 9 de la loi du 3 décembre 1982 relative aux règlements de certaines situations résultant des événements d'Afrique du Nord, de la guerre d'Indochine ou de la Seconde Guerre mondiale a précisé que la composition des commissions administratives de reclassement, prévues par l'ordonnance du 15 juin 1945 modifiée, ainsi que les conditions de désignation des représentants des personnels concernés sont arrêtées par décret simple.
Ce dispositif législatif et réglementaire a pour objectif de régler la situation des fonctionnaires et candidats à la fonction publique dont la carrière ou l'entrée dans la fonction publique ont été troublées par des événements de guerre.
En application de l'article 9 de la loi précitée, le décret du 22 janvier 1985 a précisé que les commissions administratives de reclassement sont composées de onze membres : cinq représentants des administrations - un membre du Conseil d'Etat, président, un représentant de l'administration gestionnaire concernée et trois représentants des ministres chargés respectivement de la fonction publique, des anciens combattants et des rapatriés - et six représentants des rapatriés - trois représentants des rapatriés et trois représentants des fonctionnaires rapatriés anciens combattants ayant servi en Afrique du Nord, puisque le problème est surtout mis en évidence par ces derniers.
Ce décret a été remplacé par le décret du 16 novembre 1994, qui prévoit une composition de dix-huit membres, neuf pour la parité administrative, sept représentants des organisations syndicales de fonctionnaires de l'Etat les plus représentatives et deux représentants des fonctionnaires et agents des services publics concernés désignés par les associations les plus représentatives.
La légalité de ce décret a été confirmée par le Conseil d'Etat le 15 mai 1996, la suite d'un recours formé par l'Association des anciens fonctionnaires d'Afrique du Nord et d'outre-mer.
Devant les demandes instantes des représentants des anciens fonctionnaires d'Afrique du Nord et d'outre-mer, M. le Premier ministre a déclaré qu'une concertation serait engagée, ce que j'ai confirmé. Cette concertation a eu lieu.
A l'issue de cette consultation, le Premier ministre a décidé de maintenir la composition actuelle des commissions administratives de reclassement dans la mesure où celles-ci fonctionnent finalement depuis 1994 de manière satisfaisante.
La Direction générale de l'administration et de la fonction publique a saisi les organisations syndicales et l'Association des fonctionnaires d'Afrique du Nord et d'outre-mer afin qu'elles désignent leurs représentants. Les mandats des membres des commissions administratives de reclassement seront ainsi renouvelés très prochainement afin de permettre la tenue de ces commissions et l'examen des derniers dossiers en cours. Nous sommes sur la fin d'un exercice. Il ne serait pas opportun de remettre à nouveau sur le tapis la modification de ces commissions.
M. Guy Fischer. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, je constate tout d'abord que votre réponse, en dépit des modifications intervenues et du décret confirmé par le Conseil d'Etat, admet l'existence d'un vide juridique concernant le mandat des membres des commissions administratives de reclassement, et ce depuis plus d'un an. Vous avez dit que ce vide allait être pallié.
Pour autant, force est de constater qu'une simple reconduction des commissions administratives de reclassement n'est pas de nature à nous satisfaire ni à répondre aux préoccupations formulées par les associations d'anciens combattants concernées.
En effet, les arguments que vous venez d'avancer semblent méconnaître les multiples dysfonctionnements qui caractérisent ces commissions instituées par le décret Balladur de 1994.
Il faut préciser tout d'abord que sur les sept organisations désignées, seules cinq d'entre elles, la CGC, FO, la CFTC, la FEN, la FGAC, ont accepté de siéger, alors que la CGT et la CFDT, majoritaires dans la fonction publique, ont refusé de prendre part à ce qu'elles considèrent être une manoeuvre du gouvernement Balladur de l'époque au mépris de la morale et de la dignité des anciens combattants rapatriés.
En outre, deux représentants des bénéficiaires devaient être désignés. Or, là encore, l'ensemble des grandes associations d'anciens combattants continue de demander l'abrogation du décret Balladur et le retour à la procédure de 1985, qui semblait offrir toutes les garanties.
Depuis lors, toutes les délibérations des commissions ont réuni neuf représentants de l'Etat, dont trois de l'administration fiscale, et seulement cinq représentants syndicaux qui ne reflètent pas la diversité des sensibilités professionnelles.
Par conséquent, peut-on raisonnablement évoquer les règles de parité au sein de ces instances ? A l'évidence, non !
Ajoutons ensuite que les décisions prises par ces commissions, dont aucun membre n'a réellement participé à la Seconde Guerre mondiale, ont été désavouées puisqu'elles font l'objet de cinquante recours contentieux devant les tribunaux administratifs.
C'est ainsi que plusieurs dossiers ayant obtenu un avis favorable des commissions antérieures ont été révisés par la commission Balladur pour des motifs plus que douteux.
Lorsque l'on pense que les intéressés sont plus que septuagénaires, il est facile de concevoir leur incompréhension et leur colère.
Votre réponse, monsieur le ministre, en proposant de prolonger, et en quelque sorte de conforter, la commission Balladur, produira, de toute évidence, les mêmes effets, avec les mêmes dysfonctionnements.
Pourtant, les propos de M. Lionel Jospin, auxquels je faisais référence voilà un instant, étaient dépourvus de toute ambiguïté.
Je les cite à nouveau : « Il va de soi, et j'en prends ici l'engagement, que le décret du 16 novembre 1994 doit être rapporté et qu'il convient de revenir à la situation antérieure ». Il s'agit d'une lettre du 12 avril 1995. J'en poursuis la lecture : « Enfin de retour aux responsabilités, nous examinerons les conditions d'une juste représentation des rapatriés au sein des commissions d'anciens combattants de reconstitution de carrière mise à mal par le décret de novembre 1994 » ; c'était la lettre du 23 mai 1997.
Enfin, comment faut-il interpréter une concertation interministérielle dont le seul effet a consisté à perpétuer une procédure à la fois inefficace et injuste ?
En conclusion, nous ne pouvons que regretter, une fois de plus, que l'entêtement de l'administration l'emporte sur les engagements politiques antérieurs, alors que rien ne justifie le maintien de l'actuelle composition des commissions administratives de reclassement.

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