Séance du 31 mars 1999







M. le président. Par amendement n° 193, M. Lassourd propose d'insérer, après l'article 26, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les zones du territoire qui réunissent deux des quatre critères suivants :
« - revenu net imposable par habitant inférieur à la moyenne nationale ;
« - taux de chômage supérieur à la moyenne nationale ;
« - niveau faible de développement économique ;
« - insuffisance du tissu industriel ou tertiaire, bénéficient par dérogation des dispositions fiscales prévues aux articles 1465, 1465 B, 1464 B, 44 sexies, 44 septies, 39 quaterdecies, au 10 de l'article 39 et aux articles 239 sexies D, 244 quater B, 697, 721 et 1383 A du code général des impôts.
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I est compensée par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du même code. »
La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Madame le ministre, il ne peut pas y avoir d'aménagement du territoire sans développement, si minime soit-il.
Or, dans notre pays, certains territoires sont sans infrastructure, sans tradition d'entreprise. S'ajoute à cette situation le fait qu'ils seront probablement exclus des futurs zonages de la prime d'aménagement du territoire, que l'on connaît officieusement. S'y ajoute également le fait qu'ils seront vraisemblablement exclus des futurs zonages européens, puisqu'ils seront en diminution par rapport à la situation précédente. Dès lors, que fait-on pour ces territoires ? Les laisse-t-on passer à côté de l'évolution ?
S'il n'y a pas de développement, comment aménager ces territoires ? Ils seront peut-être habités, mais n'auront pas de vie.
Je reviens à ce que dit souvent M. Revet : remettons l'homme au coeur de ce projet.
M. Charles Revet, rapporteur. Merci de le répéter !
M. Patrick Lassourd. Confortons les rares activités qui sont exercées dans ces territoires et favorisons-les. Ils ne doivent pas devenir le jardin public de nos concitoyens, notamment des Parisiens, lorsqu'ils sont en vacances. Ces territoires méritent mieux !
Quels critères doit-on retenir ? Je propose de recourir à ceux qui ont été retenus pour le zonage de la prime d'aménagement du territoire, à savoir le revenu net imposable par habitant, le taux de chômage, le développement économique insuffisant et une carence du tissu industriel ou tertiaire.
Aux termes de cet amendement, je propose que, lorsque deux au moins de ces quatre critères sont réunis, les territoires concernés bénéficient des dispositions fiscales prévues aux articles 1465 et suivants du code général des impôts, afin de favoriser l'implantation d'entreprises, si petites soient-elles. Certes, il s'agira de petites entreprises artisanales, mais elles créeront un peu de développement, et ainsi vous pourrez aménager le territoire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Cet amendement vise à étendre l'octroi d'exonérations fiscales prévues par la loi Pasqua-Hoeffel, notamment par le pacte de relance pour la ville, ou par d'autres textes législatifs, aux territoires qui réunissent deux critères sur quatre parmi les critères suivants : le revenu net imposable inférieur à la moyenne, le taux de chômage supérieur à la moyenne, le faible niveau de développement économique et l'insuffisance du tissu industriel ou tertiaire.
Je ne le cache pas, cet amendement soulève un problème de cohérence par rapport à l'application de l'article 42 de la loi du 4 février 1995 et pose un certain nombre de principes qui ont été largement débattus au sein de notre commission spéciale.
A la fin de notre débat, des mesures économiques vous seront présentées par M. Claude Belot. Elles résultent du travail de la commission spéciale, à partir des données du groupe de travail présidé par M. Jean-Pierre Raffarin et dont le rapporteur était M. Francis Grignon. Ces mesures ciblent une partie du territoire sur certains critères : la zone de revitalisation rurale, le territoire rural de développement prioritaire et la ZDRU, la zone dynamisation et de revitalisation urbaine.
Nous voyons dans le présent amendement le risque - nous avons évoqué ce point avec nos collègues - de ne pas cibler suffisamment, et donc de diluer ce qui doit être un élément de la redynamisation. A cet égard, je m'inspirerai du rapport de notre collègue M. Besse lors de l'examen du fascicule budgétaire sur l'aménagement du territoire. Il affirmait alors que la dilution des mesures enlevait toute pertinence et toute force à une politique d'aménagement du territoire.
Nous comprenons le bien-fondé d'un certain nombre de critères et les préoccupations auxquelles répond cet amendement. Cependant, pour des raisons de fond, nous considérons qu'il importe de disposer de leviers ciblés et forts sur des territoires bien définis. Aussi, nous ne pouvons qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. La disposition proposée vise à créer un nouveau zonage, sans simplifier les zonages existants, qu'il s'agisse des zonages définis à l'article 42 ou des autres zonages nationaux ou communautaires. La quasi-totalité du territoire national est couverte par plusieurs zonages. Les critères que vous avez proposés, monsieur le sénateur, sont d'ailleurs largement repris dans la définition de ces zonages préexistants. Je pense par exemple au travail que nous sommes en train de mener sur la prime d'aménagement du territoire et dans lequel le revenu net imposable par habitant et le taux de chômage sont évidemment pris en compte.
Le Gouvernement n'entend pas rendre plus complexe un dispositif qui est déjà confus et inefficace. Je note d'ailleurs que, lors du CIADT d'Auch, le précédent gouvernement avait décidé d'engager la simplification du dispositif. C'est un travail que nous avons prolongé et qui sera soumis à une concertation étroite avec les élus et les membres du Conseil national d'aménagement et de développement du territoire au cours des mois à venir.
Le Gouvernement entend conduire cette réforme d'ensemble dans un calendrier qui lui permettra d'assurer la cohérence et la complémentarité des différents instruments concernés, c'est-à-dire une fois que sera défini très précisément le règlement communautaire résultant des négociations de l'Agenda 2000 ; ces règles apparaissent aujourd'hui encore incertaines. Il nous faudra donc quelques semaines supplémentaires pour procéder à cette réforme d'ensemble. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Lassourd, l'amendement n° 193 est-il maintenu ?
M. Patrick Lassourd. J'ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur et de Mme la ministre. Je prends acte de la volonté du Gouvernement et du Sénat de cibler davantage les territoires fragiles et de mettre en place un système efficace et cohérent.
Je voudrais toutefois attirer votre attention sur deux points.
D'abord, les critères de définition des zones de revitalisation rurale ou des territoires ruraux de développement prioritaire étant assez sévères, le nombre de ces derniers est limité.
Ensuite, dans la plupart des cas, ces zonages ont été calqués sur les zonages européens. Dans la mesure où ceux-ci vont être réduits d'une façon très importante, il convient de déconnecter ces zones fragiles des futurs zonages européens. Sinon, seul un nombre très limité de territoires sera effectivement concerné.
Compte tenu des précisions qui m'ont été apportées, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 193 est retiré.
Par amendement n° 194 rectifié, MM. Cornu, Fournier, Lassourd et Taugourdeau proposent d'insérer, après l'article 26, un article additionnel ainsi rédigé :
« A l'occasion de la présentation du projet de loi de finances de l'année, un rapport est fait au Parlement sur le coût pour le budget de l'Etat des mesures d'exonération de taxes et de cotisations sociales existantes à l'intérieur des zones de revitalisation rurale et des zones prioritaires d'aménagement du territoire. »
La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier. En matière de « dépenses dites fiscales », il convient d'inciter le Gouvernement à déposer chaque année au Parlement un rapport détaillé sur ces « dépenses », sur le modèle du rapport sur le fonctionnement du FNADT transmis aux parlementaires.
Une telle disposition permettra de mesurer précisément l'efficacité pour le développement économique des zones prioritaires d'aménagement du territoire et le coût pour les finances publiques des dispositifs de zones d'exception fiscale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. L'amendement n° 194 rectifié tend à prévoir qu'une évaluation annuelle du coût des mesures d'exonération applicables, notamment celles que prévoit l'article 42, sera transmise au Parlement.
Naturellement, nous souhaitons que le Parlement soit informé. Mais, mon cher collègue, les dispositions de l'article 25 du projet de loi visant à modifier l'article 42 de la loi du 4 février 1995 semblent répondre à votre préoccupation dans la mesure où son paragraphe III prévoit une évaluation tous les trois ans des politiques mises en oeuvre dans le cadre de l'article 42.
J'ajoute que, mis à part un amendement qui sera examiné à la fin de cette discussion, la commission est assez réservée sur la multiplication des rapports, qui pourrait être source d'alourdissement. En outre, ces rapports, nous le savons, sont rarement rendus en temps et en heure.
M. Bernard Fournier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier. Compte tenu des explications fournies par notre excellent rapporteur, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 194 rectifié est retiré.
Par amendement n° 195, MM. Cornu, Fournier, Joyandet, Lassourd et Taugourdeau proposent d'insérer, après l'article 26, un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - Dans la première phrase de l'article 1465 du code général des impôts, après les mots : "d'informatique", insérer les mots : "et de services en matière de télétravail".
« II. - La perte des recettes pour l'Etat résultant du I est compensée par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du même code. »
La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier. Les mesures d'exemption de taxe professionnelle au bénéfice des activités industrielles, de recherche scientifique, d'études et d'ingénierie et, depuis l'an dernier, des activités artisanales s'implantant en zones de rénovation rurale, les ZRR, doivent être complétées par d'autres dispositifs en faveur de création d'activités économiques sur nos territoires.
Pourquoi ne pas étendre le bénéfice de ces exonérations à l'implantation d'activités liées aux nouvelles technologies de la communication, notamment aux entreprises de services en matière de télétravail, propres à développer leurs activités dans les territoires ruraux fragiles ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. La rédaction proposée vise à élargir les possibilités d'exonération de taxe professionnelle des entreprises de la part des collectivités locales en y incluant les services en matière de télétravail.
La commission émet un avis très favorable sur cet amendement, car la disposition proposée lui paraît particulièrement importante pour le territoire.
M. Charles Revet, rapporteur. Il est très bon !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Pour ma part, je ne peux accepter cet amendement, et ce pour plusieurs raisons. (Exclamations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Charles Revet, rapporteur. C'est dommage, parce qu'il est très bon !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. En effet, d'une part, les entreprises nouvelles qui viendraient à se créer dans les ZRR bénéficient déjà, actuellement, d'une possibilité d'exonération de la taxe professionnelle de deux ans.
D'autre part, les entreprises de services en matière de télétravail ne répondent à aucune définition juridique précise.
L'amendement n° 195 vise explicitement, me semble-t-il, les centres d'appel. Peut-être faudrait-il nommer ces derniers et, à ce moment-là, retenir éventuellement votre amendement ? Ou alors cet amendement est beaucoup plus large, et il se heurtera à la définition précise de l'objet auquel il s'intéresse.
Il sera particulièrement difficile pour une entreprise qui peut jouer de la localisation virtuelle de ses salariés de démontrer que l'ensemble de ses activités et de ses moyens d'exploitation sont implantés en zone éligible.
Le Gouvernement examine actuellement, notamment dans le cadre de la réforme de la politique d'aménagement du territoire, la possibilité d'intervenir au profit des centres d'appel. Il pourrait être envisagé d'étendre l'exonération de la taxe professionnelle. Toutefois, comme je vous l'ai déjà indiqué, ce dispositif s'inscrirait dans le cadre de la stratégie d'ensemble et de la réforme de la politique des zonages, dont je vous ai déjà dit quelques mots tout à l'heure.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 195, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 26.

Article 27