Séance du 31 mars 1999







M. le président. Par amendement n° 212 rectifié ter , MM. Gruillot, Barnier, Belot, Besse, Delevoye, Oudin, Raffarin, Revet et Hoeffel proposent d'insérer, après l'article 34 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 1511-2, il est inséré dans le code général des collectivités territoriales un article ainsi rédigé :
« Art. L.... - Les comités d'expansion et les agences de développement économiques, associations de la loi du 1er juillet 1901, créés à l'initiative des collectivités territoriales, élaborent et mettent en oeuvre les stratégies et les actions de développement économique de ces collectivités. »
La parole est à M. Gruillot.
M. Georges Gruillot. Voilà deux semaines que nous entendons souvent dire dans cet hémicycle qu'il ne saurait y avoir d'aménagement du territoire sans développement économique.
Vous-même, madame le ministre, vous nous avez rappelé en fin d'après-midi votre profond attachement à la création d'emplois chaque fois que l'on raisonne en termes d'aménagement du territoire.
Je crois savoir que la commission nous soumettra tout à l'heure un article additionnel qui va beaucoup enrichir le texte en fournissant un certain nombre de solutions empruntées aux travaux qui avaient été conduits au Sénat sous la houlette de nos collègues MM. Raffarin et Grignon.
L'amendement n° 212 rectifié ter, qui procède un peu du même esprit, s'intéresse aux agences de développement économique et aux comités d'expansion.
Il est vrai que, depuis les lois de décentralisation, les collectivités territoriales ont été amenées, pour travailler à l'amélioration de l'économie sur leur territoire, à créer ou à participer à la création, en général sous la forme associative, de comités d'expansion ou d'agences de développement économique.
Je rappellerai qu'elles sont aujourd'hui quelque cent vingt en France. Elles emploient environ mille deux cents salariés, dont huit cents cadres.
Je rappellerai également qu'elles ont des résultats intéressants, certes souvent difficiles à apprécier, mais intéressants et reconnus, de sorte qu'on vient maintenant d'autres pays européens voisins chez nous pour copier un certain nombre de systèmes français et les transposer.
Avec le temps, ces agences ont acquis de l'efficacité et du sérieux. C'est ainsi qu'aujourd'hui quinze d'entre elles ont la certification ISO 9002. Très souvent, elles sont reconnues, sur le terrain, par les pouvoirs publics.
J'en ai un exemple dans mon propre département où, en 1997, à partir des fonds déconcentrés pour l'emploi des jeunes, nous avons mis en place avec le préfet un dispositif de prêts d'honneur pour les jeunes créateurs d'entreprises de moins de vingt-six ans, prêts cofinancés par ce fonds d'Etat et par des fonds départementaux : c'est bien cette agence qui a été chargée d'instruire tous les dossiers.
Malheureusement, jusqu'à ce jour, ces structures n'ont pas obtenu de véritable reconnaissance juridique. A ce titre, la Cour des comptes a publié en novembre 1996 un intéressant rapport sur les interventions des collectivités territoriales en faveur des entreprises, qui relève bien que tout cela est relativement incohérent sur le plan juridique et peut donner lieu à nombre de difficultés et de contentieux. D'ailleurs, nos chambres régionales des comptes, lorsqu'elles sont amenées à aborder ces problèmes, livrent des interprétations souvent divergentes d'une région à l'autre. Tout cela n'est donc pas clair.
Devant l'inquiétude de tous les élus responsables de collectivités territoriales - et même de leur regroupement national au sein des agences de développement des comités d'expansion qu'est le comité national des économies régionales, le CNER, présidé, je vous le rappelle, par M. Martin Malvy - nous souhaitons préciser dans la loi les missions de ces comités, agences et associations, à l'instar des comités régionaux et départementaux de tourisme, comme cela a été fait dans la loi du 23 décembre 1992.
De même que nous venons d'adopter un article 34 bis qui reconnaît dans la loi les agences d'urbanisme, il me semble que nous pourrions utilement accepter cet amendement.
M. Philippe François. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Nous avons beaucoup parlé de développement économique pour vitaliser le territoire. Nous avons également évoqué, tout au long de ces journées, le problème de la sécurité juridique des élus locaux. Souvenez-vous à cet égard de la position que nous avons adoptée par rapport au groupement d'intérêt public, le GIP.
L'amendement n° 212 rectifié ter à reconnaître le rôle des comités d'expansion et des agences de développement économique. L'intervention de ces organismes est essentielle, mais elle n'est pas reconnue par le code général des collectivités territoriales.
Je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes paru en novembre 1996, dans lequel il est écrit : « l'Etat n'est fréquemment plus capable de dégager en face des crédits des fonds structurels européens qu'il doit mettre en oeuvre les contreparties nationales requises par le principe d'additionnalité. »
M. Charles Revet, rapporteur. Eh oui ! C'est ce qui se passe !
M. Gérard Larcher, rapporteur. « Celles-ci sont alors négociées auprès des collectivités territoriales. Un contrôle strict de la légalité priverait notre pays d'un certain nombre de financements communautaires. »
Cet amendement tend à inscrire dans le droit la notion de comité d'expansion et d'agence de développement économique. Il apporte donc la sécurité juridique indispensable aux développeurs locaux.
Il s'inscrit dans la démarche tendant à améliorer l'exercice des compétences des élus. Voilà qui répond à un souhait des élus, comme en témoignent les états généraux de la décentralisation. Cette démarche rejoint par ailleurs les préoccupations de nos collègues MM. Raffarin et Grignon et de leur groupe de travail « Nouvelle entreprise et territoire ».
C'est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° 212 rectifié ter . (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. M. Gruillot a dit l'essentiel. Le Gouvernement considère qu'il est opportun de reconnaître le rôle de plus en plus important que prennent les comités d'expansion et les agences de développement dans la mise en oeuvre des stratégies de développement économique des collectivités territoriales. L'assise législative sera en effet de nature à offrir une plus grande sécurité juridique et un cadre d'intervention officiel à ces organismes qui sont investis par les collectivités territoriales de missions essentielles dans la bataille de l'emploi.
Je n'éprouve donc aucune difficulté sur le fond et le Gouvernement est favorable à cet amendement, sous réserve de la levée d'un petit problème de codification.
Il semblerait que la codification de cet alinéa au sein du livre V du code général des collectivités territoriales ne soit pas idéale. Le livre V est en effet composé de deux titres relatifs, d'une part, aux aides aux entreprises et, d'autre part, aux sociétés d'économie mixte. Ce sont des textes très ciblés, qui conditionnent des financements ou qui décrivent les modalités de fonctionnement d'une société. Ce cadre n'est donc pas parfait.
Il y aurait lieu soit de créer un titre III dans le code général des collectivités territoriales, après les SEM, soit, le cas échéant, d'attendre la codification du droit des associations et fondations prévue par le programme annexé à la circulaire du 30 août 1996.
Vous l'avez compris, monsieur le sénateur, il s'agit là d'un problème mineur, et l'avis du Gouvernement est bien favorable sur le fond.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 212 rectifié ter.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je suis favorable à l'adoption de cet amendement qui reconnaîtra une réalité juridique plus forte aux comités d'expansion et aux agences de développement économique.
Ces structures, qui sont chargées de mobiliser les acteurs de terrain pour le développement économique, et ce à la demande des collectivités locales, sont souvent des opérateurs directs d'actions ciblées.
Je rappelle au Sénat et à Mme la ministre que d'autres organismes remplissent des missions similaires. Je pense par exemple aux comités de bassin d'emploi. Nés d'un décret de 1982, confirmés par un décret de 1992, ils ont toujours été appuyés par les différents gouvernements, notamment par les ministres du travail qui se sont succédé ces dernières années.
Je suis le responsable national de ces structures depuis 1990. J'ai donc pu constater que ce type de développement local faisait l'objet d'un réel intérêt par-delà les clivages politiques.
D'ailleurs plusieurs de nos collègues sont eux-mêmes à la tête de telles structures ou en sont les inspirateurs et y sont très impliqués.
C'est pourquoi je suggère que, si cet amendement était voté, il puisse être modifié en insérant la notion de comité de bassin d'emploi que je vais définir dans un instant. Si tel ne pouvait être le cas, je souhaite qu'un accord s'instaure avec le Sénat et en concertation avec Mme la ministre pour conférer une légitimité juridique plus forte de ces instructions dans un prochain texte.
Je n'insiste pas davantage sur ma demande pour éviter toute interférence ; en effet, ces comités de bassin d'emploi sont sous la tutelle de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, et je souhaite qu'elle puisse prendre la responsabilité de cette modification.
Mais il se trouve aussi que le réseau des comités de bassin d'emploi travaille quotidiennement avec le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement et avec la DATAR. Ces structures sont donc « à cheval » entre les deux ministères. C'est la raison pour laquelle j'interviens.
Ces structures ont une particularité : elles sont créées sur ce petit territoire à échelle humaine que nous appelons les uns et les autres un pays, le plus souvent sur l'initiative des collectivités locales, mais leur composition doit être tripartite, associant les élus, les socio-économiques, chefs d'entreprises et chambres consulaires, et les représentants des salariés chaque fois que c'est possible, et, ainsi que le secteur associatif si du moins il s'implique dans le développement local.
C'est une façon de faire vivre la démocratie participative. Il existe à l'heure actuelle sur l'ensemble du territoire national, environ 150 structures locales coiffées par un comité de liaison et mobilisant plusieurs milliers de bénévoles.
Voilà ce que je voulais ajouter à cette discussion, en me réjouissant que des structures de type associatif qui oeuvrent pour le développement économique territorialisé, fassent enfin l'objet d'un débat dans notre assemblée. J'attendais ce moment depuis à peu près une décennie, et il est heureux qu'il soit venu.
M. Philippe François. Tout vient à point pour qui sait attendre !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 212 rectifié ter, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34 bis.
Je rappelle que l'article 35 a été appelé en priorité après l'article 24.

Articles additionnels après l'article 35