Séance du 25 mars 1999







M. le président. « Art. 14. - I. - L'intitulé de la section 3 du chapitre V du titre Ier de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée est ainsi rédigé : "Du schéma de services collectifs sanitaires". La division de cette section en deux sous-sections est supprimée.
« II. - L'article 17 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 17 . - Le schéma de services collectifs sanitaires a pour but d'assurer un égal accès en tout point du territoire à des soins de qualité, notamment en veillant au maintien des établissements de proximité. Il vise à promouvoir la continuité et la qualité des prises en charge en tenant compte des besoins de santé de la population, des conditions d'accès aux soins, des exigences de sécurité et d'efficacité.
« Il favorise la mise en réseau des établissements de santé assurant le service public hospitalier et le développement de la coopération entre les établissements publics et privés. Il vise également à améliorer la coordination des soins en développant la complémentarité entre la médecine préventive, la médecine hospitalière, la médecine de ville et la prise en charge médico-sociale.
« Le schéma de services collectifs sanitaires prend en compte les dispositions des schémas régionaux d'organisation sanitaire ainsi que des schémas nationaux et interrégionaux prévus aux articles L. 712-1 à L. 712-5 du code de la santé publique. »
Sur l'article, la parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Les services de santé doivent-ils faire l'objet d'un schéma national ? Ici, la majorité sénatoriale préfère adopter la notion de schéma directeur d'équipements et de services. Loin d'être neutre, cette modification induit une forte connotation « équipementière ». Pourtant, nous ne traitons pas d'urbanisme et nous ne sommes pas dans une logique dans laquelle la priorité est accordée à la multiplication des établissements. Le texte que nous examinons se situe plutôt dans une démarche d'amélioration et de modernisation des services aux usagers.
A l'Assemblée nationale, certains de nos collègues sont allés jusqu'à s'interroger sur la pertinence même d'un schéma sanitaire et ont émis des doutes quant à son élaboration. D'autres ont souhaité qu'il soit fondé sur les seuls schémas régionaux d'organisation sanitaire élaborés par des agences régionales de l'hospitalisation, sans d'ailleurs que cette élaboration présente toutes les garanties de transparence. C'est ainsi que, parfois, les responsables locaux ont des difficultés à percevoir la cohérence des décisions prises. Il est vrai que l'implication des pouvoirs locaux dans le champ de la santé est limitée.
Les maires président les conseils d'administration des hôpitaux, mais ils exercent leur responsabilité dans les cadres fixés par la tutelle.
Les observatoires régionaux de la santé, au financement desquels participent les régions, sont des partenaires essentiels de la politique de santé, mais ont des budgets encore trop restreints. Les discussions des projets de loi de financement de la sécurité sociale sont, pour nous, l'occasion de rappeler la nécessité de renforcer leurs moyens.
Jusqu'à présent, les conseils généraux avaient en charge l'aide médicale gratuite, mais nous savons que cette compétence va cesser avec l'instauration de la couverture maladie universelle, la CMU. Ils peuvent par ailleurs participer à certaines grandes campagnes, telles que celle qui est menée sur le dépistage des cancers.
Pour autant, les services de santé, leur qualité et leur proximité figurent parmi les premières attentes qu'expriment nos concitoyens à l'égard des pouvoirs publics. Leur mobilisation, dès lors qu'une restructuration est envisagée en est une démonstration éloquente, et les patients sont censés avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs, qu'ils soient cotisants ou non ; nous le verrons prochainement dans le cadre de nos débats sur la couverture maladie universelle.
Si l'on veut se référer à la définition qu'en donnel'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, l'accès aux soins ne peut qu'être considéré comme un élément parmi d'autres - dont le logement, l'emploi, l'éducation, l'environnement, le niveau et le mode de vie - pour demeurer en bonne santé. Pourtant, l'organisation des services de santé conditionne cet accès aux soins.
Les travaux de la Conférence nationale de santé, mise en place en 1996, et du Haut Comité de santé publique, instauré en 1991, ont permis de mettre l'accent sur les disparités flagrantes qui existent sur le territoire national ; la comparaison des situations du Pas-de-Calais ou de la Picardie et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est édifiante.
Les capacités d'accueil et de prise en charge des personnes âgées dépendantes sont une autre illustration de ces inégalités sur notre territoire.
On mesure donc bien toute la légitimité d'un schéma national de services collectifs sanitaires qui ne se limite pas à la simple addition de SROS, les schémas régionaux d'organisation sanitaire. La réduction de ces disparités ne peut s'envisager qu'à l'échelon national, qui est le seul niveau pertinent en mesure de les corriger. De plus, le schéma national s'inscrit dans une perspective à long terme, alors que les SROS ont une projection à cinq ans.
Enfin, il doit être un outil précieux pour mieux appréhender les différences régionales de certaines pathologies. Ainsi, on sait que le taux de maladies cardio-vasculaires est plus important que la moyenne nationale dans le Grand Est. On sait aussi que les problèmes d'alcoolisme sont, hélas ! plus fréquents dans le Nord et le Grand Ouest.
Le projet de loi précise que ce schéma doit assurer « l'égal accès en tout point du territoire à des soins de qualité ». La commission spéciale a souhaité insister sur la dimension correctrice de ce rôle.
Ce débat est l'occasion, pour nous, d'aborder la question sensible du sort des établissements de proximité. Ceux-ci sont souvent repérés comme étant au coeur des choix qui sont effectués en matière de politique de santé. Ainsi, nos concitoyens redoutent de les voir remis en question, en particulier dans les régions confrontées à des difficultés d'accès.
Mais, dans le même temps, ils expriment avec force leurs exigences en matière de sécurité sanitaire, qui parfois, nous le savons tous, se heurtent à la réalité de l'activité de ces établissements.
Ceux-ci sont également des maillons essentiels des nouvelles stratégies qui se mettent en place en termes de complémentarité, de mise en réseaux des acteurs de santé. Ces démarches relativement récentes mobilisent déjà un grand nombre de partenaires et les collectivités locales y sont particulièrement attentives.
Ces réseaux doivent permettre une prise en charge coordonnée et globale de certaines pathologies en y intégrant toutes les données du contexte, je pense en particulier aux réseaux qui se constituent autour des problèmes d'alcoolisme. Je souhaiterais profiter de notre débat, madame la ministre, pour insister sur la nécessité de franchir une nouvelle étape afin de ne pas en rester au stade des expérimentations ; ces dernières doivent faire l'objet d'une évaluation précise et bénéficier très rapidement du soutien et des moyens nécessaires à leur pérennisation.
Par ailleurs, ces stratégies peuvent faire appel à de nouvelles technologies de communication afin de mieux diffuser le partage des connaissances.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jacques Bellanger. Je conclus, monsieur le président.
En outre, la commission spéciale, par les amendements qu'elle a déposés sur l'article 14, a souhaité davantage marquer l'ancrage du schéma national dans le territoire régional. Si l'on peut partager cette préoccupation, rien ne justifie en revanche la suppression de la consultation du comité national de l'organisation sanitaire. Cet amendement de suppression peut même être perçu comme négatif à l'égard de la démarche qu'entend favoriser le schéma national mais elle s'inscrit parfaitement dans la logique des propositions présentées par la commission sur cet article.
M. le président. Par amendement n° 45, MM. Larcher, Belot et Revet, au nom de la commission spéciale, proposent de rédiger comme suit l'article 14 :
« I. - L'intitulé de la section 3 du chapitre V du titre Ier de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée est ainsi rédigé : "Du schéma directeur d'équipements et de services sanitaires". La division de cette section en deux sous-sections est supprimée.
« II. - L'article 17 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 17. - Le schéma directeur d'équipements et de services sanitaires a pour but d'assurer un égal accès en tout point du territoire à des soins de qualité. Il vise à corriger les inégalités intra et interrégionales en matière d'offre de soins et à promouvoir la continuité et la qualité des prises en charge en tenant compte des besoins de santé de la population, des conditions d'accès aux soins et des exigences de sécurité et d'efficacité. Il veille au maintien des établissements de proximité.
« Il est établi dans le respect du principe d'équilibre financier de la sécurité sociale.
« Il favorise la mise en réseau des établissements de santé, assurant le service public hospitalier et le développement de la coopération entre les établissements publics et privés. Il vise également à améliorer la coordination des soins en développant la complémentarité entre la médecine préventive, la médecine hospitalière, la médecine de ville et la prise en charge médico-sociale.
« Le schéma directeur d'équipements et de services sanitaires est construit sur la base de documents élaborés par les agences régionales d'hospitalisation après avis des conseils régionaux et des comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale. Il est cohérent avec les schémas régionaux d'organisation sanitaire et les schémas nationaux et interrégionaux prévus aux articles L. 712-1 à L. 712-5 du code de la santé publique. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements.
Le sous-amendement n° 283, présenté par M. Le Cam, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tend à supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par le II de l'amendement n° 45 pour l'article 17 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995.
Le sous-amendement n° 322 rectifié, présenté par MM. Joyandet, Bizet, de Broissia, Delevoye, Fournier, Hérisson, Hugot, Joly, Laffitte, Lassourd, Oudin, Rausch, Taugourdeau, Trégouët et Vasselle vise, avant le dernier alinéa du II du texte proposé par l'amendement n° 45, à insérer un nouvel alinéa rédigé comme suit :
« Il favorise l'usage des nouvelles technologies de l'information dans les structures hospitalières de façon à permettre le développement de la télémédecine et à assurer un égal accès aux soins sur l'ensemble du territoire. »
La parole est à M. Larcher, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 45.
M. Gérard Larcher, rapporteur. On aurait pu s'interroger sur la pertinence de ce schéma. En effet, en 1996, dans une loi d'habilitation portant ordonnance sur la réforme notamment de l'hospitalisation, nous avons introduit une double volonté : d'une part, induire la qualité, répartir mieux sur le territoire - c'est la procédure de rééquilibrage financier et la qualité des établissements sanitaires - et, d'autre part, maîtriser les dépenses. On voit d'ailleurs la traduction de cette maîtrise des dépenses dans les Données sociales de la société française de l'INSEE, qui ont été publiées la semaine dernière.
L'amendement n° 45 vise à une nouvelle rédaction relative au schéma de services collectifs sanitaires. Il propose l'intitulé suivant : « Schéma directeur d'équipements et de services sanitaires ».
Le mot « équipements » vise à bien montrer la nécessité de s'équiper en ce domaine. Il suffit d'ailleurs d'entendre les demandes émanant des parlementaires siégeant sur toutes les travées des deux assemblées pour constater l'existence de besoins en équipement en certains points du territoire. Les sollicitations pour le fonds d'intervention et de modernisation des hôpitaux prouvent d'ailleurs bien la nécessité de ces équipements.
Quant aux mots : « de services », ils tendent à montrer qu'il faut mieux utiliser, valoriser ce qui existe déjà : toute la mise en réseau, toutes les complémentarités engagées entre les établissements, qu'ils soient sanitaires ou sociaux, entre les établissements publics et privés, entre la médecine de ville et l'ensemble des établissements hospitaliers. Voilà une bonne utilisation du concept de services.
L'amendement n° 45 tend à conserver les principes énoncés dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, notamment s'agissant des établissements de proximité. Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais le rapporteur de la commission spéciale a quelques préoccupations hospitalières de temps en temps ! Proximité doit rimer avec qualité. On ne peut pas, au nom de la proximité, proposer à nos concitoyens une qualité de soins par trop différente. On ne peut pas accepter que, dans le secteur néonatal par exemple, les chances de survie d'un enfant né après une grossesse difficile soient moins élevées dans certaines parties du territoire. Il nous faut donc conjuguer qualité et proximité.
Au-delà des textes, nous savons bien que, dans les prochaines années, les hôpitaux seront confrontés à un déficit en gynécologues obstétriciens,...
M. Emmanuel Hamel. En réanimateurs !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... en cardiologues, en anesthésistes-réanimateurs et en chirurgiens, notamment dans le service public hospitalier.
Le vrai défi de l'aménagement du territoire sera de créer les conditions d'une discrimination positive pour que des praticiens ne se regroupent pas uniquement autour des métropoles et des CHU et acceptent d'aller s'installer à La Mure, par exemple.
M. François Trucy. Bravo !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Le vrai problème de l'équipement et du service sanitaire, demain, sera d'une nature différente de ce que l'on peut imaginer dans ce texte : ce sera la capacité de trouver les diplômés également répartis sur le territoire pour apporter leurs compétences d'une manière égale, égalitaire, au sens républicain du terme, à l'ensemble de la population vivant en France
Voilà l'enjeu, mes chers collègues, des dix années à venir. Et pardonnez-moi de laisser parler un instant le président de la Fédération hospitalière de France que je suis. En effet, la crise a déjà commencé dans certaines parties du territoire. Et si, par extraordinaire, nous nous privions, demain, des compétences des médecins étrangers, la crise serait alors encore plus aiguë dans un certain nombre d'établissements, aussi bien publics que privés. Je pense notamment aux gardes qu'il faut assurer et à une qualité de services que ces médecins apportent.
Mes chers collègues, s'agissant des établissements de proximité, nous avons rétabli le principe de réalité en réaffirmant la nécessité de l'équilibre financier. On ne peut en effet se voiler la face ! D'ailleurs, M. Jospin, comme M. Juppé auparavant, a cette préoccupation de l'équilibre financier et des comptes de la santé. Et je ne vois guère de différences entre les propositions qui nous ont été faites respectivement d'octobre à novembre 1996 et d'octobre à novembre 1998. Le gommer en douce dans une loi d'orientation pour se faire plaisir, c'est contraire au principe de vérité qui s'affirme lors de la discussion du projet de loi portant financement de la sécurité sociale.
Mes chers collègues, la commission a donc voulu rappeler ce principe d'équilibre financier de la sécurité sociale, qui est d'ailleurs énoncé à l'article 34 de la Constitution. Agissant ainsi, la commission ne veut pas que les réalités constitutionnelles soient ignorées pour un plaisir transitoire.
Toutefois, monsieur Bellanger, cet amendement prévoit que le schéma directeur est construit sur la base de documents élaborés par les ARH, les agences régionales de l'hospitalisation.
L'un des grands progrès de la réforme de 1996 est d'avoir mis sous la même tête, le directeur de l'agence - n'en déplaise à M. Johanet qui fait ses déclarations dans son coin et qui annonce moins 30 milliards de francs sans prendre en compte les réalités hospitalières - l'Etat et les caisses. Je souhaite d'ailleurs que cette agence devienne, demain, l'agence régionale de santé, ce qui permettrait de rendre fongibles les différentes enveloppes et de nous épargner de vrais-faux débats à propos de l'hospitalisation et de la médecine de ville.
Cette précision permet, monsieur Bellanger, d'harmoniser le schéma directeur et les SROS, car nous avons connu trop d'incohérences, et sous tous les gouvernements, en matière de politique de santé, notamment de politique hospitalière.
Tel est le sens, mes chers collègues, de cet amendement. Vous voyez que, sur le fond, la commission spéciale a eu pour préoccupation d'assurer l'égalité des soins sur le territoire et d'établir un schéma d'équipements et de services qui constitue non pas une satisfaction transitoire obtenue au détour d'un texte, mais bien une réponse sanitaire de qualité sur l'ensemble du territoire, dans une perspective à vingt ans.
En effet, mes chers collègues, ne vous y trompez pas : la disparition d'un centre hospitalier, le départ de personnes compétentes sonnent souvent le glas d'un territoire où nous souhaitons réimplanter des populations nouvelles,...
M. Charles Revet, rapporteur. Exactement !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... des cadres, des jeunes, lesquels se montrent exigeants sur ce plan, en termes tout autant de qualité que de proximité.
Voilà pourquoi il nous paraît essentiel de mettre en place ce schéma directeur d'équipements et de services sanitaires, en votant notre amendement dans les termes où nous l'avons rédigé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Ça, c'est un rapporteur !
M. Charles Revet, rapporteur. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Le Cam, pour présenter le sous-amendement n° 283.
M. Gérard Le Cam. Ce sous-amendement vise à supprimer la référence à l'équilibre financier de la sécurité sociale.
La majorité de l'Assemblée nationale avait, à juste titre, conclu qu'une telle mention n'avait pas sa place parmi les objectifs du schéma de services collectifs sanitaires définis pour vingt ans.
Si une correction des inégalités interrégionales et intrarégionales dans l'offre de soins est un objectif louable que nous partageons, elle ne peut cependant s'opérer à « enveloppe constante », comme le suggère notre collègue Gérard Larcher.
Nous refusons, pour notre part, de souscrire à la fausse alternative entre maîtrise des dépenses de santé et relèvement des cotisations sociales des salariés.
Il convient de tenir compte en priorité des besoins des populations sans cesse en évolution pour adapter l'offre sanitaire à la demande exprimée, et non l'inverse.
C'est du reste l'objectif affiché par le premier alinéa du texte proposé par cet amendement pour l'article 17 de la loi du 4 février 1995, selon lequel il est nécessaire « d'assurer un égal accès en tout point du territoire à des soins de qualité » en veillant « au maintien des établissements de proximité ».
Or, contrairement à ce que l'on cherche à nous faire croire depuis de nombreuses années, notre pays ne dispose pas de trop d'équipements hospitaliers ; l'inégalité devant la maladie est aujourd'hui un constat que personne ne peut nier, et le moins que l'on puisse dire est que la prise en charge des soins n'est plus assurée de façon équitable.
S'il est nécessaire, par ailleurs, que le schéma national tienne compte, dans sa disposition, des différents schémas régionaux d'organisation sanitaire en vue d'assurer une cohérence nationale et interrégionale des choix en matière de services sanitaires, le souci exprimé par la commission spéciale de calquer, en quelque sorte, le schéma de services sur les SROS, pour qu'il soit donc géré à enveloppe fixe, ne peut qu'annihiler les ambitions de ce projet de loi, dans la mesure où, si je puis m'exprimer ainsi « le ménage est déjà fait » dans nos régions par les SROS et par les ARH !
Enfin, chaque année, le Parlement a l'occasion de s'exprimer lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur l'équilibre des dépenses et des recettes de notre système de santé. Inscrire ad vitam aeternam ce sacro-saint principe d'équilibre financier ne peut qu'entraver les droits du Parlement à juger de l'évolution de l'offre des soins par rapport aux besoins importants restant à satisfaire.
M. le président. La parole est à M. Joyandet, pour défendre le sous-amendement n° 322 rectifié.
M. Alain Joyandet. M. Gérard Larcher a évoqué tout à l'heure la disparition d'hôpitaux dans un certain nombre de régions. La communication entre les différents établissements est très importante. La loi Fillon a permis de développer certaines expériences dans les structures hospitalières, notamment dans les zones rurales. Les nouvelles technologies, et notamment les transmissions numériques à haut débit, pourraient à mon avis se révéler intéressantes en termes d'aménagement du territoire, en maintenant un certain nombre de petites structures en réseaux autour de centres beaucoup plus performants. Le sous-amendement n° 322 rectifié vise donc à permettre à toutes ces petites structures un libre et égal accès aux réseaux à haut débit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 283 et 322 rectifié ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. S'agissant du sous-amendement n° 283, je voudrais donner lecture d'un alinéa de l'article 34 de la Constitution : « Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »
La commission émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement pour les motifs qui ont déjà été indiqués.
Tout à l'heure, j'évoquais les nouvelles technologies comme constituant simplement un moyen. Néanmoins, la commission est favorable au sous-amendement n° 322 rectifié. En effet, il nous paraît important que le schéma « favorise l'usage des nouvelles technologies de l'information dans les structures hospitalières de façon à permettre le développement de la télémédecine et à assurer un égal accès aux soins sur l'ensemble du territoire. »
Nous pensons qu'il y a là un enrichissement du texte. La télémédecine participe du même esprit que le développement du télétravail, d'Internet, de l'enseignement à distance. Et dans le cadre de la réalisation de réseaux, de complémentarités, la télémédecine est essentielle pour permettre à des équipes d'éclairer la décision sur le territoire.
Certes, ici ou là, un certain nombre de médecins n'aiment guère avoir recours à la télémédecine - nous avons d'ailleurs débattu de ce point en commission spéciale - cette pratique reposant sur la notion d'équipe et d'échange ; c'est là un problème culturel.
Néanmoins, la proposition que nous font les auteurs du sous-amendement n° 322 rectifié ne peut que recevoir un avis très favorable de la commission spéciale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 45 et sur les sous-amendements n°s 283 et 322 rectifié ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Pour faire court, je dirai sur l'amendement n° 45 que, sous réserve d'un ajout et de ma désormais traditionnelle réserve sur la dénomination du schéma...
M. Gérard Larcher, rapporteur. Oui !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... j'émets un avis favorable sur ce texte.
Je propose d'ajouter, dans le premier alinéa du texte présenté pour l'article 17 de la loi du 4 février 1995, après les mots : « Il veille au maintien des établissements », les mots : « et des services ».
M. Gérard Larcher, rapporteur. Tout à fait !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je voudrais ici faire état - et ce sera peut-être à peine hors sujet par rapport à la discussion générale - de mon insatisfaction persistante quant à la rédaction de cet article relatif au schéma des services sanitaires.
En effet, nous nous en sommes tenus pour l'essentiel, me semble-t-il, à un schéma des services hospitaliers ; il ne s'agit donc pas vraiment d'un schéma des services sanitaires. La dimension de prévention, les autres acteurs de la santé, tels la médecine scolaire, la médecine du travail, tous les intervenants locaux, départementaux, les bureaux d'hygiène, notamment, n'ont pas été pris en compte. La définition de ce schéma permet-elle, par exemple, de localiser les hélicoptères de secours d'urgence ? Ce n'est pas sûr. Il faudrait pourtant prendre en compte ce point.
La prise en compte de l'alcoolisme et des autres toxicomanies, le traitement de la douleur, les enjeux liés à la petite enfance et le développement de tous ces services qui ne sont pas hospitaliers et qui ne sont pas traités par les soins, comme, par exemple - vous avez sans doute lu les mêmes articles de presse que moi - le développement de services de dentisterie itinérants ou le renouveau des sages-femmes pour permettre un meilleur suivi des grossesses à risques, me paraissent également insuffisamment pris en compte dans notre approche.
Cela dit, ce schéma sera très largement, dans un premier temps, un service des soins, notamment hospitaliers ; et peut-être, dans l'avenir, serons-nous amenés à l'enrichir pour tenir compte des évolutions, des pratiques médicales, des attentes de la population et de la montée en puissance des préoccupations liées à la prévention, notamment aux rapports entre la qualité de l'environnement au sens large et les perspectives en matière de santé.
Par ailleurs, j'appuie l'argumentaire de M. Joyandet concernant les nouvelles technologies de l'information et de la communication. L'aide au travail tant des généralistes que des spécialistes ou des acteurs locaux de santé peut être majeure grâce à la mobilisation de ces nouvelles technologies et à la possibilité de consulter en temps réel des spécialistes dans les grands centres universitaires, par exemple. L'échange d'expériences, la mise en commun des initiatives seront facilités par la diffusion de ces techniques.
J'émets donc un avis favorable sur ce sous-amendement.
S'agissant de la mention du principe de l'équilibre financier de la sécurité sociale, dont M. Le Cam demande la suppression, je tiendrai les mêmes propos qu'à l'Assemblée nationale : ce principe a valeur constitutionnelle ; il s'impose à toutes les lois et il n'est pas certain qu'il soit nécessaire de le rappeler en toute occasion, notamment dans une loi sur l'aménagement du territoire. Je m'en remettrai donc à l'interprétation et à la sagesse de la Haute Assemblée.
Je crains simplement que l'interprétation stricte de ce principe ne nous conduise à relativiser fortement le vigoureux plaidoyer de M. Larcher sur les petits établissements. En effet, je ne crois pas que l'attractivité de ces postes pour les jeunes médecins soit le seul problème : il ne faut pas seulement un gynécologue à La Mure, mais aussi des équipements d'échographie perfectionnés ; il ne faut pas seulement un anesthésiste, mais aussi des équipements de réanimation et une salle de réveil. Le problème change donc d'ampleur et nous aurons à faire des choix, à hiérarchiser nos priorités. Tel est bien tout l'enjeu de ce schéma.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Larcher, rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Monsieur le président, j'accepte de rectifier l'amendement n° 45 afin d'ajouter, après les mots : « Il veille au maintien des établissements », les mots : « et des services de proximité ». Je remercie Mme le ministre de son apport à la rédaction de cet amendement et de son avis favorable.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Larcher, Belot et Revet, au nom de la commission spéciale, et tendant à rédiger comme suit l'article 14 :
« I. - L'intitulé de la section 3 du chapitre V du titre Ier de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée est ainsi rédigé : "Du schéma directeur d'équipements et de services sanitaires". La division de cette section en deux sous-sections est supprimée.
« II. - L'article 17 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art.17. - Le schéma directeur d'équipements et de services sanitaires a pour but d'assurer un égal accès en tout point du territoire à des soins de qualité. Il vise à corriger les inégalités intra et interrégionales en matière d'offre de soins et à promouvoir la continuité et la qualité des prises en charge en tenant compte des besoins de santé de la population, des conditions d'accès aux soins et des exigences de sécurité et d'efficacité. Il veille au maintien des établissements et des services de proximité.
« Il est établi dans le respect du principe d'équilibre financier de la sécurité sociale.
« Il favorise la mise en réseau des établissements de santé, assurant le service public hospitalier et le développement de la coopération entre les établissements publics et privés. Il vise également à améliorer la coordination des soins en développant la complémentarité entre la médecine préventive, la médecine hospitalière, la médecine de ville et la prise en charge médico-sociale.
« Le schéma directeur d'équipements et de services sanitaires est construit sur la base de documents élaborés par les agences régionales d'hospitalisation après avis des conseils régionaux et des comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale. Il est cohérent avec les schémas régionaux d'organisation sanitaire et les schémas nationaux et interrégionaux prévus aux articles L. 712-1 à L. 712-5 du code de la santé publique. »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Vous avez parlé, madame le ministre, de la médecine préventive. Cet aspect figure dans notre texte, le rapport avec la médecine de ville est bien mentionné !
D'autre part, dans le cadre des SROS, vous avez parlé du positionnement des hélicoptères. Le plan SAU, relatif aux services d'accueil des urgences, est intégré aux SROS de deuxième génération et désigne les établissements qui vont assumer la mission d'urgence de proximité, laquelle prévoit la localisation de l'ensemble des moyens routiers, aériens et humains au service d'une population. Un SAU sans hommes, ce n'est rien ! Un hélicoptère sans les médecins qui vont soigner le blessé ou le malade et l'équipe qui va l'accueillir, ce n'est rien !
M. le président. Et un hélicoptère sans pilote, ce n'est rien non plus ! (Sourires.)
M. Gérard Larcher, rapporteur. Le SAU, suivant les conclusions du rapport Steg, est maintenant positionné sur le territoire. Dans les mois qui viennent, nous aurons un vrai schéma. D'où l'intérêt de reprendre les schémas des SROS en liaison avec les agences régionales de l'hospitalisation, pour avoir un vrai schéma coordonné de services sanitaires !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 283, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 322 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 45 rectifié.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Nous avions deux réserves à formuler à l'encontre de cet amendement.
Nous maintenons la première, qui intéresse la dénomination du schéma : c'est une constante depuis le début, nous sommes en désaccord sur cette rédaction.
La seconde de nos réserves a été totalement satisfaite par l'adjonction par M. le rapporteur du mot « services », sur l'initiative de Mme la ministre.
Quant à la mention selon laquelle le schéma est établi dans le respect du principe de l'équilibre financier de la sécurité sociale, je considère qu'elle est nécessaire. J'ai suffisamment dénoncé ce que j'appelle des démocraties virtuelles pour avoir le courage d'accepter des principes qui ne sont pas toujours évidents pour l'opinion publique.
Nous voterons donc cet amendement.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur l'amendement n° 45 rectifié, je me limiterai à relever ce que j'avais souligné devant la commission spéciale, plus particulièrement au sujet de l'alinéa qui a fait l'objet d'un amendement de suppression de la part du groupe communiste républicain et citoyen et qui dispose : « Il est établi dans le respect du principe d'équilibre financier de la sécurité sociale. »
Je relève, madame la ministre, que vous vous en êtes remise à la sagesse du Sénat sur cet amendement, ce qui m'apparaît totalement contradictoire avec les propositions du Gouvernement. Cette phrase apparaissait en effet dans le texte initial, donc dans votre texte. Cela signifie que vous acceptez, au terme des débats, de vous placer en contradiction avec vous-même en donnant un accord à un amendement d'origine communiste. Telle est la première remarque que je voulais formuler.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. C'est à cela que servent les débats !
M. Alain Vasselle. Je ferai une seconde remarque.
Je rejoins le souci de M. le rapporteur de veiller au maintien des établissements de proximité. Je partage également l'objectif du respect du principe d'équilibre financier de la sécurité sociale. Mais je ne suis pas persuadé que la mise en réseau des établissements de santé, qui est un préalable indispensable - car c'est par la mise en réseau des établissements de santé publique mais également par le développement d'une coopération entre les établissements de santé publics et privés que nous parviendrons à contenir les dépenses de santé, notamment hospitalières - sera suffisante pour maintenir dans le même temps à un bon niveau de qualité les établissements de santé de proximité.
Il est cependant un point sur lequel je rejoins les observations de Mme la ministre : il ne suffit pas, c'est vrai, de rendre attractifs les postes en province, encore faut-il que les établissements de proximité soient dotés des moyens et équipements suffisants pour assurer la sécurité d'intervention des praticiens hospitaliers. Or cela aura un coût, qu'il faudra bien payer ! Il faut donc en tenir compte dans une volonté politique d'aménagement du territoire.
Il faut que nous le sachions dès à présent, nous devons tendre vers ces objectifs. Mais, pour cela, il faudra peut-être, à un moment donné, après redéploiement, développer des moyens supplémentaires pour arriver à cet équilibre. Il est peut-être trop tôt pour y procéder et j'entends bien qu'il faut d'abord passer par l'exercice que vous nous proposez. Mais il faudra certainement, à une étape du processus, faire le point après le travail qui aura été réalisé par les agences régionales pour savoir où nous en sommes et, à ce moment-là, dégager les moyens supplémentaires que cela nécessitera si besoin est.
Cela étant, bien entendu, je voterai l'amendement n° 45 rectifié.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Larcher, rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Juste un mot pour dire que tout cela existe dans les dispositions en vigueur depuis 1993, au travers du rééquilibrage entre les régions. L'Ile-de-France le vit difficilement, car il n'est pas évident de comprimer des budgets dont une proportion de 80 % est liée à la masse salariale, mais un rééquilibrage est engagé depuis 1997.
M. François Gerbaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Je voterai, naturellement, l'amendement n° 45 rectifié, parce qu'on ne peut pas imaginer un aménagement du territoire si l'on n'offre pas l'égalité des chances en matière de santé à ceux qui sont appelés à vivre sur ce territoire.
Nous subissons, actuellement, un certain nombre de distorsions. Ainsi, pour prendre un exemple précis, il est plus facile de se rendre dans un CHU par l'autoroute. C'est ainsi que les habitants du département de l'Indre préfèrent se rendre à Limoges parce qu'il y a une autoroute !
Nous avons besoin d'hôpitaux de proximité effectivement dotés des outils de sécurité nécessaires. En effet, nous assistons actuellement, en France, à une sorte de déviation à l'américaine : c'est tout juste si, aujourd'hui, le patient n'entre pas dans la salle d'opération en ayant préalablement choisi un avocat ! Cette forme de prolongement des comportements américains nous place dans une situation presqu'aussi délicate que celle que nous connaissons dans le domaine diplomatique... (Sourires.) Mais c'est un autre sujet.
Quoi qu'il en soit, il est tout à fait nécessaire de maintenir les hôpitaux de proximité, de les doter de matériels et de praticiens garantissant une sécurité optimale. C'est aussi l'un des éléments de l'égalité des chances nécessaire à une véritable politique d'aménagement du territoire !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 45 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 14 est ainsi rédigé.

Article 15