Séance du 1er avril 1999







M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur de président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et concerne les conséquences humanitaires du conflit au Kosovo.

Monsieur le ministre, hier midi, les informations disponibles faisaient état de plus de 180 000 réfugiés parvenus en Albanie, en Macédoine et au Monténégro, et la situation s'est encore dégradée depuis.
On estime que 4 000 réfugiés franchissent chaque heure les frontières de ces trois pays : 180 000 hier, 250 000 aujourd'hui, 500 000 peut-être dans les jours qui viennent. Des femmes, des enfants, des personnes âgées sont chassés de leur pays et arrivent dans des pays qui n'ont pas la capacité de les accueillir. L'Albanie, par exemple, ne dispose pas des structures sanitaires adéquates.
Au Kosovo même, la famine menace. Selon le Programme alimentaire mondial, elle pourrait commencer à faire des ravages dans dix à quinze jours si aucune aide d'envergure n'est apportée d'ici là.
A cettre tragédie humaine nous devons apporter une réponse forte et immédiate.
En toute logique, au moment même où la France et ses alliés engageaient les frappes aériennes, a forcément été prévu un plan d'aide humanitaire aux populations qui seraient alors victimes de l'accélération de l'offensive serbe au Kosovo.
Nous ne pouvons imaginer qu'un tel plan n'ait été préalablement établi, tant le phénomène des réfugiés que nous constatons était prévisible.
C'est la raison pour laquelle le groupe des Républicains et Indépendants souhaiterait, monsieur le ministre, que vous nous dévoiliez aujourd'hui la nature et les modalités de ce plan d'aide humanitaire que la France a prévu, en concertation avec ses partenaires européens notamment.
Ce plan d'aide envisage-t-il, par exemple, un pont aérien pour acheminer sur place l'aide alimentaire et sanitaire ?
Quels types de soins, de matériels, compte-t-on apporter aux réfugiés ? L'envoi d'hôpitaux de campagne est-il étudié ? Projette-t-on d'envoyer des moyens humains sur place, comme du personnel médical, des sapeurs-pompiers ou des spécialistes de l'équipement ?
Voilà, monsieur le ministre, les questions concrètes auxquelles le Gouvernement doit répondre, afin que le sentiment de totale improvisation qu'a pu laisser planer le déplacement précipité, ces dernières heures, de Mme Bonino dans la région soit dissipé et, plus encore, que l'aide humanitaire soit à la hauteur du drame vécu par les réfugiés du Kosovo. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, je ferai d'abord la même remarque que dans ma réponse précédente : la question des réfugiés du Kosovo se pose depuis longtemps. C'est même la raison pour laquelle il y a tant de réfugiés kosovars en Allemagne, en Suisse et dans d'autres pays d'Europe. Nous avons déjà eu à faire face à des vagues de réfugiés au cours de l'année passée. En effet, ce drame, qui a pris aujourd'hui une ampleur encore plus grande, encore plus visible, était commencé depuis longtemps. Il fallait mettre un terme à tout cela.
Pour ce qui est des chiffres, mieux vaut se référer à ceux du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, qu'à ceux qui émanent de sources variées, car ils sont parfois des plus fantaisistes. Selon le HCR donc, depuis la fin des pourparlers de Rambouillet et jusqu'à maintenant, il y a eu 85 000 réfugiés supplémentaires en Albanie, 14 500 en Macédoine et 20 000 au Monténégro, sans compter les déplacements considérables de populations depuis le début de la crise.
Naturellement, nous ne menons pas uniquement une action propre, même si nous voulons faire le maximum à ce titre ; nous agissons aussi avec tous nos partenaires européens.
Nous avons demandé que la coordination européenne soit plus intense. M. Fischer a proposé une conférence que nous avons acceptée tout de suite.
Nous travaillons en relation étroite, par ailleurs, avec le Haut-commissariat aux réfugiés.
En Albanie, une mission franco-germano-italienne est en train d'évaluer les besoins supplémentaires.
M. le Premier ministre a demandé à M. Josselin de se rendre en Albanie et en Macédoine, M. Josselin est parti aujourd'hui.
L'Union européenne a déjà débloqué 2 millions d'euros d'aides d'urgence pour la Macédoine et 10 millions d'euros supplémentaires pour faire face à l'ensemble de la crise humanitaire.
Une mission conjointe de Mme Bonino et d'un ministre allemand a été prévue en Macédoine et en Albanie.
Quant à la réunion de la présidence allemande, dont je viens de parler, elle a lieu aujourd'hui même. Elle associe, outre les organismes que j'ai cités, l'organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, et les pays de la région.
Selon les indications que nous avons, il ne se pose, à l'heure actuelle, aucun problème d'acheminement de l'aide. Tous les moyens logistiques sont mis en oeuvre. La France a mis à la disposition de l'ensemble des programmes d'aide dix avions qui peuvent faire la navette en permanence.
Il ne se pose pas non plus de problème de quantité.
En fait, il se pose simplement, sur place, un problème de coordination et de choix des emplacements les plus adéquats compte tenu de l'avenir.
Ainsi que M. le Premier ministre l'a rappelé, l'un des éléments importants, dans cette lutte que nous avons entamée, c'est la réaffirmation du droit absolu de ces réfugiés à rentrer chez eux. Il faut absolument refuser que notre action s'inscrive dans un plan consistant à les faire partir sans espoir de retour. Cela a, bien sûr, des conséquences sur la façon de les héberger, de les traiter et de localiser les secours.
M. le Premier ministre a arrêté un programme supplémentaire de 75 millions de francs, qui s'ajoutent à notre contribution à l'ensemble des programmes européens.
Pour le reste, nous ferons le point au retour de M. Josselin et après la conférence qui a lieu en Allemagne aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

VOLET HUMANITAIRE DE LA CRISE AU KOSOVO